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A- Faibles moyens matériels et création d’une tradition de délibération

2- Interlocuteurs et concurrents potentiels

une « niche » disponible pour la Chambre

La Chambre se trouve confrontée, dans ses différentes missions, à des institutions guère plus anciennes qu’elle : établies en 1799-1800 (préfets, Conseil d’Etat) voire en 1803 (Conseil Général du Commerce). Bien des ajustements semblent encore possibles : si, face à l’institution clé du régime qu’est le Conseil d’Etat, la Chambre ne peut qu’espérer obtenir de l’information, elle parvient rapidement à conquérir une influence nettement plus importante que celle d’un Conseil Général pourtant réformé à plusieurs reprises.

Deux préfets de Paris mais pas de ministère du Commerce Depuis 1800, l’administration de Paris est partagée entre préfet de la Seine et préfet de police : division souvent rapportée à celle existant sous l’Ancien Régime42, en même temps qu’à la peur post-révolutionnaire d’une concentration des pouvoirs urbains. L’arrêté du 1° juillet 1800 qui fixe leurs attributions respectives a été l’objet d’un âpre débat au Conseil d’Etat. Les compétences du préfet de police touchent aux questions économiques : poids et mesures, vérification des patentes, inspection des marchés, répression des coalitions ouvrières, puis gestion des livrets. Il voit même ses attributions concernant les approvisionnements et la sûreté du commerce étendues, en octobre 1800, à tout le département ; il peut correspondre directement avec les ministres et prendre des ordonnances pour l’exécution des lois. Or, au moins jusqu’en 1810, les rapports entre les deux préfets sont orageux, et surtout, de l’avis général, c’est le préfet de police qui empiète nettement sur les attributions de son collègue43.

Mais c’est bien le préfet de la Seine44 qui s’est vu confier la nomination des premiers membres de la Chambre, et qui a le droit de la présider. Dans ces premières années, Frochot exerce effectivement ce droit45.

42 Le Lieutenant Général de Police d’une part, le Prévôt des Marchands (mais aussi l’intendant de Paris) d’autre part. Cette division avait déjà eu des conséquences s’agissant de la représentation du commerce. Ainsi, pour la préparation des Etats Généraux, l’exclusion des Six Corps du processus aurait été due, selon Steven L. Kaplan (La fin des corporations, Fayard, 2001, p.366-370), à la résurrection municipale face à un lieutenant général très engagé aux côtés des corporations.

43 Jean TULARD, Paris et son administration (1800-1830), Ville de Paris – Commission des travaux historiques, 1976, p.108 notamment. Napoléon lui-même, en 1810, avoue qu’ « on ne comprend rien à l’administration de Paris » et souhaite supprimer un des deux préfets (cf. Jean TULARD, Nouvelle histoire de Paris. Le Consulat et l'Empire : 1800-1815, Association pour la publication d'une histoire de Paris : Diffusion Hachette, 1983, p.156-159, p.179).

44 Dans mon texte, l’indication « le préfet » sans précision se réfère toujours au préfet de la Seine.

45 Frochot, selon les années, assiste à 4 à 24 séances (jusqu’en 1812). En outre, Frochot fait fixer une périodicité des séances qui lui permette d’y assister : alors qu’à l’hiver de l’an XII (cf. procès verbaux du 4 frimaire/ 26 novembre 1803 et du 10 germinal/ 31 mars 1804), la Chambre avait choisi de siéger le samedi à 14h plutôt que le vendredi à 19h, la même décision prise le 4° jour complémentaire an XII (21 septembre 1804) est annulée le 8 nivôse an XIII (29 décembre 1804), pour la commodité du préfet. Le 3 janvier 1806, ce sont encore les disponibilités du préfet qui déterminent le passage au mercredi comme jour de réunion.

Séances de la Chambre présidées par le préfet de la Seine 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 1 8 0 3 1 8 0 4 1 8 0 5 1 8 0 6 1 8 0 7 1 8 0 8 1 8 0 9 1 8 1 0 1 8 1 1 1 8 1 2 1 8 1 3 1 8 1 4 1 8 1 5 1 8 1 6

Cette présence, qui implique une forme de contrôle sur les interventions de la Chambre, permet en revanche à l’institution de régler certains problèmes, ou du moins d’obtenir des informations, sans démarches formelles46. Si la Chambre n’est pas toujours écoutée, le circuit des communications est raccourci.

