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réintensification progressive de l’urbanisation

Chapitre 4. Une dévalorisation matérielle et politique des espaces industriels : déclin et disparition des capitaux espaces industriels : déclin et disparition des capitaux

4.1. Le déclin industriel aux sources de la perte de la fonction urbaine instituée

La fin du XXème siècle est marquée par un mouvement de réorganisation du capitalisme et de la production économique à l’échelle mondiale. Celui-ci se caractérise par une globalisation et une interpénétration de plus en plus forte des marchés financiers et industriels et une concurrence de plus en plus forte entre les entreprises qui cherchent à augmenter leur compétitivité en intensifiant la production de marchandises et leur logistique, à bas coût en s’internationalisant et en déplaçant leurs usines de production dans les pays émergents, à la main d’œuvre moins coûteuse. Ce mouvement de délocalisation des capitaux industriels et des activités qui leur sont liés a eu de fortes conséquences sur l’organisation des espaces de nos quatre quartiers d’études. Toutefois, nos quatre espaces se caractérisent par deux modalités particulières d’entrée dans cette économie mondialisée. D’un côté les deux espaces industrialo-portuaires, la Presqu’île de Caen et le quartier Saint-Nicolas au Havre, ont connu une désindustrialisation progressive liée à des phénomènes d’adaptation aux évolutions des configurations de l’économie mondiale. De l’autre, les espaces industriels est-allemands ont connu une désindustrialisation brutale, entre 1989 et 1995, liée à leur immersion immédiate dans l’économie de marché suite à l’intégration de la RDA à la RFA. Les paragraphes suivants analysent les causes et les temporalités de ces processus de désindustrialisation ainsi que leurs conséquences sur les tissus économiques, démographiques et sociaux de nos quatre quartiers d’étude.

La transformation des activités portuaires et industrielles françaises : un long délitement économique de la Presqu’île de Caen et du quartier Saint-Nicolas

L’industrialisation de la Presqu’île de Caen et du quartier Saint-Nicolas au Havre est liée au développement du trafic maritime à partir du XVIIIème siècle. Dans les deux cas, ces espaces sont issus d’un premier mouvement d’intensification portuaire au début du XIXème

siècle et d’une augmentation de la taille des bateaux qui rend obsolètes le port médiéval de Caen (sur l’Orne) et les bassins centraux historiques du Havre. L’extension portuaire dans ces quartiers péricentraux permet un premier mouvement d’intégration des activités portuaires et des activités industrielles s’y rattachant (construction naval, sidérurgie, stockage de vrac, etc.). Toutefois à partir des années 1950, la globalisation progressive de l’économie entraîne une

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intensification des échanges internationaux et une concurrence de plus en plus forte entre les localisations portuaires. Ce mouvement s’amplifie à partir du choc pétrolier des années 1970 et de la crise économique qui lui succède. Cette crise réduit fortement la compétitivité de nombreux secteurs industriels des pays capitalistes développés par rapport aux pays émergents. Les filières industrialo-portuaires issues du modèle fordiste d’intégration des activités de production à proximité des ports sont particulièrement touchées par cette crise à cause de la disparition progressive des activités de constructions navales, de sidérurgie et de raffinage notamment (Magnan, 2016). Enfin, la pénétration des référentiels économiques néolibéraux de « l’accumulation flexible », fondés sur « la modification rapide des moyens de productions pour

répondre rapidement aux changements quantitatifs et qualitatifs de la demande »

(Mérenne-Shoumaker. 2002, p. 77) impliquent une logique de flux tendus et une augmentation de la taille des bateaux afin de réduire au maximum le temps et les coûts de transport. Cette intensification des flux implique une spécialisation logistique des ports et est permise par le développement du conteneur. Cette spécialisation entraîne ainsi le déclin des activités de stockage de produit en vrac, ce qui impacte fortement les ports anciens intégrés aux espaces productifs. L’augmentation de la taille des bateaux entraîne un glissement des activités portuaires vers des ports en eau profonde (Chaline, 1993) ou qui peuvent accueillir des bateaux au tirant d’eau plus important et l’abandon progressif des waterfronts péricentraux (Ibid., 1993 ; Chevalier, 2004).

