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A- La domination de la haute banque et du négoce

2- Quel monde la Chambre représente-t-elle ?

En tout cas, la cooptation, pour s’exercer sur des hommes non choisis par le préfet et promouvoir fréquemment de nouveaux élus, n’en donne pas pour autant une plus grande place à l’industrie15 locale. Le cas de Richard-Lenoir, principale filature parisienne sous l’Empire, à un moment où 10% des broches françaises sont à Paris16 : Richard, l’un des associés, recueille d’abord une voix en 1806 lorsque la Chambre croit pouvoir réélire ses sortants ; l’autre associé, Lenoir-Dufresne, est élu ensuite la même année, après que le ministre a demandé de nouveaux noms, mais à la faible majorité de 8 voix au second tour ; il meurt immédiatement après son élection17. Cela marque, pour longtemps, la fin de l’appel aux manufacturiers locaux. Dès lors, les rapports à la production des membres de la Chambre sont de deux ordres. Il s’agit de commandite, voire d’association en nom personnel à des manufactures provinciales pour les grands banquiers (ce phénomène s’étend notamment à certaines mines et forges sous la monarchie parlementaire, en plus du secteur cotonnier) ; ils participent aussi aux grandes sociétés de transports (canaux puis chemins de fer). D’autre part, il s’agit pour les négociants, qui sont entre autres exportateurs d’articles de Paris, de liens plus ou moins étroits avec la fabrique parisienne18; les raffineries de sucre sont, elles, une activité de certains banquiers, mais aussi un secteur aux intérêts souvent communs avec le négoce de denrées coloniales19.

Quels sont donc, au fil du temps, les types d’activités des membres de la Chambre ? Ces activités sont avant tout caractérisées par leur définition difficile, à quelques exceptions près. Cette difficulté est double. Il arrive qu’un membre ne soit que rarement qualifié par sa profession, mais plus souvent par ses autres postes institutionnels ; il arrive aussi que la 15 Sur l'évolution du sens de ce mot pendant la période, cf. Denis WORONOFF, « Penser l’industrie en Révolution », dans Louis BERGERON et Patrice BOURDELAIS (dir.), La France n'est-elle pas douée pour l'industrie ?, Belin, 1998, p.159-176. Le sens actuel émerge précisément pendant les vingt premières années du XIX° siècle, d'abord avec l'adjectif « industriel ». L'industrie constitue encore pendant la Révolution une partie du « commerce », mais ce dernier terme commence à être rabattu du côté du capital plutôt que du travail.

16 Sur le développement de l’industrie à Paris, notamment des industries cotonnière et chimique, cf. Bertrand GILLE, Documents sur l’état de l’industrie et du commerce de Paris et du département de la Seine, 1778-1810, Ville de Paris, Commission des travaux historiques, Sous-Commission de recherches d'histoire municipale contemporaine, 1963, 81p., qui conclut néanmoins qu’ « il semble bien qu’une bonne part de ces industriels parisiens du Consulat ou de l’Empire n’aient été que des industriels d’occasion, sans vocation précise, comme sans formation » : une fois la tonalité péjorative éliminée, il reste que ces industriels seraient soit trop faiblement ancrés parmi les élites, soit trop peu définis comme industriels pour obtenir une représentation particulière à la Chambre, ce qui semble assez réaliste.

17 Procès verbaux des 13 mars, 16 avril et 9 mai 1806.

18 Fabrique en petits ateliers qui, selon les rapports de Frochot cités par Bertrand GILLE, op. cit., reste très largement majoritaire dans l’emploi des ouvriers parisiens : Frochot recense en l’an IX 60.000 ouvriers, dont 1700 employés dans les « manufactures importantes », contre, selon lui, 7000 en 1791.

19 Devant ces activités multiples, il me semble difficile d’attribuer trop d’importance au fait que le financement des Chambres soit assuré par une contribution additionnelle qui ne frappe que les deux premières classes de patentés, les agents de change et les courtiers (puis les trois premières classes après la réforme de la patente en 1844). Cette disposition, calquée sur celle qui concernait les Bourses, exclut en réalité les banquiers et les « négociants » déclarés comme tels, qui paient des patentes forfaitaires « hors classe ». Elle exclut de même les fabricants et manufacturiers. Les deux premières classes regroupent les marchands en gros de bois, tissus, métaux, vins, épicerie, cuirs, et les marchands de tissus en détail (cf. Emile VINCENS, Exposition raisonnée de la législation commerciale et examen critique du Code de Commerce, Barrois l’aîné, 1821, vol. 1, p.245-247). Cependant, faire de la Chambre une institution représentative de ceux qui paient pour elle serait contredire la quasi totalité des discours des contemporains. Il me semble peu probable que cette disposition ait eu un rôle dans la relative discrétion des manufacturiers au sein de l’institution.

