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Propri´et´es g´eom´etriques et espaces de Hilbert

7.4 Propri´ et´ es g´ eom´ etriques et espaces de Hilbert

Dans cette section, nous d´efinissons les concepts-clefs d’analyse des espaces de Hil-bert, comme le projet´e orthogonal d’un vecteur et le compl´ement orthogonal d’un sous-espace. Nous prouvons par ailleurs quelques r´esultats importants concernant ces objets g´eom´etriques.

7.4.1 Identit´ e du parall´ elogramme, in´ egalit´ e de Cauchy-Schwarz

Nous commen¸cons par prouver formellement deux lemmes simples concernant le pro-duit scalaire, `a savoir l’identit´e du parall´elogramme et l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz : Lemme 7.1. Identit´e du parall´elogramme

Soit E∶PreHilbert. Alors :

∀x, y∈E,⟨x+y, x+y⟩E+⟨x−y, x−y⟩E =2(⟨x, x⟩E+⟨y, y⟩E). Lemme 7.2. In´egalit´e de Cauchy-Schwarz

Soit E∶PreHilbert. Alors :

∀x, y∈E,√

⟨x, y⟩E ⩽ ⟨x, x⟩E⋅ ⟨y, y⟩E.

Assez simple, la d´emonstration de ces deux r´esultats repose sur les propri´et´es du produit scalaire, notamment sur sa bilin´earit´e [50, lemmes 173 et 174]. Ces r´esultats sont n´eanmoins indispensables aux d´emonstrations d’autres th´eor`emes. En effet, le lemme 7.1 (in´egalit´e du parall´elogramme) est n´ecessaire `a la d´emonstration du th´eor`eme 7.3 pr´e-sent´ee succinctement ci-dessous. Une variante de l’in´egalit´e du parall´elogramme est

´egalement n´ecessaire `a la preuve du lemme 7.4. Quant au lemme 7.2, il permet de prouver la continuit´e du projet´e orthogonal (en tant que fonction prenant un vecteur en entr´ee et renvoyant son projet´e orthogonal) ainsi que le th´eor`eme 8.2 (th´eor`eme de Riesz–Fr´echet).

7.4.2 Projet´ e orthogonal

Si la notion de projet´e orthogonal d’un vecteur sur un sous-espace paraˆıt intuitive (voir figure 7.4), la preuve de son existence et de son unicit´e est loin d’ˆetre triviale.

Th´eor`eme 7.3. Projet´e orthogonal, sous-espace complet P∨¬P

Soit E ∶ PreHilbert. Soit ϕ ∶ E → Prop, ϕ non vide, complet et ModuleSpace-compatible8. Alors, pour tout u∈E, il existe un unique vecteur Pϕ(u)∈E tel que :

ϕ(Pϕ(u)) ∧ ∥u−Pϕ(u)∥E= inf

wEϕ(w)∥u−w∥E.

8. En r´ealit´e, nous prouvons formellement que le r´esultat reste valable pour un sous-espace non vide, complet et convexe : nous d´emontrons que tout sous-espaceModuleSpace-compatible est convexe.

ϕ

O

ϕ

u

Pϕ(u) u−Pϕ(u)

Figure7.4 – Projet´es orthogonaux sur un sous-espaceϕet sur son compl´ement ortho-gonal ϕ

Pϕ(u) est appel´e projet´e orthogonal de u sur ϕ (le concept de projet´e orthogonal est illustr´e par la figure 7.4).

Pour prouver formellement ce r´esultat, nous nous basons sur la d´emonstration papier de Cl´ement et Martin [50, th´eor`eme 186], qui n’utilise pas la notion de filtre. Comme nous utilisons la biblioth`eque Coquelicot, dans laquelle les notions de limites utilisent les filtres, nous devons dans un premier temps interpr´eter la d´emonstration dans ce formalisme. Posonsδ= inf

w∈E∧ϕ(w)∥u−w∥E. Le projet´e orthogonal est construit comme la limite du filtre :

F := fun (V:E→Prop) ⇒exists eps:posreal, forall x, phi x →norm (minus u x) < delta + eps →V x.

