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La qualité de l’air : modélisation de la pollution automobile

L i les volumes sonores issus des différentes sources

Carte 6. Environnement sonore lié à la circulation automobile

2.2.2 La qualité de l’air : modélisation de la pollution automobile

Liée à des exigences de santé publique et d’environnement, la qualité de l’air s’est imposée comme une préoccupation majeure, à la fois pour les pouvoirs publics et pour l’ensemble de la population. En effet, de nombreuses études épidémiologiques ont mis en évidence, entre autre, que la pollution atmosphérique accroît les risques de mortalité précoce chez certaines populations déjà fragilisées (enfants en bas âge, personnes âgées, asthmatiques, etc.). La réglementation en matière d’émissions de polluants atmosphériques ne cesse de se renforcer depuis plus de vingt ans, à tous les niveaux institutionnels (recommandations de l’OMS, engagements internatio- naux, directives européennes, lois et décrets…).

Si les effets sur la santé sont assez bien connus, ainsi que ceux sur l’environnement dans une moindre mesure (dégradation des milieux naturels, des façades de bâtiments, etc.), la mesure de la qualité de l’air dans un objectif de représentation spatiale reste un exercice complexe. En effet, plusieurs dizaines de polluants plus ou moins nocifs entrent en jeu, émis par des sources différentes dont il convient d’estimer les poids respectifs. En matière de quantification, on cherche à ventiler les émissions entre activités humaines et non humaines, et à l’intérieur des premières, entre sources mobiles (transports terrestres et aériens) et non mobi- les (agriculture, industries, activités tertiaires, résidentiel…).

La nécessité sociale et environnementale de mesurer la qualité de l’air est devenue obligation avec la loi sur l’air et ses déclinaisons à travers notamment les docu- ments de planification locale à réaliser, qui reposent sur un diagnostic préalable et fixent des objectifs de qualité de l’air à atteindre : plan régional pour la qualité de l’air, plan de protection de l’atmosphère (agglomérations de plus de 100 000 habitants), plans de déplacements urbains.

2.2.2.1 Données utilisées

Les données de qualité de l’air sont produites par le réseau des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), agissant pour le compte de l’État, et dont la coordination technique est assurée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

À Lyon par exemple, le Comité de suivi pour le contrôle de la pollution atmosphé- rique dans le Rhône et la région lyonnaise (COPARLY) gère 45 stations fixes de mesure mono ou multi-polluant, dont 22 sur les territoires de Lyon et Villeurbanne (situation en 2002). Le Coparly dispose également de moyens mobiles permettant de compléter son dispositif de mesure selon les besoins.

Toutes ces sources de mesure fournissent une quantité très importante d’information : concentration d’un polluant donné mesurée à un endroit donné, à une heure précise, correspondant à des conditions météorologiques particulières. Il est donc possible d’exploiter cette source pour en extraire une information synthétique. Toutefois, notre objectif étant de produire une représentation cartographique à l’échelle de la ville de Lyon, le nombre de points de mesure semblait a priori rédhibitoire pour faire une inter- polation correcte20. De plus, nous ne disposions pas en temps et en heure des moyens et

des compétences nécessaires à la mise en œuvre des méthodes de géostatistique. Nous avons préféré exploiter un modèle de calcul d’émissions polluantes à partir de données de trafic routier. Ce choix a été justifié notamment par la disponibilité d’experts du Centre d’études techniques de l’équipement (Cete) de Lyon, qui étaient intéressés par une telle application à l’échelle d’une ville. La contribution du Cete de Lyon a conduit à la production d’une étude spécifique21 dont nous re-

prenons quelques éléments synthétiques ci-après.

Comme indicateur de pollution atmosphérique, nous avons choisi la concentration en dioxyde d’azote dans l’air, d’une part parce que ce polluant est à lui seul repré- sentatif de tous les types de circulation (il est à la fois émis par les véhicules es- sence et diesel, les véhicules légers, les poids lourds, les bus…), d’autre part parce que, parmi toutes les sources émettrices d’oxydes d’azote, les transports routiers sont largement majoritaires. Ce polluant est donc un excellent traceur de la pollu- tion atmosphérique d’origine routière.