désignation change suivant les circonstances. En m’en tenant aux catégories des contemporains20, j’ai défini trois grands ensembles : d’une part les membres désignés, au moins dans une partie des sources, comme banquiers21 ; d’autre part ceux auxquels est attribuée, au moins dans certaines cas, la qualité de « négociant » employée de façon absolue ; enfin les autres, définis par un secteur d’activité ou une profession plus précis. Cette partition sommaire permet de constater des évolutions d’ensemble.

Les activités des membres de la Chambre

0% 20% 40% 60% 80% 100% 1 8 0 3 1 8 0 6 1 8 0 9 1 8 1 2 1 8 1 5 1 8 1 8 1 8 2 1 1 8 2 4 1 8 2 7 1 8 3 0 1 8 3 3 1 8 3 6 1 8 3 9 1 8 4 2 1 8 4 5 1 8 4 8 1 8 5 1

banque (bas) négoce autres (haut)

Les membres banquiers sont toujours au moins 7 sur 15 entre 1807 et 1837, bien qu’une certaine baisse se soit fait sentir dès 1833 ; les négociants ne retrouvent jamais les 10 représentants de 1803, mais sont 7 ou 8 en 1804-1806 et en 1841-1846 ; la plupart du temps, ils représentent environ un tiers de la Chambre. C’est finalement, dans ma définition, une catégorie intermédiaire assez floue et qui mélange plusieurs types d’activités ; il faut souligner toutefois que leur forte présence dans les années 1840 est notamment le fait d’exportateurs et de négociants en denrées coloniales, qui sont donc très présents à la Chambre au moment où elle reçoit de nombreuses pétitions de ce secteur et où elle est sollicitée par les autorités pour la prospection de nouveaux marchés. Ce secteur particulier, tout en relevant du négoce et en n’ayant pas d’organisation formelle, semble donc s’être comporté à ce moment en groupe d’intérêts22. Parallèlement, des négociants, avec Aubé, puis surtout Legentil et Horace Say, occupent le bureau de la Chambre dans les années 1840 et au début des années 1850.

Les rapports de la haute banque et du négoce peuvent d’ailleurs être éclairés par un second indicateur, très proche. J’ai cette fois isolé les membres de grandes familles clairement identifiées comme faisant partie des différentes générations de la haute banque : banques familiales, souvent d’origine protestante, souvent suisse ou allemande, successivement installées à Paris entre la toute fin du XVIII° siècle et les environs de 1820. J’ai ensuite 20 Telles qu’elles s’expriment dans les annonces d’élections à la Chambre adressées au ministre de tutelle ; dans la série des Almanachs impérial, royal etc., comme caractérisation des qualités des membres de la Chambre et de ceux des Conseils de la Banque de France, dans les almanachs commerciaux consultés ponctuellement, dans les listes d’électeurs de la Chambre et celles de membres des Cercles du Commerce. A l’occasion, d’autres sources plus spécifiques à tel ou tel membre ont pu être utilisées.

21 Pierre-Cyrille Hautcoeur souligne bien qu’il n’existe, au XIX° siècle, aucune forme de définition légale des banques, et qu’il est très difficile d’élaborer une définition objective satisfaisante (le critère de l’octroi de crédits est trop large et celui de la réception de dépôts trop étroit) : cf. Georges GALLAIS-HAMONNO et Pierre-Cyrille HAUTCOEUR (dir.), Les marchés financiers. XIX° siècle, CHEFF, à paraître, tome III, p.54.

22 Les autres négociants, lorsque leur secteur d’activité est précisé par certaines sources, vendent des textiles, des nouveautés, des produits chimiques, des sels, des éventails, du papier.

constitué une deuxième catégorie visant à regrouper ceux qui touchent de près ou de loin, par leur activité ou leurs alliances, à ce milieu23.

