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Les essais de pyrolyse de biomasse imprégnée ont été effectués dans le réacteur de pyrolyse à lit fixe décrit dans le chapitre 2. Le réacteur tubulaire est balayé par un débit d’azote et la température a été fixée à 500°C afin de maximiser les rendements en bio-huiles [43]. La biomasse est insérée dans le réacteur à l’aide d’une nacelle fixée sur une tige en métal. La température de réaction est mesurée à l’aide d’un thermocouple placé dans la biomasse. En sortie du réacteur, les vapeurs sont rapidement condensées et collectées dans un ballon bicol par l’intermédiaire d’un échangeur et d’un filtre électrostatique. Les vapeurs résiduelles sont condensées dans un piège à billes suivi d’un piège à silicagel. En pratique, plus de 85% des liquides sont collectés dans le ballon bicol alors que les 15% restants sont récupérés dans le piège à billes ou à silicagel. Les rendements en eau sont déterminés à partir de la teneur en eau des bio-huiles collectées dans le ballon bicol elle-même mesurée par titration Karl Fischer. Notons que la biomasse est séchée une nuit avant chaque essai. L’eau de séchage est donc négligeable et nous pouvons considérer que l’eau provient des réactions de déshydratation de la biomasse.

Les analyses élémentaires effectuées sur les charbons démontrent que le métal reste piégé dans le charbon (cf annexe G). La quantité de métal contenue dans le charbon est donc rigoureusement égale à la quantité de métal introduite dans l’échantillon pendant l’imprégnation. Le fait que les métaux restent piégés dans les charbons est conforté par les travaux de Richardson à partir de biomasses imprégnées avec du Fe(NO3)3 et du Ni(NO3)2 [27]. Comme la totalité des métaux restent dans les charbons, nous pouvons supposer que la formation de composés gazeux de type carbonyles, tels que le pentacarbonyle de fer ou le tétracarbonyle de nickel, n’a pas lieu au cours de la pyrolyse. Enfin, nous avons constaté expérimentalement que les charbons issus de la pyrolyse de biomasse imprégnée avec Mn(NO3)2, Fe(NO3)3, Co(NO3)2 et Ce(NO3)3 ont tendance à s’enflammer au contact de l’air. Pour éviter ce phénomène, les charbons ont été placés, dès leur sortie du réacteur, dans une enceinte balayée sous un débit de gaz inerte pendant quelques heures et ont ensuite été stockés dans un récipient préalablement inerté. Le caractère pyrophorique de ces charbons indique que les

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métaux sont très finement répartis à l’intérieur et à la surface du charbon [197]. Nous reviendrons plus en détail sur ce point dans le paragraphe III.2.

Les essais ont tous été doublés pour s’assurer d’une répétabilité correcte. Les rendements en solides, en liquides et en gaz sont présentés sur la figure 49. Les barres d’erreurs symbolisent les valeurs minimales et maximales obtenues.

Figure 49 Rendements globaux des solides, liquides et gaz produits par pyrolyse de biomasse imprégnée à 500°C. Les « autres gaz » incluent le H2, le CH4, le C2H4 et le C2H6. Les valeurs sont moyennées sur 2 essais. Les barres d’erreurs symbolisent les valeurs minimales et maximales.

Le bilan massique, c’est-à-dire la somme des produits récupérés, est supérieur à 94%. Dans le cas de la biomasse brute, les rendements en solide, en liquide et en gaz sont respectivement de 26,9%, de 51,0% et de 16,3%. Les rendements en eau et en charbon obtenus à partir de biomasse lavée sont sensiblement égaux à ceux obtenus à partir de biomasse brute, avec une légère augmentation du rendement de la fraction organique des bio-huiles et une diminution des rendements en gaz. Ces résultats sont en accord avec ceux de Scott et al. [178] qui soulignent que les alcalins et les alcalino-terreux - dont la teneur est fortement réduite par le lavage - favorisent la formation de gaz aux dépends des vapeurs de pyrolyse.

