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2. Processus de compréhension de la métaphore

3.2. Cartographie cérébrale des processus de traitement et de compréhension de la métaphore

3.2.2. Quelle participation de l’hémisphère droit ?

La question de l’implication de l’hémisphère droit dans le traitement des métaphores nouvelles reste ouverte à discussion. Précisons d’ailleurs que certains auteurs ont tenté de répondre à la question d’une spécialisation de l’hémisphère droit dans le traitement des métaphores (e.g. Lee & Dapretto, 2006) alors que d’autres ont essayé de mettre en évidence les facteurs pouvant entraîner la participation de l’hémisphère droit dans le traitement des métaphores (Lai et al., 2015). Indépendamment de ces aspects, les données de la littérature sur la question de l’implication de l’hémisphère droit dans le traitement des métaphores manquent de consensus.

En effet, certaines études n’ont pas mis en évidence une participation ou une spécialisation hémisphérique droite dans le traitement de métaphores nouvelles. Par exemple, Mashal et al. (2009) ont observé uniquement l’activation de régions temporales gauches lors du traitement d’énoncés métaphoriques mixtes (« Nous avons éteint la lumière de nos intentions »). De même, Rapp et al. (2004) ont observé un réseau fronto-temporal gauche pour le traitement de métaphores nominales nouvelles mais aucune activation de régions droites. Toutefois, suggérant qu’une tâche de valence (signification positive vs négative) est susceptible d’entraîner une asymétrie hémisphérique due au traitement du contenu émotionnel, Rapp et al. (2007) ont testé la différence de latéralisation des régions fronto-temporales en fonction des tâches, plus particulièrement une tâche de valence et une tâche de décision sémantique (signification métaphorique vs littérale). Les résultats de leur étude n’ont montré aucune différence significative dans les régions cérébrales cernées (régions frontales, temporales, hippocampe et précuneus) ni en fonction de la figurativité (énoncés métaphoriques vs littéraux) ni en fonction de la tâche (valence vs décision sémantique).

Parmi les études qui ont mis en évidence des activations cérébrales droites dans le traitement des métaphores, nous trouvons celle de Yang, Edens, Simpson et Krawczyk (2009). Ces derniers ont obtenu une plus grande activation de régions situées dans l’hémisphère droit pour des métaphores nominales nouvelles comparées à des énoncés littéraux dans une tâche d’imagerie et de valence. Ils ont également retrouvé une plus grande participation de l’hémisphère droit pour des énoncés « redondants » (« Elle est une femme ») plus difficiles à traiter dans ces mêmes tâches de valence et d’imagerie. Dans l’ensemble, les résultats de cette étude suggèrent que l’hémisphère droit est plus sensible au facteur de difficulté de traitement des expressions qu’au facteur de figurativité ou aux variations de tâches. Notons cependant que les activations obtenues se situaient dans les régions postérieures pour la tâche d’imagerie et

antérieures pour la tâche de valence, soulignant la possibilité d’une spécificité des régions cérébrales selon la nature des items (i.e. une plus grande activation frontale droite pour les énoncés redondants) et la nature de la tâche (i.e. de plus grandes activations postérieures pour la tâche d’imagerie et antérieures pour la tâche de valence).

Le GFI est la région droite la plus rapportée dans la compréhension des métaphores. Il a effectivement été montré que le GFI droit était sensible à certaines des caractéristiques des métaphores nouvelles, telle que la nouveauté et la figurativité (Diaz et al., 2011). De plus, cette même région a été observée comme également sensible à l’effet du contexte lors du traitement de métaphores et d’énoncés littéraux, tout comme le pôle temporal droit et le cortex préfrontal médian (Diaz & Hogstrom, 2011). Enfin, l’étude de Prat et al. (2012) a montré que des régions de l’hémisphère droit étaient également différemment sollicitées en fonction des capacités cognitives impliquées dans le traitement du langage. Dans leur étude, des énoncés nominaux (« Elle disait de lui : "C’est un prince" ») étaient présentés dans trois contextes différents, respectant un gradient de difficulté de traitement : neutre (« Elle a rencontré son mari au lycée »), littéral (« Tout le monde était excité à l’idée du sang royal de son mari »), orientant vers une interprétation métaphorique (« Son mari anticipait tous ces besoins ») ou vers une interprétation ironique avec un contexte contrasté (« Son mari ne l’aidait jamais dans la maison »). Des évaluations des capacités linguistiques (stock de vocabulaire) et de mémoire de travail (empan de lecture) des participants ont également été réalisées. Une corrélation entre ces capacités cognitives et les activations cérébrales propres à chaque condition a montré que les individus présentant de moins bonnes capacités sollicitaient de manière plus importante des régions fronto-temporales droites. Plus précisément, une corrélation négative entre les scores obtenus au test de vocabulaire et l’activité du GFI droit a été observée dans les contextes neutre et contrasté. Ce même GFI droit a été observé activé pour la condition orientant vers une interprétation métaphorique, en plus de régions frontales gauches et temporo-pariétales droites. Les corrélations avec les capacités en mémoire de travail ont mis en évidences des activations plus ciblées et localisées au niveau du cortex cingulaire et des régions occipitales gauches. Cette étude montre que de faibles capacités de vocabulaire se traduisent par une participation de l’hémisphère droit, notamment au niveau de régions homologues au réseau fronto-temporal gauche impliqué classiquement dans le langage. Les auteurs interprètent ce résultat par un phénomène de compensation de ressources cognitives, expliquée par un effet nommé « spillover27 » (Prat, Mason, & Just, 2011). D’après ces auteurs, l’hémisphère droit servirait de

