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Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg Élèves de Première

Nous allons vous présenter un exposé sur « la fécondation in vitro : éthique et bilan ».

Nous aborderons tout d’abord les limites législatives, puis reli-gieuses, les pratiques de la FIV et enfi n les nouvelles cellules familiales, les nouvelles parentalités et le désir d’enfant.

Le 4  octobre 2010, le Prix Nobel de médecine a  été décerné au professeur Robert Edwards, père de la fécondation in vitro. Cet exploit scientifi que a entraîné un changement important dans les mentalités. La FIV a  soulevé et soulève encore de nombreuses questions en matière d’éthique. Qu’en pense la loi ? Dans quelle mesure les religions refusent-elles la FIV et les techniques d’aide à la procréation ? Le don de gamètes doit-il rester anonyme ? Quelle limite pour la conservation ? Quelles peuvent être les dérives de la pratique de la FIV ?

Limites législatives

Pour pouvoir bénéfi cier d’une FIV en France, le couple hétérosexuel doit être en âge de procréer et marié ou capable de fournir une preuve de deux ans minimum de vie commune. Cette autorisation sera proba-blement étendue aux couples pacsés. La femme doit être âgée de moins de 43 ans, pour des raisons de sécurité pour elle et son futur enfant.

La Sécurité sociale rembourse à 100 % jusqu’à 4 essais de FIV. La loi n’autorise le recours ni à une mère porteuse (ou « gestation pour autrui »), ni à un double don de gamètes.

La loi française dispose par ailleurs que le don de gamètes est avant tout volontaire, gratuit et anonyme. Il faut néanmoins, pour pouvoir être donneur, respecter certaines conditions : être en bonne santé, avoir au moins un enfant, moins de 37 ans pour les femmes et moins de 45 ans pour les hommes.

Les activités d’AMP sont strictement réglementées en France.

Les centres d’assistance médicale à la procréation et les praticiens sont spécifi quement autorisés pour la réalisation des actes d’AMP.

Dans tous les cas, le couple receveur doit être en âge de procréer et effectuer sa démarche dans un centre médical spécialisé.

Les ovocytes et les spermatozoïdes sont donnés à des couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant, par absence d’ovocyte ou anomalie des spermatozoïdes. Ils peuvent également être destinés à des couples risquant de transmettre une maladie génétique grave. Dans la mesure du possible, l’attribution des gamètes tient compte des caractères physiques principaux des donneurs et du couple receveur, comme par exemple la couleur de la peau, des yeux, des cheveux ou le groupe sanguin.

Les ovocytes, le sperme, ainsi que les embryons peuvent être conservés par les CECOS (Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme), dans de l’azote liquide à – 196°, pour un besoin futur.

Le couple est ensuite consulté chaque année et doit confi rmer par écrit le devenir de ses embryons congelés. Plusieurs choix s’offrent à lui : la poursuite de la conservation en vue d’un transfert ultérieur, l’accueil de ces embryons par un autre couple ou l’arrêt de la conservation, qui conduit à la destruction. Ce dernier cas de fi gure est possible si le couple consulté y consent ou s’il ne donne pas d’avis sur le devenir des embryons cryoconservés depuis au moins cinq ans.

Actuellement, certains enfants issus de FIV avec donneur sont à la recherche de leur père ou mère biologique. Ils disent ressentir un manque d’identité et une absence dans leur vie. Faudrait-il donc lever l’anonymat ?

En matière de recherche de fi liation, nous avons étudié le témoi-gnage d’une jeune fi lle, qui dit la chose suivante : « Je suis née par fécondation in vitro. Aujourd’hui, j’ai 17 ans et cela me gâche la vie. Je me détruis de jour en jour en me demandant qui est mon père. À mon âge, le besoin d’un père est énorme et j’ai un manque. Comment puis-je le retrouver ou au moins avoir une photo qui pourrait me permettre de répondre à mes questions ? »

Il serait contraire à l’éthique de priver un enfant de ses racines. La Convention internationale de l’enfant de 1990 stipule que « tout enfant a le droit de reconnaître ses parents et d’être élevé par eux ».

