I] La notion de valeur
2) Un concept multi-facettes
La difficulté rencontrée dans le cadre d’une tentative de définition de la valeur d’entreprise vient du fait que la notion de valeur peut se manifester sous différents aspects. Au niveau des sciences de gestion, il existe différents paradigmes de la valeur. Pour Spulber (2009)43 par exemple, la valeur comporte trois composantes : la valeur client, la valeur fournisseur et la valeur de l’entreprise. La valeur client correspond au gain réalisé par celui-ci né de la dépense supportée pour l’achat du produit. La valeur fournisseur est constituée par le revenu reçu par le fournisseur né des coûts supportés. La valeur firme est la part de la valeur créée qui est capturée par l’entreprise. La valeur résulte de ce fait des relations qui existent entre les différents acteurs de la chaîne de valeur. C’est ainsi qu’est née le concept de valeur sociale dans laquelle, la valeur correspond à la satisfaction durant les échanges relationnels (Gassenheimer J, Houston B, Franklin S et Davis J. 1998).
Selon les auteurs et à travers les différentes recherches, on parle de valeur partenariale, valeur actionnariale, valeur client, valeur stratégique et valeur organisationnelle, valeur firme, valeur sociale, valeur fournisseur, etc…..
L’existence de ces différents paradigmes peut être attribuée au découpage de la discipline de sciences de gestion en plusieurs domaines. La valeur est une notion subjective et varie de ce fait en fonction du contexte et en fonction de l’individu. En marketing, discipline de sciences de gestion ou il existe de nombreux travaux sur la valeur, on parle aussi de deux types de valeur : la valeur d’achat et la valeur de consommation ou de valeur d’échange et de valeur de d’usage.
La valeur d’échange a reçue entre autre, plusieurs définitions représentées sur le tableau 8:
43
Spulber Daniel F.(2009), Economics and Management of Competitive Strategy, june 2009, World Scientific Publishing Co Pte Ltd
Tableau 8: Définitions de la valeur d’échange44
Auteurs Définitions
Zeithaml (1988) La valeur est définie comme « l’évaluation globale de l’utilité d’un produit
fondée sur les perceptions de ce qui est reçu et donné »
Monroe et Krishnan (1985)
La valeur est définie comme « le ratio des bénéfices perçus par rapport aux
sacrifices perçus »
Day (1990) La valeur perçue correspond à « la différence (le surplus) entre les
bénéfices perçues et les coûts perçus »
La valeur d’achat a été considérée comme étant « la valeur d’échange » qui est cognitive et découle de ce fait, de l’évaluation des attributs du produit par le client. La valeur d’achat de ce fait a été considérée depuis longtemps comme étant une résultante de la confrontation entre les bénéfices et les sacrifices fournis pour obtenir le produit ou le service. Une telle hypothèse présuppose que le client est :
-capable de percevoir, explicitement ou implicitement, les avantages et les coûts de ce qui
lui est proposé afin de faire des comparaisons et ;
-capable de prendre en considération les conséquences de son choix.
Ce qui importe, en effet, ce ne sont pas les caractéristiques intrinsèques des offres mais leurs conséquences pour le client. La perception de leurs avantages et coûts résulte en effet de l’anticipation de ces conséquences. Mais même à l’intérieur de cette valeur d’achat, il existe encore une distinction entre la valeur d’acquisition qui correspond à la perception des gains liés à l’achat d’un bien ; et la valeur de transaction qui correspond à la perception d’une satisfaction psychologique ou d’un plaisir pendant l’achat.
Pour Marion (2010)45, la valeur d’échange et la valeur d’usage (ou de consommation) sont liées. S’il est facile d’observer la valeur d’échange au travers du prix qui en donne une mesure, la valeur d’usage ne peut s’observer que lors d’un usage ou d’une consommation. Du point de vue du client, la valeur d’échange, et son prix, résulte donc de la valeur d’usage, mais cette dernière n’apparaît pas immédiatement. Elle émerge au-travers des interactions entre le client et l’offre. Du point de vue du fournisseur, la valeur d’échange de son offre, et donc son prix, dépend, entre autres, de sa valeur d’usage pour le client. Des
44
Rivière A. et Mencarelli R. (2012), « Vers une clarification théorique de la notion de valeur perçue en marketing », Recherche et Applications en Marketing, vol. 27, n° 3, p. 97-123 (revue classée AERES, CNRS, FNEGE).
45
Marion Gilles (2010), « Création et co-création de valeur : une approche interactionnelle du marketing », Cahier de Recherche WorkingPapers Numéro, 2010/01, EDUCATING ENTREPRENEURS FOR THE WORLD
ventes à court terme peuvent lui donner l’illusion que son offre est dotée d’une grande valeur d’échange et masquer temporairement la faiblesse de sa valeur d’usage. Comme la probabilité de voir revenir un client insatisfait est faible, le fournisseur doit aussi porter son attention sur la valeur d’usage de son offre s’il entend que son activité soit durable. En somme, ne sont objets d’échange que des biens, des services ou des informations dont l’usage est valorisé par le client.
Au niveau de cette partie, il nous semble aussi intéressant de reprendre la typologie de la valeur selon Holbrook (1999)
Tableau 9: La typologie de la valeur de Holbrook (1999)46
Extrinsèque Intrinsèque
Orientée vers soi
Actif Efficience (commodité, praticité, justesse, convivialité)
Jeu (drôle,
divertissement/fantaisie, ludique, hasard, loterie, transgression)
Réactif Excellence (qualité, efficacité, potentialité)
Esthétique (beauté, sensualité)
Orientée vers les autres
Actif Statut (succès, management de l’impression, de son image)
Ethique (justice, vertu, moralité)
Réactif Estime (réputation, matérialisme, possessions)
Spiritualité (foi, extase, sacré, magie)
La valeur active/réactive concerne le degré d’interaction avec le produit ou service. Cette dimension est la plus difficile à définir et souffre d’une faible validité empirique. La valeur est considérée comme active si le consommateur manipule physiquement ou mentalement le produit. S’il se trouve en situation passive, la valeur est considérée comme réactive. Le croisement de ces trois axes donne huit dimensions de la valeur: Efficience, Excellence, Statut, Estime, Jeu (aspect ludique), Esthétique, Ethique, Spiritualité. Cependant le classement n’est ni exhaustif, ni exclusif et ni hiérarchisé ce qui ne permet pas d’évaluer le rôle d’une dimension ou une autre dans la composition de la valeur globale