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Quantification des degrés d’oxydation de l’uranium

Energie incidente (keV)

II.2.2 Quantification des degrés d’oxydation de l’uranium

En première approche, un degré d’oxydation moyen des verres est calculé par interpolation linéaire du déplacement chimique entre les références UO2 et métastudtite (Pacold et al., 2016) contenant la valence pure de l’uranium, respectivement UIV et UVI (Tableau 34). Ce degré d’oxydation moyen est cohérent pour les verres NU6-Ox et NU6-CSiC dans lesquels les degrés d’oxydation VI et IV sont respectivement majoritaires. En revanche, cette approche ne tient pas compte de la valence V en l’absence d’une référence UV pur. Lorsque le degré d’oxydation UV est majoritaire (cas du verre NU6-Ar et de la référence U3O8), le degré d’oxydation moyen calculé est erroné. Pour U3O8, le degré d’oxydation moyen est surévalué à 5,7 (au lieu de la valeur théorique de 5,3).

Le calcul du degré d’oxydation moyen par interpolation n’apparaît donc pas comme un outil fiable pour estimer les valences de l’uranium dans le cas de notre étude.

Dans le but de quantifier la proportion de chaque valence de l’uranium dans le verre, une deuxième méthode consiste à ajuster le spectre XANES par des combinaisons linéaires (Linear Combinaison Fitting, LCF) des spectres de référence à partir du logiciel Athena (Bes et al., 2016; Smith et al., 2015). Ces ajustements sont présentés à la Figure 66 et les proportions déduites de chaque valence de l’uranium sont indiquées au Tableau 35.

Le spectre du verre NU6-Ox est une combinaison linéaire de la métastudtite et d’U3O8 en l’absence d’UIV dans le verre. La meilleure simulation correspond à un poids de 100 % de la métastudtite (Figure 66, a). Les principales différences observées sont dues aux variations de la largeur et de la position des résonances A et B. Par conséquent, l’uranium est composé de 100 % d’UVI dans le verre NU6-Ox avec une géométrie locale uranyle légèrement différente par rapport à celle de la métastudtite.

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Le spectre du verre NU6-Ar est une combinaison linéaire des trois références (Figure 66, b). La simulation est en bon accord avec le spectre XANES et estime la proportion d’UVI à 32 %, d’UVà 57 % et d’UIV à 11 % dans le verre NU6-Ar. Une faible surestimation de l’intensité de la ligne blanche est constatée. À partir des proportions de chaque valence, un degré d’oxydation moyen du verre NU6-Ar peut être recalculé (Tableau 35). Ce dernier est proche du degré d’oxydation moyen théorique d’U3O8 en accord avec les positions identiques de leur ligne blanche respective.

La meilleure simulation du spectre du verre NU6-CSiC est donnée par combinaison linéaire d’U3O8 et d’UO2 (Figure 66, c). Elle confirme que l’uranium est principalement au degré d’oxydation IV dans ce verre (74 % UIV) avec des teneurs assez faibles en UVI (9 %) et UV

(17 %). Son degré d’oxydation moyen associé reste peu changé en raison de la faible proportion en UV dans le verre (Tableau 35). Cependant, la qualité de la simulation reste moyenne ce qui pourrait conduire à surestimer la proportion d’UVI dans le verre. L’absence des résonances A et B suppose une présence très minoritaire d’UVI dans le verre. La référence U3O8n’apparaît pas suffisamment adaptée et l’utilisation d’une référence U4O9 (50 % d’UIVet 50 % d’UV) serait plus pertinente afin d’améliorer la simulation du spectre XANES. Cette référence demeure complexe à synthétiser en raison de sa stœchiométrie difficile à maîtriser.

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Figure 66. Ajustement des spectres XANES des verres NU6-Ox, NU6-Ar et NU6-CSiC par combinaisons linéaires des références UO2, U3O8 et métastudtite.

