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L’expérience du Conseil des arts, du commerce et de l’agriculture du département de la Seine et le cas particulier de Parisdu département de la Seine et le cas particulier de Paris

A- Une histoire qui pèse sur l’établissement de la Chambre de Paris

3- L’expérience du Conseil des arts, du commerce et de l’agriculture du département de la Seine et le cas particulier de Parisdu département de la Seine et le cas particulier de Paris

Les positions du préfet Frochot sur l’organisation du commerce Frochot, préfet de la Seine96, a laissé un rapport sur la situation industrielle et commerciale de Paris en l’an IX qui donne une idée de ses conceptions économiques97. Frochot dresse un bilan inquiet de la situation, avec une baisse de la consommation et des revenus. Il insiste sur l’importance de la qualité de fabrication pour les débouchés98, souhaite le rétablissement de la marque99, et demande pour cela celui des « inspecteurs du commerce ». Il s’oppose en revanche aux « privilèges exclusifs ». Il invoque la cherté de la main-d’œuvre et du combustible, et la crainte des effets politiques d’une trop grande concentration d’ouvriers, pour présenter le département comme impropre à l’installation de nouvelles manufactures. En revanche, il défend aussi bien la primauté du commerce d’exportation de luxe, dont il espère le rétablissement, que le maintien du commerce d’entrepôt créé à Paris par la guerre. Cette primauté d’une certaine forme de négoce joue évidemment un rôle dans son choix des premiers électeurs de la Chambre, qui marque durablement l’institution100.

Enfin, Frochot est questionné sur le rétablissement des Chambres de Commerce101. Sa réponse permet de comprendre l’orientation qu’il cherche ensuite à donner à celle de Paris. Au premier abord, il s’agit d’un refus pur et simple, rappelant les attendus de la loi Le Chapelier : « l’intérêt privé est aveugle et égoïste », les Chambres ne se concevaient que dans un Ancien Régime où elles fournissaient un substitut de représentation, mais il existe dorénavant « dans

le Tribunat, dans le Corps législatif, dans le Conseil d’Etat les meilleures de toutes les Chambres de Commerce ». Frochot ne refuse donc pas l’établissement d’une Chambre à Paris,

mais conteste plus globalement le rétablissement : aucun de ses arguments n’est spécifiquement parisien102. Ses craintes plus précises (conflits entre Chambres locales et 96 Nommé le 5 mars 1800 et démissionnaire le 23 décembre 1812. Né en 1761, notaire puis prévôt du Roi, Frochot a surtout été un Constituant proche de Mirabeau, puis, sous le Consulat, de Sieyès et de Talleyrand. Il s’est essayé à la manufacture de toiles de coton, à une petite échelle (cf. Jean TULARD, Paris et son administration (1800-1830), Ville de Paris – Commission des travaux historiques, 1976, p.80-83, et Pierre CASSELLE, Les préfets de la Seine et les préfets de Paris, 1800-1977, Préfeture de Paris – Bibliothèque Administrative – Bulletin Bibliographique de documentation parisienne (supplément n°1, 4° année), 1977, non paginé).

97 Il est longuement analysé par Bertrand Gille, comme « le seul document directement utilisable sur l’économie parisienne que nous ayons pour cette époque » : cf. Documents sur l’état de l’industrie…, Ville de Paris, 1963, 81p. Les réponses aux questions d’ordre économique se trouvent p.48-57. Le Conseil du Commerce déjà existant n’a guère secondé Frochot dans l’écriture de ce rapport, comme en témoignent les archives que j’ai consultées. Jean TULARD, dans Paris et son administration (1800-1830), Ville de Paris – Commission des travaux historiques, 1976, p.95, évoque la participation des maires d’arrondissements à l’enquête, en soulignant que Frochot se plaignait des lacunes des renseignements fournis.

98 « Tout annonce qu’au moment de la paix l’Europe redeviendra tributaire de Paris, pourvu que les artistes et les manufacturiers donnent au produit de leur industrie la perfection qu’ils leur donnaient jadis ».

99 Plus précisément « d’une empreinte qui assure aux acheteurs la certitude des qualités et quantités, et l’origine des marchandises quant à leur fabrication ».

100 Cela dit, il refuse, à propos des Chambres de Commerce, de réduire le « commerce » au « négoce » et craint notamment une non-représentation des « propriétaires agriculteurs ».

