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2. Processus de compréhension de la métaphore

2.3. Des différences inter-individuelles dans le traitement et la compréhension des métaphores

2.3.2. Les compétences langagières

L’impact du niveau intellectuel général sur la compréhension des métaphores a été peu étudié, certainement en raison du manque de précision de la mesure au regard des processus cognitifs sollicités. L’une des études qui s’y est intéressée a utilisé la technique des PE. Dans cette étude, Kazmerski, Blasko & Dessalegn (2003) ont présenté à des participants des énoncés métaphoriques modérément familiers du type X est un Y (« le castor est un bucheron »), des énoncés littéraux (« le marteau est un outil ») ou des métaphores mêlées (« la rumeur est un bucheron ») en utilisant le paradigme de l’effet d’interférence de la signification métaphorique. Il était donc attendu que les participants mettent plus de temps à accepter les métaphores comme littéralement fausses que les métaphores mêlées. Cet effet d’interférence a été retrouvé et s’est traduit par une plus grande amplitude de la N400 pour les métaphores mêlées comparativement aux métaphores. De plus, les individus ayant les plus hauts scores de quotient intellectuel (QI) ont montré un plus grand effet d’interférence ainsi qu’une plus grande amplitude de N400 que les individus ayant des scores de QI plus faibles. Dans une seconde phase de leur étude, les auteurs ont également montré que cet effet du niveau du QI pouvait être expliqué par un effet des capacités de mémoire de travail et de compétences langagières : les premières permettant d’intégrer les informations pour dériver un sens et les secondes étant liées à l’étendue du stock de vocabulaire et la richesse du réseau sémantique.

Toutefois, des études ont montré que l’étendu du stock de vocabulaire ne pouvait pas expliquer entièrement la qualité de la compréhension des métaphores nouvelles. Par exemple, Jones et Stone (1989) ont étudié les performances de compréhension de métaphores nominales nouvelles chez des adolescents présentant un trouble spécifique du langage. Si les performances de ces adolescents étaient inférieures à celles des adolescents au développement typique, les auteurs n’ont pas observé de corrélation entre ces performances et les connaissances en vocabulaire (évaluées par le PPVT-R19), suggérant que ces connaissances n’étaient pas suffisantes pour comprendre les métaphores nouvelles. Cependant, une interprétation avancée

19 Peabody Picture Vocabulary Test-Revised. Ce test mesure les connaissances en vocabulaire à l’aide d’une

par les auteurs serait une connaissance insuffisante des acceptions secondaires des mots chez les adolescents présentant un trouble spécifique du langage. De même, Mashal et Kasirer (2012) ont comparé des enfants présentant des troubles des apprentissages et des enfants au développement typique sur une tâche de décision sémantique à choix multiples comprenant notamment des paires de mots pouvant former des métaphores conventionnelles et nouvelles. Les enfants présentant des troubles des apprentissages ont montré des performances moindres que les autres enfants dans la compréhension des métaphores conventionnelles mais des performances équivalentes pour les métaphores nouvelles. En d’autres termes, les enfants au développement typique qui possèdent un stock de vocabulaire plus abouti et un accès à cette information plus facile bénéficient d’un avantage dans la compréhension du langage figuré conventionnel, dont les significations seraient stockées en mémoire. Alors que dans le cas des métaphores nouvelles qui requerraient un processus dynamique de création de signification, les connaissances liées au vocabulaire ne seraient pas suffisantes. Ces mêmes auteurs (Mashal & Kasirer, 2011) ont comparé les performances d’enfants atteints d’un trouble du spectre autistique (TSA), d’enfants atteints de troubles des apprentissages et des enfants au développement typique et n’ont pas retrouvé de différences significatives entre ces groupes sur la compréhension de paires de mots formant des métaphores nouvelles, dans une tâche à choix multiples. Ils ont toutefois noté que la capacité des enfants atteints de TSA à comprendre les métaphores nouvelles était liée à deux fonctions exécutives impliquées dans le langage : la capacité à alterner entre différentes significations d’un mot et la capacité à accéder au stock lexical.

Carriedo et al. (2016) ont cherché à distinguer les fonctions exécutives des capacités de raisonnement verbal et ont montré que ces capacités cognitives sont à la base de stratégies de compréhension de métaphores nouvelles non contextualisées. Ils ont en effet observé que les enfants, jusqu’à 11 ans, s’appuient plus sur le raisonnement verbal (analogique : « le citron est à l’aigre, ce que le miel est au sucré » ; inclusion de classes : trouver le terme commun à citron et miel) que sur les fonctions exécutives pour comprendre les métaphores. Les fonctions exécutives (principalement la mise à jour de la mémoire de travail) sont plus sollicitées vers l’âge de 15 ans où leur fonctionnement est plus optimal. De manière inattendue, les fonctions exécutives tendent à être moins sollicitées chez les jeunes adultes (i.e. 21 ans), peut-être en raison d’une plus grande expérience de la métaphore ou de connaissances sémantiques plus complètes. Les connaissances sémantiques, la capacité à raisonner sur ces connaissances et les fonctions exécutives participent donc à la compréhension des métaphores nouvelles.

Résumé

Ce que nous pouvons interpréter de ces études est qu’un stock lexical développé est une condition certainement nécessaire à la compréhension des métaphores nouvelles mais non suffisante et que des processus dynamiques d’extraction de significations secondaires et d’associations sémantiques sont mis en œuvres. Il est toutefois intéressant de constater que les mesures comportementales échouent parfois à mettre en évidence un effet de facteurs inter-individuels dans les tâches de compréhension des métaphores. Ainsi, dans l’étude de Mashal et Kasirer (2012), ni les connaissances sémantiques, ni le raisonnement analogique, ni la flexibilité mentale n’expliquaient les performances des enfants au développement typique à une tâche de décision sémantique à choix multiples. Nous pourrions en conclure que les compétences mesurées ne constituent pas de bons prédicteurs de la compréhension des métaphores. Toutefois, une autre interprétation peut être faite : ces facteurs pourraient ne pas influencer le choix de la signification la plus appropriée mais pourraient tout de même avoir un impact sur les processus engagés ainsi que sur les bases cérébrales de ces processus. L’avantage des études en neuroimagerie est de pouvoir tester le lien existant entre des facteurs cognitifs (exemple : compétences verbales, fonctions exécutive) et des mesures fines telles que celles des composantes PE ou encore l’activité de régions cérébrales sollicitées dans la compréhension des métaphores. La section suivante a donc pour objectif de présenter les principales études comportementales et de neuroimagerie permettant de mettre en évidence à un niveau plus précis de mesures les différences de traitements entre les métaphores nouvelles et les expressions littérales en termes de nature des processus, de leur temporalité et des bases cérébrales les sous-tendant.

3.

Processus cognitifs et bases cérébrales de la création de

significations nouvelles dans la métaphore

3.1.

Des processus et de leur temporalité dans le traitement des