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4.2 Sources de données

4.2.3 Terrain 2 : Les communautés de la Baie-James

4.2.3.1 Questionnaires

Le questionnaire (annexe 1) est au cœur des données de cette étude. Il comporte des questions qui touchent l’ensemble des objectifs. L’utilisation du questionnaire est appropriée dans ce contexte, car cette étude vise à obtenir des données précises sur les savoirs locaux de la population.689 La majorité des questions était de type fermé, demandant aux participants de sélectionner une réponse selon une échelle. Cependant, des questions ouvertes étaient aussi incluses, permettant aux participants de préciser leurs réponses. Un prétest du questionnaire a été effectué avant de l’administrer aux membres de l’ATC. Ce prétest a été fait auprès de cinq

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(5) personnes travaillant au sein de l’ATC. Les questionnaires étaient en anglais, langue comprise par la majorité des membres de la communauté. Les questions étaient définies en se basant sur les données recueillies lors du premier terrain et de la recension de la littérature. Les questionnaires étaient divisés en six (6) sections.

La première section servait à recueillir des données de base sur le participant, dont l’âge, le sexe et le village d’appartenance. Ces données ont été utilisées à des fins de classification. Tout au long du questionnaire, les participants étaient invités à comparer leurs observations présentes avec leurs souvenirs en tant que jeunes adultes (16 ans).

La deuxième section comportait des questions d’ordre général sur le climat (par ex. : les précipitations de neige, la formation de glace et la température) et était en lien avec le premier objectif de cette recherche (voir section 4.1.1), soit d’identifier les répercussions des changements climatiques sur les phénomènes météorologiques et les conditions climatiques saisonnières telles que perçues par les membres des communautés cries de la Baie-James. Cette section était composée de questions fermées (9 questions).

La troisième section portait sur la bernache du Canada. Elle visait à identifier si les Cris percevaient des changements dans les populations de bernaches du Canada et en identifier des causes sous-jacentes. En conséquence, ces questions portaient sur l’écologie, la biologie et la biogéographie de l’animal, par exemple : la période d’arrivée, la période de départ, l’habitat et les caractéristiques morphologiques de l’animal. Cette section incluait également des questions ouvertes pour permettre au participant de décrire les observations qu’il avait faites (5 questions fermées, 2 questions ouvertes).

La quatrième section couvrait les observations des Cris sur le caribou des bois. Tout comme la section sur la bernache du Canada, ces questions portaient sur l’écologie, la biologie et la biogéographie de l’animal, par exemple : la taille, l’abondance et l’habitat de l’animal. Elle était composée de trois questions fermées et d’une question ouverte pour permettre au participant d’élaborer ses réponses.

La cinquième section comportait des questions sur les habitudes de vie, de chasse et d’alimentation du participant. Cette section était composée de deux volets : ses habitudes actuelles et celles de son passé. Les deux volets étaient divisés en trois (3) sous-sections : les habitudes en général, les habitudes face à la bernache du Canada, les habitudes face au caribou des bois. Les questions étaient majoritairement fermées (22 questions), mais il y avait aussi des questions ouvertes (4 questions). Les sections 3, 4 et 5 visaient à répondre aux deuxième et troisième objectifs de cette étude, soit d’identifier comment la pratique des activités traditionnelles liées à la bernache du Canada (objectif 2) et au caribou des bois (objectif 3) est modifiée suite aux changements climatiques.

La sixième section demandait au participant de comparer les habitudes de vie et de chasse de sa génération avec celles des générations suivantes. Elle était composée de huit (8) questions ouvertes, six (6) sous-questions ouvertes et de quatre (4) questions fermées (questions I à XII). Tout comme la cinquième section, elle incluait des questions d’ordre général, des questions axées sur la bernache du Canada et des questions sur le caribou des bois. Cette section se concentrait donc sur le quatrième objectif de cette recherche, soit d’identifier la présence et la nature de la variation intergénérationnelle quant au savoir et aux traditions en lien avec la bernache du Canada et le caribou des bois et comment cette variation est perçue par les membres des communautés cries.

