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Merci Madame la Présidente, merci Madame la Ministre, merci chère Claudie Haigneré.

Je voudrais, dans mon propos, évoquer tout d’abord la politique actuelle et d’avenir du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Si je me permets d’insister sur ces derniers mots, c’est parce que je trouve important, concernant le CCNE, de ne pas citer, comme cela est souvent le cas par souci de commodité, uniquement les quatre premiers termes de son appellation. L’éthique est en effet présente dans de très nombreux domaines, notamment dans le secteur économique. J’y reviendrai. Nous souhaitons ainsi, au CCNE, voir la réfl exion éthique évoluer parallèlement et si possible anticiper l’évolu-tion des progrès de la connaissance dans les sciences de la vie et de la santé et les questions de société posées par cette évolution.

Dans un second temps, j’aimerais également insister, comme vient de le faire Madame Claudie Haigneré, sur le partenariat avec Universcience, dont l’objectif essentiel est de mettre en place et d’entretenir sur ces sujets un débat avec chaque citoyen de ce pays. Cette problématique est forte d’actualité. Vous savez certainement qu’une mission a  été confi ée par le Président de la République au député Pancher, sur les nouvelles modalités de gouvernance dès que des décisions ont été prises par les pouvoirs en place, par les organismes de décision, qui ne peuvent se passer dorénavant, même si cela peut apparaître un truisme à certains, de l’avis, de la coopération et de l’enrichissement que l’on peut acquérir par la réfl exion menée par tout un chacun dans ce pays.

Concernant la politique actuelle et d’avenir du Comité consul-tatif national d’éthique, j’évoquerai tout d’abord son action classique, c’est-à-dire la réfl exion éthique menée par l’ensemble des membres qui le

constituent et sont représentatifs des différents secteurs de notre société.

Cette constitution est évolutive et je fais mien le terme de « sécularisation » des réfl exions de ce Comité.

Il nous a parfois été reproché, par le passé, d’être de dernier salon où l’on cause, une assemblée de sages, de sachants, de savants. Cela n’est bien évidemment pas le cas. Nous avons parfaitement l’intention d’entrer de plain-pied dans ce siècle en œuvrant pour que chaque citoyen de ce pays puisse participer aux réfl exions menées sur tous ces sujets essentiels.

Au plan national, l’enrichissement de cette réfl exion doit venir notamment d’un certain nombre d’organismes qui se sont constitués en région et localement : il s’agit d’une part des Espaces régionaux d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, d’autre part des Comités locaux d’éthique, qui sont nés notamment à l’intérieur de certains hôpitaux ou centres hospitalo-universitaires pour réfl échir sur des sujets particuliers posés par des patients. Ces organismes sont des partenaires à part entière dans le déroulement de cette réfl exion accompagnant, voire précédant, l’acquisition et les progrès de la connaissance dans les sciences de la vie et de la santé. La signature de l’arrêté constitutif des Espaces régionaux d’éthique, que nous attendons depuis  2004, apportera, même si toutes ces structures n’ont pas attendu cela pour travailler, réfl échir et débattre, une sorte de validation, d’agrément, de reconnaissance, offrant la possi-bilité de constituer ce que l’on peut qualifi er de « réseau national d’éthique dans la connaissance des sciences de la vie et de la santé ».

Nous souhaitons aussi encourager les générations montantes de ce pays à contribuer à l’enrichissement de cette réfl exion éthique. Faisant écho à cette volonté affi chée du Comité, se déroulera cet après-midi, comme cela se produit tous les ans dans le cadre des Journées annuelles d’éthique, un forum au cours duquel des lycéens de divers établisse-ments viendront certainement, une fois encore, nous surprendre par la maturité de leur réfl exion et les propositions qu’ils peuvent formuler dans ce domaine si complexe de la connaissance des sciences de la vie et de la santé.

Au plan international, nous souhaitons consolider les relations privi-légiées nouées avec plusieurs pays. À l’échelle européenne, cela se traduit notamment par l’organisation régulière de réunions trilatérales avec les représentants des comités nationaux du Royaume-Uni et de l’Allemagne.

Nous entendons développer, tant au niveau européen qu’international, des relations saines, sans prééminence de tel ou tel dans les menées de la réfl exion éthique, entre pays qui peuvent, au plan démocratique ou économique, se ressembler ou pas. Nous pouvons à ce sujet faire appel à une notion cultivée par Amartya Sen, Prix Nobel d’économie en 1998, qui souhaite que l’on réexamine l’idée de progrès, et notamment de progrès des connaissances, mais aussi d’une manière plus générale de progrès assimilé au développement, en prenant en compte non pas seulement les évolutions économiques et fi nancières, mais aussi les avancées dont bénéfi cient les populations d’un pays donné. Nous souhaitons ainsi

travailler à la consolidation de relations au-delà de l’Europe, avec des blocs représentatifs des pays dits émergents, qui ont assurément beaucoup à nous apprendre en ce qui concerne le développement des connaissances et de la réfl exion éthique sur les sciences de la vie et de la santé : je pense notamment à la Chine, l’Inde, le Brésil et les pays Africains. Nous entendons travailler dans ce cadre à la promotion de la réfl exion avec les jeunes du monde : nous accueillons par exemple aujourd’hui Madame Druml, représentante du Comité autrichien, qui envisage aussi d’associer les jeunes de son pays à la réfl exion éthique. Nous avons en outre la possibilité de collaborer avec un département dédié au sein de l’Unesco.

