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Nous pr´esentons bri`evement la probl´ematique de la quantification des images TEPd en imagerie des r´ecepteurs.

Une notion fondamentale de cette discipline est le ”potentiel de liaison” (binding poten-tialou BP), qui caract´erise la fixation sp´ecifique aux r´ecepteurs d’int´erˆet en liant la densit´e de r´ecepteurs Bmax`a l’affinit´e a du radioligand pour ces derniers :

BP = B× a = BKmax

D

, (6.1)

o`u KDest la constante de dissociation du radioligand. Les mesures de BP sont ainsi l’un des objectifs principaux des ´etudes en imagerie TEP des r´ecepteurs [143]. Si la d´etermination exacte de sa valeur ne peut ˆetre obtenue que par des ´etudes in vitro, l’imagerie TEPd per-met toutefois, sous r´eserve de mod´elisation adapt´ee, d’estimer des valeurs qui lui sont proportionnelles [144].

6.2.1 Quantification TEPd bas´ee pr´el`evements art´eriels

Plusieurs r´esultats [145, 141] montrent que la cin´etique des radioligands de la TSPO peut ˆetre mod´elis´ee de mani`ere satisfaisante en imagerie TEPd par un mod`ele comparti-mental `a deux compartiments tissulaires r´eversibles [135]. Un tel mod`ele est sch´ematis´e sur la figure 6.1. Un premier compartiment P correspond au radiotraceur au sein du plasma art´eriel avant son passage au travers de la barri`ere h´emato enc´ephalique. Un premier partiment tissulaire, F +NS (F pour free, NS pour non-specific), ´echangeant avec le com-partiment P , correspond au [18F]DPA-714 circulant librement dans le cerveau ou fixant de

1. Ir`ene Buvat, Michel Boettlander, Catriona Wimberley, Sonia Lavisse, Wadad Saba. Inserm, CEA/DSV/I2BM, Service hospitalier Fr´ed´eric Joliot, Orsay.

Figure 6.1 – Mod`ele `a deux compartiments tissulaires. Le voxel TEP est vu comme une superposition des contributions issues de deux compartiments tissulaires (en rouge, si l’on n´eglige la composante sanguine P ) ou de trois compartiments (en vert, si on l’inclut).

mani`ere non-sp´ecifique sur d’autres macromol´ecules. Il est ainsi suppos´e que les ´echanges pharmacocin´etiques entre les compartiments F et NS sont assez rapides pour ne pas ˆetre distingu´es, ce qui permet de simplifier le mod`ele [143]. Un second compartiment tissulaire Scorrespond au radiotraceur s’´etant r´eellement fix´e `a la TSPO2.

Les variations de concentration `a l’instant t entre les diff´erents compartiments du mod`ele sont trait´ees comme des processus du premier ordre, conduisant `a un syst`eme de trois ´equations diff´erentielles coupl´ees :

tCP =−K1CP + k2CF +N S

tCF +N S= K1CP − (k2+ k3)CF +N S+ k4CS

tCS= k3CF +N S− k4CS, (6.2)

o`u CX(t)est la concentration du radiotraceur dans le compartiment X `a l’instant t et o`u les K1, k2, k3 et k4 sont les param`etres d’´echange cin´etique, consid´er´es constants sur la dur´ee de l’acquisition.

En supposant les compartiments F +NS et S vides de radioactivit´e `a t = 0, ce syst`eme est compl`etement caract´eris´e par la connaissance des quatre constantes d’´echange et de la concentration Cp(t)du plasma art´eriel. Un ´equivalent in vivo du BP peut ˆetre exprim´e [146] :

BPP = K1k3

k2k4, (6.3)

qui caract´erise la fixation sp´ecifique du radiotraceur par rapport `a sa concentration dans le plasma.

L’estimation de valeurs de BPP `a partir du syst`eme (6.2) n´ecessite la connaissance de la courbe Cp(t), nomm´ee fonction d’entr´ee art´erielle (FEA) [135]. Cette derni`ere est g´en´eralement ´evalu´ee au moyen de comptes de radioactivit´e sur des pr´el`evements art´eriels durant l’acquisition. Ces pr´el`evements, pour ˆetre exploit´es, n´ecessitent d’ˆetre corrig´es de la radioactivit´e due aux m´etabolites du [18F]DPA-714. Une analyse des m´etabolites ac-compagne ainsi id´ealement la mesure de FEA.

