III] Les leviers de la création de valeur pour le client
3.2 La qualité des ressources humaines
Les ressources humaines se placent plus que jamais au centre des stratégies des entreprises. Considérées souvent comme pièce maîtresse du fonctionnement de l'organisation et comme le socle de l’ensemble de ses métiers, les ressources humaines s’identifient comme le capital humain constituant la véritable richesse de l’entreprise. Elles se définissent à travers toutes les femmes et les hommes appartenant à l’entreprise et censés lui apporter, via leurs compétences, la force de travail nécessaire à son bon fonctionnement et ainsi contribuer à sa croissance. Dans ce sens, on spécifie qu’« il est de plus en plus fréquent d’affirmer que le capital humain et intellectuel est la principale source d’avantage concurrentiel. La vraie richesse de la firme serait sans équivoque ses femmes et ses hommes à qui la croissance, le succès et la pérennité sont amplement subordonnés. Dans cette perspective, la théorie des ressources constitue un cadre conceptuel essentiel pour comprendre comment les ressources humaines génèrent un avantage concurrentiel susceptible de créer de la valeur »87.
87
Hadj Nekka (2005) « Le DRH de demain et la création de valeur », Management & Avenir 2/ 2005 (n° 4) , p. 139-156 .
Le capital humain apparaît au premier rang dans les facteurs clés de succès identifiés par des auteurs en stratégie au cours de la dernière décennie. Les ressources humaines constituent « à l'heure actuelle, le fondement le plus sûr de toute croissance qualitative et quantitative de l'économie » (Da Matha, 2000). De ce fait, les ressources humaines sont indispensables pour faire tourner toutes les autres ressources dont l’entreprise dispose qu'elles soient de nature financière, matérielle ou technique. En règle générale, la firme doit avoir un effectif suffisant, motivé et compétent pour mener à bien son fonctionnement aussi bien à court qu’à long terme. Dans ces conditions, les ressources humaines compétentes et motivées sont souvent présentées comme garantes à terme de la bonne productivité de l'entreprise.
Considérés de nos jours, « comme ressource -ou détenteurs de ressources- les salariés sont désormais gérés par une fonction ressources humaines à laquelle elle doit s’alléger de ses activités administratives pour remplir des missions plus qualitatives et même devenir ‘‘stratégique’’ »88. La gestion stratégique des ressources humaines
comprend toutes les décisions et les actions relatives au management des employés, à tous les niveaux de l'organisation, et dirigées vers la création d’un avantage concurrentiel durable (Miller, 1989). La gestion stratégique des ressources humaines représente un des leviers capable de permettre à l’organisation d’obtenir un avantage compétitif sur ses concurrents89.
Un consensus semble ainsi se dégager « pour considérer les ressources humaines comme la source d’avantage concurrentiel durable et les compétences des salariés sont l’une des ressources fondamentales de l’entreprise.
Ressources humaines et création de valeur pour l’entreprise
Comme il a été évoqué, les ressources humaines peuvent constituer un avantage compétitif pour l’entreprise qui représente un actif précieux, difficilement imitable et non substituable, si on adopte une vision axée sur la Théorie des Ressources Stratégiques telle que définie par plusieurs auteurs (Barney 1991 et 1995; Mc Mahan, Virick et Wright, 1999; Ulrich, 1991; Arcand, 2000). La différence entre les individus formant une
88 Hélène Gebel, (2007), « La fonction ressources humaines stratégique », l'Harmattan, Paris, P.8 89
Nada Allani-Soltan, Michel Arcand et Mohamed Bayad, (2005) « La gestion stratégique des ressources humaines : un déterminant de l’accroissement du niveau d’innovation des entreprises françaises », Revue internationale sur le travail et la société, Octobre 2005, (Volume 3, Numéro 2, Pages : 602-638).
organisation, une différence en termes d’aptitude, de connaissance et d’expérience constituent la fondation des ressources humaines, considérée in fine comme un actif précieux, rare, difficilement imitable et non substituable pour l'entreprise.
