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À propos du dépistage de maladies génétiques : la Chorée de Huntington

Centre international de Valbonne et Lycée Estienne d’Orves, Nice

Hector Parmantier, Constance Rougeau, Julie Guillo, Nathalie Ghomashchi (Première S)

Nous sommes des élèves de Première S du Lycée International de Valbonne et du lycée Estienne d’Orves de Nice. Notre sujet concerne une maladie génétique à révélation tardive : la chorée de Huntington.

Pour résumer, les patients atteints de cette maladie ne présentent souvent aucun symptôme jusqu’à 40 ans, mais vont néanmoins, comme ils portent l’allèle de la maladie (qui est dominant), la déclarer. Les symp-tômes correspondent à une dégénérescence du cerveau et conduisent à la démence, puis à la mort. Aucun traitement ni palliatif n’existent. La mutation correspond à une répétition du codon CAG de plus de 35 fois.

Plus le nombre de répétitions est élevé au-delà de ce nombre, plus la maladie se déclarera tôt. Par exemple, dans le cas de malades jeunes, on observe plus de 60 répétitions de ce codon. Un test pré-symptomatique existe, qui permet de savoir si l’on est porteur de l’allèle défi cient domi-nant, donc si l’on va déclarer la maladie. Les enfants de parents atteints sont ceux qui vont être en demande de ce test, mais certains ne vont pas au bout de leur démarche.

La maladie de Huntington concerne 2 à 7 personnes pour 100 000 en Europe occidentale. Sa répartition n’est pas homogène dans le monde : si certains pays sont peu touchés, d’autres régions le sont beaucoup.

C’est le cas de la région du lac de Maracaibo (700 malades sur 100 000 personnes). En France, la maladie touche 6 000 personnes et 12 000 indi-vidus seraient porteurs de la mutation sans présenter de symptômes.

Notre réfl exion s’est construite au cours d’un séminaire de 2 jours à l’île Sainte Marguerite, au large de Cannes ; elle s’est appuyée sur le fi lm

Maudit gène, sorti en mai 2007, qui présente le témoignage d’une femme atteinte de la maladie, de son mari et de ses enfants ; sa fi lle n’a pas fait de dépistage pré-symptomatique, à la différence de son fi ls, dont le test a révélé qu’il était atteint de la maladie. Nous nous sommes aussi appuyés sur des articles extraits de la revue Pour La Science de septembre 2009, sur le livre Dix ans avant ma mort, de Frédéric B.  (2005) et sur les avis rendus par le CCNE. Plusieurs questionnements se sont posés et ont été débattus entre les élèves de nos deux établissements.

Faut-il faire le test ?

Plusieurs élèves sont favorables au test pré-symptomatique de la maladie, pour lever le doute. Ne pas savoir constitue, pour eux, un stress.

La vérité sur leur avenir est prédominante sur le poids du doute. Dans le fi lm Maudit gène par exemple, le fi ls, qui a choisi d’effectuer le test et a ainsi découvert qu’il était atteint de la maladie, a pris en charge toutes ses responsabilités et s’est organisé en conséquence.

D’autres élèves pensent au contraire que le fait de connaître son résultat positif au test risque d’accélérer le déclenchement de la maladie, par les angoisses que cela va générer ; c’est alors la maladie qui guide leur choix, non eux-mêmes. À cause du test, ils perdent leur liberté individuelle.

Ils pensent également que cette révélation pourrait bouleverser la vie de la personne, l’amener à modifi er ses choix de vie et surtout la conduire à la dépression. Il est donc recommandé aux personnes qui envisagent de faire le test de consulter un psychiatre au préalable, afi n de savoir si son état psychique permet de recevoir la réponse au test. Il faut par ailleurs savoir qu’il s’agit d’une longue procédure, au cours de laquelle on peut se rétracter à tout moment.

Dans Dix ans avant ma mort, Frédéric B.  raconte : « J’avais une chance sur deux d’être malade. Je savais pourquoi je voulais faire le test et j’essayais d’envisager les deux possibilités en étant le plus neutre possible. Je pensais qu’en prenant ma vie en main et en identifi ant mon mal, je transformerais cette malchance en quelque chose de positif. Bien sûr, ce choix me faisait peur, mais il était plus noble que la lâcheté ».

Quand faire le test de dépistage de la maladie ?

Plusieurs élèves sont favorables au test à la sortie de l’adolescence.

Pour eux, c’est une période où l’adolescent est assez fort pour assumer une réalité. Si le résultat est négatif, l’individu peut vivre une vie normale.

Si le résultat est positif, on peut organiser sa vie en conséquence, en profi ter et avoir des enfants assez tôt pour vivre avec eux une existence normale avant que la maladie se déclare.

Faut-il proposer le test alors qu’un traitement peut être trouvé d’ici à ce que la maladie se déclare ?

