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Harmonisation directe Le législateur européen a entrepris d’exclure de

Première partie L’encadrement des opérateurs

T ITRE 1 L’ INACHÈVEMENT DE LA CONVERGENCE STRUCTURELLE

51. Harmonisation directe Le législateur européen a entrepris d’exclure de

l’accès au marché les entreprises dont il était jugé que la forme sociale n’apportait

pas des garanties adéquates en termes de fonctionnement et de financement172. Il a

ainsi réservé à un certain nombre d’opérateurs l’application des directives visant à

instituer un marché commun de l’assurance173. Le quatrième considérant de la

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J.-M. BINON, Les directives européennes en matière d'assurance sociale complémentaire (assurances, banques, institutions de retraite). Analyse comparative de leur champ d'application et de leur régime de libéralisation, Bruylant 1994, p. 26.

172 « Confrontées à l’extrême diversité d’intervenants économiques dans le domaine de l’assurance sociale

complémentaire, les autorités communautaires ont défini, dans chacune des directives, un champ d’application plus ou moins rigoureusement délimité, tantôt en termes d’opérations, tantôt en termes d’opérateurs, tantôt par le recours simultané à ces deux critères » (J.-M. BINON, Les directives européennes en matière d'assurance sociale complémentaire (assurances, banques, institutions de retraite). Analyse comparative de leur champ d'application et de leur régime de libéralisation, Bruylant 1994, p. 13).

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Dès lors que les pouvoirs publics européens ont eu l’ambition d’ériger un grand marché européen dans le domaine de l’assurance, il était essentiel d’adopter des textes en ce sens concernant non seulement les organismes assureurs, mais également les intermédiaires d’assurance, dont le rôle est d’une grande importance dans ce secteur. Un texte a rapidement été adopté, parallèlement aux directives relatives aux organismes assureurs. La directive n° 77/92/CEE du 13 décembre 1976, relative à des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services pour les activités d’agent et de courtier d’assurance (ex groupe 630 CITI) et comportant notamment des mesures transitoires pour ces activités, a été adoptée sur la base du premier considérant selon lequel « pour les activités d’agent et de courtier d’assurance, des conditions pour l’accès aux activités en question et pour l’exercice de celles- ci ne sont pas imposées dans tous les Etats membres ; […] il existe tantôt la liberté d’accès et d’exercice, tantôt des dispositions rigoureuses prévoyant la possession d’un titre pour l’accès à la profession ». Dès lors, « à défaut d’une reconnaissance mutuelle des diplômes ou d’une coordination immédiate, il apparaît souhaitable de faciliter l’exercice effectif de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services pour les activités en question, notamment par l’adoption de mesures transitoires […], afin d’éviter une gêne anormale pour les ressortissants des Etats membres où l’accès à ces activités n’est soumis à aucune condition » (JOCE n° L 26, 31 janv. 1977, p. 14). Ce texte définissait les activités auxquelles il s’appliquait, à savoir les activités de courtage, d’agent général et celles des autres personnes exerçant une activité d’intermédiaire et citait les formes d’exercice notamment visées par son application. Par exemple, pour la France, étaient visés le courtier d’assurance, l’agent général d’assurance ainsi que, pour la dernière catégorie d’activité, les mandataires, intermédiaires et sous-agents. En Allemagne, étaient citées le « Versicherungsmakler » (courtier d’assurance), le « Versicherungsvertreter » (agent d’assurance), le

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directive n° 73/239/CEE du 24 juillet 1973, relative à l’assurance non-vie174,

précisait ainsi qu’il convenait « d’exclure du champ d’application de la directive

certaines mutuelles qui, en vertu de leur régime juridique, remplissent des conditions de sécurité et offrent des garanties financières spécifiques » 175, ainsi que « certains organismes, dans plusieurs Etats membres, dont l’activité ne

s’étend qu’à un secteur très restreint et se trouve statutairement limitée à un certain territoire ou à des personnes déterminées ». Les articles 3 et 4 détaillaient

ces exclusions. Surtout, l’article 8 demandait aux Etats membres d’exiger que les entreprises qui se constituent et sollicitent l’agrément exerçant dans le secteur de l’assurance non-vie adoptent une forme précise. En pratique, la vérification de l’emploi d’une forme autorisée est effectuée en amont dans la mesure où l’accès aux activités d’assurance est subordonné à l’octroi d’un agrément par l’autorité de contrôle de l’Etat d’origine. Une personne physique ne pouvait par ailleurs être considérée comme un organisme autorisé à exercer l’activité d’assurance, ce qui ne saurait surprendre : il n’est pas contestable qu’une personne morale offre de

meilleures garanties176. Concernant la France, seules la société anonyme, la société

à forme mutuelle, la mutuelle et l’union de mutuelles étaient autorisées. Les

institutions de prévoyance177 n’étaient pas concernées initialement par le marché

commun178.

« Gelegenheitsvermittler » (intermédiaire) et le « Inkassant » (sous-agent). La directive n° 2002/92 du 9 décembre 2002 sur l’intermédiation en assurance a renforcé les exigences mises à la charge des intermédiaires. L’article 2.3 définit l’intermédiation en assurance comme « toute activité consistant à présenter ou à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution en cas de sinistre ». L’article 2.5 définit l’intermédiaire d’assurance comme « toute personne physique ou morale qui, contre rémunération, accède à l’activité d’intermédiation en assurance ou l’exerce ». Ce texte a été transposé en droit français par la loi du 15 décembre 2005 (L n° 2005-1564, 15 déc. 2005, portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance : JORF n° 292, 16 déc. 2005 : p. 19348).

