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Chapitre 1 Étude bibliographique

I.2. M écanismes d’oxydoréduction dans le verre

I.2.1 Équilibres redox dans le verre

Dans un silicate fondu, des transferts d’électrons se produisent d’une espèce multivalente à une autre. Dans la majorité des cas, l’oxygène participe à ces réactions d’oxydoréduction (redox).

Dans le cas d’une seule espèce multivalente �+ +/ �+ dans le verre, l’équilibre redox peut s’écrire de manière générale avec le couple de l’oxygène / (Johnston, 1965; Schreiber, 1986):

�+ ++ �++ (Équation 3)

avec le nombre d’électrons échangés et �+ + et �+ les espèces respectivement

oxydante et réductrice du couple multivalent.

La constante d’équilibre � � de cette réaction est décrite par les activités des différents éléments (Pye et al., 2005) :

� = �+ +�+ − // (Équation 4)

L’activité des ions O2-n’est généralement pas une grandeur connue. Comme la quantité des ions O2- est très importante (solvant) par rapport aux espèces multivalentes, l’activité des ions O2- (basicité) est considérée comme constante pendant les réactions redox pour un verre de composition donnée.

Par ailleurs, l’activité d’une espèce correspond à :

� = � [ ] (Équation 5)

avec � , le coefficient d’activité de l’espèce dans le verre et [ ] sa concentration dans le verre. Pour une concentration en ions multivalents faible, le rapport des coefficients d’activité est supposé constant pour une température et une composition de verre données. La constante d’équilibre se simplifie en :

�′ = [[�+�+ +] ] / (Équation 6)

La fugacité en oxygène est définie comme l’activité en oxygène moléculaire O2 dissout dans le verre fondu.

En conclusion, les équilibres redox dépendent de la température, de la fugacité en oxygène et de la composition du verre.

I.2.2 Potentiels redox dans le verre

Les équilibres redox sont usuellement caractérisés par des potentiels d’oxydoréduction (redox) d’équilibre.

Soit les demi-équations suivantes :

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+ (Équation 8)

En appliquant la relation de Nernst (Sasahira and Yokokawa, 1985), il est possible de calculer les potentiels redox d’équilibre associés à chaque couple :

é ,� = �+ +/ ++ � �+ +�+ (Équation 9)

é , = + � (Équation 10)

Par convention, le potentiel standard redox du couple de l’oxygène est nul = 0 �). À l’équilibre, ces potentiels s’égalisent (ΔE = é�,�é�, = 0 V) d’où l’égalité suivante :

[ [�+ +�+] ]= , �+ +/ ++ � � ( ) − � − � �+ +�+

(Équation 11)

Sachant que (Pye et al., 2005) :

�+ +/ + = − = −�� + (Équation 12)

avec respectivement � , �� , � , l’enthalpie libre standard, l’enthalpie standard et l’entropie standard de réaction du couple �+ +/ �+avec l’oxygène.

L’égalité du rapport entre les espèces réductrices et oxydantes se réécrit de la façon suivante :

[[ �]]= � [ [�+ +�+] ]= − ��, + , + � � ( ) − � − � �+ +�+

(Équation 13)

L’Équation 11 est parfois simplifiée en :

[ [�+ +�+] ]= ,�+ +/ +− � (Équation 14)

avec ′ �+ +/ +, le potentiel redox apparent du couple en incluant les coefficients d’activité et la basicité

D’après ces équations, les principaux paramètres influençant le redox sont aussi mis en évidence et sont détaillés à partir de l’Équation 13 (température, fugacité en oxygène et composition du verre).

I.2.2.1 Impact de la température

Expérimentalement, il est observé que l’augmentation de la température favorise les espèces réduites (Schreiber, 1986). Cette observation semble en accord avec le signe négatif de l’inverse de la température. En effet, la réduction d’un élément est une réaction endothermique (ΔH0 > 0).

I.2.2.2 Impact de la fugacité en oxygène

Pour une température donnée, la diminution de la fugacité en oxygène favorise les espèces réduites. Une variation linéaire de pente -n/4 est attendue entre le logarithme du ratio

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réducteur/oxydant et celui de la fugacité en oxygène. Notons que cette relation est observée dans le cas de l’uranium pour un verre aluminosilicaté (Schreiber, 1983).

I.2.2.3 Impact de la composition du verre

Les effets de la composition sont moins évidents à interpréter. La composition du verre joue sur les valeurs des coefficients d’activité du couple multivalent et la basicité du verre, liée à l’activité des ions O2-. Difficile à mesurer expérimentalement, la basicité est généralement corrélée à une propriété optique. Dans ce cas-là, on parle d’une basicité optique (Duffy, 1996; Duffy, 2003; Duffy and Ingram, 1976). Elle se calcule à partir de la composition du verre selon la relation suivante :

� = ∑ � (Équation 15)

avec �la fracion molaire de l’oxyde i et � la basicité optique de l’oxyde i.

