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Pyrolyse de biomasse imprégnée : vers la catalyse des mécanismes primaires

Chapitre 1 Etude bibliographique

IV. Vers la catalyse des mécanismes primaires de pyrolyse

2. Pyrolyse de biomasse imprégnée : vers la catalyse des mécanismes primaires

Plusieurs études effectuées au Cirad ont permis de mettre en avant que l’imprégnation de précurseurs catalytiques permet d’orienter les mécanismes primaires de pyrolyse tels que la dépolymérisation, la fragmentation et la carbonisation [26, 27, 138]. Or, notons que seules la dépolymérisation et la fragmentation entraînent la formation de bio-huiles, néanmoins, la catalyse de l’un ou l’autre de ces mécanismes dépend de la nature du précurseur catalytique employé. Par conséquent, nous proposons un état de l’art des différents sels imprégnés dans la biomasse pour catalyser les mécanismes primaires.

a. Effet catalytique des sels imprégnés dans la biomasse ou dans ses

constituants

i. Influence des sels contenant des alcalins ou des alcalino-terreux

L’imprégnation de la biomasse - ou de ses constituants - avec des sels de sodium, de potassium, de magnésium et de calcium a fait l’objet de nombreux travaux, notamment car cela permet d’étudier l’effet de ces inorganiques - initialement présents dans la biomasse - sur les mécanismes primaires de pyrolyse. Selon Di Blasi et al. [139], l’insertion de 0,2% à 0,6% de KOH dans la biomasse favorise la formation de phénols et diminue les rendements en anhydrosaccharides. Or, ces espèces sont issues respectivement de la dégradation de la lignine et de la cellulose, ce qui suggère que le KOH affecte les mécanismes primaires de dégradation de ces deux polymères.

Selon Shimada et al., l’insertion de NaCl, de KCl et de CaCl2 dans la cellulose diminue les rendements en lévoglucosan et augmente les rendements en 1-hydroxy-2-propanone. D’après une autre étude, ces résultats sont plus nuancés puisque le CaCl2 a un effet beaucoup moins marqué que le KCl sur la production de 1-hydroxy-propanone et la diminution des rendements en lévoglucosan [140]. De plus, l’imprégnation de CH3COOK dans la cellulose favorise la décomposition des anhydrosaccharides au profit de molécules légères telles que l’acide acétique et le 1-hydroxy-2-butanone [141]. Or, comme évoqué dans la partie IV.1.a, le lévoglucosan provient de la dépolymérisation de la cellulose alors que le 1-hydroxy-2-propanone, le 1-hydroxy-butanone et l’acide acétique sont des produits de la fragmentation de la cellulose. Ces résultats indiquent que les sels de sodium, de potassium et de calcium catalysent la fragmentation de la cellulose aux dépens de sa dépolymérisation.

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Les sels contenant des alcalins et des alcalino-terreux ont aussi un effet sur les produits de dégradation de la lignine. Jakab et al. [142] ont montré que l’imprégnation de lignine avec du NaCl catalyse la démethoxylation, c’est-à-dire la formation de phénols à partir d’espèces dérivées du guaiacol ou du syringol. De plus, selon Eom et al. [140], CaCl2 et MgCl2 favorisent la formation de 4-vinylguaiacol alors que le KCl augmente les rendements en phénol, en guaiacol et en syringol. Ces sels favorisent donc la dépolymérisation de la lignine. De plus, l’augmentation des rendements en charbons en présence de KCl, MgCl2 et CH3COOK montre que ceux-ci catalysent les réactions de carbonisation à partir de la cellulose [140, 141]. A l’inverse, le chlorure de calcium inhibe les réactions de carbonisation [140].

ii. Influence des sels contenant des métaux de transition

L’imprégnation de sels de métaux de transition dans la biomasse influence aussi fortement les réactions primaires de pyrolyse [26, 27]. En particulier, l’insertion de Ni(NO3)2 dans la biomasse favorise à la fois les réactions de carbonisation et de dépolymérisation de l’holocellulose [26]. D’autre part, le nitrate de fer favorise la carbonisation mais a un effet plus limité sur la dépolymérisation [26].

L’influence des sels de métaux de transition sur la dépolymérisation de la cellulose est confirmée par Richards et al. [143] qui rapportent une hausse des rendements en lévoglucosan en présence de Cu(CH3COO)2, de CuCl2, de Fe(CH3COO)2, de FeCl2 et de FeSO4. En outre, une augmentation des rendements en furfural a été obtenue par Font et al. et par Beaumont et al. en pyrolysant de la biomasse imprégnée avec du MnCl2, du CoCl2, du CdCl2, du CuCl2, du NiCl2, du CrCl3 et du FeCl3 [144, 145]. Similairement, Branca et al. ont montré que ZnCl2, NiCl2 et Fe2(SO4)3 favorisent la production de 1,4:3,6-dianhydro-α-D-glucopyranose (DGP) et de furfural, deux monomères issus de la dépolymérisation de l’holocellulose [146]. A l’inverse, ces auteurs ont observés que les rendements en 1-hydroxy-2-propanone et en glycoaldéhyde - qui sont les principaux produits de la fragmentation - sont divisés par 10 [146]. Ces résultats montrent que les sels de métaux de transition favorisent la dépolymérisation de la cellulose aux dépens des réactions de sa fragmentation.

