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Comportement thermique de biomasse imprégnée avec des sels de nitrate en ATG

Cette partie est dédiée à l’étude en ATG de la dégradation thermique de la biomasse imprégnée avec des sels de nitrate. Cependant, afin de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu, nous passons en revue les études consacrées à la dégradation thermique en ATG des sels de nitrate seuls.

1. Etat de l’art : décomposition thermique des sels de nitrate

La décomposition thermique des sels de nitrate est un processus complexe fortement dépendant de la température. Les produits issus de la dégradation thermique de ces sels sont l’eau, HNO3, NO, NO2, N2O, O2 ainsi que le métal généralement présent sous forme oxydée (équation 17) [182]. Néanmoins, lorsque le sel est décomposé sous atmosphère réductrice, le métal peut être réduit à l’état métallique [181].

𝑀𝑒(𝑁𝑂3)𝑛. 𝑞𝐻2𝑂𝑐ℎ𝑎𝑙𝑒𝑢𝑟→ 𝑀𝑒𝑥𝑂𝑦+ (𝐻𝑁𝑂3, 𝑁𝑂, 𝑁𝑂2, 𝑁2𝑂, 𝑂2, 𝐻2𝑂)

Équation 17 Equation chimique de la décomposition thermique d’un sel de nitrate

La décomposition des sels de nitrate s’effectue en deux étapes. En premier lieu, l’eau de cristallisation se dégage à basse température (T < 150°C) [147, 181]. Dans un deuxième temps, les nitrates se décomposent pour former des produits azotés gazeux (HNO3, NO, NO2 et N2O) entre 130°C et 270°C [147, 181, 183, 186, 188, 189, 191, 192]. La température de décomposition des nitrates et l’état d’oxydation final du métal des sels utilisés sont donnés dans le tableau 9. Notons que, dans le cas du nitrate de manganèse, de cobalt, de cuivre et de cérium, le degré d’oxydation du métal dans l’oxyde final est différent de celui du métal dans le sel de nitrate.

Sel de nitrate Décomposition des NO3- Etat d’oxydation final Références

Mn(NO3)2.4H2O [160 - 215]°C MnO2 [188] Fe(NO3)3.9H2O [155 - 160]°C Fe2O3 [186] Co(NO3)2.6H2O 180°C Co3O4 [191] Ni(NO3)2.6H2O 250°C NiO [181] Cu(NO3)2.3H2O [150 - 270]°C CuO2 [189] Zn(NO3)2.6H2O [132 - 227]°C ZnO [192] Ce(NO3)3.6H2O [210 - 270]°C CeO2 [183]

Tableau 9 Température de décomposition des nitrates et état d’oxydation final des métaux déterminé sous atmosphère neutre

Parmi les espèces azotées, le N2O est formé en très faible quantité et représente, selon Malecki et al. entre 5% et 8% de l’azote du sel de nitrate [182]. C’est pourquoi, cette espèce est souvent négligée

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[192]. La proportion de NO2 formé vis-à-vis du NO est gouvernée par l’équilibre thermodynamique entre ces deux espèces (équation 18).

𝑁𝑂2↔ 𝑁𝑂 +1

2𝑂2

Équation 18 Equilibre chimique entre NO et NO2

Or, lorsque la température est inférieure à 400°C, l’équilibre décrit par l’équation 18 est déplacé vers la gauche, ce qui signifie que le dioxyde d’azote est prédominant [193]. En particulier, sur les gammes de températures de décomposition des nitrates présentées dans le tableau 9, la proportion de NO2

est supérieure à 90% alors que celle de NO est inférieure à 10% [193].

Par conséquent, nous considérons par la suite que les produits principaux issus de décomposition des sels de nitrates sont l’eau, le dioxyde d’azote (NO2) et l’acide nitrique (HNO3). En outre, nous supposons que les teneurs en NO, O2 et N2O sont négligeables.