Les élèves pensent que « l’on peut proposer le test, mais la personne peut refuser de le faire dans la mesure où l’on peut supposer que, dans quelques années, il y  aura un traitement pour soigner cette maladie. Les symptômes de la maladie de Huntington sont similaires à ceux de la maladie d’Alzheimer ; ainsi, avec les recherches sur la maladie d’Alzheimer, des solutions de thérapie seront proposées dans l’avenir pour la Chorée de Huntington ».

A-t-on le droit de faire un diagnostic préimplantatoire pour obtenir des embryons indemnes qui auront en charge, à l’adolescence, des parents ma lades ?

Une majorité d’élèves pense que le fait d’avoir des enfants est un droit. Le DPI doit se faire, selon certains élèves, avant l’âge de 30 ans, pour que les enfants puissent avoir assez longtemps des parents sains.

Des parents à risque, qui n’ont pas fait pour eux-mêmes la recherche de leur statut génétique, ont-ils le droit de pratiquer un DPI pour leurs enfants ?

Les avis des élèves sont partagés.

Pour certains, la réponse est positive, « car un parent souhaite pour son enfant une protection maximale contre la maladie ».

Pour d’autres, la réponse est négative : « Non, les parents n’ont pas le droit de faire un DPI pour leur enfant sans connaître leur propre statut génétique, car selon le résultat, ils risquent de poser un regard différent sur leurs enfants. C’est une façon indirecte de connaître son propre statut génétique. L’enfant porte alors le poids d’une éventuelle « mauvaise nouvelle » pour le parent et peut se sentir responsable. »

Pour terminer notre présentation, nous vous proposons la citation suivante, extraite du livre de Frédéric B : « Je n’aime pas le regard des gens sur cette maladie et les nombreuses maladresses que j’ai pu voir.

Par-dessus tout, je déteste le secret fait autour de cette maladie comme si elle devait être cachée pour pouvoir réussir dans la vie. J’estime que ces malades sont des héros et qu’on ne devrait pas les cacher ».

Merci pour votre attention.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Discussion

Pierre LE COZ

Merci pour cet exposé, qui a  fait apparaître l’aspect tragique des conséquences de cette maladie et le dilemme moral entre deux solutions

dont aucune n’est vraiment confortable, puisque l’une est susceptible de révéler la présence de ce gène maudit et que l’autre risque d’installer chez la personne un doute lancinant et récurrent quant à son statut, la poussant à traquer le moindre signe pouvant trahir le début de la maladie.

Vous abordez aussi la question délicate du rôle du généticien.

Comment évaluer le profi l psychologique de l’individu sans induire sa décision ? Quel doit être le questionnement éthique du médecin ? Vous êtes-vous mis à la place d’un généticien ? Que feriez-vous face à un patient ?

Ma deuxième question concerne le DPI : j’ai mal compris pourquoi le couple serait obligé de connaître son statut génétique s’il décidait de faire le test pour éviter de donner naissance à un enfant atteint. Tout va, là aussi, dépendre de l’attitude de l’équipe médicale, qui peut très bien dérober à la connaissance du couple le statut des embryons et ne retenir que l’embryon indemne sans informer les futurs parents du statut des autres embryons.

Élève

Concernant votre première question, il faut savoir que c’est la personne demandeuse qui fait la démarche d’aller consulter un généti-cien. Personne n’est jamais obligé de faire cette démarche. Ensuite, le généticien, aidé d’un psychologue ou d’un psychiatre, va établir le profi l psychologique du patient. Mais la décision revient toujours, au fi nal, au patient : c’est lui qui décide s’il va faire le test ou pas. Comme nous l’avons dit par ailleurs, il peut tout à fait se rétracter, par la suite, à tout moment de la procédure ; je précise qu’il faut six semaines pour obtenir les résultats.

Certains patients effectuent toute la procédure et ne vont jamais chercher les résultats, qui sont alors archivés. Ces personnes peuvent décider de consulter ces résultats quand elles le souhaitent, même plusieurs années plus tard.

Élève

Concernant le DPI, nous nous sommes demandés si un couple désirant avoir un enfant mais n’ayant pas pratiqué pour lui-même le test pré-symptomatique devait ou pas pratiquer un DPI pour s’assurer que leur enfant ne sera pas porteur de l’allèle de la maladie. Certains élèves ont pensé qu’il était un peu irresponsable de la part des parents de pratiquer un DPI sans connaître leur propre statut, car cela faisait courir à l’enfant le risque, une fois jeune adulte, d’avoir à charge ses parents malades.

Pierre LE COZ

D’accord. Mais rien n’oblige l’équipe à révéler leur propre statut aux futurs parents s’ils ne le souhaitent pas.