101 Je reproduis sa réponse sur ce point en annexe 2-3.

102 Cela réfute à mon sens l’interprétation de Jean TULARD, Paris et son administration (1800-1830), Ville de Paris – Commission des travaux historiques, 1976, p.199, premier historien à s’intéresser à la Chambre de Commerce des années 1800. Reprenant l’idée d’un pessimisme de Frochot, hostile au développement industriel,

absence des agriculteurs) montrent d’autre part que son refus de l’« intérêt privé » correspond à la crainte de sa confiscation par un groupe d’agents économiques formé sur la base d’une activité (les négociants) ou d’un lieu. Ce sont les conflits entre ces corps intermédiaires qui représentent un risque suffisant pour motiver son refus.

En revanche, Frochot semble accepter en théorie une représentation du « commerce » en son sens le plus large, dont il regrette l’impossibilité. Séparer le commerce (national, incluant industrie et agriculture) du reste de l’intérêt général ne semble donc plus être un problème : cela revient à constituer l’économie en un domaine séparé. Trouver comment en faire émerger une parole unitaire devient dès lors le problème majeur pour Frochot, puis pour les premiers membres de la Chambre de Paris. Pour l’heure, le préfet envisage toutefois seulement que les Conseils de préfecture puissent jouer ce rôle : il s’agit de confier à des hommes qui ne sont pas négociants le soin de défendre ces intérêts, tout de même spécifiques, du « commerce ». Frochot souhaite des Conseils dominés par les membres de l’administration, et faisant une place à la fois au commerce, aux manufactures et à l’agriculture. Or il a, pendant moins de deux ans, l’occasion de mettre cette conception en pratique, avec une déclinaison locale très particulière de la formule nationale des Conseils de Commerce, celle-là même qui a donné lieu, à Rouen notamment, à un quasi rétablissement de plusieurs Chambres de province.

L’expérience avortée d’un conseil d’administrateurs, de savants et de négociants Le Conseil des arts, du commerce et de l’agriculture du département de la Seine est créé par un arrêté préfectoral du 6 prairial an IX (26 mai 1801) et réorganisé par des arrêtés des 10 et 30 fructidor an X (28 août et 17 septembre 1802). Sa dernière séance a lieu le 18 prairial an XI (7 juin 1803), soit quatre mois après qu’un arrêté a créé une Chambre de Commerce à Paris, et deux mois après sa première réunion du 17 germinal (8 avril)103. Aucun des quinze membres du Conseil104 ne se retrouve par la suite à la Chambre de Commerce. En revanche, il il considère qu’une Chambre de Commerce aurait gêné cette politique malthusienne et que le préfet refuse son établissement pour cette raison.

103 Les archives du Conseil, conservées à la Chambre, ne disent rien de ce chevauchement. Elles sont regroupées en ACCIP 5Mi22 : Conseil des arts, du commerce et de l'agriculture du département de la Seine, an X-an XI. Les procès verbaux sont laconiques et souvent illisibles (le microfilm a été réalisé à partir de documents déjà en très mauvais état et au papier très fin, ce qui superpose rectos et versos). Le dossier le plus intéressant et utilisable est de loin le n°7, un registre de 21 pages des décisions et délibérations du Conseil, du 11 messidor an IX (30 juin 1801) au 20 thermidor an X (8 août 1802). C’est principalement sur lui, et sur le reste du microfilm, que s’appuient les pages qui suivent.

