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Partie I : Problématisation et état des lieux relatif aux questions de l’enseignement au

2. Etat des lieux sur les questions d’enseignement au Mozambique

2.4. La question de la formation des enseignants de Français Langue Étrangère

Parmi plusieurs cursus, l’université pédagogique forme des étudiants dans l’enseignement en FLE (français langue étrangère) afin qu’ils deviennent des enseignants de langue française de sorte à accomplir les objectifs du ministère de l’éducation, raison pour laquelle, dans quelques délégations comme Maputo, Beira, Nampula et Quelimane, une préparation psychopédagogique en FLE est offerte aux étudiants afin de répondre aux besoins de formation de la population mozambicaine. L’objectif de cette formation se borne à ce que dit (Bizarro, 2014, p. 43), « l’enseignant de LE va alors jouer un rôle déterminant dans le processus d’enseignement et apprentissage. C’est à lui d’aider les apprenants de tous niveaux d’enseignement, de tous contextes d’apprentissage à acquérir / développer non seulement leur

compétence linguistique, mais aussi leur compétence interculturelle » (Conseil de l’Europe, 2008), tout en comprenant que toute culture est une « construction », marquée par le Temps et par le Contexte. C’est à lui encore de faire en sorte que l’apprenant considère les gens appartenant à d’autres cultures comme des êtres humains qui ont eux aussi des valeurs et des attitudes à prendre en compte, et que plus on se rapproche de l’Autre, mieux préparé on devient pour s’auto-analyser, s’interroger, se comprendre, évoluer. Comme le souligne Martine Pretceille, « La démarche interculturelle (…) met (…) l’accent sur les processus et les interactions qui unissent et définissent les individus et les groupes les uns par rapport aux autres. Il ne s’agit pas de s’arrêter sur les caractéristiques auto-attribuées ou hétéro-attribuées des autres, mais d’opérer, dans le même temps un retour sur soi. ». (Abdallah- Pretceille, 2006, p. 78).

Cette formation est donc vue comme une solution face aux besoins langagiers de la jeune population mozambicaine déjà insérée dans l’internationalisation ou mondialisation. Ainsi, comme nous venons de l’analyser, l’apprentissage d’une deuxième langue nous amène à nous immiscer dans la culture de la langue cible. Cela ne veut pourtant pas dire qu’il faut oublier celle qui nous appartient et nous identifie, au contraire, il faut apprendre à nous placer du point de vue de ces deux cultures afin de mieux les appréhender. Sachons encore que, dans la réalité du contexte mozambicain, une classe de langue est souvent composée par des individus de diverses origines sociales, linguistiques et culturelles. Nous sommes donc dans une situation de multiculturalisme à l’intérieur même d’une classe de langue dont l’objectif est encore d’acquérir les subtilités culturelles de la langue d’apprentissage. Les enseignants de FLE sont formés à l’université pédagogique pendant quatre ans. La dernière année comprend un stage de huit semaines dans une école secondaire locale. Une formation basée sur la littérature, la phonétique, la linguistique et la civilisation française, est censée permettre au futur enseignant d’avoir le niveau minimum de compétences pour communiquer à l’écrit et à l’oral en langue française. L’une des questions que nous soulevons est donc liée aux caractéristiques des futurs enseignants du FLE au Mozambique.

Pour bien comprendre la question de la formation des enseignants, nous pensons qu’il est important d’analyser la question identitaire de ces enseignants. Pour ce fait, Guillot nous apprend que

« la question de l'identité professionnelle de l'enseignant se pose en des termes et dans un contexte qui ont changé au cours des dernières décennies. L'évolution de la demande sociale, l'ouverture accrue de l'Ecole sur le monde extérieur, les réformes ministérielles et la nouvelle donne institutionnelle, la construction européenne, la mondialisation économique et en partie culturelle, sont

autant de facteurs qui ont contribué et contribuent à modifier et complexifier l'image et le rôle de l'enseignant dans notre société. » (Guillot, 2002, p.1)

Guillot poursuit son analyse en expliquant que pour tenir sa ligne de médiation l’enseignant doit articuler deux exigences de sa profession : l'exigence didactique et l'exigence pédagogique. Son devoir didactique consiste à organiser le corpus programmatique des savoirs et savoir-faire à transmettre en respectant et en faisant converger deux types de logique : la logique architectonique des savoirs de référence et les logiques d'apprentissage des élèves. Vulgariser sans trahison et faire apprendre par l'action, tel est son défi permanent. Sa mission pédagogique, au sein de laquelle l'exigence précédente prend sens, est d'organiser des conditions facilitatrices des apprentissages des élèves, dans leur diversité accrue, tant au plan des modalités de travail mises en œuvre qu'à celui de la relation avec le groupe et avec chacun/e dans ce groupe. Si l'exigence didactique confisque l'exigence pédagogique, alors le risque encouru est d'exposer les élèves à une rationalisation et à un technicisme étroit qui confèrent à la progression des apprentissages prévus le primat sur la progressivité des apprentissages vécus. L'horloge du temps didactique manquerait de latitude(s). Si à l'inverse le souci pédagogique subordonne le souci didactique au culte du relationnel et du spontanéisme, alors le risque est de transformer l'enseignement en animation (qui a tout son sens dans un autre contexte) et de subsumer les lentes médiations des efforts d'apprentissage sous l'attrait d'une immédiateté créative incantatoire. La boussole pédagogique perdrait le nord selon Guillot (2002).