André Comte-Sponville

Cette maladie est une horreur. Cela touche à l’éthique, par le biais par exemple du DPI, mais non à la morale. La question de savoir si, me sachant possiblement atteint d’une chorée de Huntington, je demanderais ou pas le test ne relève pas de la morale, mais plutôt de la psychologie.

Il ne peut en effet être fait aucun reproche à la personne d’un point de vue moral, quel que soit son choix. Le choix est au fond le suivant : si l’on ne demande pas le test, on est voué à l’angoisse, indéfi niment, et si on le demande on est voué à une chance sur deux de soulagement et une sur deux de catastrophe anticipée, de deuil à faire. Il s’agit d’un choix tragique, qui relève fi nalement des affects des uns et des autres et non d’un problème moral. Il s’agit de la vie de chacun. Le DPI pose des problèmes moraux dans la mesure où cela concerne la vie d’un autre. Le plus souvent, la morale n’a, selon moi, rien à dire sur la façon dont nous vivons nous-mêmes, tant que cela ne met pas en cause la vie et l’intérêt des autres. Le choix de faire ou non le test n’est pas en soi un problème moral, à la différence du DPI.

Élève

J’aimerais préciser que parfois, bien que cela soit rare, la maladie ne se déclare pas du vivant de la personne. Il existe des exceptions.

De la salle

J’ai l’impression que ce dépistage comporte au fond deux niveaux : celui de la personne potentiellement atteinte qui souhaite savoir et celui de la transmission de cette maladie génétique à ses enfants. Je pense que ces deux aspects sont sensiblement différents dans l’attitude. Votre exposé a particulièrement bien mis en valeur la responsabilité des futurs parents par rapport à leur descendance.

Pierre LE COZ

Le Comité consultatif national d’éthique a posé le problème dans son avis no 107 et s’est prononcé favorablement à l’égard de l’utilisation du DPI permettant non seulement la conception d’enfants indemnes de la maladie, mais offrant aussi aux parents la possibilité de continuer à ignorer leur statut.

Élève

Nous nous sommes aussi posé la question de savoir s’il faudrait donner le droit à des parents ne souhaitant pas connaître leur statut de faire pratiquer le test pré-symptomatique sur leurs enfants déjà nés. Il s’agit là aussi d’un vrai dilemme, auquel nous n’avons pas pu apporter de réponse.

De la salle

Imaginons, comme vous le suggérez, que des parents fassent pratiquer le test sur leurs enfants déjà nés et que celui-ci se révèle positif : cela renseigne automatiquement le parent concerné sur le fait que lui aussi est porteur de la maladie. Le fait de vouloir ignorer son statut n’est pas compatible avec le fait de faire pratiquer le test sur ses enfants, sauf évidemment si le résultat est négatif, ce qui laisse alors planer le doute sur le statut du parent. Cela est très délicat et absolument épouvantable pour les personnes qui y sont confrontées.

Pierre LE COZ

Je me pose la question, pour faire suite à la réfl exion d’André Comte-Sponville, de la responsabilité morale de celui qui fait barrage.

Imaginons une personne ayant des ascendants malades et décidant un jour de mettre fi n à ce doute insupportable en faisant le test. Imaginons qu’elle rencontre alors un psychologue ou un conseiller en génétique qui lui recommande d’attendre, estimant qu’elle n’est psychologiquement pas prête à affronter cette révélation. Le problème prend alors une tour-nure morale, puisqu’il n’implique plus seulement la personne concernée : d’autres décident en quelque sorte pour elle. Qu’en penses-tu, André ?

André Comte-Sponville

J’en pense que la morale est dans le rapport à autrui. La question de morale se pose donc effectivement pour le généticien ou le psycho-logue qui interviendrait maladroitement ou de façon outrancière dans la vie d’autrui. En revanche, la question de savoir si une personne demande ou non le test pour elle-même ne concerne qu’elle et ne se situe pas dans un rapport moral. On entre ensuite dans un problème philosophique très traditionnel : existe-t-il ou pas des devoirs vis-à-vis de soi-même ? J’ai tendance à penser que non et qu’il s’agit en l’occurrence un choix de vie, qui ne relève pas de la morale. Il me semble que j’aurais, personnel-lement, davantage d’admiration pour ceux qui demandent le test. Mieux vaut connaître la vérité que de l’ignorer. Toutefois, nul n’est tenu d’être un héros. Cela ne rend donc évidemment pas l’autre position condamnable.

En résumé, le rapport à soi est moralement neutre, alors que le rapport à autrui ne l’est jamais.

Élève

Les psychologues et les médecins sont là pour aider la personne à savoir si elle se sent prête à supporter la réponse au test, pas pour lui donner un avis sur la conduite à tenir et encore moins pour lui interdire d’effectuer le test s’ils la jugent incapable de faire face à la révélation de son statut. La décision revient uniquement à la personne concernée.