La présence de la Haute Banque à la Chambre

0% 20% 40% 60% 80% 100% 1 8 0 3 1 8 0 7 1 8 1 1 1 8 1 5 1 8 1 9 1 8 2 3 1 8 2 7 1 8 3 1 1 8 3 5 1 8 3 9 1 8 4 3 1 8 4 7 1 8 5 1 1 8 5 5 1 8 5 9 1 8 6 3 1 8 6 7

haute banque (bas) son entourage autre (haut)

On retrouve nettement les rythmes précédents, même si les catégories ne recouvrent pas celles de banquier et de négociant : c’est dire qu’un mouvement se produit qui touche à la fois les activités et les réseaux des membres, et qui ne relève pas seulement d’un artefact dans la définition de catégories. De cinq à onze membres de la Chambre, souvent plus de sept, relèvent de la haute banque entre 1810 et 1832, moins de quatre après 1838 ; son « entourage » est un peu plus présent au début et à la fin de cette période, mais l’ensemble suit bien la même évolution, qui laisse toujours une place minimale d’un cinquième à un tiers des membres à des hommes sans lien avec ce monde, et qui leur donne la majorité à partir de 1838. Cela confirme le fait que les négociants des années 1840 sont différents de ceux de l’Empire ou de la Restauration, leur activité, voire leurs réseaux, s’étant séparée de ceux des banquiers.

Il faut pour finir revenir à la dernière catégorie du premier graphique : les membres qui ne sont ni banquiers ni « négociants » sont régulièrement 2, 3 ou 4, à l’exception d’une éclipse en 1814-1817. Cette catégorie prend une première fois une place plus grande (5 ou 6 membres) en 1828-1830, et une seconde fois, à plus long terme, à partir de 1838. Elle devient majoritaire (9 membres) en 1849. C’est là le début d’une situation plus stable : en effet, parmi les membres entrés à la Chambre entre 1852 et 1872, on retrouve seulement 12% de banquiers selon mes critères (37% auparavant), toujours 33% de négociants, mais 53% d’autres activités (contre 31%)24. Qui sont donc les membres de cette catégorie résiduelle ? En dehors de deux personnage liés à la haute banque mais toujours définis dans les sources par leur activité manufacturière (G. Ternaux, déjà cité, et Roman, l’un des associés de Wesserling), il ne s’agit 23 Concrètement, j’ai utilisé l’ouvrage de Louis BERGERON, Les Rothschild et les autres. La gloire des banquiers, Perrin, 1991, 203p. La première catégorie est constituée à partir de sa description des différentes générations de la banque ; la deuxième intègre des hommes cités par lui comme étant en rapports d’affaires très proches avec les premiers ; j’y ai ajouté les membres de « groupes » familiaux ou d’associés relevant de la banque selon mes propres relevés (groupes g1 à g5, g7, g8, p4 : voir ci-dessous et en annexe 7-4), ainsi que les quelques banquiers de profession ne relevant pas des autres catégories.

24 Calcul effectué sur 51 membres entrés entre 1852 et 1872 ; pour un d’entre eux, la profession reste inconnue. La liste des membres du bureau montre une présence plus fréquente, après 1850, de ceux qui ne sont ni banquiers ni « négociants », notamment au poste, nouveau, de Vice-Président. Une correspondance avec Nicolas STOSKOPF, auteur de Les patrons du Second Empire. Banquiers et financiers parisiens, Picard, à paraître en 2002, m’a confirmé que les banquiers du Second Empire ne constituent guère un groupe de pression organisé, et surtout que ceux qui ont une action institutionnelle sont très minoritaires.

pas tant d’industriels que de commerçants de gros spécialisés dans un secteur. Cette catégorie comprend en effet 7 négociants en vins, 6 marchands de fer (parfois aussi maîtres de forges), 4 marchands de bois, 4 imprimeurs, papetiers ou libraires25, seules catégories régulièrement présentes et qui rappellent l’identité des plus fréquents auteurs de pétitions. Il ne s’agit nullement de commerce de détail26, et ces membres partagent sans doute bien des manières de raisonner ou d’agir dans leurs entreprises avec les autres. Mais le fait qu’ils s’identifient régulièrement à un même secteur d’activité – quand certains de ces secteurs retrouvent une organisation en chambres syndicales, sinon en corporations, au XIX° siècle – est important pour comprendre leur action à la Chambre. On l’a vu à propos des Commissions de la Chambre, la problématique de la spécialisation ou de l’expertise est importante et datée : elle émerge en lien avec la présence de ces membres.