Le préfet, lui, semble parfois utiliser la Chambre pour préparer des débats du Conseil Général de la Seine : il lui assigne ainsi un rôle consultatif local, au-delà de ses attributions officielles. C’est le cas les 30 floréal et 14 prairial an XI (20 mai et 3 juin 1803), sur l’octroi et la contribution mobilière (qui sont au cœur des maigres attributions du Conseil Général). Le débat porte sur des questions générales de justice, mais aussi sur des problèmes plus techniques de recouvrement et d’exemptions qui sont loin de toucher le seul commerce, puisqu’un membre va jusqu’à invoquer la « nécessité d’une taxe personnelle pour l’exercice

des droits de citoyen ». Si l’unanimité de la Chambre se fait surtout contre la taxe somptuaire

« essentiellement nuisible à l’industrie », la mission que lui a assignée le préfet est donc remarquable par sa généralité.

En contrepartie, les contacts avec le préfet de police restent, sous l’Empire, exceptionnels. Cette indifférence forme la toile de fond du débat sur le rétablissement des corporations. Elle pose aussi problème sur l’un des terrains classiques des conflits entre les autorités : la gestion de la Seine, qui échappe du coup largement, à cette période, à la Chambre. Elle doit avouer son incompétence le 16 juin 1808 : une Commission créée en son sein sur les tarifs des ports demande l’autorisation de se concerter avec le Préfet de police, et :

« Considérant que la loi ne lui donne de rapports initiatifs qu’avec le ministre de l’Intérieur et son Président M. le Préfet de la Seine, et ne connaissant pas d’une manière précise les attributions respectives de MM. le préfet de la Seine et le préfet de police en ce qui concerne les ports et la navigation de Paris, la Chambre autorise purement et simplement cette Commission à prendre par la voie inofficielle tous les renseignements qui lui sont nécessaires sur les abus de la police de la navigation et des ports. »

Or il apparaît le 7 septembre que la Commission n’a toujours pas pu faire cette démarche. Il reste qu’il est probable que le tournant pris par la Chambre vers des discussions 46 Ainsi, dès la deuxième séance du 25 germinal an XI (15 avril 1803), devant la dénonciation par un membre des abus des employés de l’octroi, le préfet répond que des ordres ont déjà été donnés. De même, le 12 messidor an XI (1° juillet 1803), un membre transmet la plainte des banquiers et agents de change sur une contribution trop élevée pour la réparation de la Bourse : le préfet lui répond et clôt le débat.

générales de principe plutôt que vers une implication dans la surveillance du commerce local a pu être au moins accentué par cette rivalité préfectorale, exacerbée à sa naissance.

Qu’en est-il maintenant de l’administration centrale ? Une partie de l’intérêt du Conseil du Commerce au XVIII° siècle était de permettre la communication entre les négociants et leurs différents ministères de tutelle, notamment le Contrôle Général des Finances. La rupture de ce lien au XIX° siècle au profit d’une tutelle unique de l’Intérieur n’est pas sans conséquence sur les moyens d’action de la Chambre, bien qu’elle entretienne, comme on l’a vu, une correspondance assez sporadique avec les autorités chargées des Finances ou des Douanes.

Cependant, la Chambre de Paris bénéficie d’une attention sans doute toute particulière de la part du ministère de l’Intérieur. Si Vital Roux avait plaidé dès l’an IX pour un ministère du Commerce aux attributions à la fois plus étroites et plus larges, et si la Chambre se félicite bien sûr de sa création en 181247, la revendication n’est guère réapparue entre temps48. Cela s’explique sans doute par la sollicitude montrée d’abord par Chaptal, qui, au cours de l’an XII, informe souvent la Chambre du destin de ses réclamations49, puis par les secrétaires généraux du ministère. En effet, le secrétaire général de Chaptal est Mourgues, qui fait partie, avec deux membres de la Chambre, de la Commission de préparation du Code de Commerce, et est très proche des Davillier. Entre la fin de 1805 et mai 1811, De Gérando tient le même poste : philanthrope de premier plan, il fait par exemple annoncer à la Chambre50 qu’il a remarqué deux de ses mémoires reçus au ministère, sur les ventes publiques et sur l’entrepôt, et les a remis sous les yeux du ministre. Alors que l’arrivée d’un nouveau ministre aurait pu conduire à l’oubli des propositions de la Chambre, le secrétaire général leur rend au contraire de l’actualité51.