Pour construire notre jeu de données, nous avons utilisé le modèle de trafic urbain étendu à toute l’agglomération lyonnaise, à l’aide du logiciel DAVISUM. Ce mo- dèle a été développé par le Cete de Lyon (groupe Déplacements urbains, au sein du département Villes et territoires).

Ce modèle présente un niveau de précision dans la définition du réseau routier qui diminue avec la distance au centre. Il ne contient par ailleurs pas l’exhaustivité du ré- seau : seules les voies supportant des trafics moyens à élevés (supérieurs à 5 000 véhi- cules/jour) sont représentées. Précisons également que nous avons cherché à minimiser les effets de bord en étendant le réseau au-delà des limites administratives de la ville de Lyon (200 m). Au total, notre réseau routier comporte 3 200 tronçons.

20 Air Normand a réalisé une cartographie de la qualité de l’air en utilisant la géostatique, et

plus précisément la méthode du krigeage. Pour plus d’information : Air Normand, Airparif, Geovariances, Surveillance de la qualité de l’air par cartographie : l’approche géostatisti-

que (prix du meilleur poster INRETS 2000, 5-8 juin à Avignon), téléchargeable sur le site

http://www.airnormand.asso.fr. Sur les méthodes de géostatistique, et notamment le kri- geage : Jean-Marc ZANINETTI, 2005, Statistiques spatiales : méthodes et applications

géomatiques, Lavoisier, 320 pages

21 Cete de Lyon, 2003, Modélisation de la dispersion de la pollution d’origine routière, 55

Sur chacun des tronçons de voie, les résultats bruts donnés par le modèle de trafic sont le nombre de véhicules à l’heure de pointe et leur vitesse. Le modèle de calcul des émissions reposant sur des données de trafic moyen journalier annuel par type de véhicule (véhicules légers, poids lourds, bus et deux roues), il a fallu passer de l’heure de pointe du soir à la moyenne annuelle en appliquant un ratio calculé à partir des mesures de trafic effectuées par ailleurs. À Lyon par exemple, l’heure de pointe du soir représente environ 8 % du trafic journalier.

Les émissions polluantes sont calculées à partir des facteurs d’émission unitaires qui correspondent à la masse de polluants émise par un véhicule en circulation (en g/km/véhicule). Ces facteurs d’émission sont donnés par le rapport COPERT III publié par l’Agence européenne de l’environnement en juillet 1999. Ils ont été dé- terminés à travers un nombre important de mesures sur un large panel de véhicules, réalisées par divers laboratoires européens dont l’Inrets en France.

Pour compléter les données de base pour le calcul des émissions, il était nécessaire de connaître les caractéristiques du parc automobile roulant à Lyon. Pour cela, nous avons utilisé les données nationales fournies par l’Inrets et l’Ademe pour l’année 2002. Nous avons donc fait l’hypothèse que le parc automobile roulant dans la ville de Lyon est semblable au parc moyen français. La part des véhicules utilitaires légers au sein de l’ensemble des véhicules légers a été fixée à 23 % (moyenne na- tionale). L’ensemble des calculs a donc été mené conformément à la méthodologie développée par l’Ademe qui inclut le parc automobile Inrets-Ademe et utilise les facteurs d’émission COPERT.

Les quantités d’émissions polluantes calculées à partir des trafics moyens journa- liers annuels ont ensuite été réparties de façon constante le long de chaque tronçon de voie supportant plus de 5 000 véhicules/jour. Les seules exceptions ont été l’affectation pour les tunnels : nous avons retenu comme principe général de répar- tir à chaque tête de tunnel la moitié des émissions produites à l’intérieur. Cette hypothèse conduit à surestimer les niveaux de pollution en tête des tunnels qui disposent de cheminées d’extraction. Cette surestimation est toutefois acceptable, car « l’expérience montre que comme les niveaux de pollution à l’intérieur des

tunnels restent modérés, les dispositifs d’extraction fonctionnent assez rarement, et à des régimes faibles »22. C’est donc bien aux têtes des tunnels que la part prépon-

dérante des émissions est rejetée.

La modélisation de la dispersion de la pollution a été effectuée à l’aide du logiciel ADMS (Atmospheric Dispersion Modelling System), développé et commercialisé par le CERC (Cambridge environmental research consultants Ltd). Ce logiciel a été conçu pour la modélisation de la dispersion atmosphérique en milieu urbain en général. Il est donc aussi bien adapté à la prise en compte des sources ponctuelles (comme les industries) que des sources surfaciques ou linéaires (comme les routes). Son application est donc tout à fait justifiée dans le cas de notre étude.