104 Je donne ici les qualités qui leur sont attribuées dans leur arrêté de nomination, la ou les sections du Conseil dont ils relèvent, puis leur poste après l’ultime réorganisation de l’an XI : Arnould, membre du Tribunat, commerce ; Bénard, fabricant, commerce, membre du bureau ; Desmarest, membre de l'Institut, agriculture et arts ; Farcot, ancien négociant, commerce, vice-président du bureau ; Gillet-Laumont, associé de l'Institut, agriculture et arts ; Lagrange, chef de division à la préfecture, arts ; Lancel, chef de division au ministère de l'Intérieur, commerce ; Molard, employé au ministère de l'Intérieur, agriculture, arts ; Peuchet, [rien], commerce, secrétaire du bureau ; Prud'hon, artiste, arts ; Quatremère de Quincy, membre du conseil général du département, arts, membre du bureau ; Silvestre, membre de la société d'agriculture, agriculture ; Teissier, membre de la société d'agriculture, agriculture ; Thilorier, artiste, arts, membre du bureau ; Vauquelin, membre de l'Institut, arts. Desmarest, Silvestre, Molard et Teissier sont par la suite entrés à l’Académie des Sciences (cf. Claude-Anthelme COSTAZ, Essai sur l’administration de l’agriculture, du commerce, des manufactures et des subsistances, suivi de l’historique des moyens qui ont amené le grand essor pris par les Arts depuis 1793 jusqu’en 1815, impr.-libr. Mme Huzard, mars 1818, p.321). Silvestre, secrétaire de la Société philomatique qui réunit de nombreux savants à partir de 1788, est chef du bureau de l’Agriculture au ministère de l’Intérieur de 1800 à 1815 (cf. Stuart WOOLF, « Towards the history of the origins of statistics : France, 1789-1815 », dans Jean-Claude PERROT et Stuart WOOLF, State and statistics in France, 1789-1815, Chur – London – Paris –

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compte, suivant les qualités que déclinent ces hommes, trois membres ou membres associés de l’Institut, deux « artistes », trois responsables du ministère de l’Intérieur ou de la préfecture, un membre du Tribunat (en fait également chef du bureau de la balance du commerce au ministère de l’Intérieur), un du Conseil Général du département, et deux membres présents en qualité de représentants de la Société d’agriculture (reconstituée en l’an VI et présidée par François de Neufchâteau).

Seuls trois membres ne sont pas définis par un rapport à l’agriculture, à la science ou à l’administration : ils sont désignés comme fabricant (Bénard105), ancien négociant (Farcot106) et sans désignation (Peuchet). Tous trois sont d’ailleurs affectés à la section du commerce, car le Conseil a tout d’abord été divisé, après un âpre débat, en trois sections, le 11 messidor an IX (1° juillet 1801). Lorsque cette division est revue et remplacée par une distinction entre Bureau et Conseil, les trois hommes font partie du Bureau, dont sont explicitement exclus les fonctionnaires et qui réalise l’essentiel du travail. Ainsi, malgré les vœux de Frochot et les choix qu’il a effectués, les membres ne considèrent pas qu’il soit possible de traiter ensemble commerce, « arts » et agriculture ; et ce sont, parmi eux, les plus proches ou les moins éloignés de la pratique commerçante qui s’impliquent le plus dans l’institution.

Le rôle important de Peuchet, qui, lui n’est pas un négociant, ne peut toutefois que favoriser le projet de Frochot. Avocat, il est avant tout l’auteur d’une Bibliothèque

commerciale et il est considéré comme un important statisticien107. Mais il avait aussi publié, le 8 nivôse an VIII (29 décembre 1799), dans le Moniteur, un article intitulé « D’un conseil de commerce »108. Décrivant l’institution du Conseil d’Etat comme un retour aux lumières issues de l’expérience, il y demandait la création en son sein d’une section du commerce traitant de « l’administration économique de la France et de ses colonies ». Il plaidait aussi pour le rétablissement des cinq inspecteurs généraux du commerce. Nulle part Peuchet ne précisait que des négociants devraient être présents dans cette administration. Ce n’est qu’incidemment New York : Harwood Academic Publishers, 1984, p.79-194, en particulier p.108, où Silvestre est décrit comme « the connecting link in this minute world of savants and administrators »).

105 Fabricant de papier, est surtout très proche de l’administration consulaire puis impériale. Nommé maire du VIII° arrondissement en l’an VI, il démissionne pour se charger de travaux statistiques à la préfecture puis entrer au Conseil de Commerce de la Seine. Il est ensuite anobli, redevient maire à la fin de l’Empire et est député pendant les Cent-Jours. En revanche, le seul poste où des commerçants le choisissent est celui de suppléant au Tribunal de Commerce, pendant un an (cf. Adolphe ROBERT et Gaston COUGNY (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Bourloton, 1889-1891).

106 Farcot, qui défend au Conseil des idées physiocratiques, en devient vice-président en l’an XI, poste auquel il succède à Arnould.