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En matière de protection sociale complémentaire, les garanties relatives aux frais de santé, à l’incapacité et à l’invalidité relèvent de l’assurance de personnes non-vie ; les garanties décès et retraite relèvent de l’assurance sur la vie.

175

En réalité, les spécificités des mutuelles étaient telles que l’immense majorité d’entre elles était concernée par cette exclusion.

176

J. CARBONNIER, Droit civil, Vol. I, PUF 2004, p. 726 : « les biens de la personne morale sont réservés au paiement de ses créanciers et ne peuvent servir à payer les créanciers personnels de tel ou tel de ses membres - autrement dit, l’actif social est le gage exclusif des créanciers sociaux, à l’encontre des créanciers personnels des associés ».

177

Les institutions de prévoyance sont régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale. L’article L. 931-1 de ce code les définit comme « des personnes morales de droit privé à but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants ». Les « membres

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Les directives suivantes ont toutes repris cette méthode d’harmonisation en deux séquences, en présentant les formes d’exercice exclues puis les formes autorisées. La seconde directive non-vie, n° 92/49/CEE en date du 18 juin 1992, a conservé ce mode opératoire en mettant toutefois à jour la liste des organismes autorisés. Les institutions de prévoyance françaises ont été intégrées au rang des organismes habilités à solliciter un agrément permettant d’exercer à l’intérieur du marché commun179.

52. Dans un premier temps, les formes autorisées dans le cadre de l’exercice de

l’assurance sur la vie ont été différentes de celles admises dans le cadre de l’assurance non-vie. Ainsi, la directive n° 79/267/CEE du 5 mars 1979 excluait un

nombre plus important d’organismes180. Les formes autorisées à exercer sur le

adhérents » sont la ou les entreprises ayant adhéré à un règlement de l’institution ou souscrit un contrat auprès d’elle. Les « membres participants » sont les salariés affiliés, les anciens salariés ou leurs ayants droit.

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En Allemagne, étaient concernées les sociétés anonymes (« Aktiengesellschaft »), les sociétés d’assurance mutuelle (« Versicherungsverein auf Gegenseitigkeit ») et les sociétés d’assurance de droit public (« Öffentlich-rechtliches Wettbewerbs-Versicherungsunternehmen »). Les formes autorisées au Royaume-Uni étaient les suivantes : « incorporated companies limited by shares or by guarantee or unlimited », « societies registered under the Industrial and Provident Societies Act », « societies registered under the Friendly Societies Act » et l’association des souscripteurs dénommée « Lloyd’s ». Le Lloyd’s est une association de souscripteurs dépourvue de toute personnalité juridique. Il s’agit de la seule dérogation au principe selon lequel les organismes participant à la construction du marché commun de l’assurance sont dotés de la personnalité morale (pour un développement et un historique complets, v. G. LEVIE, Droit européen des assurances, Bruylant 1992, p. 61).

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Dir. n° 92/49/CEE, 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie : JOCE n° L 228, 11 août 1992, p. 1. La liste des organismes autorisés au Royaume-Uni et en Allemagne est demeurée inchangée. En Espagne, étaient concernées la société anonyme (« sociedad anonima »), la société mutuelle (sociedad mutua ») et la société coopérative (« sociedad cooperativa »). Il était précisé, d’une manière générale, que « L’entreprise d’assurance pourra également adopter la forme de société européenne, lorsque celle-ci aura été créée ».

180

Elle maintenait en dehors de son champ d’application :

- « les opérations des organismes de prévoyance et de secours qui accordent des prestations variables selon les ressources disponibles et déterminent forfaitairement la contribution de leurs adhérents » (article 2, § 2) ;

- « les opérations effectuées par des organismes autres que les entreprises d’assurance, qui ont pour objet de fournir aux travailleurs, salariés ou non, groupés dans le cadre d’une entreprise ou d’un groupement d’entreprise ou d’un secteur professionnel ou interprofessionnel, des prestations en cas de décès ou en cas de vie, que les engagements résultant de ces opérations soient ou non couverts intégralement et à tout moment par des provisions mathématiques » (article 2, § 3). Sont visées par ce paragraphe les institutions professionnelles de retraite ;

- « les mutuelles d’assurance dont les statuts prévoient la possibilité soit de procéder à des rappels de cotisations, soit de réduire les prestations, soit de faire appel au concours d’autres personnes qui ont souscrit un engagement à cette fin, dans le montant annuel des cotisations perçues au titre

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marché commun étaient régies par l’article 8 de ce texte. A titre d’exemple, seules la société anonyme, la société à forme mutuelle à cotisations fixes et la société à forme tontinière étaient autorisées en France à solliciter l’agrément permettant d’exercer les activités d’assurance sur la vie. Les mutuelles « classiques », les institutions de retraite et les institutions de prévoyance étaient exclues du

dispositif181. En revanche, dès la seconde directive portant sur l’assurance sur la

vie, en date du 10 novembre 1992182, les formes autorisées ont été harmonisées

avec celles en vigueur pour l’assurance non-vie. La dernière directive adoptée, en date du 25 novembre 2009, ne marque pas d’évolution quant aux entités admises à exercer une activité d’assurance183.