Si ces évolutions sont importantes, il reste que la Chambre est longtemps dominée par des hommes qui ne se définissent pas volontiers par une spécialité, même bancaire : soit qu’ils adoptent le qualificatif de négociant, soit qu’ils en restent à la mention d’un poste ou ancien poste institutionnel27. Pourtant, ces hommes sont loin d’être tous retirés des affaires. Cet état est d’ailleurs lui-même difficile à apprécier : s’il peut se définir juridiquement (avec le paiement de la patente), il ne permet pas d’évaluer l’intérêt réel porté à ses propres affaires ou à celles de ses fils, frères ou alliés par un membre. Pour se faire une idée, certes imparfaite, il est toutefois possible de recourir à l’âge d’entrée des membres, que j’ai pu reconstituer dans une grande partie des cas. Au moins 57% des membres de la Chambre y entrent avant 50 ans (23% avant 40 ans), contre 26% après (17% des âges sont inconnus). C’est seulement en 1849 que la part des plus de cinquante ans semble plus importante (près de la moitié28), tandis que les plus jeunes sont plus nombreux en 1814-1832 (plus d’un tiers de moins de 40 ans). Chez les négociants (28% des âges sont inconnus), les plus jeunes sont plus rares (10%), mais les plus âgés ne sont pas plus nombreux. Bref, la cooptation n’amène pas des nouveaux membres particulièrement âgés, au contraire ; et la part des hommes retirés pour des raisons d’âge semble dans l’ensemble limitée29. Il est d’ailleurs extrêmement rare que l’on meure en 25 Ainsi que 4 fabricants de divers textiles, 3 tanneurs et fabricant de cuir verni, 2 marchands de grains, 2 raffineurs, 2 entrepreneurs du bâtiment, un fabricant de bronzes, un chocolatier et un orfèvre.

26 On peut citer par exemple le cas du tanneur Claude Salleron, certes représentant d’une branche et même d’un quartier bien précis, mais aussi décrit par les notes de police de la Restauration comme « très riche et plus que millionnaire » (cf. Adolphe ROBERT et Gaston COUGNY (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Bourloton, 1889-1891, 5 volumes). Les commerçants et industriels plus spécialisés présents à la Chambre n’ont rien d’artisans ou de boutiquiers.

27 Louis Bergeron évoque ainsi la qualité de négociant : « la qualification qui embrasse les états de commerçants, banquiers, industriels ou manufacturiers dont on préfère se parer plutôt que de préciser davantage sa situation professionnelle ». Louis BERGERON, Les capitalistes en France, 1789-1914, Gallimard, 1978, p.40-41.

28 D’ailleurs, cinq des élus faisaient précéder la mention de leur secteur d’activité, dans la liste préalable exceptionnellement établie, de la mention « ancien » : cf. Journal des débats du 25 novembre 1848.

29 Il semble que cette situation soit relativement originale : à Lyon, un âge d'entrée de 40 ou 45 ans s'établit seulement sous la III° République, les consuls précédents semblant avoir été surtout des retraités (les quelques actifs siégeant pour un seul mandat) : cf. Audrey SORIA, La Chambre de Commerce de Lyon au XIX° siècle (1832-1908), thèse d’histoire, Université de Lyon-II, dir. Yves LEQUIN, 1997, p.298-299. A Paris même, l’évolution est inverse et singularise encore plus la période que j’étudie : ainsi, entre 1880 et 1914, l’âge médian d’entrée se rapproche de 50 ans, selon Philippe LACOMBRADE, op. cit.

fonctions à la Chambre, ce qui la différencie nettement d’autres institutions de l’époque, comme le Conseil Général de la Banque de France30.

Qu’indique donc, en tout cas dans les premières années du XIX° siècle, l’utilisation de la qualification de « négociant »31 ? Ses ressorts sont bien connus pour ces années, mais plus encore pour le XVIII° siècle : elle représente d’une part une forme de distinction, apparue autour de 1700, avec le commerce de détail ; cette distinction a avant la Révolution un sens social important, puisque le négoce a fini par être autorisé à la noblesse. Le mot s’emploie alors surtout dans les ports32, où il désigne une multiplication d’activités : commerce de gros, banque, mais aussi armement ou assurance. Ce négoce, et ce point est important pour l’histoire de la Chambre de Commerce de Paris, se définit également par un rapport particulier aux institutions : il n’est pas toujours incorporé, mais il contrôle parfois, surtout dans les villes de l’intérieur où il fait travailler des fabricants, un travail à la fois réglé et libre, au gré de ses besoins. Il contrôle aussi les Chambres et Tribunaux de Commerce et bien des municipalités portuaires. A Paris coexistent au XVIII° siècle les Six Corps, incluant les principaux commerçants en gros et contrôlant les institutions locales, et des banquiers qui ont, hors de cette structure, obtenu leur propre député du commerce. C’est la période révolutionnaire qui a transformé cet équilibre. Les opérations de banque et de négoce ont été regroupées avec les grandes spéculations, notamment de fourniture aux armées ; elles ont inclus l’escompte et le placement d’emprunts d’Etat, après la disparition des financiers ; et surtout de nouveaux acteurs dans ces domaines sont venus de Montpellier, de Marseille, de Lyon ou de Suisse.