Pour donner du sens `a cette limite, nous prouvons tout d’abord que le filtre F est propre et de Cauchy. Ensuite, nous utilisons la compl´etude du sous-espace ϕ pour montrer l’appartenance de la limite au sous-espace. La d´emonstration est par ailleurs classique `a cause de probl`emes de d´ecidabilit´e li´es `a la borne inf´erieure dans la d´efinition de δ (voir d´etails en section 8.6).

Ensuite, nous formalisons le lemme de caract´erisation suivant, qui g´en´eralise la no-tion de projet´e orthogonal `a tout sous-espace ModuleSpace-compatible deE :

Lemme 7.4. Caract´erisation du projet´e orthogonal P∨¬P

Soit E ∶ PreHilbert. Soit ϕ ∶ E → Prop, ϕ ModuleSpace-compatible. Soit u, v ∈ E.

Supposons que v ∈ϕ. Alors :

�∥u−v∥E = inf

w∈E∧ϕ(w)∥u−w∥E� ⇐⇒(∀w∈E, ϕ(w) �⇒ ⟨v, w⟩E =⟨u, w⟩E). Ce lemme, valable pour n’importe quel sous-espaceϕ ModuleSpace-compatible, est un lemme de caract´erisation et n’assure pas l’existence du projet´e orthogonal, qui n’est prouvable que si ϕ est complet (d’apr`es le th´eor`eme 7.3).

La d´emonstration est assez fastidieuse et repose sur la manipulation d’´egalit´es et d’in´egalit´es impliquant des produits scalaires. La preuve de ces ´equations utilise `a plu-sieurs reprises une variante simplifi´ee de l’in´egalit´e du parall´elogramme (lemme 7.1).

7.4. PROPRI´ET´ES G´EOM´ETRIQUES ET ESPACES DE HILBERT 136 Ces caract´erisations ne permettent pas d’obtenir constructivement une fonction ayant pour param`etres un vecteur uet un sous-espace ϕet renvoyant le projet´e ortho-gonalPϕ(u). Une solution simple serait d’utiliser l’op´erateuriotade Hilbert disponible dans la biblioth`eque standard de Coq, qui est une version faible de l’op´erateur epsi-lon de Hilbert dans le cas o`u un argument d’unicit´e peut ˆetre fourni. N´eanmoins, ces op´erateurs n´ecessitent l’axiomeEpsilon de Hilbert.

Il est cependant possible, dans le cas particulier o`u E ∶Hilbert, de n’utiliser ni le tiers-exclu ni l’axiome Epsilon de Hilbert. En effet, lorsque E ∶CompleteSpace (et a fortiori lorsqueE ∶Hilbert), la biblioth`eque Coquelicot fournit un op´erateuriota ne n´ecessitant aucun axiome particulier, sinon l’axiomatisation des r´eels de la biblioth`eque standard [35, 134]. Cet op´erateur poss`ede un comportement analogue `a l’op´erateuriota de la biblioth`eque standard et est construit comme la limite d’unfiltre bien choisi. Dans ce manuscrit, la notation iotafera toujours r´ef´erence `a l’op´erateur de Coquelicot. Cet op´erateur nous permet de construire la fonction proj :

Definition proj {E : Hilbert} (phi : E →Prop) :=

fun u : E ⇒iota (fun v : E ⇒phi v ∧norm (minus u v)

= Glb_Rbar (fun r ⇒exists w:E, phi w ∧r = norm (minus u w))).

Dans la d´efinition Coq ci-dessus,Glb_Rbar Pest la construction de Coquelicot cor-respondant `a la plus grande borne inf´erieure du sous-espace P : Rbar -> Prop. Dans les ´enonc´es math´ematiques, la fonction totale de projection orthogonale est not´ee Pϕ.