Nom des Verres

Proportion des valences de l’uranium (%)

Degré d’oxydation moyen fO2 (atm) à 1250°C UVI UV UIV

NU6-Ox 100 ± 5 0 ± 1 / 6 10-0,7

NU6-Ar 32 ± 4 57 ± 2 11 ± 4 5,4 ≈ 10-6 NU6-CSiC 9 ± 1 17 ± 1 74 ± 1 4,4 ≈ 10-14,5

Tableau 35. Proportions des degrés d’oxydation, degré d’oxydation moyen de l’uranium et fugacité en oxygène associées pour les différents verres. Les proportions des degrés d’oxydation sont obtenus par combinaisons linéaires à partir des spectres de référence. Les incertitudes données correspondent à des incertitudes calculées par le logiciel Athena suite à l’ajustement des courbes par combinaisons linéaires. Elles ne sont pas nécessairement représentatives de la réalité et sont très probablement sous-estimées.

Les proportions des différents degrés d’oxydation de l’uranium déterminées dans nos verres en fonction de la fugacité en oxygène sont comparées à des données de la littérature

3710 3715 3720 3725 3730 3735 3740 3745 3750 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 a) Int en sité d e la fluo re scen ce ( u.a .)

Energie incidente (eV)

NU6-Ox CL ((UO2)O2(H2O)2+ U3O8 ) résidu 3710 3715 3720 3725 3730 3735 3740 3745 3750 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 b) Int en sité d e la fluo re scen ce ( u.a .)

Energie incidente (eV)

NU6-Ar CL ((UO2)O2(H2O)2+ U3O8 + UO2) résidu 3710 3715 3720 3725 3730 3735 3740 3745 3750 -5 0 5 10 15 20 25 Int en sité d e la fluo re scen ce ( u.a .)

Energie incidente (eV)

NU6-CSiC CL (U3O8 + UO2) résidu

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(Figure 67). Le verre ADA-2, de composition 63,1 %mass. SiO2, 17,6 %mass. Al2O3, 9,5 %mass.

CaO, 7,1 %mass. Na2O et 4,5 %mass. MgO, est aussi élaboré à 1250°C (Schreiber, 1983). La répartition des valences de l’uranium obtenue par XANES dans cette étude est cohérente avec les données de Schreiber obtenues par spectroscopie UV-VIS-NIR.

Pour le verre NU6-Ox, la répartition d’UVIet d’UV est en très bon accord avec le verre ADA-2. Pour le verre NU6-Ar, un décalage vers la droite est observé par rapport aux données de Schreiber. Sachant que les équilibres redox de l’uranium sont déplacés selon la composition du verre, les différences de composition entre le verre NU6-Ar et ADA-2 peuvent expliquer en partie ce décalage. Par ailleurs, l’estimation de la fugacité en oxygène du verre NU6-Ar reste approximative. Selon la pureté de l’argon et l’atteinte ou non de l’équilibre entre l’échantillon et l’atmosphère, la fugacité en oxygène est susceptible d’être légèrement différente.

Les données de la littérature sont limitées à des fugacités en oxygène à 10-12 atm. Pour le verre NU6-CSiC, la répartition des degrés d’oxydation de l’uranium ne semble pas trop éloignée des extrapolations des données de la littérature. En effet, pour des fugacités en oxygènes très basses (fO2 < 10-13 atm), une chute de la quantité d’ions UV au profit d’une augmentation de la quantité d’ions UIV est attendue à 1250°C. Cette comparaison confirme aussi la probable surestimation des ions UVI dans le verre NU6-CSiC.

Figure 67. Proportion des valences de l’uranium en fonction de la fugacité en oxygène imposée dans les verres NU6-Ox, NU6-Ar et NU6-CSiC en comparaison avec un verre aluminosilicaté ADA-2 issu de la littérature et élaboré à 1250°C (Schreiber, 1983).