107 Le Conseil du Commerce de la Seine lui achète un exemplaire de sa Bibliothèque Commerciale. Son Dictionnaire universel de la géographie commerçante, publié en 1800, lui vaut aussi la protection de Chaptal. Selon Jean-Claude PERROT, « Economie politique », dans Une histoire intellectuelle de l'économie politique, XVII°-XVIII° siècle, éd. de l'EHESS, 1992, p.73-74, il donne également dans son Vocabulaire des termes du commerce, en 1801, une définition de l’économie politique souvent reprise ensuite, et qu’il aurait lui-même puisée dans les travaux de l’abbé Morellet, dont il avait été le secrétaire. Dans son Essai d’une statistique générale de la France, en l’an IX, il pose la statistique comme préalable de l’économie politique et celle-ci comme guide de l’administration. Peuchet est enfin l’auteur en 1803 d’une Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies, que Chaptal lui commande : cf. Louis BERGERON, « Présentation », dans Jean-Antoine CHAPTAL, De l’industrie française, Imprimerie Nationale, 1993 (1819), p.9, et Oleg ARKHIPOFF, « Une révolution dans la Révolution : Condorcet, Lavoisier et Peuchet », dans Gilbert FACCARELLO et Philippe STEINER (éd.), La pensée économique pendant la Révolution française, Actes du Colloque International de Vizille, Economie et Sociétés, n°s 7-10, 1989, p.363-370.

108 cf. Charles DURAND, « Les intérêts commerciaux et le recrutement du Conseil d'Etat pendant le Consulat et l'Empire », Etudes et documents du Conseil d'Etat, 1961, XV, p.189-206.

qu’il évoquait un rétablissement des Chambres de Commerce, « sans juridiction, toutefois, ni

attributions nuisibles aux fabriques », comme « grand moyen d’ordre et de lumière entre les mains du Gouvernement ». Il participait ainsi d’un projet très proche de celui de Frochot.

Peuchet s’est ensuite, à la création de la Chambre de Commerce de Paris, porté candidat aux fonctions de chef de son secrétariat. Sa non-élection par les membres a valeur de symbole de la discontinuité entre les deux institutions et de l’échec du projet initial.

Cette composition du Conseil peut sembler assez étonnante si l’on se réfère à l’arrêté de l’an IX sur les Conseils de Commerce, qui demandait au préfet de choisir des négociants et manufacturiers. Ainsi, dans le Conseil de Seine-Inférieure, années d’exercice préalable du négoce et cooptation sont les grandes sources de légitimité, hautement justifiées par le préfet Beugnot qui, sans oser prononcer le mot de représentation, veut faire des membres plus que de simples « conseillers »109. Or Chaptal, sans aller jusqu’à proposer en modèle les choix de Frochot, souligne face à Beugnot que le rôle des Conseils ne saurait être que consultatif : « moins ce Conseil offrira l’idée du pouvoir, de l’influence active sur l’Administration et

moins alors il fixera les vues de l’ambition ou de l’intrigue ». Il défend pour cela un certain

flou réglementaire, qui est devenu ensuite la principale caractéristique de l’arrêté de l’an XI sur les Chambres : « Vous jugez sans doute combien il importe de ne pas nous lier par des

lois, dans l’organisation de ces établissements qui ne sont que les auxiliaires de l’Administration »110. Chaque préfet semble en retirer la possibilité de mettre en œuvre ses conceptions personnelles de l’administration du commerce.

