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2.3 Analyse num´erique des ´equations diff´erentielles

3.1.3 Etude de la propagation des erreurs

Etudes exp´´ erimentales

Les approches statistiques partent du principe que les erreurs d’arrondi qui s’accu-mulent au cours des it´erations d’une m´ethode num´erique ont un signe qui alterne et que les erreurs sont al´eatoirement distribu´ees. C’est le postulat fait par Rachemacher [171]

en 1948 dans le cas de la m´ethode de Heun [59, p. 239] appliqu´ee `a des probl`emes avec condition initiale de dimension 2. Un an plus tard, Huskey [111] a exhib´e un contre-exemple assez simple invalidant le raisonnement de Rademacher. Huskey a utilis´e la machine ENIAC1, l’un des premiers ordinateurs enti`erement ´electroniques, pour impl´e-menter la r´esolution num´erique du syst`eme suivant2 via la m´ethode de Heun :

1. http://eniacprogrammers.org/

2. L’inconnue de cette ´equation est un vecteur de 2 fonctions, `a savoir le sinus et le cosinus.

y(t) =x(t), x(t) =y(t), y(0) =0, x(0) =1.

Sur cet exemple, Huskey [111] a exhib´e, au cours des it´erations, des erreurs d’arrondi locales de signe constant et de taille comparable, invalidant ainsi l’argument de distri-bution al´eatoire des erreurs. L’erreur globale exhib´ee est largement plus importante que ce que pouvait pr´evoir l’approche de Rademacher [171].

Etudes math´´ ematiques `a gros grain

Plusieurs auteurs ont propos´e de borner l’accumulation des erreurs d’arrondi de m´e-thodes num´eriquesviades raisonnements math´ematiques rigoureux et g´en´eriques. Nous utilisons la terminologie d’approche `a «gros grain» pour qualifier les d´emonstrations utilisant les propri´et´es math´ematiques des m´ethodes, mais pas les propri´et´es fines de l’arithm´etique `a virgule flottante.

Dans des travaux datant de 1970, Fehlberg [74] a ´evalu´e la propagation de l’erreur totale,i.e.la somme de l’erreur de m´ethode et de l’erreur d’arrondi, commise en utilisant des m´ethodes de Runge-Kutta explicites pour la r´esolution de syst`emes de la forme :

x(t) =f(t, x, y), y(t) =g(t, x, y).

Fehlberg [74] a obtenu une formule explicite ´evaluant l’erreur totale, formule qui d´epend des d´eriv´ees partielles def etg, des erreurs de m´ethodes locales aux it´erations et d’une estimation de l’erreur d’arrondi commise lors de l’´evaluation def etg. Ces travaux font cependant appel `a des hypoth`eses simplificatrices. En particulier, Fehlberg utilise des d´eveloppements en s´eries de Taylor pour la formule d’erreur totale, l’expression obtenue faisant apparaˆıtre des puissances du pas d’int´egration h. L’auteur n´eglige les termes d’ordre sup´erieurs (en h2,h3, etc) pour des raisons de lisibilit´e.

Plus r´ecemment, Spijker [192] a pr´esent´e une approche g´en´erique permettant de borner l’accumulation des erreurs d’arrondi dans la r´esolution num´erique de syst`emes non-lin´eaires avec condition initiale. Consid´erons un syst`eme multidimensionnel de la formey=f(t, y)avecy ∈Rn. La m´ethodologie adopt´ee utilise la constante de Lipschitz associ´ee `a f pour borner les erreurs d’arrondi. Demailly [59] a propos´e une approche similaire : consid´erons une m´ethode num´erique `a un pas constant dont l’application `a un syst`eme donn´e d´efinit la relation suivante :

yn+1=yn+hΦ(tn, yn, h).

Une condition suffisante de 0-stabilit´e (voir section 2.3.4) pour la m´ethode est le caract`ere k-lipschitzien de Φ en yn, qui permet d’obtenir la constante de 0-stabilit´e ekT avec T la taille de l’intervalle d’int´egration. Dans le cas o`u Φ est k-lipschitzienne, Demailly en d´eduit une borne sur l’erreur d’arrondi accumul´ee qui d´epend de ekT et des caract´eristiques du format flottant. Cette borne, bien que tr`es g´en´erique, s’av`ere pessimiste dans la majorit´e des cas.

3.1. ERREURS D’ARRONDI DE M´ETHODES NUM´ERIQUES 44 Kalinina [120] a ´etudi´e l’erreur totale commise au cours de l’impl´ementation de m´ethodes num´eriques `a un pas variable, fond´ees sur la m´ethode d’Euler et utilis´ees pour la r´esolution de syst`emes non-lin´eaires de la forme y = f(t, y). Le but principal de ces travaux est d’exhiber le pas d’int´egration optimal qui minimise l’erreur totale (somme de l’erreur de m´ethode et de l’erreur d’arrondi) commise au cours d’une it´eration du sch´ema num´erique. Les r´esultats exhib´es montrent que l’erreur totale est minimis´ee lorsque le pas d’int´egration permet d’obtenir une erreur de m´ethode dont la magnitude est de l’ordre de celle de l’erreur d’arrondi. Comme dans les travaux de Fehlberg [74], l’erreur d’arrondi commise lors de l’´evaluation de f est suppos´ee connue.