Un mécanisme de dépolymérisation de la cellulose en présence de Ni2+ a été proposé par Collard (figure 26) [26]. Le Ni2+, de par son caractère électrophile, fragilise la liaison glycosidique et entraîne sa rupture.

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Figure 26 Mécanisme de dépolymérisation catalytique de la cellulose imprégnée avec un sel de nickel. Le cation Ni2+ favorise la rupture des liaisons glycosidiques (d’après [26])

Malgré leur impact important sur la dépolymérisation de l’holocellulose, les métaux de transitions ont un effet catalytique limité sur la formation des vapeurs à partir de la lignine. En effet, Jakab et al. ont montré que l’insertion de ZnCl2 dans la lignine inhibe la formation de monomères et favorise la carbonisation [142]. Ce résultat a été confirmé par Branca et al. qui rapportent une diminution des rendements en phénol, en crésol, en 2-éthylphénol, en syringol et en 4-méthylphénol en présence de Fe2(SO4)3 [146].

Malgré le nombre important d’études consacrées à l’imprégnation de sels métalliques et à leurs effets catalytiques, peu d’auteurs ont étudié l’effet des anions qui constituent ces sels. Or, les sels de nitrates, de chlorures, d’acétates et de sulphates se dégradent, sous l’effet de la température, pour former notamment NOx, HNO3, HCl, CH3COOH, H2SO4 et SOx [147-150]. Il est donc hautement probable que les anions imprégnés - ou leurs dérivés - catalysent les réactions de dégradation de la biomasse.

b. Les anions jouent-ils un rôle catalytique au cours de la pyrolyse ?

A notre connaissance, Richards et al. ont été les premiers à suggérer que les anions imprégnés dans la biomasse puissent avoir un rôle catalytique distinct de celui des cations [143]. En comparant l’effet de l’imprégnation dans la biomasse de sels CuCl2, Cu(CH3COO)2, FeSO4, FeCl2 et Fe(CH3COO)2 sur les produits de pyrolyse à 350°C, ces auteurs ont suggéré que les anions acétates étaient dégagés de la biomasse contrairement aux anions sulfates. De plus, l’analyse des bio-huiles a révélé que seules celles produites à partir de sels de sulfates a permis de produire de la lévoglucosénone. Or, plusieurs études ont montré que la lévoglucosénone est formée en présence d’un acide de Brønsted [71, 151, 152], ce qui a poussé Richards et al. à suggérer que l’anion sulfate est converti en acide sulfurique au cours de la pyrolyse [143]. D’autre part, Dobele et al. [153] ont imprégné de la cellulose avec du sulfate de fer (III) par adsorption et par échange ionique. Avec cette 2ème méthode, la biomasse ne contenait pas d’anion sulfates. Comme attendu, seule l’imprégnation par adsorption a permis de produire de la lévoglucosénone confirmant ainsi les résultats de Richards et al. [143].

La lévoglucosénone est produite par déshydratation du lévoglucosan [151, 154] - lui-même issu de la dépolymérisation de la cellulose - ce qui suggère que l’acide sulfurique est un catalyseur de

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déshydratation. Récemment, après avoir imprégné de la biomasse avec H2SO4, H3PO4 et H3BO3, Branca et al. [146] ont montré que les rendements en eau sont directement proportionnels à la force de l’acide22. En outre, ils ont confirmé que l’acide phosphorique est l’acide le plus efficace pour catalyser la production de lévoglucosénone.

L’imprégnation de biomasse avec des sels de nitrate - Ni(NO3)2, Fe(NO3)3, Cu(NO3)2, Zn(NO3)2 et Al(NO3)3 - a été étudiée par plusieurs auteurs [27, 138, 155-157]. Cependant, l’impact des anions nitrates imprégnés dans la biomasse a bien souvent été sous-estimé. Toutefois, Terakado et al. ont montré que, contrairement aux sels de sulfate et de chlorure, la biomasse se décompose de manière explosive en présence de sels de nitrate entre 110°C et 150°C, ce qui laisse présager un impact important des anions nitrates sur les mécanismes primaires de pyrolyse [155].

c. Concentration des métaux dans les charbons

Les études précédentes menées au Cirad ont montré que les métaux restent piégés dans la matrice carbonée et que ceux-ci forment des nanoparticules métalliques finement dispersées au sein de la structure [27]. Plus particulièrement, en pyrolysant de la biomasse imprégnée avec du nitrate de fer et de nickel, Richardson a mis en avant que ces sels se décomposent pour former des nanoparticules de nickel métallique (Ni0) et d’oxydes de fer (FeOx) entre 400°C et 500°C [27, 158]. En outre, il a montré que les charbons obtenus à 700°C en présence de ces deux sels sont essentiellement microporeux et possèdent une surface spécifique comprise entre 400m²/g et 500m²/g. Ceci suggère que les charbons produits par pyrolyse de biomasse imprégnée - Ni/C et Fe/C - pourraient potentiellement être utilisés en tant que catalyseurs hétérogènes.