Ces évolutions macro-économiques du système industriel et portuaire auront pour conséquences la désindustrialisation progressive des espaces portuaires anciens de Caen et du Havre, spécialisés dans la production navale et le stockage de produits en vrac (bois pour Caen, épices, coton et café pour le Havre). De plus la taille du canal et des bassins portuaires de la Presqu’île de Caen (Raoulx, 1996) et des bassins historiques du quartier Saint-Nicolas (Lecoquière et al, 2010) est insuffisante pour faire face à l’augmentation de la taille des bateaux et les activités portuaires glissent progressivement vers la mer et l’estuaire de la Seine.

La partie proche du centre-ville du port de Caen est d’une importance historique relativement faible et son déclin est ancien. Dès 1911, les activités portuaires commencent à glisser vers la Mer, au nord de l’agglomération, et les communes de Mondeville, Hérouville-Saint-Clair et Blainville sur Orne, où le tirant d’eau est supérieur. Dès les années 1920, la partie caennaise du canal n’est plus apte à recevoir les plus gros bateaux même si une activité portuaire

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relative se maintient grâce aux compagnies de construction navale et de stockage de bois et de charbon. C’est à partir du choc pétrolier des années 1970 que le port de Caen décroît fortement. La concurrence économique liée à la mondialisation ne profite pas aux industries de la Presqu’ile et des environs. La SMN, une grande usine sidérurgique située à proximité de la Presqu’île et dont dépendent une bonne partie des activités portuaires, ferment ces portes en 1993, ce qui entraîne une désertion du bassin d'Hérouville. En 1990 c'est la Société Naval Normande qui ferme. L'usine de Charbon et Combustibles de Normandie (LCN) est la dernière à disparaître en 2008.

Figure 23 : Principales disparitions d'activités économiques sur la Presqu'île de Caen entre 1975 et 2010

Réalisation : Antonin Girardin, 2018. Sources : Démosthène, 2013

La carte ci-dessus illustre ce déplacement progressif des activités portuaires vers la mer. Les activités situées sur la pointe de la Presqu’île, au plus proche du centre-ville, comme les entreprises d’importation de bois des chantiers Savare et de construction navale et transport de marchandises de la SNC, disparaissent à partir du milieu des années 1970. Malgré une réduction constante de leurs activités, les entreprises logistiques situées au cœur de la Presqu’île, dont la

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plus notable est l’entreprise d’importation de Charbon LCN, se maintiennent jusqu’à la fin des années 2000.

Enfin, la Presqu’île est composée dès les années 1980, d’un tissu relativement important d’entreprises de petites tailles qui ne sont pas spécialisées dans l’économie portuaire mais plutôt dans le commerce de détails ou de gros et qui parviennent à se maintenir jusqu’à aujourd’hui (Beynard et al, 2015). La fermeture de ces entreprises intervient souvent à l’issue de plusieurs décennies de réduction de leurs activités si bien qu’il est difficile d’estimer précisément le nombre d’emploi disparus sur la longue période de déclin de l’industrie sur la Presqu’île. À titre d’exemple les entrepôts de charbon des Combustibles de Normandie comptaient environ 350 salariés dans les années 1960 et n’en comptent plus qu’une quinzaine au moment de leur fermeture en 2008 (Chevé et al, 2007). Toutefois, contrairement à nos trois autres espaces d’études, la Presqu’île de Caen ne connaît pas une disparition complète de sa fonction économique et se distingue par le maintien d’une activité industrielle relativement importante jusqu’à aujourd’hui avec la subsistance d’une meunerie sur la pointe de la Presqu’île et d’un tissu d’environ 130 PME et TPE pour environ 1150 emplois, principalement au cœur de la zone (Ancerne et al, 2016).

Le déclin économique du quartier Saint-Nicolas est plus brutal que celui de la Presqu’île, puisque la majeure partie des activités industrielles et portuaires disparaissent entre 1975 et 1995 après le choc pétrolier et le mouvement d’intensification du transport par conteneurs. En effet, le port du Havre se transforme et se déplace vers le Sud et l’estuaire de la Seine. À partir du début des années 1970, le port autonome du Havre construit les premiers terminaux à conteneurs au sud de la ville. De nouveau terminaux seront construits jusqu’au début des années 2000 autours de bassins de plus en plus profonds et de plus en plus éloignés de la ville.

