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superstructures et configurations localisées

Chapitre 2. Les anciens quartiers industriels en reconversion comme espaces privilégiés de l’observation reconversion comme espaces privilégiés de l’observation

2.1. Le quartier : une interface entr e localités et structures

Le quartier est un terme qui fait l’objet d’un usage intensif dans le langage courant, mais aussi dans celui des urbanistes sans que, dans les deux cas, la notion n’apparaisse jamais comme clairement définie (Authier et al, 2007b). De même, le quartier fait l’objet de débats nombreux et anciens en géographie et il est au cœur de plusieurs glissements théoriques opérés depuis la géographie classique (Humain-Lamoure, 2007) sans que la nature de cet objet ne parvienne jamais à faire consensus chez les chercheurs. Ainsi, dans ce travail qui place les quartiers comme échelle d’enquête et d’analyse des transformations urbaines, il nous semble utile de définir notre approche de cet objet aux contours mouvants, tantôt défini comme une simple échelle d’observation (Authier et al, 2007a), tantôt comme un concept opératoire (Humain-Lamoure, 2007), parfois même comme un idéal d’organisation des sociétés et donc comme un modèle normatif d’aménagement du territoire et de la vie en société (Lefebvre, 1970 ; Genestier, 1999)9. Nous résumerons ces débats théoriques afin de prendre position en définissant la manière dont la notion de quartier a été mobilisée dans la construction de ce travail, ainsi que ses apports et ses limites méthodologiques.

Le quartier en sciences sociales : unité d’objectivation de l’espace urbain ou échelle de définition du rapport des individus aux sociétés urbaines ?

Dans son sens géométrique, le quartier est une portion d’un tout d’échelle supérieure. Pris dans ce sens administratif et géométrique, le quartier semble correspondre à une unité préétablie à l’instar des districts nord-américains et des Stadtteil10 allemands. La notion pose directement la question de la limite du quartier, comment le découpe-t-on ? Sur quels critères l’isole-t-on du reste de la ville ? Le découpage administratif des quartiers urbains contemporains illustre bien cette difficulté à en objectiver les limites. En effet, ces constructions historiques sont tantôt issues de politiques de « zoning » (Scherrer, 1997) calquées sur des

9 Ces deux auteurs analysent de manière critique le caractère idéologique et normatif de certaines conceptions du quartier comme un idéal urbain type qui, sur le modèle du village ou de la paroisse, préserverai la vie urbaine d’une atomisation sociale complète.

10 Littéralement, « partie de la ville », ce terme se traduit par district et ne possède pas la polysémie du terme français de quartier car il ne désigne qu’une limite administrative.

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programmes de politique publique comme les quartiers de grands ensembles puis de politique de la ville (Genestier 1999) ou sur des critères fonctionnels, économiques - quartier du port, quartier d’affaire, etc. - (Scherrer, 1997), sociaux - quartier ouvrier -, voire ethno raciaux - quartiers noirs, chinois, etc. - tantôt des subsistances d’anciens découpages paroissiaux ou technocratiques11 (Saunier, 1994), voire d’anciennes communes intégrées à une ville centre plus importante.

Ainsi, une partie des approches du quartier par les géographes, depuis le milieu des années 1950, tend, dans une perspective holiste et fonctionnelle, à objectiver des découpages de quartier en en définissant, à partir d’indicateurs scientifiques, les grands types et leurs interactions avec le reste du système urbain, ainsi qu’avec les autres quartiers qui composent ce dernier. Ces approches tentent ainsi de délimiter le quartier selon des attributs communs basés d’abord, dans les années 1960, sur une division technique et sociale de l’espace (quartiers d’affaires, quartiers industriels, ou quartiers ouvriers, commerçants, etc.). Rarement étudié pour lui-même, le quartier est homogénéisé et toujours abordé dans son rapport à la ville dans son ensemble. Il est défini par rapport à une morphologie urbaine spécifique (enclavement, forme du bâti, etc.) censée illustrer une certaine unité par rapport à son environnement immédiat (Humain-Lamoure, 2007). Ces approches se renouvellent à partir des années 1980 où le développement des outils statistiques permet de pousser ces tentatives d’objectivation en ajoutant aux facteurs de morphologie urbaine, des indicateurs sociaux (revenus, profession, taux de pauvreté, etc.), de localisation (distance au centre-ville, etc.) qui permettent de produire une typologie de plus en plus précise des différentes formes de quartiers pour mettre en évidence les processus de ségrégation, de répartition des groupes sociaux, bref, la dimension spatiale des inégalités sociales à l’échelle de l’agglomération. Dans ces approches essentiellement typologiques, les quartiers sont considérés comme des « formes sociales spécifiques » (Ibid., p. 45) dont l’intérêt est principalement dans l’illustration de phénomènes qui touchent les sociétés urbaines dans leur ensemble. Dans la même tradition, les études urbaines voient également le développement d’approches plus localisées mais qui présentent également le quartier comme une forme sociale dont il est possible de dresser des typologies utiles à l’action publique ou des modèles scientifiques génériques dont l’objectif est de simplifier les réalités sociales à travers

