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UN LIEU D‟OBSERVATION DES

II- 2- Qu‟est ce que lire ?

De ce qui précède, lire est le traitement des données d‟un texte, c‟est aussi la capacité à établir des liens sémantiques entre les composantes d‟un énoncé ou d‟un texte pour les « compacter » en unités de sens plus vastes jusqu‟à

l‟aboutissement à une représentation globale de la totalité informationnelle. Pour l‟accès au sens Pendanx (1998 : 88) distingue quatre types de lecture :

-Une lecture écrémage , où l‟on parcourt le texte des yeux pour en saisir

l‟essentiel ;

-Une lecture balayage , qui consiste à rechercher un élément d‟information

précis ;

-Une lecture extensive, sur des textes assez longs, souvent réalisée pour le plaisir

et visant un sens global ;

-Une lecture intensive sur des textes plus courts, attachée à la précision et au

détail.

Nous venons de voir que la lecture est un processus actif de (re)construction du sens et de traitement d‟informations. Dans le cas du texte littéraire, on

pourrait dire que le lecteur lit deux discours ; un discours explicite dont le langage est simplement mimétique et un discours implicite dont le langage est singulier. C. KRAMSCH nomme ce dernier « l‟inter discours ». Pour ce, le lecteur met en œuvre une multiplicité de stratégies affectives et cognitives. De ce fait, sa première lecture (heuristique) va correspondre à une

application de sa compétence linguistique du texte. Tandis qu‟au niveau de la deuxième lecture (herméneutique) ,concomitante à la première d‟ailleurs, le lecteur va faire appel précisément à sa compétence littéraire et pareille lecture n‟est accessible que grâce à elle. A ce niveau, c‟est l‟analyse de cet

interdiscours qui semble poser problème notamment l‟analyse de l‟implicite( présupposés, sous-entendus, tropes) et de la littérarité mentionnés dans le chapitre précédent.

Dans notre analyse, nous allons reprendre les trois processus qui interviennent dans la construction du sens émis par Breen et Candlin (1980) à savoir ;

l‟interprétation, l‟expression et la négociation parce qu‟ils permettent de rendre compte des deux aspects de la compétence textuelle réceptive : « le déjà là » et le « en construction ».

a- L‟interprétation des signaux donnés par le texte ou encore l‟enseignant passe essentiellement par l‟identification du thème abordé et le recensement de faits importants susceptibles de faciliter l‟accès au sens. Pour ce le lecteur va mobiliser des stratégies aussi bien cognitives qu‟affectives afin de faire

l‟équilibre entre « l‟assimilation » et « l‟accommodation » des nouvelles connaissances. Leur assimilation implique d‟abord un tri et une intégration par la suite à la première représentation qui sera par conséquent changée. b- L‟expression d‟un sens nouveau qui découle de l‟accommodation accomplie

lors de l‟interprétation. Il s‟agit de la production ou de la reconstruction du sens interprété au niveau du premier processus, mais le transcende parce qu‟il inclut les représentations collectives de tous les participants au discours ( textes, faits , interlocuteurs).

c- La négociation est une oscillation entre le sens perçu et le sens reconstruit, entre les connaissances et/ou les expériences de lectures acquises et celles à acquérir.

Si la compréhension en lecture n‟est plus considérée comme une activité de réception ( en langues maternelles ou en langues étrangères), mais comme une activité de construction de sens, cela implique qu‟elle nécessite une grande capacité de traitement de l‟information et une bonne connaissance des spécificités des textes.

Les connaissances et les compétences du lecteur assurent le traitement de l‟information, alors que la connaissance des caractéristiques textuelles demeure « en voie d‟exploration ». Pour ce qui est de la compétence textuelle réceptive, il importe de dire que tout lecteur en possède une partie ; un « déjà-là » préalable. A l‟instar de Jocelyne GIASSON (1992), nous pouvons décrire ce « bagage » qui permet le traitement de l‟information ou le développement de l‟autre partie de la compétence textuelle réceptive qui est « en construction » comme suit :

- Connaissances du monde : appelées aussi connaissances encyclopédiques

ou connaissances référentielles, elles correspondent à ses expériences et/ou ses lectures antérieures, auxquelles s‟ajoutent ses informations sur le

monde qui l‟entoure ;

- Connaissances linguistiques : ce sont les Connaissances lexicales,

syntaxiques, morphologiques que tout lecteur, même débutant, possède ;

- Connaissances des énoncés et des textes : tout lecteur sait qu‟on ne peut

aborder tous les textes ou énoncés de la même façon même si son « expertise » est très limitée. Chaque texte exige des stratégies et des compétences diversifiées ;

- Attitudes, intérêts, systèmes de valeurs : ce sont les opinions, les intérêts et

les attitudes personnelles du lecteur face à ce qu‟il lit ;

- Habiletés : tout lecteur est ou devrait être en mesure de recourir à des

compréhension des textes. Lire est donc « un acte communicatif » ; une interaction entre le lecteur et le texte.