Les travaux pr´esent´es dans cette section permettent d’obtenir des bornes g´en´erale-ment valides mais assez grossi`eres, qui n’utilisent pas les propri´et´es fines de l’arithm´e-tique `a virgule flottante de la norme IEEE-754 [113]. En particulier, les d´epassements de capacit´e (voir section 2.1) ne sont pas pris en compte.

Etudes math´´ ematiques `a grain fin

Dans les communaut´es du calcul formel et de l’arithm´etique des ordinateurs, des analyses plusfines ont ´et´e r´ealis´ees. Nous utiliserons la terminologie d’approche `a«grain fin»pour qualifier les d´emonstrations d´ecomposant l’analyse d’erreurs jusqu’`a l’´echelle des op´erations flottantes ´el´ementaires. Ces d´emonstrations utilisent g´en´eralement les propri´et´es fines du format d’arithm´etique utilis´e.

Fousse [79, 78, 77] a propos´e une analyse d’erreurs pour l’impl´ementation en pr´eci-sion arbitraire de m´ethodes num´eriques de calcul d’int´egrales. Les m´ethodes ´etudi´ees sont les formules de quadrature de Newton-Cotes [79] et de Gauss-Legendre [78]. Dans les deux cas, l’auteur a born´e `a la fois l’erreur de m´ethode et l’erreur d’arrondi, afin de pouvoir les comparer et d’obtenir une borne sur l’erreur totale par rapport `a la solu-tion exacte. Les bornes sur les erreurs d’arrondi sont g´en´eriques et param´etr´ees par la pr´ecision pde calcul et certaines donn´ees de la m´ethode,e.g.le nombrende pas d’int´e-gration ou des r´esultats de calculs interm´ediaires de l’impl´ementation. Les algorithmes

´etudi´es ont fait l’objet d’une impl´ementation utilisant MPFR [80], une biblioth`eque de calcul en arrondi correct avec des nombresflottants multi-pr´ecision.

Fousse a d’abord ´etudi´e la m´ethode de Newton-Cotes [79],[77, §3] : cette m´ethode fait intervenir un ensemble de coefficients qui peuvent ˆetre pr´ecalcul´es en amont de l’ap-plication de la m´ethode. L’auteur a donc distingu´e l’analyse d’erreurs sur les coefficients, dont il a prouv´e qu’ils ´etaient calcul´es de mani`ere exacte, et l’analyse d’erreurs pour la m´ethode elle-mˆeme. Il a ´egalement propos´e une exp´erimentation num´erique pour une fonction dont la valeur exacte de l’int´egrale est connue, et a constat´e que l’erreur d’ar-rondi dominait l’erreur de m´ethode au-del`a d’un certain nombre de pas d’int´egration.

L’exp´erimentation a permis d’´eprouver la borne obtenue, qui s’av`ere relativement fine.

La seconde m´ethode ´etudi´ee est la m´ethode de Gauss-Legendre [78], qui repose sur des fondements math´ematiques plus complexes. L’approche adopt´ee par l’auteur est similaire `a celle utilis´ee dans le cas de la m´ethode de Newton-Cotes. En particulier,

Fousse s’est d’abord int´eress´e `a des coefficients pouvant ˆetre pr´ecalcul´es, puis a born´e l’erreur totale associ´ee `a l’impl´ementation de la m´ethode. Dans ce cas, contrairement `a la m´ethode de Newton-Cotes, des exp´erimentations num´eriques ont montr´e que l’augmen-tation de l’ordre de la m´ethode ne d´ebouchait pas sur une augmenl’augmen-tation catastrophique des erreurs d’arrondi et, par cons´equent, ne diminuait pas la pr´ecision num´erique.

Il existe de nombreuses similarit´es entre les m´ethodes de quadrature et les m´ethodes num´eriques de r´esolution d’´equations diff´erentielles, qui reposent sur un socle commun de fondements math´ematiques. Une diff´erence majeure est le fait que l’expression de la fonction `a int´egrer par une m´ethode de quadrature est g´en´eralement connue, contraire-ment `a l’inconnue d’une ´equation diff´erentielle. Par exemple, dans [78], Fousse a suppos´e connue une borne sur certaines d´eriv´ees de la fonction `a int´egrer. Nous adoptons, dans la partie II de ce manuscrit, une approche assez similaire `a celle de Fousse, `a savoir une analyse d’erreurs `a grainsfins. N´eanmoins, nous ne proposons pas de borner l’erreur de m´ethode, ce qui pourrait constituer une perspective de travail int´eressante (voir cha-pitre 9). En revanche, contrairement `a ce que nous proposons, les preuves de Fousse n’incluent pas la gestion des d´epassements de capacit´e inf´erieurs. L’algorithme est en effet pr´evu pour une impl´ementation en multi-pr´ecisionvia MPFR, dont la plage d’ex-posants est tr`es grande.