11 De nombreux quartier administratifs français ont en effet étés découpés selon des critères de proximité avec les services publics (écoles, commissariat de police…), services qui ont progressivement disparu avec les multiples réorganisations territoriales. (Voir Saunier, 1994).

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des grandes figures qui permettent d’illustrer le rôle de types spécifiques d’espace dans les structures urbaines dans leurs ensembles. Les travaux les plus représentatifs en études urbaines concernent par exemples les études comparatives sur les permanences identifiables dans les processus et les formes des quartiers gentrifiés (Frisch et Capran, 2007) ou dans la planification, les formes et les appropriations sociales des écoquartiers (Adam, 2016), etc. Ainsi, ces approches holistes du quartier, préservant l’accent sur le poids de structures plus larges, semblent définir un quartier conçu et représenté de l’extérieur (par des limites administratives, des fonctionnalités économiques, des indicateurs statistiques) plus qu’approprié et construit de l’intérieur par les habitants. De ce fait, il ne prend que très peu en compte le vécu des individus et des groupes qui le fréquentent et y résident, au risque d’agréger des ensembles hétérogènes au prétexte de correspondances statistiques ou de cohérences morphologiques ou fonctionnelles.

Au-delà de ces approches visant à délimiter le quartier comme un ensemble géographique cohérent entretenant des interactions spécifiques avec le reste de la ville, et à en modéliser les effets au travers de typologies transposables de ville en ville, une seconde tradition scientifique, plus phénoménologique et individualiste se focalise sur le quartier comme un objet d’étude spécifique, enjeu de processus d’appropriation sociale qui participent de la définition du rapport des individus et des groupes sociaux à la ville. Loin de la volonté objectivante, ces approches se focalisent au contraire sur les pratiques individuelles et sur la dimension subjective de la construction du quartier. L’objet n’est pas d’en fixer les limites ou les formes morphologiques au travers d’indicateurs quantifiables mais plutôt d’analyser les sociabilités et les pratiques quotidiennes qui s’y jouent et qui font quartier. Ces approches individualistes considèrent ainsi le quartier comme un espace de pratiques, de quotidienneté de sociabilité (Humain-Lamoure, 2007) et donc de représentations identitaires. Ainsi, il apparaît comme un espace largement investi en valeur symbolique par ses habitants (Di Méo, 1994), un « espace social investi d’affects importants » (Allen, 2007, p. 144). Ce qui compte pour cerner le quartier, c’est ainsi la manière dont il est approprié et représenté par les individus qui le fréquentent au quotidien. Selon une approche plus idiographique et qualitative, ces théories cherchent à déconstruire les réseaux de sociabilité, les justifications individuelles qui fondent un sentiment d’appartenance collectif ou au contraire un éclatement social plus important à travers des compilations de récits individuels, des études des rythmes de la quotidienneté et des pratiques collectives qui prennent le quartier comme support. À ce titre, le quartier ne se