30 La Notice des membres de la Chambre de Commerce élus de 1803 à 1989, dactylographiée, 132p., donne précisément dates et raisons de sortie des membres, et signale que seuls sept membres quittent la Chambre à leur décès avant 1852 (Cordier et Schérer en 1817, Barthélémy en 1819, Cavallier, qui n’a siégé qu’une fois, Labat et Chevals en 1826, Rodet en 1852). Il faut leur ajouter, en 1855 et 1857, Legentil et Ledagre, entrés pendant ma période : soit 9 cas sur 119 membres. D’autre part, je connais précisément 77 des dates de décès de ces membres : seuls trois autres sont morts un an après leur sortie, et 19 au total sont morts de 0 à 5 ans après avoir quitté la Chambre. L’écart moyen entre sortie de la Chambre et décès est de 17 ans, alors même que mes données incluent par définition tous les décès en cours de mandat, dont la date est bien connue.

31 Une piste intéressante est donnée par Emile VINCENS, Exposition raisonnée de la législation commerciale et examen critique du Code de Commerce, Barrois l’aîné, 1821, vol. 1, p.226-228 : en 1817, la distinction introduite pour le montant des patentes entre négociants et marchands en gros a nécessité une définition du premier terme. Vincens traduit ainsi l’avis du Conseil d’Etat sur ce point : « celui qui ne se pourvoit qu’en fabrique ou aux sources, qui n’est dans sa ville que vendeur et non acheteur, est le marchand. Celui qui spécule, achète et vend, indifféremment au dedans, au dehors, en première, en seconde main, est négociant. » Suivant cette définition, les négociants sont effectivement très majoritaires à la Chambre jusqu’en 1840, et un peu plus de marchands les rejoignent par la suite.

32 cf. notamment l’étude très précise de Charles CARRIERE, Négociants marseillais au XVIII° siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, thèse pour le doctorat ès lettres, Marseille : impr. A. Robert, 1973, p.237-259, qui piste l’apparition du mot, pas seulement à Marseille – et donne quelques pistes sur sa disparition au XIX° siècle au profit, d’une part de la banque, d’autre part du négoce spécialisé dans un produit. J’ai pour ma part consulté l’Encyclopédie du commerçant. Dictionnaire du commerce et des marchandises, contenant tout ce qui concerne le commerce de terre et de mer, Guillaumin, 1837-1839, 2 vol : les articles « marchand » et « négociant », dus à l’ancien agréé du Tribunal de Commerce B. Pance, rappellent que le second terme désigne plutôt un niveau supérieur, mais rapportent pour l’essentiel cette distinction à « autrefois ».

Les lieux de naissance des membres de la Chambre Paris33 province et

étranger inconnu N

Entrés entre 1803 et 1849 30% 40% 30% 119

Entrés entre 1803 et 1813 16% 49% 25% 37

Banquiers entrés entre 1803 et 1813 13% 67% 20% 15

Entrés entre 1833 et 1849 45% 24% 32% 38

L’étude des lieux de naissance des membres de la Chambre, même non exhaustive, montre d’ailleurs bien que les membres originaires de Paris et des environs proches sont minoritaires parmi les premiers entrants, et surtout parmi les banquiers. Ainsi, malgré l’élément de continuité représenté par Vignon, l’ancien marchand de vin, défenseur des Tribunaux de Commerce à la Constituante et de la création d’une Chambre à Paris, ce n’est pas du tout un grand négoce parisien traditionnel – si tant est qu’il ait réellement subsisté – qui prend le contrôle de la Chambre. Ce sont plutôt les hommes qui font de Paris, à la suite des bouleversements de la Révolution, puis des guerres impériales, un grand centre de