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Partie II : Cadre Théorique de référence

1. Les questions culturelles dans l’enseignement des langues

2.5. Plurilinguisme et multiculturalisme dans le contexte européen

Pour Abdallah-Pretceille (1999, p. 28), à la question de savoir comment l’école doit s’adapter à cette évolution plurielle, les réponses diffèrent selon le pays et selon les époques. Le courant multiculturel ancré sur le plan social et politique est aussi fortement enraciné dans le monde scolaire. L’éducation multiculturelle est une tentative de contrôle par les états de la dynamique culturelle et d’adaptation des systèmes d’enseignements aux besoins des différents groupes culturels. L’expression « multiculturelle » recouvre cependant différents acceptions : cela va de la simple interrogation par les enseignants, afin de connaître les coutumes et les traditions des familles dont l’origine est différente, à la prise en compte des différences ethniques, sexuelles dans et par l’école ainsi qu’à la création d’écoles ethniques. De nombreuses formations liant études ethniques et éducation multiculturelle sont dispensées dans les universités américaines. La formation concerne autant les connaissances que les attitudes.

Escudé et Janin (2010, p. 16) sur la reconnaissance du plurilinguisme et le changement de la didactique des langues affirment que l’édification des états nations s’est appuyée sur des systèmes éducatifs qui ont eu tendance à traiter chaque langue comme un objet pur, et qu’à ce titre il ne fallait en aucun cas mélanger avec les autres. Cette conception à amener à concevoir les langues étrangères comme des objets de savoir à acquérir par les apprenants hors de toute relation avec leurs langues maternelles ou avec d’autres langues que l’on connaissait déjà, avec le danger d’inhibition et d’inefficacité qu’en résulte. Contre cette tendance, le Conseil de L’Europe, dans le cadre du CECR qui devient l’axe central des politiques éducatives de nombreux pays, va privilégier un enseignement à une dimension plurielle. Dans cette optique, une des priorités fondamentales de l’enseignement des langues va bien évidement devenir la normalisation et la didactisation du contact des langues. L’avancée didactique qu’offre l’intercompréhension est l’une des plus prometteuses, parce que fondée sur un

décloisonnement de l’apprentissage, une prise en compte de la continuité des familles de langues, et dans un saut méthodologique supplémentaire, du décloisonnement des familles elles-mêmes. Elle ajoute à cette visée d’ordre linguistique des stratégies d’ordre culturel. L’intercompréhension prend en effet les familles de langues comme point de départ de sa réflexion sur l’apprentissage et fonde sa didactique sur le continuum qu’elles constituent. A partir de sa langue l’apprenant va aller vers la compréhension des langues qui lui sont apparentées. Il utilisera pour ce faire les transparences lexicales et syntaxiques, ainsi que toute une série de traits communs à la famille, la diversité de chacun n’étant autre que la déclinaison singulière de traits communs. À ces stratégies linguistiques d’accès aux langues de la même famille s’ajoutent des références culturelles qui aussi tendront à s’unifier. L’intercompréhension va tirer également parti des ressemblances culturelles : le message émis dans la langue étrangère sera contextualisé selon les codes connus, non linguistiques, qui offriront une autre entrée exploitable ders la compréhension. Les stratégies de la compréhension vont se baser sur les transferts et sur les similitudes linguistiques et culturelles qui apparaissent également dans d’autres familles des langues. Nous pourrions (peut-être) nous demander si les langues africaines à l’origine bantu auront-elles de leur côté un rôle dans le contexte de l’intercompréhension ? Il faut donc nous rappeler que le contact permanent de ces langues durant la période coloniale a forcément fait évoluer ces langues qui ont aujourd’hui un vocabulaire et des structures issus des langues européennes. C’est bien pourquoi Escudé et Janin disent que la question de l’intercompréhension s’inscrit dans une option éducative plus large, celle de l’éducation au plurilinguisme constitué et de même que la construction d’un vrai bilinguisme n’est pas la construction de deux monolinguismes étanches, l’intercompréhension force l’objectivation des rapports de langues entre elles : ponts, comparaisons, transferts, retours vers la langue source, essais par diverses langues cibles. Dans le cas du FLE dans le contexte mozambicain, l’enseignement se fonde naturellement sur l’intégration des langues multiples avec la langue cible, le français. Nous sommes forcement dans un cadre d’intercompréhension où l’enseignant devrait reconnaître les compétences en langues des apprenants qui n’apprennent pas à lire ou à écrire, mais à lire et écrire en français, ce qui est radicalement différent. L’enseignant de FLE transfère sur la matrice des comportements langagiers déjà élaborés des performances en une nouvelle langue. Ces performances réalisent, valident et consolident des compétences acquises ailleurs. Escudé et Janin (2010)