Le modèle ADMS permet de calculer les concentrations dans l’air ambiant des polluants courants à partir des quantités d’émissions qui lui sont données en entrée. Il utilise le principe d’un calcul gaussien agrémenté de modules de calcul complé- mentaires qui permettent d’affiner considérablement la modélisation. Nous avons ainsi pu prendre en compte deux phénomènes fondamentaux : l’influence de la présence de bâtiments le long des rues, et les réactions chimiques intervenant entre les oxydes d’azote dans l’atmosphère.

22 Cete de Lyon, 2002, Modélisation de la dispersion de la pollution d’origine routière, 55

Les calculs ont également pris en compte des paramètres tels que la hauteur de la couche de mélange de l’atmosphère. Nous avons utilisé les capacités du pré- processeur météorologique intégré au logiciel qui permet de calculer un certain nombre de paramètres météorologiques utiles au calcul de dispersion.

Enfin, une pollution de fond a été intégrée dans le modèle afin de traduire la contribution aux niveaux de concentration des émissions d’origines extérieures à la ville de Lyon, et dans une certaine mesure des émissions issues des sources non routières intérieures à la ville. Le modèle utilisé a donc été calé en ajustant le ni- veau de pollution de fond de telle sorte que les résultats produits par le modèle correspondent à la valeur réellement mesurée par COPARLY (Comité pour le contrôle de la pollution atmosphérique dans le Rhône et la région lyonnaise) sur sa station fixe de Gerland (station urbaine la plus représentative de la pollution de fond).

2.2.2.2 Traitement de l’information et approche spatiale

Compte tenu des limitations de la version utilisée du logiciel ADMS (150 tronçons par calcul), nous avons été contraints de découper notre zone d’étude comportant 3 200 tronçons en 26 dalles.

Comme le montre la figure 25, à chacune de ces dalles a été affectée une valeur de rugosité, paramètre (exprimé en mètre) intervenant dans le calcul de dispersion. Cette rugosité dépend de l’occupation du sol : rugosité forte dans les centres-villes et les forêts (1 m), moyenne en périphérie des villes (0,5 m), et faible pour les prai- ries et déserts sableux (moins de 0,01 m). Nous avons donc déterminé une rugosité par dalle variant de 1 à 0,6, selon la densité du bâti présent.

En plus de cette information, le modèle ADMS nécessite de décrire géographique- ment en 3D chacun des quelque 3 200 tronçons de rue du réseau. Le profil de la rue doit être défini comme ouvert ou fermé (rue en U ou en canyon). S’il est fermé, il faut déterminer les paramètres qui la décrivent (hauteur et largeur). Les trois paramètres retenus pour cette description sont :

la longueur du tronçon ;

la largeur de rue sur ce tronçon ;

la hauteur moyenne des bâtiments longeant la rue.

La longueur de chaque tronçon est calculée très simplement par n’importe quel logiciel d’information géographique. En revanche, la détermination du profil de la rue (largeur et hauteur moyenne des bâtiments) est beaucoup plus complexe. La difficulté tient au fait que les tronçons de rue considérés n’ont pas un profil homogène. Il a donc fallu trouver pour chaque tronçon le « profil moyen » qui le caractérise le mieux. Pour cela, nous avons défini la méthode suivante.

Figure 25. Valeur de la rugosité pour chacune des 26 dalles (en mètres)

©BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004

Chaque tronçon est parcouru de son origine à son extrémité avec un pas de 10 mè- tres. Tous les 10 mètres, le sous-profil ou coupe est caractérisé en recherchant la distance à laquelle se trouve le bâtiment le plus proche du centre de la voie (re- cherche perpendiculaire à l’axe de la rue, des deux côtés).

S’il n’y a pas de bâtiment présent à moins de 100 mètres des deux côtés de la rue, le sous-profil est considéré ouvert.

Si des bâtiments sont présents à moins de 100 mètres des deux côtés de la rue, il convient de calculer la largeur l du sous-profil comme la distance entre les deux bâtiments qui bordent la rue et la hauteur moyenne h de ces deux bâtiments. On en déduit le rapport h/l du sous-profil, paramètre exploité par ADMS.