D’après Abdallah-Pretceille (2003) la formation des enseignants axée essentiellement sur une formation disciplinaire académique, sur la didactique et la pédagogie se heurte à une complexification de plus en plus forte du tissu social. Chercher à répondre par plus de didactique, plus de pédagogie présente le risque d’engager la formation dans un processus inflationniste qui ne permettra pas de répondre aux exigences du polymorphisme culturel actuel. Les questionnements presque rituels sur l’adéquation entre l’école et la société s’attardent surtout sur l’évolution économique et technologique. Le martèlement sur la nécessité d’introduire les technologies de l’information et de communication à l’école est une illustration. Par contre les mutations culturelles restent ignorées dans l’analyse et sont vécues essentiellement sur le registre des difficultés et du drame. Conçue essentiellement comme une formation à l’enseignement selon une perspective fonctionnelle, la formation des enseignants ne prend pas assez compte le fait que l’enseignant est aussi un acteur social et qu’il est, ou devrait être, engagé dans un temps et un lieu qu’il comprend et maîtrise, au moins

intellectuellement. En effet, nul ne peut prétendre former des élèves à s’engager et à participer à un monde qu’il ne comprend pas lui-même. Formé à n’être qu’un technicien du savoir et de la pédagogie, l’enseignant est dans l’incapacité d’assumer véritablement sa fonction puisqu’il travaille dans un monde qu’il ne comprend plus voire auquel il n’adhère plus. Abdallah- Pretceille poursuit en disant ignorer les enjeux de l’avenir tout en tenant des propos incantatoires et nostalgiques sur un passé élevé au rang de mythe ne peut servir de cadre à l’éducation et à la formation des générations futures. Il s’agit de prendre en compte non seulement l’enseignant, le formateur, l’acte d’enseignement et de formation, mais aussi l’individu engagé dans un acte social, d’éducation et de formation. L’émergence puis la reconnaissance de la pluralité culturelle fait rebondir la formation des enseignants sur la question de la prise en compte de leur personnalité sociale et citoyenne au-delà de leur personnalité strictement professionnelle. Les réponses formulées pour faire face à la violence, au racisme, à l’exclusion sont des exemples de cette manière de traiter les problèmes par incantations successives qui relèvent plus de l’exorcisme social sans prise directe sur la réalité. Il importe à l’enseignant, comme à tout éducateur d’ailleurs, non seulement de maîtriser sa discipline et son enseignement, mais aussi de savoir s’orienter dans des situations complexes, contradictoires et parfois conflictuelles. Dans cette perspective, l’objectif de la formation ne sera pas tant d’emmagasiner des savoirs et des données informatives que de proposer des démarches interrogatives, de favoriser la compréhension des mécanismes psychosociaux et anthropologiques qui accompagnent les mutations culturelles actuelles. De même qu’aucun enseignant ne peut ignorer le système philosophique sous-tendu de sa pratique, il ne peut nier non plus la dimension culturelle qui forge et renforce en retour le système éducatif. Ainsi, l’enseignant est invité à apprendre à se situer culturellement, à objectiver ses choix et ses références.

Joubier (2008) aborde la question de l’enseignement des langues à l’école et affirme que l’apprentissage des langues étrangères dépendra principalement de la pertinence et richesse de la démarche pédagogique qu’on proposera à l’élève. Cependant, cette démarche, au niveau de sa mise en œuvre, reste de toute manière très éloignée de l’efficacité des procédures d’acquisition de la langue maternelle et même de la langue seconde. La langue étrangère relève d’un mystère pour l’élève. C’est pourquoi il est nécessaire de ménager des transitions, plus exactement des espaces potentiels habités par des objets transitionnels destinés à être rejetés et oubliés lorsque la distance qui sépare le sujet du réel aura été, au moins en partie, comblée. Ces objets sont constitués dans le processus d’apprentissage par les

outils pédagogiques, les exercices, les activités de classe, les comportements de l’enseignant. Ainsi, la planification pédagogique n’est pas simplement représentation de l’objet mais également processus transitionnel, mouvement vers, qui doit transformer l’abstraction extériorisée de la connaissance en intériorité vivante. C’est à ce point que la problématique didactique rencontre les questions de la modélisation non seulement cognitive mais aussi fictionnelle et ludique. Enseigner une langue va donc demander la mise en place d’un dispositif didactique adéquat qui permette d’organiser la rencontre, dans des conditions spécifiques d’où l’on veut enseigner cette langue et quelles sont les caractéristiques de ces apprenants.

Guillot (2002) nous présente une analyse intéressante par rapport à la question de l’enseignant des langues. Selon lui, nous pouvons penser que les divers contextes sociopolitiques donnent naissance à des visions didactiques aussi différentes et que les espaces géolinguistiques, en partageant une langue - et la culture qui l'anime - en viennent à partager certaines notions de l'enseignement et de l'apprentissage de cette langue; on peut croire également, à l'inverse, que le mouvement d'homogénéisation vers une langue et une culture planétaires porté par la mondialisation des échanges et des sociétés tendrait à effacer les particularismes didactiques qu'auraient traditionnellement favorisé les espaces géopolitiques et les espaces géolinguistiques. Inversement, on peut postuler que la didactique peut être une discipline d'intervention qui vise à former des personnes attentives aux rapports sociolinguistiques qui leur sont immédiats, tout comme à ceux des contextes mondiaux.