Les participants furent sélectionnés selon un échantillonnage à l’aveuglette parmi les membres (homme ou femme) de l’ATC âgés de plus de 30 ans. Cette méthode non probabiliste est la plus propice au territoire choisi, mais comporte quelques limites. Comme l’expliquent Gumuchian et Marois (2000), pour cette méthode d’échantillonnage, « l’enquêteur choisit ses répondants sur les lieux de l’enquête et cette sélection se poursuit jusqu’à la taille de l’échantillon prévue. »690 Ce type d’échantillonnage a été retenu à cause des limites imposées par la période estivale et des caractéristiques de la population à l’étude (voir section 4.2.5). « L’échantillonnage à l’aveuglette est très proche de l’échantillonnage commode, mais fait intervenir un peu plus le hasard dans la constitution en multipliant et en diversifiant les occasions de rencontre fortuites et en s’efforçant de ne pas sélectionner systématiquement toute les unités d’un endroit ou d’un moment qui satisfont aux critères d’inclusion et d’exclusion. »691 La méthode de l’échantillonnage à l’aveuglette était donc celle qui était la plus efficace vu les conditions du terrain et le type de recherche. La distribution des questionnaires s’est faite dans des lieux publics des quatre villages visités (par ex. : devant le magasin général d’Eastmain, devant les bureaux de l’ATC à Mistissini et Nemaska, dans l’aréna de Waswanipi). À chaque personne approchée, nous avons expliqué qui nous étions et l’objectif de cette recherche avant d’obtenir son consentement préalable. Nous nous sommes aussi assurés qu’ils étaient membres de l’ATC avant de leur donner un questionnaire. Certains des participants ont rempli les questionnaires sur place, d’autres ont préféré les remplir à leur domicile. Dans le cas où la personne préférait répondre au questionnaire à un moment ultérieur, il leur était précisé qu’ils pouvaient les retourner à différents endroits, dont les bureaux de l’ATC (une entente à cet effet ayant été prise avec le personnel).

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GUMUCHIAN, MAROIS, op.cit., p.269 691

SCHERRER. B., Biostatistique, Volume 1, 2e

Édition, Gaëtan Morin Éditeur, Canada : 2007, p.88

Le questionnaire étant relativement long (5 pages), une limite de 100 questionnaires à distribuer parmi les 6146 membres de l’ATC a été retenue. De ce nombre, 30 questionnaires ont été retournés, ce qui représente 0,49 % des membres adultes de l’ATC en 2010. Cette étude a donc du composer avec un échantillon de petite taille. Ayant choisi d’entreprendre une recherche qualitative avec une méthode d’échantillonnage non-probabiliste, il est impossible d’identifier un coefficient de validité pour cet échantillon. Cependant, de par la nature de cette recherche et de l’approche ethnoécologique privilégiée, la taille de l’échantillon nous permet d’identifier les tendances larges qui se dégagent des résultats.692,693,694,695

Les participants avaient le choix de répondre au questionnaire sous forme écrite ou orale. Conséquemment, 28 participants ont répondu aux questionnaires sous forme écrite et deux (2) sous forme orale. Les questionnaires étaient distribués de manière égale aux hommes et aux femmes, cependant la majorité des femmes a refusé de répondre au questionnaire en préférant le donner à des membres masculins de leur famille. Ainsi, 27 questionnaires ont été remplis par des hommes, deux (2) par des femmes et un (1) sans réponse à la question sur le sexe. Ce refus de participer de la part des femmes est lié au fait que, traditionnellement dans la société crie de la Baie-James, le rôle de l’homme est de chasser et celui de la femme est de préparer le gibier. Cette habitude perdure encore de nos jours. En conséquence la majorité des femmes ne chasse pas.

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SMALL. M.L., ‘How Many Cases Do I Need?’ On Science and the Logic of Case Selection

in Field-Based Research, Ethnography, Vol.10, No.1: 2009, pp.5-38.

693

WILLIAMS. M., Interpretivism and Generalisation, Sociology, Vol.34, No.2: 2000, pp.209- 224.

694

SANDELOWSKI. M., Sample Size in Qualitative Research, Research in Nursing & Health, Vol.18: 1995, pp.179-183.

695

GEERTZ. C., Thick Description: Towards an Interpretive Theory of Culture, [In] GEERTZ. C. (Ed.), The Interpretation of Cultures: Selected Essays, Basic Books, New York, U.S.A.: 1973, pp.3-30.

Elles ne se considèrent pas aptes à répondre à des questions sur la chasse. Les hommes qui ne chassaient pas ont également refusé de répondre au questionnaire. « I can’t answer that, I am too old to hunt. I don’t know anymore. »696 Les deux femmes qui ont répondu aux questionnaires étaient des chasseuses. Elles représentent une minorité de femmes qui participent aux activités traditionnellement réalisées par les hommes. Les perceptions et observations des femmes cries peuvent présenter un point de vue intéressant des effets des changements climatiques.697 Mais, pour obtenir leur participation, il est nécessaire d’utiliser des outils qui les interpellent et qui font référence directement à leurs connaissances.698,699,700 Ceci n’étant pas possible avec les questionnaires en lien avec la chasse de cette étude, il a été suggéré au coordonnateur des projets spéciaux que cet aspect soit intégré dans la nouvelle phase du projet de recherche sur les changements climatiques entrepris par l’ATC.