II-3- Qu‟est-ce que la lecture littéraire ?:

Notion problématique, la lecture littéraire demeure en quête de définition (s) et ne cesse de susciter des questions : A quoi se rapporte l‟adjectif «littéraire » ? au texte ? à la lecture ?. En 1995, Yves Reuter a affirmé : « on peut lire

littérairement des textes littéraires et non littérairement des textes non littéraires, mais réciproquement, on peut lire non littérairement des textes littéraires et littérairement des textes non littéraires » Yves Reuter cité par Annie

Rouxel in « La lecture littéraire » Disponible sur : [http://eduscol.education.fr/D0126/lecture_littéraire_actes.htm]

Une autre question ne cesse d‟être soulevée : comment lire la littérature ? Pour répondre à ces questions et appréhender cette « lecture qui fait de la densité du sens son territoire de prédilection »B.GERVAIS(1998), nous nous sommes référée aux travaux de J-L.DUFAYS et alii (2005) qui, en insistant sur son caractère « pluriel », la présente en quatre grandes conceptions avec les enjeux didactiques qui la sous-tendent :

II-3-1-La lecture littéraire comme lecture des textes littéraires :

Cette première approche privilégie l‟objet ( le texte, la littérature) par rapport au récepteur . Le texte prévaut, donc, indépendamment de sa réception et la lecture n‟est qu‟une mise en relief, voire une « célébration » de ses virtualités. Selon J-L.DUFAYS, cette conception est l‟approche la plus répandue chez les enseignants. D‟une part, la littérature y est considérée comme : « un corpus plus ou moins stable d’œuvres légitimées » et de l‟autre, la lecture n‟est qu‟un :

« commentaire plus ou moins savant ». Comme il existe une complémentarité entre la construction de l‟objet « littérature » et sa pratique, il s‟avère judicieux de dépasser cet amalgame entre « lecture des textes littéraires » et «lecture

littéraire » en classe de langue.

Contrairement à la précédente, cette conception privilégie la pratique plutôt que l „objet. Elle vise à investir les valeurs littéraires dans la lecture elle même comme celles de la polysémie, la fictionalité et poéticité .etc. beaucoup de didacticiens (Tauvron, Rouxel) se rattachent à cette conception parce qu‟elle favorise l‟accès à la symbolisation et mobilise des activités cognitives et

culturelles très variées. Or, même si ces enjeux didactiques sont d‟une

importance incontestable, J-L.DUFAYS estime que cette approche est à l‟origine d‟un écart dommageable entre la lecture scolaire et les pratiques sociales de référence puisque la distanciation se fonde sue un dépassement des pratiques spontanées et subjectives. De ce fait, l‟adjectif « littéraire » ne serait pas adéquat.

II-3-3- La lecture littéraire comme participation :

Fondée sur une lecture « ordinaire », cette approche prend en considération les implications psychoaffectives du lecteur dans les référents du texte. Des valeurs qui lui sont associées, nous pouvons donner comme exemples : *La lisibilité ( l‟unité, la cohérence) ;

*La conformité aux codes génériques ; *Le rapport à la réalité ;

*La conformité éthique et la référentialité.

Les enjeux didactiques de la « participation » sont la valorisation des commentaires spontanés (notamment la paraphrase) et la mise en œuvre des ressources subjectives et émotionnelles. La lecture est assimilée à un lieu de « braconnage » intelligent. Néanmoins, on lui reproche de « relativiser » la littérature canonique. En effet la valorisation du goût de lire n‟est pas suffisante pour développer les compétences escomptées. En plus, en raison de ses

fondements, elle est souvent qualifiée d‟« ordinaire » que de « littéraire ».

II-3-4- La lecture littéraire comme va-et-vient dialectique :

Développé par PICARD (1986) dans :La lecture comme jeu, cette approche du va-et-vient dialectique pourrait être résumée en deux points :

(instance psychoaffective, émotionnelle) et lectant ( instance intellectuelle, rationnelle, interprétative).

b-La lecture se fait littéraire lorsqu‟elle allie des contrastes appartenant au lu et au lectant : sens vs significations, réalité vs fiction, fonction référentielle vs fonction poétique .etc. Nous retenons, ici, un enjeu didactique majeur : En confrontant les contrastes tels que les rapports passionnel et rationnel, fonction référentielle et fonction poétique, l‟approche du va- et-vient dialectique intègre « lecture savante » et

« lecture ordinaire » dans la même activité sans pour autant ignorer les tensions qui existent entre elles. Enfin, le reproche adressé à cette dernière conception est de valoriser seulement le lectant, tandis que ce qui relève du lu et du liseur est relégué à un ordre marginal.

De ce qui précède, nous pouvons dire que la lecture littéraire ne se réduit ni à la distanciation ni à la seule lecture des textes littéraires. Le

qualificatif « littéraire », quant à lui, concerne le lien entre le texte et sa réception ; c‟est la lecture qui confère au texte son caractère littéraire. Mais qu‟en est-il de l‟interprétation du texte littéraire qui constitue l‟aboutissement de toute lecture ?

II-4- « Interpréter un texte, ce n’est pas lui donner un sens !»:

Dans le discours littéraire, le sens n‟est pas un « déjà-là » mais résulte de cette interaction entre le lecteur et le texte . Pour R. BARTHES : « interpréter un texte, ce n’est pas lui donner un sens, ( plus ou moins fondé, plus ou moins libre), c’est montrer de quel pluriel il est fait » (R.BARTHES cité par A.SEOUD :1997, 102).

J.PEYTARD (1980 :145), quant à lui, pose que le texte littéraire se caractérise par une polysémie « ouverte » à cause d‟une forte « densité textuelle ».Pour l‟auteur, tout fait signe dans cet « objet-produit ». Par

conséquent, c‟est à la lecture qu‟incombe la responsabilité du « bon usage des polysémies » de ce texte.

En se plaçant dans une perspective constructiviste, A.SEOUD(1997) pose que l‟enseignant doit aider l‟étudiant- lecteur à mieux interagir avec la polysémie du texte littéraire et préfère parler de « pratique du texte » au lieu « d’étude de

texte », encore moins « d’explication du texte ».

Tout comme PEYTARD et S.MOIRAND, A.SEOUD montre que l‟un des grands inconvénients de l‟explication du texte est son fondement sur « une idée directrice » qui fait converger autour d‟elle une multitude de détails relevés après une lecture « attentive » ce qui ramène le discours littéraire à l‟univocité et à une lecture monosémique.