La création de valeur repose sur la compétence et la motivation des hommes et des équipes. Elle repose en grande partie sur la compétence et les motivations des femmes et des hommes pris aussi bien dans leur dimension individuelle qu’en équipe où la synergie règne. Comme le disent Martory, Delay et Siguier (2008)90, les ressources humaines se situent amplement « au cœur du développement de la création de valeur ».
Leymarie, Sautre et Solle (2006)91 ont tenté de montrer le rôle important des ressources humaines dans le processus de création de valeur pour toute entreprise. « Ce rôle ne se limite pas à un package de techniques RH. Il concerne la capacité à construire les compétences RH en attirant et en intégrant les personnes de qualité (marché interne du travail), en développant les expertises (capital social) et en facilitant l’émergence de nouveaux savoirs (apprentissages individuels et collectifs) ». La contribution des RH à la création de la valeur passe par la mise en valeur des compétences. Un tel fait reste tributaire en grande partie de la capacité réelle de manager de manière plus adéquate les connaissances dans le cadre du travail et la capacité de coopérer par le partage d’expériences et d’information, ce que les auteurs précédemment cités appellent le maillage des ressources.
Ressources humaines et performance de l’entreprise
Depuis quelques années, la recherche en gestion a produit une somme considérable de travaux sur la relation pouvant lier d’une part la gestion des ressources humaines (GRH) et d’autre part les performances de l’entreprise. Allouche et al (2004)92 ont recensé le nombre des études empiriques tablant sur l’étude de ladite relation en se basant sur près de 180 résultats de recherches parus depuis la fin des années 1970. En management, la GRH semble ainsi être un des facteurs clés permettant à la firme d’atteindre ses objectifs non seulement de croissance mais aussi d’organisation et permettant d’assurer sur le long terme sa pérennité. L’examen de la littérature en la matière spécifie que différentes approches
90B.Martory, C.Delay, F.Siguier. (2008), Piloter les performances RH, la création de valeur par les
ressources humaines, Editions Liaisons,
91
Stéphane Leymarie, Gerard Sautre, Guy Solle, (2006), «Relations de travail et organisations: plaidoyer(s) pour une lecture paradoxale » ,Peter Lang, 2ème Edition, P. 128
92
Allouche J., Charpentier M., Guillot-Soulez C. (2004), « Un panorama des études académiques sur l’interaction performances sociales/performances économiques et financières », XVe Congrès annuel de l’AGRH, Montréal, tome 1, p. 31-58..
théorique sont proposées dans l’effort tendant à expliquer de manière significative les liens entre les activités de GRH et la performance de la firme. Il existe ainsi trois approches : universaliste, de contingence et configurationnelle (Arcand et al. 2002).
-L’approche universaliste :
La conception dite ‘‘universaliste’’ reconnaît qu’il existerait un certain nombre d’activités ou pratiques afférentes aux ressources humaines qui auraient une incidence positive sur le niveau de performance de la firme, et ce, indépendamment du contexte organisationnel dans lequel elle opère. L’approche universaliste tente de confirmer le postulat que la performance, prise généralement selon sa dimension organisationnelle, aurait tout à voir avec la simple présence de certaines pratiques ressources humaines et ce indépendamment de la stratégie d'affaire adoptée par l'entreprise. Le concept de performance de type organisationnelle est « un concept multidimensionnel et complexe, ne se limitant pas aux seuls résultats financiers et dont l’évaluation ne peut se faire que par la mesure de plusieurs résultats organisationnels, externes et internes ». Comme la notion de performance fait référence à une forme de réussite et de succès, sa perception se concrétise à travers un résultat positif d’une action donnée.