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confond que rarement avec des limites administratives ou fonctionnelles. De même, ils ne se résume pas à une série d’indicateurs sociaux ou de morphologie urbaine mais se définit par une intensité des pratiques et de réseaux quotidiens. Ces approches vont ainsi se focaliser sur les représentations internes aux quartiers, la manière dont il est vécu fonctionnellement et affectivement par ses habitants, éventuellement dont il est promu vers l’extérieur et, inversement, comment des représentations extérieures, stigmatisantes ou élogieuses, sont assimilées ou contestées par différents groupes habitants. La manière dont certains individus et groupes sociaux mobilisent ces ancrages pour assoir une certaine position sociale en dégageant une rente symbolique du fait d’habiter dans tel ou tel quartier (Bacqué et Vermeersch, 2013) est également largement étudiée. Ainsi, le quartier correspond plus à une unité de sociabilité fondée localement que seule une approche micro-sociologique, presque anthropologique, permet de révéler. Cette logique est aujourd’hui de plus en plus intégrée par les aménageurs urbains à la suite d’un mouvement de « territorialisation des politiques publiques » (Authier et al, 2007b, p. 17) entamé à la fin des années 1990 en France et dès la fin des années 1970 en Allemagne (Blanc, 2006). Ainsi, le projet urbain épouse de plus en plus souvent les contours du quartier et inversement. Construire un nouveau quartier ou faire émerger une vie de quartier devient un objectif courant des politiques d’aménagement urbain qui prennent cet échelon comme une ressource pour faire participer les associations locales et créer une mobilisation collective autour des projets urbains (Genestier, 1999 ; Authier et al, 2007b ; Thomassian, 2009). De même, parce qu’il constitue un échelon fortement « territorialisé » (Di Méo, 1994), plusieurs chercheurs analysent le quartier comme une échelle d’émancipation potentielle où les individus ont prise sur leurs espaces quotidiens et peuvent s’organiser pour proposer, voire expérimenter, des formes d’organisation ou des projets urbains alternatifs (Ndiaye et al, 2015), ou contester les impositions extérieures (Lelandais, 2009 ; Talpin, 2015).

Toutefois, cette approche individuelle du quartier conduit souvent à privilégier une approche « micro » qui, trop localiste et centrée sur le sensible, perd de vue les clivages sociaux plus larges et les grandes structures de production de l’espace urbain et d’expression des inégalités sociales en ayant tendance à postuler une « échelle de sociabilité spontanée sur le

modèle du village rural ou de la paroisse » (Humain-Lamoure, 2007, p. 42), opérant une

simplification des réseaux et des luttes qui se jouent à échelle plus large. Renforcé par un tournant individualiste et post-moderne dans les sciences sociales (Genestier, 1999), le quartier, espace d’expression de l’appartenance à un groupe sociale urbain, donc d’intégration, ou de son

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avatar négatif : le communautarisme, devient un idéal-type qu’il s’agirait de faire émerger (Lefebvre, 1970) et de façonner de la bonne manière. Il est ainsi considéré comme un référentiel d’action pour les pouvoirs publics, à l’origine d’une rhétorique humaniste de la réactivation du lien social, du sens de l’inscription urbaine des individus (Genestier, 1999), qui aurait été dissous par la métropolisation et par l’atomisation des groupes sociaux liées au développement des mobilités (Humain-Lamoure, 2007). Ainsi réduite à sa dimension subjective, la définition du quartier n’en souffre pas moins de biais d’essentialisation à un ou des collectifs dont les limites sont floues et mouvantes. En effet, si les délimitations administratives et les modélisations statistiques peinent à cerner les réalités du vécu des habitants en essentialisant des représentations issues d’indicateurs nécessairement incomplets, comment délimiter un espace qui se définit par un certain agencement des liens sociaux entre individus ? Est-ce la rue, l’ilot, la place du marché ? etc. Ici encore, la limite est bien difficile à fixer et on ne saurait postuler l’existence même de ces réseaux de sociabilité sans une enquête approfondie sur les processus de représentation et d’appropriation de l’espace par les différents groupes sociaux y résidant. À l’opposé du parti pris holiste des approches modélisantes, les approches subjectivistes du quartier semblent également refléter une idéologie (Lefebvre, 1970), aujourd’hui très puissante, « qui tend à percevoir le local en tant qu’ordre de réalité privilégié » (Genestier, 1999, p. 143), ne considérant plus ainsi l’espace comme un produit des structures sociales dans leur complexité.