Une fois ce rapport calculé pour tous les sous-profils d’un tronçon, il faut calculer le rapport h/l moyen du tronçon. Pour ce calcul, nous avons exclu les extrémités de chaque tronçon, car situés par définition à une intersection de rues et donc a priori ouverts et sans lien avec le profil réel du tronçon. Puis, si le rapport h/l moyen est

inférieur à 1/3, le tronçon est considéré comme ouvert. Sinon, il est considéré comme fermé. Dans ce cas, la hauteur moyenne du tronçon correspond à la moyenne des hauteurs non nulles et la largeur moyenne du tronçon correspond à la moyenne des largeurs pour lesquelles la hauteur est supérieure à zéro.

La figure 26 représente l’ensemble des 3 200 tronçons et qualifie la nature de leur profil (fermé ou ouvert).

Figure 26. Modélisation du profil des rues de la ville de Lyon

©BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004

Les résultats produits par le modèle ne sont pas directement exploitables. En effet, le logiciel ADMS fournit un semis de points pour exprimer les valeurs de concen- trations des trois polluants. Les résultats sont donnés sous forme de trois types de points qui permettent de bien couvrir la zone d’étude :

des points aux nœuds d’un maillage régulier propre à chacune des 26 dalles de calcul. Chaque maillage comporte 33 lignes et 33 colonnes, ce qui correspond à environ 1 000 points par dalle ;

des points très denses, répartis automatiquement par le logiciel à proximité des sources afin d’obtenir une meilleure précision des résultats dans les zones

où les variations de concentrations sont très rapides, ce qui correspond à environ 4 000 points par dalle ;

des points placés manuellement pour affiner les résultats dans certaines zones et les comparer à des mesures in situ.

Au total, les valeurs de concentrations ont été obtenues en 103 000 points recou- vrant les 48 km2 de la zone d’étude. Ces points servent de base au calcul des ni-

veaux de concentration.

À partir de ce semis de points, nous avons construit une grille d’interpolation sur l’ensemble de notre territoire d’étude. La méthode d’interpolation choisie est la plus classique dans le cas d’un semis irrégulier : il s’agit de celle dite du « voisinage naturel »23. Le paramètre de distance d’agrégation a été fixé à 20 mètres et le pas de la

grille d’interpolation a été fixé à 5 mètres. L’interpolation permet ainsi de définir une valeur estimée de la pollution en tout point du territoire d’étude.

Cette valeur estimée présente cependant trop d’incertitudes pour être utilisée en état : incertitudes liées au mode de calcul des émissions, des dispersions, à l’interpolation… Nous avons donc choisi de construire à partir de cette grille d’interpolation un jeu d’isolignes représentant des fourchettes de concentrations. La méthode de construction des isolignes à partir de la grille d’interpolation est là aussi très classique dans ce type d’analyse spatiale : cette méthode construit des courbes reliant toutes les cellules de la grille dont les valeurs sont les mêmes, avec une équidistance que nous avons fixée à 1 µg/m3.

Une fois le jeu d’isolignes construit, il a été facile d’affecter à chaque bâtiment une valeur approchée de son exposition au polluant. Un bâtiment pouvant être à cheval sur plusieurs zones, nous avons choisi de lui affecter la valeur de la zone contenant son centroïde. Cette valeur doit donc être considérée comme une fourchette d’estimation et non comme une valeur absolue.

23 Cette méthode d’interpolation commence par réaliser un diagramme de Voronoï pour

obtenir la zone d’influence de chaque point du semis. Ensuite, l’interpolation est construite par comparaison de la valeur trouvée pour chaque cellule du diagramme avec ses cellules voisines.

Figure 27. Exemple du jeu d’isolignes de niveaux de concentration

©BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004

2.2.2.3 Limites de l’approche

Même si la modélisation menée ici ne constitue en aucun cas un modèle complet de dispersion, il apparaît nécessaire d’opposer nos résultats à ceux mesurés par le COPARLY. Cette démarche de confrontation des résultats permet autant de véri- fier leur cohérence que de déceler leurs limites. Le tableau 5 permet de faire des comparaisons sur les stations de mesure du dioxyde d’azote à Lyon.

Tableau 5. Comparaison des niveaux de concentration en dioxyde d’azote calculés aux niveaux mesurés