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Figure 24 : Principales disparitions des activités économiques entre 1980 et 2005 dans le quartier Saint-Nicolas

Réalisation : Antonin Girardin, 2018. Sources : Bastide, 2006

L’ensemble des activités économiques du quartier Saint-Nicolas, concentrées à proximité des bassins, sont concernées par la transformation portuaire. Au nord du quartier, les docks Vauban et les docks café, spécialisés dans le stockage de vrac cessent leurs activités en 1990 (Zalio, 2008). À l’ouest du quartier, les chantiers Caillard, spécialisés dans la production d’équipements pour les grues et les bateaux, sont placés en liquidation judiciaire en 1981. Environ 4250 emplois disparaissent ainsi du quartier lors de la période 1980-1995, les dockers et le chantier Caillard représentant respectivement environ 2000 et 1250 emplois en 1975 (Bastide, 2006 ; Bastide et al, 2015).

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L’effondrement brutal de l’industrie est-allemande différemment marqué à Plagwitz et à Friedrichstadt

La désindustrialisation des quartiers de Plagwitz et de Friedrichstadt a été beaucoup plus brutale que celle des deux exemples normands. Au début du XXème siècle, la région saxonne était l’une des plus industrialisée d’Europe. Elle était spécialisée entre autres dans l’extraction minière et la production de machines-outils, d’armement et de textile (Schmidt, 2001). Ce tissu productif important, issu de la seconde révolution industrielle qui marque, au milieu du XIXème siècle, l’urbanisation des villes saxonnes, est encore renforcée par le régime socialiste de la RDA qui considère la production manufacturière et le secteur secondaire comme un secteur stratégique de première importance jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. Ainsi, alors que l’économie de la plupart des pays capitalistes avancés est marquée par une réduction progressive du poids du secteur secondaire depuis le début des années 1970, celui-ci se maintient à un niveau important en Saxe jusqu’en 1990, où 54% de la population active travaille encore dans le secteur industriel (Ibid.). Les villes de Leipzig et de Dresde se situent un peu en dessous de cette moyenne puisqu’entre 40 et 45% de la population active travaille dans le secteur secondaire en 1988 (Deshaies, 2017, p. 7). Le district de Plagwitz, centre majeur de la production manufacturière lipsienne depuis le milieu du XIXème siècle, illustre parfaitement cette forte représentation de l’industrie dans l’économie est-allemande puisqu’en 1990. Il compte plus de 800 usines, principalement de production textile et de machine outils, dans lesquels travaillent près de 20 000 personnes (Agence nationale de l’habitat, 2008 ; Riedel, 2017) sur les 100 000 salariés du secteur industriel que compte la ville en 1989 (Agence nationale de l’habitat, 2008). Le système industriel est-allemand, à la pointe des échanges internationaux durant la première partie du XXème siècle, connaît toutefois des mutations liées à son intégration dans le bloc socialiste à partir du début des années 1950. En effet, le modèle économique est maintenu grâce à la consommation intérieure et aux circuits d’exportation des produits finis vers les pays du bloc de l’est ainsi qu’à une fermeture de l’économie nationale aux produits venus du bloc capitaliste.

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Photographie 1 : Le paysage industriel du district de Plagwitz en 1920

Source, Riedel, 2017, p. 5

L’année 1990 et le processus rapide de réunification allemande marque un tournant pour l’industrie Est-allemande. En effet, l’intégration de la RDA à la RFA entraîne par la même occasion l’intégration du système économique est-allemand à l’économie de marché et à la concurrence internationale. Or, sur le plan technique (technologie de production, productivité, qualité des produits, etc.) les industries est-allemandes n’ont pas opéré le mouvement de modernisation connu par les entreprises du bloc capitaliste tout au long du XXème siècle. Elles ne peuvent donc pas rivaliser avec ces dernières en matière de compétitivité, affichant une productivité quatre fois plus faible que leurs concurrentes ouest-allemandes (Deshaies, 2017). De plus, cette intégration ne fait l’objet d’aucune mesure de régulation, même temporaire, et est même au contraire brutalement organisée de l’extérieur dès le mois de juin 1990 (Schmidt, 2001). L’union monétaire est ainsi déclarée par le gouvernement allemand. Cela a pour effet un alignement des salaires et des prix avec ceux de l’Allemagne de l’ouest facilitant l’exportation des produits de l’industrie de l’ouest, plus variés et de meilleure qualité, à l’Est, fermant le marché intérieur aux industries est-allemandes (Zielinski, 2011). Cela entraîne également l’augmentation drastique des coûts de production des marchandises est-allemandes leur fermant ainsi les marchés des pays de l’Europe orientale (Deshaies, 2017). Cette « stratégie du choc »

