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Que nous apprennent les études en PE sur l’effet du contexte dans la compréhension

2. Processus de compréhension de la métaphore

3.1. Des processus et de leur temporalité dans le traitement des métaphores nouvelles

3.1.2. Que nous apprennent les études en PE sur l’effet du contexte dans la compréhension

La question du rôle du contexte sur le traitement de ces métaphores nouvelles a également été posée dans la littérature. Dans deux autres manipulations, Pynte et al. (1996) ont manipulé l’effet du contexte, en plus de l’effet de familiarité, en ajoutant un contexte à chacune des expressions métaphoriques nominales : pertinent ou non pertinent. Ils ont observé que le contexte avait un effet sur l’amplitude des composantes N400 et LPC, contrairement à la familiarité des métaphores. En effet, un contexte non pertinent entrainait une plus grande amplitude de la N400 et une moindre amplitude de la LPC alors que le contexte pertinent provoquait des résultats inverses. Bien que comportant certains biais tels que l’absence de tâche comportementale ou le caractère relativement familier des métaphores, cette étude met en évidence l’importance du contexte dans les processus précoces et tardifs de la compréhension des métaphores.

Tartter, Gomes, Dubrovsky, Molholm et Vala Stewart (2002) ont cherché à répliquer cette étude en utilisant des énoncés mixtes peu familiers, accompagnés d’un contexte minimaliste (exemple : « L’orchestre a rempli la salle de concert avec ____ »; métaphore nouvelle : « un rayon de soleil » ; littérale : « de la musique » ; non-sens : « de la grêle »). Le contexte était ainsi congruent avec la signification des énoncés métaphoriques ou littéraux. Les résultats ont montré que l’amplitude de la N400 ne différait pas significativement entre les

23 La nature de cette composante est peu claire mais est interprétée comme reflétant la continuité du processus

énoncés métaphoriques nouveaux et les énoncés littéraux. Ce résultat laisse penser que le contexte est suffisant pour permettre l’accès direct à une signification métaphorique, comme le suppose le modèle d’accès direct (Gibbs, 2001). Toutefois, cette absence de différence est à pondérer par l’obtention d’une différence significative entre les énoncés sur une composante précoce représentative de processus de bas niveau (N200) et interprétée par les auteurs comme sensible aux violations d’attentes générées par les métaphores.

Des études plus récentes apportent également quelques éclairages sur cette question du rôle du contexte dans le traitement des métaphores. Weiland et al. (2014) ont utilisé des énoncés nominaux métaphoriques modérément familiers24 (« Ces lobbyistes sont des hyènes, si vous croyez l’instituteur ») et littéraux (« Ces carnivores sont des hyènes, si vous croyez l’instituteur ») et ont mis en évidence une plus grande N400 et LPC pour les énoncés métaphoriques par rapport à des énoncés littéraux. De plus, la présentation d’une amorce liée à la signification littérale du véhicule (« fourrure ») a réduit l’amplitude de la N400 et augmenté la latence de la LPC (toute différence avec les énoncés littéraux restant significative), suggérant un effet du contexte même lorsque celui-ci amorce la signification littérale de la métaphore, interprétation en opposition avec le modèle d’accès direct. Il est toutefois possible que l’effet du contexte soit différent pour les métaphores nouvelles. Ainsi, Yang, Bradley, Huq, Wu et Krawczyk (2013) ont utilisé des énoncés de formes similaires mais des métaphores exclusivement nouvelles et n’ont pas retrouvé de différence significative entre les métaphores et les énoncés littéraux sur la N400 mais une différence significative sur une composante tardive positive à l’inverse de l’étude de Weiland et al. (2014). En effet, des métaphores pour lesquelles la signification littérale du véhicule était amorcée (tel que dans l’étude de Weiland et al., 2014 ; aigre – « Cette fille est un citron ») engendraient une amplitude de la LPC plus petite que celle des énoncés littéraux (aigre – « Ce fruit est un citron »), eux-mêmes entraînant une amplitude de la LPC plus petite que celle des métaphore amorcées par la signification littérale de la cible (sarcastique – « Cette fille est un citron »). Les auteurs ont interprété ce résultat comme inconsistant avec le modèle d’accès direct : la signification attendue dans les énoncés du type sarcastique – « Cette fille est un citron » ne facilitant pas le traitement de l’énoncé.