Figure 8: Lien entre les pratiques de la GRH et la performance organisationnelle selon l’approche universaliste
Source: Adaptée de Mc MahanG.c., Virick M., et Wright P.M. (1999 : 104)
Comme le montre le schéma ainsi présenté, cette approche montre une relation directe entre les différentes pratiques de GRH et la performance organisationnelle. Concrètement, cela suppose que l’enjeu primordial à relever s’exprime via les Best practices de gestion des ressources humaines qui doivent tendre à améliorer significativement la performance de la firme. Parmi les auteurs qui ont défendus l’approche universaliste, on peut citer Pfeffer (1994);; Osterman (1994);; Huselid (1995);; Batt et Applebaum (1995); Delery et Dot Y (1996); Arcand (2000); Ichniowsky (1992) et Welboume et Andrews (1996). Toutefois malgré l’apport et la plausibilité d’une telle
Performance organisationnelle Pratiques de
approche, plusieurs critiques sont avancées à son encontre. En effet, « certains auteurs lui reprochent son caractère quelque peu simpliste ».
- L’approche de contingence :
En nuance avec la conception universaliste, l’approche de contingence montre globalement que la gestion des ressources humaines exercent un effet sur la performance de l’entreprise sous certaines conditions. L’idée centrale défendue est que certaines pratiques de GRH sont efficaces sur la performance de l'entreprise si et seulement si, ces pratiques sont alignées sur la stratégie de l'entreprise» (Arcand, 2000; Baron, 2004; Delery, Doty, 1996; Jackson, Schuler, Riviero, 1987; McMahan, Virick, Wright, 1999; Schuler, 1992; Schuler, Jakson, 1987; Youndt, Snell, Dean, Lepak, 1996).
D’après cette formulation et comme le suggère le schéma suivant, la configuration de contingence intègre la stratégie d'affaires et exerce une influence directe sur le lien entre les pratiques de GRH et la performance organisationnelle. Ces conditions sont généralement liées aux conditions indispensables d’alignement correct des effets réels sur la stratégie de l’organisation, contexte spécifié par la notion d’arrimage externe. Parmi les auteurs en faveur de l’approche de contingence, on avance à titre indicatif, Delery et Dot Y (1996); Schuler (1993); Youndt, Snell, Dean et Lepak (1996); Schuler et Jackson (1987); Schuler, Galante et Jackson 1987; McMahan, Virick et Wright 1999; Jackson, Schuler et Riviero 1987; Arcand 2000.
Figure 9: Lien entre la GRH et l’efficacité de la firme selon l’approche de la contingence
Source: Adaptée de McMahanG.c., Virick M., et Wright P.M. (1999 p 104)
Concrètement, l’approche de contingence s’attache fortement à l’idée montrant que l’efficacité des pratiques de GRH dépend de leur alignement et de leur concordance avec d’autres facteurs de contingence de l’organisation et particulièrement avec ceux en relation avec la stratégie. Pratiques de GRH Stratégie d'affaires Performance organisationnelle
La revue de la littérature montre bien que les études empiriques se focalisant sur cette approche ont tenté de chercher à explorer la façon par laquelle les pratiques individuelles de GRH interagissent avec la stratégie d’entreprise de manière à pouvoir améliorer la performance. L’effet d’impact positif des pratiques de GRH sur la performance de l’entreprise dépend alors principalement de leur cohérence avec la stratégie globale de l’entreprise.
Parmi les plus importantes études traitant de la perspective de contingence, on cite celles réalisées par Schuler (1987); Schuler, Galante et Jackson (1987); Schuler et Jackson (1987); Schuler (1992); Delery et Doty (1996); Baronet Kreps (1999a); Arcand (2000) et Bayad Arcand et Liouville (2002).
- L’approche configurationnelle :
Plus complexe que les deux approches ainsi avancées, l’approche configurationnelle se base sur l'idée que : «La GRH n 'a de réelle capacité stratégique que dans la mesure où elle parvient à constituer un regroupement (système) cohérent de pratiques (arrimage interne) capable de s'harmoniser (arrimage externe) aux principales caractéristiques de l'organisation (ex. stratégie d'affaires) » (Baron et Kreps, 1999; Becker et Gerhart, 1996; Dyer et Reeves, 1995; Whitfield et Poole, 1997; Arcand, 2000). Cette approche exige ainsi un effort pour pouvoir concrétiser un regroupement des activités de GRH dans des systèmes cohérents et finis, un regroupement considéré comme exigence essentielle pour pouvoir valider l’amplification de la performance d’une entreprise donnée.