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(Zielinski, 2011) est renforcée par la mise en place de la Treuhanstalt, un organisme chargé de la privatisation et de la gestion des anciennes propriétés d’État de la période socialiste, c’est-à-dire de l’ensemble du tissu résidentiel, commercial, industriel et agricole. Cet organisme, fondé selon une vision ordolibérale de garantie par l’État des mécanismes de l’économie de marché a pour but d’organiser le plus rapidement possible la libéralisation de l’ancienne RDA. Il possède trois missions principales : « la première, […] était la privatisation des entreprises

est-allemandes, la deuxième l’assainissement d’une partie d’entre elles afin d’améliorer les possibilités de vente, la troisième la fermeture d’entreprises dont la vétusté rendait la vente ou l’assainissement inenvisageables » (Ibid. p. 106). Cette libéralisation rapide d’une industrie

vétuste et non compétitive a entraîné la chute brutale de l’industrie est-allemande. La proportion d’actifs dans le secteur secondaire est tombée brutalement à 24,7% en 1991 et un quart des unités industrielles des nouveaux Lander (souvent les plus importantes) ont fermé en un an, entraînant la disparition d’environ 1.5 millions d’emplois (Schmidt, 2001).

La ville de Leipzig est particulièrement touchée par cette désindustrialisation, puisque près d’un site industriel sur cinq est supprimé entre 1990 et 1997, ce qui entraîne la disparition d’environ 100 000 emplois industriels (Agence nationale de l’habitat, 2008). Plagwitz fait partie des espaces les plus touchés de la ville et de la région puisqu’ici, ce sont près de 80% des entreprises qui disparaissent sur la même période, entraînant la suppression de près de 18 000 emplois (Ibid.).

On estime donc que 640 entreprises ont fermé à Plagwitz au cours des années 1990. Ces fermetures sont brutales et s’opèrent, sauf rares exceptions, entre 1990 et 1993. La carte ci-dessous fait figurer les plus importantes d’entre-elles, dont les fermetures ont eu de fortes conséquences sur l’emploi, ainsi que sur les transformations urbaines connues par le quartier dans les années 1990. Les deux fermetures les plus remarquables concernent les deux filatures, un temps les plus grandes d’Europe (Stadt Leipzig, 2010, p. 14), Baumwollspinnerei à l’ouest du quartier et la Kammgarnspinnerei à l’est. Chacune d’entre-elles employait plus de 1.600 salariés en 1989. Elles ferment dans les trois années qui suivent la réunification. Les entreprises qui ne ferment pas immédiatement et qui font l’objet de processus de modernisation voient souvent leurs activités et donc leur nombre d’emplois largement réduits. À ces usines importantes, on peut ajouter l’ensemble des petites unités économiques (d’artisanat ou de

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commerces de proximité) intégrées aux ilots résidentiels qui disparaissent lors de cette période. Ce déclin brutal touche ainsi l’ensemble du tissu bâti du quartier sauf la zone sud, espace de grands ensembles pas concerné par les emprises industrielles.

Figure 25 : Principales fermetures d'usines à Plagwitz entre 1990 et 1998

Réalisation : Antonin Girardin, 2018. Sources : Riedel, 2017 ; http://www.spinnerei.de/the-end-of-the-industrial-area-and-a-new-beginning.html

Un peu moins industrialisée que sa consœur Leipzig, Dresde a aussi connu un effondrement industriel d’importance, avec la disparition de près de 75.000 emplois industriels dans les dix ans qui suivent la réunification (Kil, 2003). Une grosse partie des usines les plus importantes est concentrée à l’est et au nord de la ville. Le quartier de Friedrichstadt connaît une industrialisation plus modeste que Plagwitz en concentrant principalement des brasseries, des verreries, des usines de produits chimiques de taille plutôt moyenne qui ne revêtent pas d’importance stratégique majeure pour l’État est-allemand. Toutefois, comme pour Plagwitz,

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le quartier est irrigué par de nombreuses petites unités industrielles, intégrées à l’espace bâti, qui ferment leurs portes au début des années 1990.