Jean-Claude AMEISEN

On parle ici de décision à prendre pour soi-même, d’évaluation psychologique de la personne : or il me semble que cela est la traduc-tion, dans une situation particulièrement dramatique, d’un des principes de la démarche éthique née en  1947 au procès des médecins nazis de Nuremberg, aussi nommée Code Nuremberg : je pense au processus de consentement libre et informé. Il ne s’agit pas seulement de savoir si l’on souhaite savoir ou pas, mais d’entrer dans un dialogue permettant, à l’aide d’autres personnes, d’une part d’être informé au mieux, d’autre part de construire sa décision dans une interaction. La plus importante consul-tation en France spécialisée dans ce domaine est celle d’Alexandra Durr, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui nous a indiqué que parmi les adultes jeunes venant la consulter pour demander à faire le test et s’engageant dans ce processus de réfl exion, de choix et de décision, 50 % d’entre eux décident fi nalement que le plus raisonnable pour eux est de ne pas le faire. Ce processus de réfl exion constitue une différence énorme entre ce type de test, où l’on bénéfi cie d’une information et d’un accompagnement à la construction du choix, et un test que l’on achèterait par exemple sur internet et pour lequel rien de tout cela ne serait prévu. Vous parliez des enfants : l’une des raisons pour lesquelles il est interdit de pratiquer le test sur des enfants mineurs pour des maladies incurables est justement de ne pas faire peser sur eux une connaissance alors que l’on considère qu’ils n’ont pas été capables, lucidement, de réfl échir à la question de savoir s’ils voulaient ou non connaître la réponse au test. Il me semble aussi important de pouvoir construire son choix que de pouvoir choisir. C’est le principe même du consentement libre et éclairé affi rmé dans le Code Nuremberg.

Pierre LE COZ

Vous nous avez beaucoup fait réfl échir sur ce problème douloureux et nous vous en sommes très reconnaissants. Bravo et merci.

Le Bio-Art : L’Art au-dessus de l’éthique ?

Lycée polyvalent Marseilleveyre, Marseille Anne-Sophie AZZOPARDI, Kevin OREFICE, Amaël SAVOUILLAN

Également appelé « art biotech », le « bio-art » décrit une évolution récente de l’art contemporain, prenant pour base les ressources plas-tiques offertes par les biotechnologies. Cet art comporte des cultures de tissus vivants, des modifi cations génétiques et morphologiques, des constructions analytiques et biomécaniques...

Un sondage effectué auprès d’une cinquantaine de personnes de tous âges nous a fait nous interroger sur le bio-art. En effet, en découvrant ces diverses pratiques, nos entourages nous ont fait part d’un certain malaise, une certaine peur à l’égard de ces bio-artistes. Nous sommes très conscients du fait qu’il y a une réaction de rejet envers l’art biotech.

Notre but aujourd’hui n’est ni d’argumenter en faveur de cet art, ni de faire un autodafé, mais de nous questionner. Qu’est-ce qui dérangent donc les Hommes dans ces expérimentations ?

Cet art soulève un grand nombre de problèmes bioéthiques : l’art biotech ne serait-il pas une manière de nous faire prendre conscience des technologies de plus en plus performantes et de leur place de plus en plus envahissante dans nos vies de tous les jours ? Quelles sont les frontières entre la science et l’art, l’humain et le non humain, le légitime et l’illégitime... ? Qu’est-ce qui nous est par conséquent réellement utile ou inutile ? Le paraître serait-il plus important que l’être ?

Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons choisi quatre bio-artistes et essayé de déterminer les problèmes bioéthiques posés par chacun d’entre eux. Il s’agit de Stelarc et son oreille greffée sur l’avant-bras gauche, d’Eduardo Kac, le créateur d’Alba, la lapine fl uorescente, Marion Laval-Jeantet et ses tatouages sur peau, et enfi n Symbiotica, groupe d’artiste qui interroge les frontières du vivant et du non vivant.

Pour pouvoir vous parler de ces artistes et des problèmes qu’ils posent, nous avons été aidés et soutenus par Marc Rosmini, notre profes-seur de philosophie, sans qui nous n’aurions pas participé à ce projet, par Madame Ishkinazi, professeur d’Arts plastiques de notre lycée, qui nous a  permis de mieux cerner ces artistes, par Marion Laval-Jeantet

Pour pouvoir vous parler de ces artistes et des problèmes qu’ils posent, nous avons été aidés et soutenus par Marc Rosmini, notre profes-seur de philosophie, sans qui nous n’aurions pas participé à ce projet, par Madame Ishkinazi, professeur d’Arts plastiques de notre lycée, qui nous a  permis de mieux cerner ces artistes, par Marion Laval-Jeantet