-16 -15 -14 -13 -12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 NU6-CSiC NU6-Ar % U x+ (su r U total ) log(fO2) UIV UV UVI ADA-2 (Schreiber) NU6-Ox

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II.3. Conclusion

Nous avons donc déterminé la répartition les différents états de valence de l’uranium dans nos verres en fonction de la fugacité en oxygène. Ces verres ont été caractérisés par HERFD-XANES au seuil MIV de l’uranium. Les spectres obtenus ont été ajustés par combinaison linéaire des références (UO2, U3O8 et métastudtite).

En conditions d’élaboration oxydantes (fO2 proche de 10-0,7 atm), l’uranium est principalement sous la forme oxydante UVI dans le verre à 1250°C. Dans des conditions intermédiaires (fO2 entre 10-5 et 10-7 atm), le verre contient un mélange de valences de l’uranium. L’espèce majoritaire est UV, accompagnée d’UVI essentiellement. En conditions très réductrices (fO2 de l’ordre de 10-14,5 atm), l’uranium est majoritairement sous forme UIV

avec de l’UV.

L’utilisation d’une référence UV pur comme NaUO3 (Smith et al., 2014) ou une référence contenant un mélange d’UIV et d’UV telle que U4O9 pourrait améliorer la précision des estimations des valences de l’uranium dans le verre.

Ces données confirment l’hypothèse initiale que l’uranium est sous la forme majoritaire UIV

dans le procédé d’incinération-vitrification. Une présence non-négligeable d’UV est toutefois à prendre en compte.

Ces résultats seront utiles à la compréhension de la solubilité de l’uranium dans le verre et mettent en avant l’importance de maîtriser la fugacité en oxygène imposée.

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III. ÉTUDE DE LA SOLUBILITÉ DE L’URANIUM

Pour étudier la solubilité de l’uranium dans le verre, il est important de contrôler son redox en imposant une fugacité en oxygène voulue. Cela suppose de connaître la répartition des valences de l’uranium associée à la fugacité en oxygène imposée afin d’interpréter sa solubilité. La solubilité de l’uranium est étudiée dans deux systèmes de verre : SiO2-Al2O3 -CaO (verre C) et SiO2-Al2O3-CaO-Na2O (verre N).

L’incorporation de l’oxyde d’uranium dans un verre aluminosilicaté de 50 g, élaboré en conditions réductrices, pose des problèmes d’homogénéisation du verre fondu en raison de la sédimentation des cristaux d’UO2 (Chapitre 2IV.1.2.1). Pour pallier cette inhomogénéité, les quantités de verre sont fortement réduites (< 50 mg) afin de favoriser l’atteinte de l’équilibre. Sachant que l’uranium est beaucoup plus soluble sous la forme UVI que sous ses formes réduites, la stratégie consiste, dans un premier temps, à élaborer le verre en conditions oxydantes où l’espèce UVI est majoritaire (paragraphe II.3). Les verres CU15 et NU15, élaborés en conditions oxydantes sont homogènes à l’échelle micrométrique (Chapitre 2IV.1.2.2). Dans les verres N et C, la solubilité de l’uranium est donc d’au moins 15 %mass. UO2 à 1400°C. Dans un second temps, le verre est soumis à une fugacité en oxygène plus basse qui lui impose un environnement réducteur. La fugacité en oxygène est imposée par l’intermédiaire d’un creuset, d’un mélange de gaz (CO(g)/CO2(g)) ou de tampons métalliques. Pour cela, des billes de verre dopées en uranium sont préparées. Leurs petites tailles permettent d’équilibrer la fugacité en oxygène rapidement et d’éviter les phénomènes de recristallisation lors de la trempe à l’air après essais.

La solubilité de l’uranium dans le verre est déterminée par la méthode de saturation en réalisant des analyses de composition des verres par EDS ou WDS. Les résultats sont d’abord présentés, puis discutés.

Ces expériences ainsi que les analyses associées ont été réalisées au sein du CRPG à Nancy.