Contrairement à Leipzig et au district de Plagwitz qui a fait l’objet de nombreuses études au point de devenir quasiment un modèle de l’ancien quartier industriel est-allemand en déclin (Institut für Kulturwissenschaften der Universität Leipzig, 2002 ; Bontje, 2004 ; PUCA et al, 2006 ; Agence nationale de l’habitat, 2008 ; Florentin, 2010 ; Florentin et Paddeu, 2013 ; Burdack et al, 2013 ; Riedel, 2017 ; etc.), les formes et l’intensité du déclin de Friedrichstadt n’ont guère été analysés et les statistiques sur la disparition des emplois industriels ne sont pas disponibles. On peut toutefois relever la fermeture de trois usines relativement importantes au nord du district. L’ancienne brasserie Bramsch qui produisait plus de 5 millions de bouteilles de bière par an en 198935, la fabrique de cigarette Yenidze au nord-est du quartier et les anciens entrepôts de construction et de réparation de tramway, au sud-est de l’ancienne brasserie.

Figure 26 : Principales fermetures d'usines à Friedrichstadt entre 1990 et 1995

Réalisation : Antonin Girardin, 2019. Sources : ; http://www.dresdner-stadtteile.de/Zentrum/Friedrichstadt

35 http://www.dresdner-stadtteile.de/Zentrum/Friedrichstadt/Strassen_Friedrichstadt/Friedrichstrasse/Bramsch-Spirituosenfabrik/bramsch-spirituosenfabrik.html, consulté le 11 janvier 2020.

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Des espaces paupérisés et en recul démographique

Si les causes et les intensités structurelles de la désindustrialisation sont différentes dans les cas industrialo-portuaires français et industriels est-allemands, les conséquences économiques et sociales locales, au début des années 2000, sont très similaires. Sur le plan démographique tout d’abord, suite à une forte diminution de l’emploi industriel, les quatre quartiers connaissent une diminution importante et continue du nombre de leurs habitants à partir du milieu des années 1980. Cette baisse démographique n’affecte pas vraiment la Presqu’île de Caen qui ne comptait qu’une quinzaine d’habitants dans les années 1960, la majeure partie d’entre eux ayant quitté le quartier suite au développement de l’industrie charbonnière dans les années 1970. Dans les trois autres quartiers, la diminution de la population est très significative. Le quartier Saint-Nicolas a connu une baisse d’environ 1.000 habitants entre le début des années 1980 et 1999 (Mialet et Jouannais, 2017), soit environ 27%. À Friedrichstadt, cette baisse est similaire et le quartier perd environ 1.507 habitants entre 1990 et 2000, soit environ 22% (Landeshaupstadt Dresden, 2002). À l’image du processus de désindustrialisation, c’est à Plagwitz que la diminution démographique est la plus importante, puisque le quartier perd environ 5.000 habitants entre 1990 et 1998 (Stadt Leipzig, Amt für Statistik und Wahlen, 2016), soit plus de 38% de la population. Les deux quartiers allemands connaissent des baisses démographiques bien plus prononcées que celle des villes dans lesquelles ils se situent, malgré la crise démographique structurelle connue par les villes des nouveaux länder après la réunification (Aquatias, 2016), principalement causée par un départ massif des populations vers l’ouest en 1989/1990 (Denzer, 2001), puisque la ville de Leipzig connaît une diminution de 14,5 % de sa population entre 1990 et 1998 et celle de Dresde de 2,3 % sur cette même période.

Parallèlement, les anciens quartiers industriels connaissent des processus de paupérisation importants qui affectent les populations restées sur place et qui tendent à s’accentuer au fur et à mesure des années 2000. Ces espaces, ainsi que les quartiers résidentiels à proximité des anciens espaces productifs, sont marqués par la concentration de populations défavorisées. Ces difficultés socio-économiques se traduisent dans un certain nombre

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d’indicateurs statistiques36. Le quartier Saint-Nicolas accuse ainsi en 1995 un taux de retard scolaire de 35 % en CM2 (Bourdeau et Rossi-Cottin, 1995, p. 155) contre environ 21 % pour l’ensemble de la France. Les districts de Plagwitz et de Friedrichstadt concentrent en 2002, respectivement 100 et 84 bénéficiaires des aides sociales allemandes pour 1000 habitants contre 55 pour 1000 à Leipzig, 32 pour 1000 à Dresde et 33 pour 1000 dans l’ensemble de L’Allemagne. Ces quatre espaces ont ainsi pour point commun une forte concentration des populations ouvrières jusqu’au milieu des années 2000 ainsi qu’une concentration élevée de chômeurs par rapport au reste des villes et aux pays auxquels ils appartiennent. En 2002, le taux