De fa¸con surprenante, cette fonction explicite n’est utilis´ee ni dans la preuve du th´eo-r`eme de Lax–Milgram (th´eoth´eo-r`eme 8.4), ni dans la preuve des r´esultats interm´ediaires.

Les r´esultats de caract´erisation pr´esent´es ci-dessus, i.e.le th´eor`eme 7.3 et le lemme 7.4 s’av`erent en effet suffisants. En revanche, pour d´emontrer la compl´etude des sous-espaces de dimensionfinie des espaces de Hilbert (th´eor`eme 8.9), il faut construire l’image d’un filtre par la fonction projet´e orthogonal. Il devient donc n´ecessaire d’utiliser l’objetproj en tant que fonction explicite, puis de d´emontrer qu’elle poss`ede certaines bonnes pro-pri´et´es. La premi`ere propri´et´e, simple `a d´emontrer, est la lin´earit´e. La seconde propri´et´e est le caract`ere contractant du projet´e orthogonal :

forall x y, norm (proj phi x - proj phi y) <= norm (x - y).

7.4.3 Compl´ ement orthogonal et somme directe

D´efinition 7.2 (Compl´ement orthogonal).

Soit E∶PreHilbert. Soit ϕ∶E→Prop, ϕ ModuleSpace-compatible. Son compl´ement orthogonal est le sous-ensemble ϕ deE d´efini de la mani`ere suivante :

Definition orth_compl := fun x : E ⇒forall y, phi y →inner x y = 0.

Lorsque ϕ est un sous-espace complet, tout vecteur u ∈ E peut ˆetre d´ecompos´e comme la somme de deux vecteurs respectivement `a valeurs dans ϕ et dans ϕ. Nous prouvons que la d´ecomposition sur ϕ et ϕ est unique (il s’agit d’une cons´equence

de l’unicit´e de la projection orthogonale assur´ee par le th´eor`eme 7.3). Cela permet d’introduire la notion de somme directe :

D´efinition 7.3 (Somme directe). Soit E∶M oduleSpace, ϕ,ψ,π∶E→P rop.

On dit que ϕ=ψ⊕π (ϕ est la somme directe deψ et π) ssi :

∀u∈E,ϕ(u)⇒ ∃!a, b∈E, a∈ψ∧b∈π∧u=a+b

Nous avons donc E =ϕ⊕ϕ (notation pour λx.True= ϕ⊕ϕ). Par ailleurs, cette d´ecomposition unique peut ˆetre donn´ee explicitement : u= Pϕ(u) + (u−Pϕ(u)) (voir figure 7.4). Nous proposons plusieurs formalisations de la propri´et´e «ϕ et ϕ sont la somme directe d’un ensemble E », prouv´ees ´equivalentes par une s´erie d’implications.

En pratique, la seule des formalisations ´equivalentes qui est utilis´ee est la suivante : Definition direct_sumable phi phi’ := forall x:E, phi x →phi’ x →x = 0.

Nous prouvons enfin un dernier lemme de caract´erisation utilisant le fait qu’un sous-module d’un espace complet est en somme directe avec son compl´ement orthogonal.

Lemme 7.5. Caract´erisation des sous-espaces orthogonaux P∨¬P

Soit E ∶PreHilbert. Soit ϕ∶E →Prop, ϕ ModuleSpace-compatible et complet. Soit u, v∈E. Supposons que ϕ(v). Alors :

�∥u−v∥E= inf

w∈E∧ϕ(w)∥u−w∥E� �⇒(ϕ(u) ⇐⇒ v =u)∧(ϕ(u) ⇐⇒ v=0). Ce lemme est utilis´e dans la preuve du th´eor`eme 8.2 (Riesz–Fr´echet) et est donc n´ecessaire `a la preuve du th´eor`eme 8.4 (Lax–Milgram). Un corollaire assure que si x∈ϕ,Pϕ(x) =xet pour x∈ϕ, Pϕ(x) =0.