Colonna, Becetti et Blanchet (2013) affirment que penser à la diversité linguistique dans un paradigme interprétatif est important. Les débats sur les façons de considérer des phénomènes linguistiques est à la frontière d’autres problématiques, toutes aussi centrales, qui touchent à la posture des chercheurs et, plus profondément, aux rapports entre chercheurs et le monde des observables; l’approche monolingue, héritière d’un positivisme qui a longtemps été hégémonique dans l’histoire de la linguistique et de ses projets politiques, a eu des conséquences lourdes, notamment celles liées à la standardisation, l’homogénéisation et la stabilisation des hétérogénéités sociolinguistiques et leur érection en unique étalon emblématique de l’identité-nation. La prise en compte de la pluralité linguistique et culturelle et de ses « diverses diversités » amène à les reconnaître comme fondamentalement anthropolinguistiques, inscrites dans la logique « constante glottogenèse toujours à l’œuvre » Marcellesi cité par Colonna, Becetti et Blanchet (2013) et dans celle des dynamiques sociales qui ne cessent de se reconfigurer et de se reproduire en générant des formes diverses d’interactions sociales, de communication, de besoins etc. Ces auteurs demandent une attention spéciale à la question du plurilinguisme et le justifie en disant que « une attitude

favorable au (x) plurilinguisme(s), émergent(s) ou déjà ambiant(s), serait plaine de complaisance angélique et serai, toute aussi dogmatique. Si les langues ont toutes scientifiquement et humainement la même valeur, elles ne sont pas égales socialement et politiquement. Ainsi, certaines formes de domination et d’inégalités sociales exploitant les langues de façon machiavélique peuvent être dissimulées ou enrobées sous la coloration d’u (pseudo) plurilinguisme. » Pour Colonna, le plurilinguisme européen est caractérisé

essentiellement à travers deux notions. D’une part, celle d’éducation plurilingue : il s’agit de développer des connaissances, favoriser la tolérance envers l’autre, fonder la citoyenneté européenne, à travers une dimension cognitive, qualitative et quantitative de l’offre scolaire. D’autre part, celle de répertoire plurilingue : il s’agit de développer une compétence communicative à travers un répertoire composé de plusieurs langues maîtrisées à différents niveaux avec plusieurs types de compétences. Ce répertoire est considéré comme dynamique et évolutif. Ces différentes conceptions du plurilinguisme, aussi louables ne font pas toujours apparaitre, ou partiellement, la future organisation sociale des langues, leur place respective dans la société et la concurrence qu’elles sont susceptibles de se livrer. La réalité nos amène plutôt à un « plurilinguisme consensuel » comme nous pouvons voir dans l’extrait présenté par Colonna, Becetti et Blanchet (2013 p. 146) du Conseil de L’Europe : « l’Europe est un

continent multilingue et toutes ses langues ont la même valeur en tant que moyens de communication et d’expression d’une identité. »

Georges Ludi sous la direction de Candelier et all (2008) affirme qu’en Europe nous assistons à une véritable revalorisation du plurilinguisme. Pour une partie grandissante des spécialistes, mais aussi des citoyens, le plurilinguisme des nations, des régions, des institutions et des individus constituant un emblème identitaire, une composante essentielle de la culture mais aussi une valeur économique qu’il vaut la peine maintenir. Il faut remarquer malgré tout cet effort que « les lois du marché tendent à favoriser l’emploi d’un très petit nombre de langues grâce auxquelles on atteint un maximum de personnes » (Ludi 2008, p.18).