Une unité d’observation des trois dimensions de l’espace social à l’articulation des enjeux locaux et structurels

À l’articulation de ces questionnements théoriques, et actant le fait que « partir à la

recherche d’un quartier, c’est peut-être inévitablement en simplifier les contours et les fonctions » (Saunier, 1994, p. 114), nous proposons de fonder ce travail sur une approche

empirique des quartiers qui soit suffisamment mouvante pour prendre en compte les différentes dimensions épistémologiques pointées ci-dessus, tout en fixant des indicateurs et des limites suffisamment précises pour assurer leur comparabilité. Pour éviter les biais d’essentialisation des deux traditions théoriques de l’approche des quartiers en sciences sociales, il convient d’en revenir aux trois dimensions de la production de l’espace, dont l’articulation est l’objet de ce travail : la conception, la représentation et l’appropriation. Comme nous l’avons souligné ci-dessus, les approches modélisantes et administratives se basent sur des indicateurs statistiques

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et sociaux ainsi que sur des zonages fonctionnels souvent utiles aux opérations de conception matérielle de l’espace mais qui sont aussi basées sur des représentations exogènes des quartiers qui circulant par de nombreux canaux (presse, réseaux professionnels, etc.). Elles nous permettent ainsi un accès empirique à une grande partie des indicateurs qui sous-tendent la conception et la représentation de l’espace qui ne se jouent pas dans les réseaux de proximité locaux. De même, les approches subjectives s’attachent à déconstruire les processus d’appropriation et de représentations endogènes des quartiers à travers les discours et les pratiques des habitants. L’étude concomitante des indicateurs exogènes (projets urbains, stigmatisation, valorisation, etc.), et endogènes (identité, contestation, hybridation, etc.) nous permettra de comprendre comment ces trois dimensions interagissent. Le quartier constitue une échelle pratique idéale pour mener cette étude. Il se situe à l’articulation de processus de projets institutionnels qui supposent l’intervention d’acteurs à différentes échelles et de processus d’appropriation micro-locaux qui transforment durablement les formes de l’espace urbain ainsi que les modalités de conception et de représentations de l’espace local. En ce sens, le quartier est une interface entre les échelles : locale (celle du lieu, du signe, du marquage), urbaine (enjeux politiciens, dimensions de la production et de l’emploi, schéma de développement urbain, etc.), globale (États, Union Européenne, investisseurs transnationaux, etc. – qui agissent sur la production urbaine selon des intérêts et des agendas qui leurs sont propres –, modes de vie, apports de subventions, dispositifs juridiques, attractivité urbaine, etc.). Dans l’ensemble de ces dimensions, les délimitations du quartier restent nécessairement floues, les périmètres des projets urbains, qui nous intéressent particulièrement, ne se confondent que rarement avec les limites administratives des districts et des arrondissements urbains, quand ceux-ci existent12. De même, comme nous l’avons exposé, les processus d’appropriation et de représentation qui fondent la dimension sociale du quartier ne se bornent pas aux périmètres des projets urbains. Ils impliquent des dépassements dans les subdivisions administratives ou fonctionnelles alentours ou des subdivisions sociales à l’intérieur même de ces périmètres, qu’il faudra également prendre en compte dans notre étude. Enfin, la création d’un quartier, au sens d’espace de sociabilité et d’intégration, étant parfois l’objectif même des projets institutionnels et de l’intervention de nombreux acteurs, publics ou privés sur la scène locale, le quartier en tant qu’idéologie (Lefebvre, 1970) reflétant la tendance dominante de la production des espaces locaux devra faire partie des processus étudiés.

12 En Allemagne, toutes les grandes villes sont subdivisées en districts mais en France, seules Paris, Lyon et Marseille possèdent ces subdivisions officielles.

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Sur le plan pratique, le quartier est souvent l’échelle la plus fine de production statistique13, ce qui permet à la fois une contextualisation plus aisée des espaces étudiés et une comparabilité accrue entre ces derniers. De même, notre étude se concentrant sur l’ensemble des trois dimensions de la production de l’espace et impliquant des questionnements larges, le quartier d’échelle restreinte permet d’analyser le plus finement et le plus exhaustivement possible les articulations de ces trois processus, sans accumuler une quantité de données que l’on ne pourrait traiter sur la durée d’une thèse. Se focaliser sur des quartiers permet aussi de collecter et d’analyser des données plus diversifiées qui nous permettront d’agréger un plus grand nombre d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs afin de modéliser très finement les processus de production urbaine dans les quartiers étudiés, nous approchant de l’ambition théorique d’effectuer une « géographie sociale systémique » de la production urbaine, à l’articulation des échelles quasi individuelles et des échelles « macro ».