Le caractère acido-basique d’un silicate est lié à la formation d’oxygènes non-pontants et à la dépolymérisation du réseau par auto-ionisation. L’ajout de modificateurs comme les alcalins et les alcalino-terreux provoque un affaiblissement du réseau et tend à rendre le verre plus basique.

D’une façon générale, il est admis que l’augmentation de la basicité du verre favorise les espèces oxydantes (Pinet et al., 2006; Schreiber, 1986).

I.2.3 Interaction entre plusieurs éléments multivalents

Si deux ou plusieurs éléments multivalents sont simultanément introduits dans le verre fondu, les couples redox peuvent interagir entre eux par des échanges d’électrons :

++ − +− ++ + (Équation 16)

avec et �, deux éléments redox susceptibles d’interagir.

Dans cette équation, + est réduit en − + alors que � − + est oxydé en � +.

En première approche, le sens de la réaction peut être prédit à l’aide d’une échelle redox en utilisant les potentiels redox des couples à température fixée ou d’une échelle exprimée en fugacité en oxygène (Figure 11). L’oxydant du couple de plus fort potentiel réagit avec le réducteur du couple de plus bas potentiel.

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Figure 11. Représentation des couples Mm+/M(m-n)+ et Rr+/R(r-s)+ sur une échelle de potentiel redox (en V) ou de fugacité en oxygène (en atm).

I.2.4 Mesures électrochimiques

I.2.4.1 Mesures potentiométriques

La fugacité en oxygène d’un verre fondu (fO2) est mesurée par potentiométrie à courant nul. Divers montages électrochimiques existent (Baucke, 1996; Di Martino et al., 2004; Montel et al., 1988; Pinet et al., 2006; Plessers et al., 1998; Schaeffer et al., 1982). Tous reposent sur le même principe qui consiste à mesurer une différence de potentiel entre deux électrodes plongeant dans un bain de verre, une électrode de mesure et une électrode de référence (Figure 12). Ces deux électrodes sont séparées par un électrolyte solide conducteur des ions O2-. Cet électrolyte est constitué de zircone partiellement stabilisée par de l’oxyde d’yttrium (Y2O3) ou de magnésium (MgO). L’électrode de mesure, constituée d’un fil de platine ou d’iridium, est sans contact avec l’atmosphère au-dessus du bain de verre. Une pression en oxygène de référence connue ( é ) est imposée par un gaz (généralement de l’air avec

é = 0,21 atm) ou des tampons métalliques à l’électrode de référence.

La différence de potentiel entre les deux électrodes est donnée par la relation (Baucke, 1996) :

� = �

é (Équation 17)

Cette égalité, liée à l’équilibre redox du couple O2/O2-, permet de déduire la valeur de la fugacité en oxygène dans le bain de verre. L’utilisation de la fugacité en oxygène en tant qu’échelle redox permet de s’affranchir du choix de la référence utilisée lors des mesures potentiométriques.

M

m+

M

(m-n)+

R

r+

R

(r-s)+

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Figure 12. Schéma du dispositif de mesure de la fugacité en oxygène par potentiométrie.

I.2.4.2 Mesures voltampérométriques

Pour les mesures voltampérométriques, une troisième électrode, constituée d’une plaque en platine, est ajoutée. Cette contre-électrode assure la conduction des électrons (courant électrique). Les expériences consistent à appliquer un potentiel qui varie avec le temps entre les électrodes de référence et de mesure, puis à mesurer l’intensité du courant entre l’électrode de travail et la contre-électrode. Les courbes montrant l’évolution de l’intensité du courant en fonction du potentiel appliqué présentent des maxima caractéristiques des mécanismes redox du transfert des électrons. Cette méthode permet de connaître le potentiel standard apparent redox d’un couple dans un verre fondu et de déduire des concentrations en éléments multivalents. La méthode dite « à vague carrée » (Square Wave Voltammetry) présente la meilleure sensibilité et résolution des pics de potentiel. Elle est ainsi très utilisée pour les verres qui sont peu conducteurs (Freude and Russel, 1987; Pinet et al., 2006; Russel, 1990; Wiedenroth and Russel, 2003).

Par cette méthode, les potentiels standard apparents des couples NiII/Ni0, FeII/Fe0 et CrII/Cr0

ont été déterminés dans un verre borosilicaté à 1050°C (Petitjean et al., 2014). En utilisant l’Équation 17, la fugacité en oxygène associée à ces couples est calculée. Les couples NiII/Ni0, FeII/Fe0 et CrII/Cr0 sont ainsi positionnés à une fugacité en oxygène respective de 10-12,9, 10-15,9 et 10-19,7 atm.

ΔE

pO2 réf imposée (gaz ou tampons) Électrolyte ZrO2/Y2O3 Électrode

de mesure Électrode de référence

Bain de verre

Fil de platine

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II. LES ÉTATS D’OXYDATION DES ACTINIDES DANS UN