réserve de ressources cognitives dans le traitement du langage. Il serait moins compétent et moins spécialisé que l’hémisphère gauche pour traiter du langage et ne serait sollicité que lorsque le traitement de stimuli linguistiques dépasserait les capacités traitement de l’hémisphère gauche. Cette hypothèse est cohérente avec l’idée que les métaphores nouvelles requièrent les mêmes processus de compréhension que le langage littéral mais aussi de plus grandes ressources, en raison de certaines caractéristiques telles que leur nouveauté ou leur difficulté de traitement.

L’activation du GFI droit parfois rapportée dans les études sur la métaphore nouvelle est cohérente avec les résultats de la méta-analyse de Rapp et al. (2012) qui a rapporté une activation robuste de cette région dans le langage non littéral (expressions idiomatiques, métaphores et ironies) et plus particulièrement pour les métaphores et les expressions nouvelles. Ce résultat est en partie discuté selon la théorie du codage distant (Jung-Beeman, 2005) qui rejoint dans une certaine mesure l’idée d’une compensation par l’hémisphère droit. En effet, cette théorie stipule un rôle spécifique pour les régions temporales postérieures, frontales et temporales antérieures dans le traitement sémantique (respectivement activation, sélection, et intégration sémantique). De plus, elle suppose une participation bilatérale de ces régions avec la spécificité suivante : l’hémisphère gauche traiterait du codage sémantique fin alors que l’hémisphère droit traiterait du codage sémantique distant. D’autres hypothèses et modèles permettent de rendre compte de la cartographie cérébrale du traitement des métaphores nouvelles. Par exemple, Bambini et al. (2011) proposent trois composantes associées à certaines régions cérébrales. La première composante correspondrait à un module de traitement conceptuel et pragmatique basé dans le gyrus frontal bilatéral et le gyrus angulaire gauche ; le gyrus frontal serait responsable de l’intégration de représentations lexicales et des connaissances générales en rapport au contexte alors que le gyrus angulaire jouerait un rôle dans des processus sémantiques et conceptuels de haut niveau telles la construction et l’intégration de la signification métaphorique au contexte. La deuxième composante serait attentionnelle et ses bases cérébrales seraient situées au niveau des régions préfrontales et cingulaires antérieures. Elle permettrait la sélection de significations pertinentes par rapport au contexte. Enfin, la troisième composante permettrait l’inférence des intentions d’autrui (TdE) et solliciterait le sillon temporal supérieur droit.

Résumé

Malgré une hétérogénéité des méthodologies, les études en IRMf tendent à mettre en avant la participation d’un réseau fronto-temporal gauche dans le traitement des métaphores nouvelles (Bohrn et al., 2012). Bien qu’il soit difficile de conclure quant à la spécialisation fonctionnelle des régions de ce réseau au regard de ces études, il apparaît qu’elles sont sensibles à divers facteurs tels que la métaphoricité, la familiarité, l’effet du contexte et des capacités cognitives. De plus, et en accord avec l’hypothèse de la saillance (Giora, 1997, 1999, 2002, 2003) et de la théorie du codage distant (Jung-Beeman, 2005), l’hémisphère droit serait également sollicité. Cependant, cette participation de l’hémisphère droit reste ouverte à discussion puisqu’elle pourrait être le résultat de facteurs de difficulté de traitement (Yang et al., 2009) et sensible aux différences inter-individuelles (Prat et al., 2012) et non uniquement sensible au traitement des métaphores.