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La protection sociale Le développement de la protection sociale en

B. Au croisement des droits

31. La protection sociale Le développement de la protection sociale en

Europe remonte au XIXe siècle108. Le besoin de sécurité des peuples, en particulier

des travailleurs, s’impose avec le développement de l’industrie109. L’Europe

constitue le « berceau »110 des assurances sociales ; elle en serait aujourd’hui le

« maillot jaune »111. En effet, après la Seconde guerre mondiale, le recours à la technique de la répartition a permis de « réaliser des progrès sociaux dans un

climat caractérisé par une croissance économique constante et une augmentation de la population active […] »112. La protection sociale constitue désormais l’un

des ciments de la cohésion sociale113. Les politiques mises en place par les

pouvoirs publics ont joué un rôle essentiel dans cette avancée majeure114.

Cependant, à l’origine, les avantages dont bénéficiaient les salariés étaient davantage considérés comme des libéralités de la part de l’employeur que comme

G. CORON, Le prisme communautaire en matière de retraites : la diffusion à travers le droit européen de la théorie des piliers, Retraite et société 2007, n° 50, p. 250.

108

G. LYON-CAEN, La deuxième jeunesse de la prévoyance sociale, Droit social 2002, p. 728 ; J. BIGOT

(dir.), Traité de droit des assurances, tome 1 : entreprises et organismes d’assurance, LGDJ 2011, 3e éd.,

n° 12 et s., p. 12 et s (v. également n° 1121 et s., p. 490 et s.) ; A. MASSON, Assurance sociale et assurance privée face à la crise de l’Etat-providence, Risques 1995, n° 24, p. 135.

109

« Le goût du risque et le désir de la sécurité représentent deux tendances fondamentales de l’esprit humain. Suivant les individus et les groupes sociaux mais aussi suivant les époques, l’une ou l’autre prédomine », P. DURAND, La politique contemporaine de sécurité sociale, Dalloz 1953, p. 11.

110

J.-P. DUMONT, Les systèmes de protection sociale en Europe, Economica 1998, 4e éd., p. 1.

111

J.-P. DUMONT, Les systèmes de protection sociale en Europe, Economica 1998, 4e éd., p. 7.

112

H. DELLEECK, Le rôle de la protection sociale complémentaire par rapport aux régimes de base : concurrence ou partenariat ? (résumé), in La protection sociale complémentaire dans l’Union européenne, la problématique des pensions et des soins de santé / De Anvullende sociale voorzieningen in de europese Unie, pensioenen en gezondheidszorg, dir. C. VAN SCHOUBROECK, Academia-Bruylant 2003, p 32.

113

« Il n’y a pas de cohésion sociale sans protection sociale » (R. CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale, Une chronique du salariat, Gallimard 2012, p. 769).

114

« Un des grands succès des politiques sociales de la seconde moitié du XXème siècle est que la vieillesse

n’est plus synonyme de pauvreté et que les personnes âgées ne sont plus dépendantes de l’aide que leur apportent leurs enfants » (Document de travail des services de la commission. Annexe au rapport de synthèse sur des pensions adéquates et viables, 27 févr. 2006, SEC(2006) 304, p. 3).

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des droits, à plus forte raison sociaux. Ce n’est qu’à la faveur du développement et de la structuration du droit du travail et du droit de la sécurité sociale que ces avantages ont changé de nature115.

32. Hétérogènes, les systèmes de protection sociale européens le sont

nécessairement : ils ont été bâtis au niveau national, reflétant une histoire et une

culture propres à chaque Etat116. Ils peuvent cependant être regroupés en trois

grands ensembles : les régimes bismarckiens117, les régimes beveridgiens118 et les

régimes nordiques. Les premiers, mis en œuvre en Allemagne ou en Espagne, sont étroitement liés au marché du travail : 1) c’est sur le salaire que sont précomptées les cotisations ; 2) le régime ne bénéficie qu’à ceux qui contribuent ou ont contribué à son fonctionnement ; 3) les prestations sont proportionnelles aux cotisations. Les seconds, en vigueur au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, sont plus indépendants du marché du travail. Ils fonctionnent davantage dans une logique de solidarité nationale et sont détachés de la contribution au régime. Les régimes nordiques, en vigueur au Danemark, en Finlande et en Norvège, se rapprochent du modèle beveridgien, si ce n’est que la protection sociale y est largement financée

par l’impôt119. La France est plutôt organisée selon le modèle bismarckien. Un

glissement vers le modèle beveridgien est cependant relevé120.

Les systèmes publics de protection sociale sont vecteurs d’équité, de justice

115

Ph. MARTIN, La prévoyance d’entreprise en Europe : fragment ou vecteur de protection sociale ?, Revue internationale de Sécurité Sociale 2005, n° 58, p. 23.

116

M. LAROQUE, L’impact du droit communautaire sur les concepts de la protection sociale française, Droit social 1997, p. 961. Selon cet auteur, la protection sociale constitue « un système de philosophie sociale » propre à chaque pays, « même si l’exemple des voisins est source d’influence positive ou négative ».

117

Du nom du chancelier allemand Bismarck, à l’origine de la loi de 1889 sur l’invalidité vieillesse et, par conséquent, du développement des assurances sociales en Europe.

118

Du nom de Lord Beveridge, dont les thèses ont émergé au Royaume-Uni à compter des années 1940.

119

F. CHARPENTIER, Les retraites en France et dans le monde. Nouvelles problématiques, Economica 2009, p. 210 et s.

120

« La généralisation, voire la tendance à l’universalité, la baisse du degré de socialisation publique constatée en matière de santé et de retraite, l’encadrement juridique de la médecine libérale, pas toujours suivi d’effets en pratique, et le renforcement de l’Etat, notamment au détriment des caisses de sécurité sociale, sont autant de signes du basculement de notre système de santé vers le modèle beveridgien » (R. MARIE, Vers un basculement du système français de sécurité sociale dans le modèle beveridgien ?, RDSS 2011, p. 727) ; J.-P. CHAUCHARD, B. FRIOT, Faut-il couper le cordon entre travail et protection sociale ?, RDT 2011, p. 677.

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sociale et de solidarité. Les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques représentent ainsi des « achats collectifs de services publics » qui reflètent les

valeurs sur lesquelles le modèle social européen est fondé121. Ils présentent

toutefois des inconvénients : « déresponsabiliser » tant les demandeurs que les offreurs de soins et les responsables politiques (notamment en période électorale) ; alimenter une tendance inflationniste ; freiner la mobilisation de capitaux. A l’inverse, les systèmes privés incitent à l’épargne et « responsabilisent » les parties prenantes ; mais ils font intervenir une logique concurrentielle au sein d’un marché

qui diffère des autres et exposent à l’exclusion des personnes vulnérables122.