Un tel protocole incluant pr´el`evements art´eriels et correction des m´etabolites est parti-culi`erement contraignant et peut ˆetre entach´e d’erreurs importantes de mesure. Ceci rend son application peu r´ealiste dans un contexte de routine clinique.

2. En pharmacocin´etique, un tel mod`ele est appel´e ”mod`ele `a trois compartiments”. La communaut´e de la quantification pr´ef`ere parler de mod`ele `a deux compartiments tissulaires.

6.2.2 Mod`eles `a tissu de r´ef´erence

(a)

(b)

Figure 6.2 – Mod`ele `a tissu de r´ef´erence (SRTM). Outre des r´egions du cerveau o`u le ligand se lie aux r´ecepteurs (a), certains voxels de l’image peuvent ˆetre consid´er´es comme d´enu´es de fixation sp´ecifique (b).

Une m´ethode de quantification alternative permet d’estimer le BP `a partir des seules valeurs de l’image : le mod`ele simplifi´e `a tissu de r´ef´erence (simplified reference tissue mo-del ou SRTM) [136]. L’approche SRTM suppose l’existence de r´egions de r´ef´erence dans l’image, c’est-`a-dire de r´egions d´enu´ees de fixation sp´ecifique (figure 6.2b). La mesure de la concentration CF +N S(t)dans ces r´egions permet d’inf´erer une valeur de BP relative `a cette r´egion :

BPN D = k3

k4, (6.4)

qui rend compte du rapport entre la concentration de radioligand dans le compartiment S et celle dans le compartiment F + NS. Les ´equations du SRTM permettent l’obtention du BPN D`a partir de la connaissance de la cin´etique de la r´egion de r´ef´erence. Cette approche pr´esente l’avantage majeur de ne pas n´ecessiter de pr´el`evements art´eriels et a ´et´e adopt´ee dans un grand nombre d’´etudes quantitatives des radioligands.

Difficult´e de l’identification d’une cin´etique de r´ef´erence

L’approche SRTM repose de mani`ere fondamentale sur la pr´esomption de l’existence d’une cin´etique c´er´ebrale d´enu´ee de fixation sp´ecifique. Cette cin´etique doit ˆetre ´etablie pour chaque radiotraceur [142]. Par exemple, de nombreuses ´etudes c´er´ebrales prennent comme r´ef´erence la cin´etique moyenne du cervelet, en raison de la clairance rapide par cette structure de la plupart des radiopharmaceutiques. C’est en particulier le cas d’un certain nombre d’´etudes au [18F]DPA-714 [132, 134, 141]. Cependant, plusieurs auteurs semblent remettre en question la l´egitimit´e d’une r´ef´erence cervelet en imagerie de la TSPO, et y soupc¸onnent la pr´esence de la prot´eine chez l’homme [138, 147], mais aussi chez le rongeur [148] et le singe [4]. D’une mani`ere g´en´erale, dans le cas de l’imagerie de la TSPO, il semble difficile de d´eterminer a priori l’existence d’une r´egion anatomique c´er´ebrale d´enu´ee de fixation sp´ecifique.

6.2.3 Classification supervis´ee

Pour pallier le probl`eme des r´ef´erences anatomiques en imagerie de la TSPO, Tur-kheimer et al. proposent une m´ethodologie alternative non-localis´ee [138]. Cette ap-proche se base sur le principe de la classification supervis´ee (supervised cluster analysis ou SVCA) des cin´etiques de l’image `a quantifier. La m´ethode est propos´ee `a l’origine pour le [11C]PK11195, un autre radioligand de la TSPO marqu´e au carbone 11. Nous en d´ecrivons son principe g´en´eral dans les lignes suivantes.

Principe g´en´eral de l’approche SVCA

Une premi`ere ´etape consiste en l’identification de cin´etiques c´er´ebrales typiques Ci(t), ou classes, normalis´ees et moyenn´ees sur un ensemble de sujets.