Or le choix réalisé à Paris parmi cette gamme de possibles a une conséquence importante : en effet, un Conseil Général d’Agriculture, Arts et Commerce a été créé auprès du ministre de l’Intérieur. Il comprend seize membre et treize membres honoraires, presque tous membres de l’administration de l’Intérieur ou de l’Institut111. Or trois membres et deux 109 Son Conseil comporte « le Président du Tribunal de Commerce en exercice, son prédécesseur, quatre propriétaires-cultivateurs, douze négociants et manufacturiers exerçant leur négoce depuis au moins quinze ans, dont deux pris au Havre et deux à Dieppe. Des membres complémentaires sont nommés ensuite par cooptation jusqu'à constituer une assemblée de trente-deux membres ». Et Beugnot écrit : « J'aurais cru ne remplir qu'imparfaitement l'esprit de cet arrêté [sur les Conseils], c'est-à-dire vos intentions bienfaisantes, si je m'étais contenté de vous désigner des négociants et des manufacturiers pour composer le Conseil de Commerce et si j'avais approprié ce Conseil à mon administration, plutôt que de lui confier directement les intérêts du commerce en soumettant son action à celle, toujours prépondérante, du Gouvernement. J'ai pensé que par l'arrêté du 14 prairial vous aviez voulu davantage et, pour ainsi dire, autre chose que par votre lettre du 16 floréal et que, si par votre lettre vous aviez préparé, à chaque Préfet, des conseillers utiles, vous aviez, par votre arrêté, donné au commerce des principales villes de France, des tuteurs nécessaires. J'en ai conclu que je ne pouvais alors rien proposer de meilleur que de rapprocher l'organisation des Conseils de Commerce de celle des anciennes Chambres, d'aussi près que le permettent les changements survenus dans la forme du Gouvernement » (lettre à Chaptal de thermidor an IX/ août 1801 (cf. Jacques DELECLUSE, Les consuls de Rouen, marchands d'hier, entrepreneurs d'aujourd'hui. Histoire de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Rouen des origines à nos jours, Rouen : Les Editions du P'tit Normand, 1985, lettre reproduites p.124-126). De même, à Reims, le Conseil compte un négociant en vins et huit manufacturiers, dont le maire de la ville : cf. Georges CLAUSE, « L’industrie lainière rémoise à l’époque napoléonienne », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 17, juillet-septembre 1970, p. 577.

110 Cette réponse est reproduite par Jacques DELECLUSE à la suite de la lettre précitée de Beugnot.

111 Selon l’Almanach national de France édité par Testu pour l’an XI, ces membres sont Abeille, Alard, Bardel, Boufflers, Cels, Costaz aîné, Coulomb, De Gérando, Huzard, Lancel, Molard, Teissier, Vilmorin, Vitry, auxquels s’ajoutent le secrétaire Desprès et le secrétaire des sections Hennebert. Les membres honoraires sont Berthollet, Bertrand, Bonjour, Cadet-Devaux, Decrétot, Montgolfier, Parmentier, Scipion Perier (le seul à être entré ensuite à la Chambre de Commerce de Paris), Peuchet, Pouchet, Rougier la Bergerie, Savoye-Rollin et Silvestre. Emile

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membres honoraires siègent aussi, depuis quelques mois, au Conseil parisien. Cette confusion est intéressante : elle pointe qu’en dehors même des choix personnels de Frochot, un Conseil parisien ne peut guère se distinguer d’un Conseil national. La question reste posée tout au long du XIX° siècle – et se résout le plus souvent, par la suite comme, semble-t-il, en 1802, par l’inactivité du Conseil national et la reprise problématique d’une partie de ses fonctions par la Chambre de Paris.

Un autre élément pointe la position très particulière de Frochot, mais est aussi à l’origine d’une continuité paradoxale avec la future Chambre. Il s’agit de la présence de Lancel et Desmarest, anciens inspecteurs des manufactures. Avec ses anciens collègues Abeille et Alard, Lancel se retrouve aussi dans le Conseil national. A la limite, la disparition, en l’an XI, de ces anciens inspecteurs parmi les membres des institutions consultatives112 représente donc une rupture plus profonde que celle de 1791 : sous l’Ancien Régime, le Conseil de Commerce confrontait négociants et inspecteurs. En 1801-1802, c’est une organisation plus purement administrative qui est tentée, en partie avec les mêmes hommes. Il apparaît ensuite acquis que seuls les négociants (dont le recrutement et les actions restent par ailleurs très contrôlés) peuvent remplir les fonctions de conseil requises. Où est alors l’élément de continuité mentionné ? Frochot, favorable à la recréation des inspecteurs du commerce, est aussi celui qui place Dupont de Nemours, à peine de retour des Etats-Unis, sur la liste de notables qui doivent élire la Chambre recréée113. Or Dupont est certes physiocrate mais aussi ancien inspecteur général114. Il est possible que cette expérience ait joué dans le choix de Frochot, resté attaché au recours aux compétences des inspecteurs. Dupont reste sans doute le dépositaire d’une compétence, notamment statistique, et d’une conception de l’intérêt général en partie forgées au sein de cette administration (alors même qu’il y était hostile aux réglementations). Sans doute, le passage à l’inspection ne représente qu’une petite partie de ce qui fait sa position exceptionnelle en tant que connaisseur des différents rouages de la politique économique : il a également conseillé plusieurs ministres, dont Turgot, et traité de nombreux dossiers à la Constituante, où il côtoyait Frochot.