L’imprégnation avec des sels de nitrates a un impact significatif sur les réactions de carbonisation. En effet, les rendements en charbon sont compris entre 28,6% et 32,7% avec de la biomasse imprégnée contre 26,9% dans le cas de la biomasse brute. Ce résultat semble confirmer que les nitrates imprégnés se dégradent pour former de l’acide nitrique. En effet, selon Branca et al. la présence d’acide de Brønsted, tel que HNO3, favorise la formation de charbon [146]. D’autre part, les rendements de la fraction organique des bio-huiles diminuent de près d’un quart lorsque la biomasse

Chapitre 3 Effet catalytique de sels métalliques imprégnés dans la biomasse sur les mécanismes

primaires de pyrolyse flash

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est imprégnée avec des sels de nitrates. Parmi les métaux imprégnés, nous pouvons remarquer que le cuivre est le métal qui limite le moins la formation d’espèces organiques liquides. Nous proposons une explication de ce résultat au paragraphe III.2.

Les rendements en CO2 augmentent significativement et sont compris entre 10,7% et 12,4% avec de la biomasse imprégnée contre respectivement 8,3% et 6,7% pour les biomasses brutes et lavées. Cet excès de CO2 peut provenir de l’oxydation de la matière carbonée en présence de NO2 (équation 19). Néanmoins, Collard et al. suggèrent que la formation de CO2 est aussi corrélée aux mécanismes primaires de carbonisation [156], favorisés par les métaux.

Selon Collard et Richardson, le fer et le nickel présents dans les charbons catalysent les réactions de gazéification a minima dès 500°C, en présence d’agents oxydants (CO2 ou H2O) [26, 27, 158]. Rappelons que l’étude de l’impact catalytique des métaux de transition sur la gazéification n’est pas l’objet principal de ce chapitre. Néanmoins, il nous paraît important de distinguer les effets des métaux sur les mécanismes de pyrolyse et de gazéification étant donné que ces derniers affectent les rendements en charbon, en H2 et en CO. Pour cela, nous comparons les rendements du charbon et de ces gaz sur la figure 50. Celle-ci révèle que les rendements en H2 et en CO des métaux de transition semblent évoluer selon une courbe de type « volcano ». En outre, nous pouvons remarquer que les rendements en charbon, en CO et en H2 semblent directement liés à la structure de la couche de valence des métaux – Mn, Fe, Co, Ni, Cu et Zn - constituée des sous-couches 3d et 4s. En effet, lorsque la sous-couche 4s est saturée, les rendements en charbon diminuent à mesure que la sous-couche 3d se remplit. D’autre part, lorsque la couche 3d est saturée – c’est le cas pour Cu33 et Zn – les rendements en charbon augmentent d’autant plus que la sous-couche 4s se remplit. Les rendements en CO et en H2 évoluent en sens inverse.

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La structure électronique du cuivre est une exception à la règle de Klechkowski, sa structure électronique est donc : [Ar]3d104s1 au lieu de [Ar]3d94s2.

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Figure 50 Rendements massiques en charbon, CO et H2 obtenu par pyrolyse de biomasse imprégnée avec des sels de nitrates de Mn, de Fe, de Co, de Ni, de Cu, de Zn et de Ce à 500°C et comparaison à la structure électronique de ces éléments. Les valeurs sont moyennées sur au moins 2 essais. Les barres d’erreurs symbolisent les valeurs minimales et maximales.

Ces résultats montrent que les métaux de transition – Mn, Fe, Co, Ni, Cu et Zn - catalysent la gazéification du charbon au cours de la pyrolyse à 500°C. Parmi les métaux utilisés, le nickel est le catalyseur de gazéification le plus efficace. Or, comme évoqué précédemment, ces métaux catalysent aussi les mécanismes de carbonisation. Les rendements en charbon résultent donc des mécanismes primaires de carbonisation mais aussi des réactions de gazéification du charbon.

Les analyses élémentaires, présentées dans l’annexe G, démontrent que les métaux imprégnés restent piégés dans le charbon de pyrolyse. Dans le paragraphe suivant, ces charbons ont été caractérisés afin d’étudier la répartition et l’état d’oxydation des métaux dans les charbons à la fin de la pyrolyse.

2. Décomposition des sels de nitrates au sein des charbons de pyrolyse