La normalisation consiste `a fixer la moyenne et la variance par centrage puis r´eduction des intensit´es dans le cerveau :

— centrage : soustraction des valeurs d’intensit´es des voxels du cerveau dans chaque frame par la valeur d’intensit´e moyenne dans le cerveau

— r´eduction : division par l’´ecart-type des valeurs centr´ees

`A l’origine, la m´ethode consid`ere six classes diff´erentes : mati`ere grise sans expression de TSPO C1(t), mati`ere blanche C2(t), sang C3(t), mati`ere grise avec expression de TSPO C4(t), os C5(t)et tissus mous C6(t). L’approche SVCA fait l’hypoth`ese que toute TAC I(xi) d’une image normalis´ee `a quantifier peut alors ˆetre exprim´ee comme combinaison lin´eaire de ces classes :

˜I(xi) =X6 j=1

ωj(xi)Cj(t), (6.5)

o`u ˜I(xi) est l’image normalis´ee. Afin de d´eterminer la cin´etique de r´ef´erence, une r´egression aux moindres carr´es avec contrainte de positivit´e des poids est effectu´ee entre les TAC de l’image normalis´ee ˜I et les classes Ci. Ceci permet d’obtenir notamment la contribution ω1(xi)de la classe de mati`ere grise saine C1(t)dans chaque TAC. Une courbe de r´ef´erence R(t) est alors extraite sur l’image non normalis´ee en suivant l’´equation :

R(t) =

P

iω1(xi)I(xi)

P

iω1(xi) , (6.6)

o`u la somme court sur l’ensemble des TAC c´er´ebrales de l’image non normalis´ee.

La r´ef´erence R(t) obtenue, en exploitant ces contributions dans l’ensemble du cer-veau, ne fait ainsi aucune supposition sur l’existence de r´egions anatomiques particuli`eres d´enu´ees de fixation sp´ecifique. Elle peut ˆetre employ´ee dans n’importe quel mod`ele SRTM ([136, 149, 150] pour calculer les param`etres cin´etiques d’int´erˆet par r´egion ou voxel par voxel.

Protocole de Yaqub et al. (2012)

Boellard et al. [139] et Yaqub et al. [140] proposent de limiter le nombre de classes `a 4 en excluant les cin´etiques des os (C5) et des tissus mous (C6) par un masquage des structures non c´er´ebrales `a l’aide d’une image anatomique. Ils nomment cette approche SVCA4. Cette restriction am´eliore la capacit´e de discrimination entre sujets sains et pathologiques pour

l’imagerie au [11C]PK11195 dans des ´etudes de neurod´eg´en´erescence chez l’Homme. La d´efinition des classes C1, C2 et C3, correspondant aux cin´etiques de mati`ere grise sans expression de TSPO, de mati`ere blanche et du sang, suit le protocole de Turkheimer et al. (2007) :

— les classes C1 et C2 sont respectivement obtenues en moyennant les cin´etiques r´egionales de la mati`ere grise et de la mati`ere blanche sur un ensemble de sujets sains. Ces r´egions sont issues de segmentations obtenues `a partir d’images anato-miques IRM.

— la classe sanguine C3est d´efinie en moyennant les cin´etiques de sujets sains dans une r´egion vascularis´ee du cerveau d´efinie manuellement (ROI dans le sinus vei-neux).

— la classe avec expression de TSPO C4 est ´etablie en moyennant les cin´etiques du thalamus de patients souffrant d’Alzheimer (lieu vraisemblable de surexpression de TSPO [151]).

Dans ce protocole, la classe de fixation sp´ecifique C4 est ainsi ´etablie sur la base des cin´etiques d’une r´egion anatomique moyenn´ee sur un ensemble de patients pathologiques. Il est vraisemblable qu’une telle proc´edure entraˆıne une grande variabilit´e inter-sujet en fonction de l’expression r´eelle de la TSPO dans cette r´egion anatomique. En effet, les zones d’expression de la TSPO ne co¨ıncident pas n´ecessairement avec les fronti`eres anatomiques identifi´ees en IRM. Si cela est possible, il est donc pr´ef´erable d’identifier les cin´etiques pathologiques sans reposer sur de tels mod`eles anatomiques.