Avant d’en venir à l’institution consultative officielle qu’est le Conseil Général du Commerce, il faut enfin souligner que que l’institution des Chambres s’intègre en réalité dans une logique de fonctionnement du régime impérial qui privilégie des lieux plus informels de

47 Le ministère a été créé par les décrets des 22 juin 1811 et 19 janvier 1812. Il a sous son autorité « les manufactures, les fabriques, le commerce, les subsistances, les douanes, le conseil des prises » (cf. Jean CLINQUART, L'administration des douanes en Frances sous le Consulat et l’Empire, Association pour l'histoire de l'administration des Douanes, 1979, p.164).

48 Le 28 vendémiaire an XIII (20 octobre 1804), à l’occasion d’un rapport sur les problèmes de navigation à Nantes, Cordier insiste à nouveau sur « l’inconvénient pour le Commerce de dépendre de tant d’autorités diverses, au lieu de n’avoir à discuter ses intérêts et à recevoir les ordres que d’un ministre du Commerce. » Cependant, cette remarque n’a pas de suite, la résolution de la question particulière ayant renvoyé la lettre prévue aux archives.

49 Ce point est crucial pour les membres. Ainsi, le 22 octobre 1806, l’un d’eux ayant informé la Chambre du destin d’une de ses opinions, « enterrée » au Conseil d’Etat, « Un membre demande qu’à la première séance le secrétariat mette sous les yeux de la Chambre la notice des affaires sollicitées par elle et sur lesquelles le gouvernement n’a pas prononcé. » Cependant, la répétition de cette demande le 2 septembre 1807 montre qu’elle n’a pas eu de suites.

50 Procès verbal du 5 pluviôse an XIII (25 janvier 1805).

51 Ces cas, pour lesquels on dispose d’une bonne information, incitent à la prudence sur des explications simplistes des évolutions de la Chambre par la succession des ministres ou des préfets : les interlocuteurs des bureaux comptent aussi, et il est rare que beaucoup d’informations subsistent sur eux, du moins dans les fonds que j’ai pu consulter.

concertation et de consultation52. A côté de « conseils privés » provisoires, à composition variable (ministres, Conseillers d’Etat et sénateurs), les « conseils d’administration », convoqués en général une fois par mois sur le domaine de compétence d’un ministère, réunissent aussi un ou plusieurs ministres à des spécialistes : ils apparaissent en janvier 1800. Bonaparte demande souvent des états numériques à l’appui des rapports ; mais ceux-ci doivent aussi proposer un choix entre les solutions possibles

En réalité, lorsque Chaptal était ministre de l’Intérieur, ses rapports ne semblent que rarement avoir atteint le Premier Consul53 : le ministère semblait fonctionner de façon autonome – éventuellement en concertation avec la Chambre de Commerce de paris pour les affaires économiques. Mais, au fil des ans, les conseils d’administration de l’Intérieur se spécialisent. A partir de 1810, le blocus et la crise commerciale nécessitent de nouvelles interventions. Le 6 juin 1810, un ordre de service prescrit de tenir chaque lundi un « conseil

d’administration du Commerce et des Manufactures »54. Sans doute l’émergence de ce conseil d’administration rend-elle moins important le rôle de la Chambre de Commerce, et peut-elle expliquer la baisse d’activité notée au chapitre un pour cette période. Mais ce n’est pas toujours le cas : en effet, le conseil doit discuter sur la base d’informations, et la difficulté d’obtenir des statistiques sur le commerce et l’industrie de Paris offre parfois un monopole de fait à la Chambre. Ainsi, le procès verbal du 13 décembre 1810 du Conseil Général des Manufacures, qui reprend le rapport d’une Commission nommée pour « recueillir des

renseignements exacts sur l’état des filatures et des manufactures de coton », est envoyé le 17

au ministre. Or il est conservé aux Archives Nationales55 avec un rapport de la Chambre trois fois plus long, daté du 5 décembre et titré « mémoire sur l’état actuel du commerce » (son objet est effectivement bien plus général). Et le rapport du Conseil Général des Manufactures est ainsi annoté :