2. Comportement thermique de la biomasse imprégnée : influence des

produits de décomposition des nitrates

Les études en ATG permettent d’étudier les mécanismes primaires - dépolymérisation, fragmentation et carbonisation - qui concourent à la formation de vapeurs de pyrolyse, à travers le suivi de la perte de masse en fonction de la température en milieu inerte (N2). L’analyseur thermogravimétrique employé est présenté dans le chapitre 2. Les analyses ont été effectuées à partir de 165mg de biomasse - brute, lavée et imprégnée - placée dans une nacelle suspendue dans le réacteur inerté sous azote. L’échantillon de biomasse est soumis à une rampe de température à 10°C/min entre 100°C et 700°C. Les courbes de perte de masse des différentes biomasses sont présentées sur la figure 48. Nous n’avons pas pu étudier la dégradation des biomasses imprégnées avec du cobalt et du fer à cause d’une panne prolongée de l’ATG.

Chapitre 3 Effet catalytique de sels métalliques imprégnés dans la biomasse sur les mécanismes

primaires de pyrolyse flash

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Figure 48 Courbes dTG des biomasses brute et lavée et des biomasses imprégnées à 0,5mmol/g de Mn, Ni, Cu, Zn et Ce. ATG effectuées sous N2 à 10°C/min. Encart en haut à droite : zoom sur la dégradation de la biomasse entre 150°C et 300°C.

La courbe dTG de la biomasse brute est constituée d’un pic principal de dégradation à 360°C qui correspond à la dégradation de la cellulose [26, 194]. La perte de masse de la biomasse débute à 200°C avec la dégradation des hémicelluloses réputées moins stables que la cellulose [26]. Il est généralement admis que le pic de dégradation de la lignine est bien moins intense – que les pics de dégradation de la cellulose et de l’hémicellulose – et qu’il s’étend de 200°C à 500°C en présentant un maximum aux alentours de 400°C [194].

La courbe dTG de la biomasse lavée est assez similaire à celle de la biomasse brute puisque les températures des extrémums correspondant à la dégradation de l’hémicellulose – à T = 300°C - et de la cellulose – à T = 360°C - sont sensiblement égales. Dans le cas de la biomasse lavée, le pic de dégradation de l’hémicellulose est moins intense ce qui suggère que l’hémicellulose a été partiellement hydrolysée lors du lavage en solution acide.

Les courbes dTG obtenues à partir de biomasses imprégnées sont sensiblement différentes puisque les pics de dégradation de la cellulose et de l’hémicellulose sont moins intenses. Or, d’après la figure 46, le sel de nitrate représente entre 5% et 12% de la biomasse imprégnée, ce qui signifie que la proportion de cellulose, d’hémicellulose et de lignine est plus faible et explique les tendances observées. D’autre part, la conversion de ces macromolécules à lieu à de plus faibles températures. En particulier, cet effet est très marqué sur la biomasse imprégnée avec du Ni(NO3)2 puisque les extrémums de dégradation de l’hémicellulose et de la cellulose ont lieu à 275°C et 340°C contre 300°C et 360°C pour la biomasse brute. Enfin, pour toutes les biomasses imprégnées, l’épaulement correspondant à la dégradation de l’hémicellulose est beaucoup plus large. Ces résultats suggèrent

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que les sels imprégnés dans la biomasse ont un rôle catalytique important sur les mécanismes primaires de dégradation de l’holocellulose.

Dans le cas de la biomasse imprégnée avec du nitrate de nickel, le pic observé à 450°C avait déjà été rapporté par Collard et par Richardson [26, 27]. Selon ces auteurs, ce pic provient de réactions de gazéification du charbon catalysées par la présence du nickel imprégné dans la biomasse [26, 27]. Nous reviendrons sur ce point dans la partie III.

La présence de pics à 175°C, à 180°C et à 190°C lors de la dégradation des biomasses contenant respectivement du Zn(NO3)2, Mn(NO3)2 et Ni(NO3)2 a retenu notre attention puisqu’elle semble être due à la décomposition des nitrates. En effet, comme évoqué précédemment (voir §I) ceux-ci se décomposent entre 130°C et 270°C pour former de l’eau, du NO2 et de l’acide nitrique. Dans le cas de la biomasse imprégnée avec Ce(NO3)3, ce pic apparaît à 240°C, néanmoins, celui-ci ne peut pas être distingué clairement du pic de dégradation de l’hémicellulose. Notons qu’aucun pic n’est observé pour la biomasse imprégnée avec Cu(NO3)2 ce qui est en accord avec le fait que cette biomasse contient très peu de nitrates (≈0,9%).