D’une manière générale, ces études confirment l’hypothèse d’un effet du contexte sur les processus précoces voire tardifs de traitement de la métaphore nouvelle. Les résultats obtenus sont malgré tout à pondérer selon la manipulation du contexte qui peut être consistent

24 Score moyen de familiarité : M = 3.05 (ET = 1.38) sur une échelle de 1 (expression non connue) à 5 (expression

avec la signification métaphorique sans toutefois orienter vers cette signification. Weiland et al. (2014) et Yang et al. (2013) ont cherché à démontrer l’effet du traitement de la métaphore nouvelle lorsque le contexte activait l’acception littérale de l’un des termes de la métaphore mais cela ne fournit que peu d’informations sur l’effet d’un contexte orientant vers la l’interprétation figurée d’une expression métaphorique. Une étude de Bambini, Bertini, Schaeken, Stella et Di Russo (2016) a cherché à tester cet effet du contexte facilitant l’accès à une interprétation métaphorique sur les composantes N400 et P600. Dans une première manipulation, les auteurs ont présenté aux participants des énoncés dans un contexte minimal (« Tu sais ce qu’est cet avocat ? Un requin ») et ont retrouvé une plus grande amplitude de la N400 et de la P600 pour les énoncés métaphoriques en comparaison aux littéraux, conformément à la littérature. Toutefois, lorsque la métaphore était intégrée dans un contexte orientant vers son interprétation figurée (« Cet avocat est vraiment agressif. C’est un requin »), les auteurs ont observé cette fois une absence de différence significative sur l’amplitude de la N400 entre les métaphores et les énoncés littéraux. Notons qu’aucun effet n’a été observé sur la P600. Cette étude montre que les processus précoces de traitement de la métaphore (traduits par la N400) sont sensibles au contexte. Cet effet du contexte sur l’amplitude de la N400 est en accord avec l’hypothèse d’un processus de recherche en mémoire sémantique : l’effet facilitateur du contexte résulterait d’une diminution de l’effort de recherche d’une signification pertinente. Toutefois, l’absence d’effet du contexte sur l’amplitude de la P600 suggère que les processus tardifs ne sont pas affectés par un contexte facilitateur. Selon Bambini et al. (2016), cette composante intervient dans le traitement pragmatique de la signification, ce qui signifierait que le contexte dans ces études ne faciliterait que l’accès à une signification lexicale et non à l’interprétation de la signification figurée.

Résumé

De plus en plus d’études s’intéressent à la mesure des PE dans la compréhension des métaphores nouvelles et malgré une certaine hétérogénéité, trois résultats tendent à se dégager de ces études. Tout d’abord, les métaphores nouvelles entraînent une plus grande amplitude de la composante N400 (Arzouan et al., 2007a), en raison du caractère nouveau de leur signification, nécessitant un processus sémantique plus coûteux. D’autre part, les données relatives aux composantes tardives positives apparaissent moins robustes : leur amplitude est notée comme plus importante pour des paires littérales de mots que pour des paires métaphoriques de mots (Arzouan et al., 2007a ; Goldstein et al., 2012) mais peu de données existent pour d’autres formes plus complexes d’énoncés métaphoriques. Enfin, un effet facilitateur du contexte a été mis en évidence sur le traitement des métaphores nouvelles avec une réduction de l’amplitude de la N400 (Bambini et al., 2016) et dans certains cas une réduction de l’amplitude des composantes tardives positives (Yang et al., 2013).

3.2.

Cartographie cérébrale des processus de traitement et de