« Savoir d’après quelles données le rapporteur évalue à 120M la valeur des cotons fabriqués, exportés, tandis que la balance du commerce ne donne que 4M ou 5M. J’ai lu le mémoire de la Chambre de Commerce de Paris je crois qu’il y a beaucoup d’observations à

52 Chaptal note ainsi dans ses Souvenirs qu'à partir de l'établissement de l'Empire, Napoléon préfère aux réunions ministérielles hebdomadaires « des conseils d'administration sur une seule espèce d'affaires, civiles ou militaires, où il convoquait des techniciens des matières traitées ». Cité par Robert POUJOL, « Chaptal, ministre de l'Intérieur », dans Michel PERONNET (dir.), Chaptal, Toulouse : Privat, 1988, p.158. Voir surtout Charles DURAND, « Conseils privés, conseils des ministres, conseils d'administration de 1800 à 1814 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 17, juillet-septembre 1970, p.814-828, fondé sur une analyse précise des procès verbaux.

53 Alors que, 9 fois sur 10, les rapports du ministre de la Police sont joints aux envois de Cambacérès, Président du Conseil des ministres, à Bonaparte absent, le ministère de l'Intérieur est l'un des moins souvent cités, avec à peine 10 rapports en 1802-1804, dont aucun ne porte sur le commerce ou l'industrie (cf. Robert POUJOL, op. cit.).

54 Réuni 73 fois du 11 juin 1810 au 10 février 1812 selon Charles Durand : dans la même période, la Chambre de Commerce de Paris ne connaît que 50 réunions. Si l’Empereur est en principe seul juge des membres à convoquer, le ministre de l’Intérieur est toujours présent, et ceux de la Marine, des Relations extérieures et surtout des Finances y assistent souvent. On y trouve en outre toujours un ou plusieurs Conseillers d’Etat, dont le Président de la section de l’Intérieur ; les directeurs généraux de ministères, les deux préfets de Paris sont présents lorsqu’ils sont concernés. Collin, devenu ministre du Commerce en 1812, assistait auparavant aux Conseils comme Directeur Général des Douanes. Enfin, Chaptal (devenu sénateur) est explicitement nommé membre permanent. D’autres hommes, inspecteurs et ingénieurs des Ponts et Chaussées, voire parfois commerçants, sont entendus de façon ponctuelle. Enfin, l’Empereur lui-même est présent, alors qu’il ne paraît pas au Conseil Général du Commerce.

faire il me semble que le Conseil Général des Manufactures ne les a pas saisies – je désire revoir cette affaire en conseil des manufactures à la séance de la semaine prochaine ».

Que ces notes soient de la main du ministre ou de l’Empereur, il semble donc clair que la Chambre, lorsque, tout à la fois, elle informe, fait de l’économie politique et suggère une politique économique56, peut encore être écoutée, sinon suivie, car l’administration centrale, malgré ses propres structures consultatives, ne saurait tout faire elle-même.

Les Conseils Généraux du Commerce et des Manufactures : ni concurrents ni relais Les divers Conseils économiques du XIX° siècle ont été peu étudiées alors même que les archives (lacunaires) de leur délibération sont conservées aux Archives Nationales. Bertrand Gille a certes édité un inventaire analytique des procès verbaux du Conseil Général des Manufactures pour 1810-1829, accompagné d’une courte introduction et d’un répertoire des membres sur cette période57. Mais ce travail reste isolé. Il peut être complété, même sans recours aux procès verbaux difficilement accessibles, par bien des éléments présents notamment dans les archives de la Chambre. En effet, il s’agit ici d’essayer de comprendre dans quelle mesure les Conseils ont pu compléter ou concurrencer les fonctions des Chambres et en particulier de celle de Paris, comment les membres de la Chambre voient ces Conseils et ce qu’ils en attendent.