La formation de composés gazeux azotés - HNO3 et NO2 - au cours de la pyrolyse n’est pas sans conséquence sur les mécanismes de dégradation de la biomasse imprégnée. En effet, comme le soulignent Jeguirim et al. [195], le NO2 est un oxydant fort qui réagit avec la matière carboné dès 200°C pour former du CO, du CO2 et du NO (équations 19 et 20).

2𝑁𝑂2+ 𝐶 → 𝐶𝑂2+ 2𝑁𝑂

Équation 19 Oxydation du carbone par le dioxyde d’azote pour la production de CO2 et de NO

𝑁𝑂2+ 𝐶 → 𝐶𝑂 + 𝑁𝑂

Équation 20 Oxydation du carbone par le dioxyde d’azote pour la production de CO et de NO

En étudiant la décomposition thermique de biomasses imprégnées à 50% avec des sels de Cu(NO3)2, de Zn(NO3)2 et de Ni(NO3)2, Terakado et al. [155] ont montré que celles-ci avaient lieu de manière explosive. En analysant les gaz produits, ces auteurs ont souligné que la décomposition explosive de la biomasse allait de pair avec une diminution de la teneur en NO2 au profit du NO. Ce résultat suggère que la matière carbonée a été oxydée selon les équations 19 et 20 décrites par Jeguirim et al. [195].

D’autre part, la formation d’acide nitrique au cours de la pyrolyse modifie probablement les mécanismes de dégradation de la biomasse imprégnée. En effet, les acides de Brønsted – tel que l’acide nitrique – favorisent les réactions de déshydratation des vapeurs de pyrolyse. En outre, d’après Branca et al. ces acides de Brønsted peuvent déshydrater la cellulose avant que celle-ci ne se décompose - pour former des vapeurs et du charbon - sous l’effet de la température [152]. Enfin, les acides de Brønsted sont parfois employés pour rompre les liaisons glycosidiques de la cellulose [196], ce qui suggère que l’acide nitrique peut entraîner l’hydrolyse partielle de la cellulose au cours de la pyrolyse.

En conclusion, les analyses ATG suggèrent que les sels de nitrates, imprégnés dans la biomasse, se décomposent entre 175°C et 240°C pour former des produits azotés tels que le NO2 et l’acide nitrique. Le dioxyde d’azote est un oxydant fort qui peut réagir avec la matière organique dès 200°C.

Chapitre 3 Effet catalytique de sels métalliques imprégnés dans la biomasse sur les mécanismes

primaires de pyrolyse flash

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D’autre part, il est probable que l’acide nitrique, qui est un acide de Brønsted, catalyse les réactions de déshydratation. Etant donné que la dégradation des sels de nitrates a lieu à des températures plus basses que celles requises pour dégrader l’holocellulose et la lignine, ces résultats suggèrent que les produits azotés peuvent oxyder directement les polymères de la biomasse. D’autre part, en présence de sels de nitrate, la température de dégradation de la cellulose diminue, ce qui laisse penser que les mécanismes primaires - dépolymérisation, fragmentation et carbonisation - de formation des vapeurs de pyrolyse de ce polymère sont impactés. Afin de distinguer les mécanismes de dépolymérisation et de fragmentation, il est nécessaire d’analyser les vapeurs produites dans le réacteur de l’ATG au cours de la pyrolyse. Néanmoins, la condensation et la récupération de ces vapeurs n’est pas possible sur cet équipement standard. Par conséquent, dans la partie III, la biomasse imprégnée a été convertie dans un réacteur de pyrolyse à lit fixe afin de déterminer les rendements en produits de pyrolyse et d’analyser plus finement les mécanismes de fragmentation et de dépolymérisation mis en jeu au cours de la pyrolyse.

III. Pyrolyse de biomasse imprégnée en lit fixe : effet catalytique