L’analyse des questions fermées était simple, ne demandant que de compiler le nombre de réponses données pour chaque option. Pour les questions ouvertes (par ex. : question 13.1, annexe 1), une approche thématique inductive a été utilisée. Dans un premier temps, l’ensemble des réponses a été revu pour faire ressortir une liste de codes applicables. Une fois la liste de codes déterminée, elle a été testée et amendée sur un petit nombre de questionnaires, puis appliquée à

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Communication personnelle avec M. E., août 2010.

« Je ne peux pas répondre, je suis trop vieux pour chasser. Je ne suis plus au courant. » 697

DESBIENS. C., Step Lightly, Then Move Forward: Exploring Feminist Directions for

Northern Research, The Canadian Geographer, vol.54, No.4: 2010, pp.410-416.

698

DESBIENS. C., Speaking the Land: Exploring Women’s Historical Geographies in Northern

Québec, The Canadian Geographer, Vol.51, No.3: 2007, pp.360-372.

699

KENNY. C., A Holistic Framework for Aboriginal Policy Research, Status of Women Canada, Canada: 2004.

700

OHMAGARI. K., BERKES. F., Transmission of Indigenous Knowledge and Bush Skills

Among the Western James Bay Cree Women of Subarctic Canada, Human Ecology, Vol.25,

l’ensemble de l’échantillon. Ceci a été fait manuellement. Après avoir codé les questions ouvertes, l’ensemble des données des questionnaires a été intégré dans le logiciel SPSS® pour traitement.

Les données des questionnaires ont été comparées entre elles (tous villages confondus) pour dégager des variations selon le groupe d’âge des participants. Les répondants aux questionnaires avaient tous plus de 30 ans (tableau III). Ils étaient appelés à comparer les situations actuelles (par ex. : le climat, le nombre de bernaches tuées) avec les situations par le passé (c.-à-d. : à l’âge de 16 ans). Étant donné que l’âge réel des participants était connu, la définition d’un âge de comparaison permettait de facilement faire la référence dans le temps. L’âge de 16 ans a été retenu pour deux raisons. Premièrement, cela leur donnait un point précis de comparaison et nous permettait de le situer dans le temps lors de l’analyse des données. Deuxièmement, les souvenirs à l’âge de 16 ans sont plus précis que ceux qui remontent à l’enfance et sont souvent associés à des événements charnières (par ex. : obtention du permis de conduire, fin du parcours scolaire) ce qui facilite leur récollection.701,702 Pour faciliter le traitement des données et pour permettre une meilleure comparaison des changements dans le temps, les âges ont été groupés en tranches de dix (10) ans. Parmi les 30 questionnaires, neuf (9) ont été complétés par des participants âgés de 30 à 39 ans, huit (8) par des 40 à 49 ans, neuf (9) par des 50 à 59 ans et quatre (4) par des plus de 60 ans.

Les données ont aussi été séparées selon la localisation de la communauté pour permettre une comparaison entre les villages situés le long de la côte, soit

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GHETTI. S., ANGELINI. L., The Development of Recollection and Familiarity in Childhood

and Adolescence: Evidence From the Dual-Process Signal Detection Model, Child

Development, Vol.79, No.2: 2008, pp.339-358. 702

CZERNOCHOWSKI. D. et al., Age-related Differences in Familiarity and Recollection: ERP

Evidence From a Recognition Memory Study in Children and Young Adults, Cognitive,

Chisasibi (1 participant), Eastmain (13 participants), Waskaganish (3 participants), Wemindji (2 participants) et Whapmagoostui (2 participants), et les villages situés à l’intérieur du territoire de la Baie-James, soit Mistissini (6 participants), Nemaska (2 participants) et Waswanipi (1 participant) (carte 3). Malgré le fait que des questionnaires ont été distribués à des membres de la communauté d’Oujé- Bougoumou, il n’y a eu aucun retour de questionnaires de leur part. Les questionnaires ont été remplis par 21 participants provenant des communautés situées le long de la côte et par neuf (9) participants provenant de communautés situées à l’intérieur du territoire. Aucune comparaison nord-sud n’a été faite pour les résultats obtenus, car les lignes de trappe de chaque village peuvent s’étendre largement vers le nord (par ex. : certaines lignes de trappe de la communauté de Mistissini sont situées le long de la Transtaïga). Ainsi de diviser les participants selon la localisation de leur communauté aurait pu fausser les résultats. Lors de l’analyse des données, les réponses obtenues à chaque question ont été comparées selon le groupe d’âge et la localisation est-ouest de la communauté du répondant ; permettant de voir si des variations se dégageaient dans le temps ou dans l’espace.

30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60+ ans TOTAL

Villages intérieurs 1 1 3 4 9 Homme 0 1 3 4 8 Femme 1 0 0 0 1 Villages côtiers 8 7 6 0 21 Homme 7 7 5 0 19 Femme 0 0 1 0 1 Pas de réponse 1 0 0 0 1 TOTAL 9 8 9 4 30