L’arrêté créant le Conseil Général du Commerce en l’an XI58 n’a défini que le mode de nomination de ses membres, mais non son financement et surtout ses fonctions. Sans doute était-il alors implicite qu’il reprendrait au moins une partie de celles du Conseil de l’Ancien Régime. Mais l’absence d’administrateurs en son sein rendait cette transposition plutôt hasardeuse. C’est seulement un an après sa création qu’un projet d’arrêté, qui vise à fixer ces fonctions, mais n’a jamais été promulgué59. Il s’agit d’abord de donner un avis sur « toutes les

observations et demandes » adressées par les Chambres de Commerce et de Manufactures et

« sur tout ce que le ministre lui transmettra relatif aux intérêts de l’agriculture, de l’industrie

et du commerce intérieur et extérieur » ; en outre « il lui sera donné connaissance des actes et décisions du Gouvernement » sur ces objets. La lettre de ce projet renvoie donc à peu près aux

fonctions du XVIII° siècle. Les membres doivent même recevoir des indemnités, sur la base d’une contribution additionnelle aux patentes.

56 cf. chapitre quatre pour une analyse du contenu de ce rapport, reproduit en annexe 5-2. Lorsque le ministre avait demandé au Conseil Général des Manufactures de créer un véritable système d’information, au besoin au moyen d’agents salariés, une simple enquête sur les forges est lancée, et les autres renseignements continuent à ne venir que des membres (cf. Bertrand GILLE, Le Conseil Général des Manufactures (inventaire analytique des procès verbaux) 1810-1829, SEVPEN,1961, p.XII-XIII). Apparemment, le Conseil aurait n’aurait pas réussi à se faire communiquer les statistiques départementales ou ministérielles, ni même obtenu les travaux du Conseil Général du Commerce. Bien que la Chambre de Commerce de Paris n’apparaisse guère plus efficace, en général, en matière de statistiques (cf. chapitre cinq), ces lacunes favorisent son intervention.

57 Bertrand GILLE, Le Conseil Général des Manufactures (inventaire analytique des procès verbaux) 1810-1829, SEVPEN,1961, XXVII-202p.

58 cf. annexe 1-1.

59 Impressions du Conseil d’Etat : plusieurs projets d’arrêté très courts et datés du même jour ont été regroupés dans un même document : Projet d’arrêté présenté par le ministre de l’Intérieur portant règlement pour les Chambres consultatives des Arts et Manufactures, et le Conseil général du Commerce, section de l’Intérieur, rapp. Laumont, 1° rédaction, Projet d’arrêté sur les chambres consultatives d’arts et métiers, rapp. Regnaud de Saint-Jean d’Angély, 2° rédaction, Projet d’arrêté sur le conseil général et les Chambres de Commerce, rapp. Regnaud de Saint-Jean d’Angély, 1° rédaction, 29 nivôse an XII (20 janvier 1804), 916.

Mais un autre projet daté du même jour envisage différemment le rôle du Conseil, l’astreignant avant tout à fournir « renseignements ou avis » à tous les ministres, limitant ses sessions à deux mois par an et surtout l’objet de sa consultation aux règlements de police sur les halles, marchés et foires, aux lois et règlements sur le commerce intérieur et extérieur. En contrepartie, il rend obligatoire la transmission de l’avis du Conseil Général du Commerce avec le projet du ministre, pour toute question « touchant les intérêts du commerce » soumise au Conseil d’Etat. Ce projet tente donc d’intégrer le Conseil dans la procédure de discussion des lois, plutôt que d’en faire la caisse de résonance des Chambres de Commerce. Quoi qu’il en soit, aucun des deux projets ne fut retenu, et le Conseil est loin d’avoir rempli toutes ces fonctions. Deux éléments très importants limitent notamment son action : ses membres ne sont pas rémunérés. Or, au XVIII° siècle, une indemnité leur permettait de résider à Paris – et, souvent, d’abandonner leurs propres affaires. De plus, il n’est pas censé correspondre directement avec les Chambres, mais seulement par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur. Cette disposition, justifiée par Chaptal à la séance d’installation du 2 messidor an XI (21 juin 1803) comme garantie que le Conseil n’exprime que l’intérêt général du commerce, limite en réalité son rôle, dans la mesure où les bureaux de l’Intérieur préfèrent traiter eux-mêmes l’essentiel des demandes des Chambres de Commerce60.

Le Conseil a pourtant suscité des espoirs : loin de s’en désintéresser, la Chambre y choisit ses candidats dès la première séance. Le 30 floréal an XI (20 mai 1803), Leroux, qui y a été nommé, réclame aux autres membres « [leurs] conseils et [leurs] lumières dans les