Même si les quartiers étudiés ne seront pas analysés uniquement pour eux-mêmes ni pour ce qu’ils révèlent de situations locales spécifiques, mais avec le projet de monter en généralité quant aux formes contemporaines des processus de valorisation de l’espace urbain, notre approche du quartier comme échelle d’opportunité méthodologique comporte de nombreuses limites qui ne pourront pas toutes être réduites. Pour commencer, cette échelle se révèle insuffisante pour appréhender la complexité des rapports sociaux de production qui se jouent à une échelle plus large. Les quartiers étudiés se caractérisent souvent par l’absence de certaines classes sociales comme la grande bourgeoisie dont une étude fine des pratiques d’investissement financier serait pourtant utile pour comprendre les mutations des espaces urbains contemporains. Dans le même ordre d’idée, la subordination des formes des projets urbains à des pouvoirs d’échelles supérieures (États, Union Européenne, etc.), donc à des décisions prises par des acteurs non accessibles localement, que l’on peut seulement reconstituer seulement par des sources interposées qui nous ne livrerons qu’une version incomplète de leur généalogie et des intérêts qui les ont présidés, constitue une limite importante. De même, et plus localement, la forme des réseaux de sociabilité des individus et des groupes sociaux ne se circonscrit pas au quartier. Elle se développe dans l’ensemble de l’espace urbain et des quartiers alentours. La focalisation sur le quartier prive ce travail d’une

13 La majorité des statistiques (populations, catégories sociaux professionnelles, constructions immobilières, etc.) sont disponibles à l’échelle de l’IRIS en France et du district en Allemagne.

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analyse plus exhaustive des trajectoires sociales de ces derniers. Le quartier constitue donc ici plus « une entrée, une échelle d’analyse privilégiée, une unité d’observation qu’un concept ou

un objet, ce cadre descriptif n’a de sens que confronté à d’autres échelles (la ville, la métropole) et d’autres espaces de la ville (la Rue, la Place) » (Authier et al, 2007a, p. 8). Enfin, dans le

cadre d’une démarche comparative, l’approche par le quartier suppose une autre limite qu’il convient d’assumer. Un ou plusieurs quartiers spécifiques ne sauraient représenter complètement des unités territoriales plus larges comme une ville, une région ni, à plus forte raison, un État. Bien qu’effectuant une comparaison entre des quartiers situés en France et en Allemagne, ce travail ne doit pas être pris comme une comparaison des modalités et des formes de la production urbaine dans ces deux pays. Tout juste permettra-t-il d’en dresser des pistes, valables pour des contextes spécifiques d’anciens quartiers industriels en mutation dans le cadre de ces contextes nationaux.

Le quartier comme cadre méthodologique

Pour résumer, le quartier sera ici avant tout mobilisé comme un cadre méthodologique permettant une récolte de données les plus variées possibles. L’idée est d’analyser à la fois les processus de conception et de représentation, « par le haut », caractéristiques des programmes d’aménagement urbain et des stratégies politiques sur lesquelles ils se fondent, et les processus sociaux d’appropriation et de représentation qui émanent des habitants et qui influent sur les conditions de la reproduction sociale des espaces étudiés à travers des pratiques qui ne sont pas nécessairement complétement conditionnées par les interventions liées aux projets urbains et aux structures sociales plus larges. Ainsi pensée, cette échelle articule l’ensemble des trois dimensions de la production de l’espace et laisse entrevoir les processus de valorisation/dévalorisation que nous souhaitons articuler (processus exogènes au travers d‘investissements de valeurs économique, symbolique et d'usages et endogènes par appropriation, investissement de capital social ou symbolique, etc.).

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2.2. Les anciens quartiers industriels comme cadres exemplaires des processus