J’aimerais dans un second temps évoquer notre partenariat avec Universcience. Madame Claudie Haigneré a  excellemment insisté sur l’absolue nécessité de nouer des collaborations pour la diffusion et le partage des connaissances. Il n’est plus question aujourd’hui de délivrer la science ex cathedra, en se prenant pour des enseignants universels.

Je préfère de très loin, en ce qui concerne les sciences de la vie et de la santé, le terme d’« élève » au sens où l’employait Jules Ferry, à celui de

« disciple ». Je suis donc parfaitement Madame Claudie Haigneré dans cette démarche.

Le gain d’un espace d’échange avec le maximum de représentants de la société a  motivé la mise en œuvre de ce partenariat et le choix du thème de ces Journées : « Quel avenir pour l’embryon humain ? ». Le sujet de l’embryon a été régulièrement envisagé par le Comité consultatif national d’éthique depuis sa création en 1983, suite à la réalisation de la première fécondation in vitro en France et à la naissance d’Amandine : vingt avis ont été publiés depuis lors par le CCNE sur des thématiques liées à la question de l’embryon. Ce sujet est au centre de nos préoccupations.

Il fait appel aux notions premières de la vie, avec la possibilité désormais de la contrôler et l’avènement d’un nouveau domaine de la science du vivant, à savoir la biologie synthétique. Certains estiment en effet que, puisque l’espèce humaine est parvenue, sur sa branche ontologique, à un point de technicité tel qu’elle est presque capable de créer du vivant en dehors des processus de vie tels que nous les connaissons actuellement, il est temps de créer une nouvelle espèce humaine et de s’orienter vers le transhumanisme. Dans ce contexte, il était important, pour ne pas dire nécessaire, de l’avis même de tous les membres du Comité d’Éthique et particulièrement dans le cadre de ce partenariat avec Universcience, de mettre en avant la problématique « Quel avenir pour l’embryon humain ? ».

La vitesse évolutive exponentielle des progrès de la connaissance dans les sciences de la vie et de la santé rend absolument indispen-sable le développement de partenariats comme celui-ci, afi n de pouvoir échanger et apprécier avec tout un chacun l’importance, la lourdeur, la sophistication et la complexité des problèmes, sans réserver ce débat à de pseudo assemblées de sachants ayant vocation à délivrer aux profanes

« la vérité ». Pour nous, il est absolument essentiel que la réfl exion éthique sorte des cénacles.

Nous avons, en dehors des préoccupations liées à l’assistance médicale à la procréation, qui a fait l’objet de très nombreux travaux de la part du Comité consultatif national d’éthique depuis 1983, d’autres sujets de réfl exion qui tiennent à l’évolution du vivant. Concernant par exemple l’acquisition des connaissances en neurosciences, nous commençons actuellement à aborder ce vaste domaine dans le cadre d’un groupe de travail qui se consacre plus précisément au sujet de l’imagerie céré-brale fonctionnelle. Nous devons également travailler ensemble sur les problèmes d’éthique posés par la biodiversité, c’est-à-dire par l’évolution de l’ensemble du vivant. Chacun peut donner une défi nition différente de la biodiversité : je considère pour ma part qu’il s’agit de maintenir l’har-monie entre les divers secteurs du vivant, en n’envisageant pas seule-ment l’espèce humaine face au reste du vivant, mais sa dynamique à l’intérieur du reste du vivant, qu’il s’agisse des plantes ou des animaux.

Bien entendu, il n’est pas question de privilégier la nature aux dépens de l’espèce humaine : nous savons à quoi cela peut conduire, le dernier confl it mondial nous en a malheureusement fourni l’exemple. Il s’agit d’aborder les problèmes éthiques posés par l’évolution de l’espèce humaine à l’inté-rieur du reste du vivant.

Je remercie beaucoup Madame Claudie Haigneré et ses collabora-teurs, dont Monsieur Roland Schaer, de nous accueillir à Universcience.

Merci aussi à tous ceux qui nous permettent, au sein du Comité d’Éthique, de conduire ses réfl exions. J’aimerais conclure en évoquant un élément symbolique : je considère qu’il n’y a pas un Président au Comité consul-tatif national d’éthique, mais une présidence constituée par le Président, le Vice-Président Pierre Le Coz, le Président de la Section technique Patrick Gaudray, le membre délégué aux affaires internationales Jean-Claude Ameisen et la Secrétaire générale Marie-Hélène Mouneyrat. Ne vous méprenez pas sur mes propos : il ne s’agit absolument pas d’une manifestation de démagogie, mais bien d’une démarche de complète sincérité sur la manière dont doit, à mon sens, fonctionner un organisme comme le Comité consultatif national d’éthique. D’autres personnes permettent par ailleurs au CCNE de fonctionner au quotidien et j’aime-rais qu’elles en soient ici remerciées : je pense à Djamila Rahmani, Marc Bongiorni, Jean-Luc Renaudon et Brigitte Hamon. Ces personnes sont, vous le constatez, peu nombreuses, mais si soudées que cela permet aux membres, responsables par ailleurs de fonctions extrêmement lourdes, de produire, dans un complet bénévolat et volontariat, une réfl exion riche sous forme d’avis qui, sans aucune fausse modestie, sont appréciés par un nombre grandissant de nos concitoyens.

Merci beaucoup.