L’anonymat pourrait-il être remis en cause ? Dans un projet de loi présenté en octobre 2010, Roselyne Bachelot propose que, suite à une demande d’un enfant né d’une FIV avec donneur, l’anonymat puisse être levé et le donneur contacté. Si ce dernier refuse, seules des informations non identifi antes seraient transmises à l’enfant. Il faut savoir que plus des

deux tiers des donneurs s’opposent à ce projet de loi. En effet, ils n’ont pas donné leurs gamètes pour être parents, mais pour aider un couple qui en a besoin. Il faut par ailleurs savoir que seule une minorité d’enfants demande cette levée de l’anonymat. Nous avons par exemple le témoi-gnage de Clément, 22 ans, qui déclare que c’est parce que le donneur était anonyme que son père a pris sa place dans sa vie.

Limites religieuses

Les religions s’opposent essentiellement à l’intervention d’un donneur et à l’AMP post mortem. La plupart considère la FIV comme un intermédiaire à un désir parental.

Toutes n’ont toutefois pas exactement les mêmes appréciations des pratiques liées à la FIV.

(Projection d’un tableau comparatif)

Pratique de la FIV et dérives

Depuis 1978, la FIV a permis à plus de 200 000 bébés de naître. Elle a  pu venir en aide à de nombreux couples et leur permettre de devenir parents, ce qui n’aurait pas été possible sans cette pratique médicale.

Ces enfants sont ardemment désirés. Combler un désir d’enfant grâce à une FIV est, sans aucun doute, une bonne chose.

Mais est-ce le rôle de la médecine de combler ce désir ?

La FIV doit garder son caractère de remède à l’infertilité patholo-gique, malgré les risques encourus comme les grossesses multiples par exemple, qui mettent en danger la vie de la mère et celles des fœtus.

Nous allons à présent examiner quels sont les succès, les échecs et les conséquences de la FIV. En 2008, près de 12 000 enfants sont nés en France après une fécondation in vitro. Le taux de succès des FIV varie de 10 à 30 %. Les échecs sont donc nombreux et cela peut causer des dommages sur le plan psychique, des effondrements, des dépressions.

Il faudrait, par conséquent, renforcer la recherche sur les causes de la stérilité.

Il faut savoir par ailleurs que le taux de réussite diminue avec l’âge des femmes : il est de 12 % à 38 ans, 9 % à 40 ans et 6 % à 42 ans. La conséquence est que les femmes de plus de 43 ans se retournent vers les pays étrangers pour bénéfi cier d’une FIV.

Beaucoup d’enfants naissent de dons d’ovocytes ou de sper-matozoïdes. Mais le problème réside dans le fait que les dons ne sont pas assez nombreux. Ainsi, le délai d’attente pour bénéfi cier d’un don d’ovocyte est actuellement de 3 ans, ce qui est énorme, contre 1 à 2 ans

pour un don de spermatozoïdes. C’est l’une des raisons pour lesquelles un nombre croissant de couples français, désespérés, se dirige vers les pays étrangers comme la Belgique ou l’Espagne où la législation est plus permissive et où l’achat et la vente d’ovocytes, ainsi que la rémunération des donneuses sont autorisées. Nombre d’experts français estiment que la prochaine révision des lois de bioéthique devrait être l’occasion de débattre de cette question.

Quelles évolutions pour la FIV ? – effectuer une F IV « l ight » ;

– raccourcir le temps de stimulation ovarienne ; – effectuer une ICSI ;

– transférer un seul embryon, de qualité suffi sante.

La FIV pose également des questions en termes de limites tempo-relles. Ainsi, plus les femmes avancent en âge, plus leur fertilité baisse.

Or de nos jours, les jeunes femmes préfèrent privilégier leurs études, puis leur carrière, avant d’avoir des enfants. Il n’est plus rare que des femmes souhaitent être mères pour la première fois après 40 ans. Les exemples ne manquent pas de par le monde et font parfois la « une » de l’actualité : citons notamment le cas d’une femme de 59 ans qui a  bénéfi cié d’un don d’ovocytes et a donné naissance à des triplés, celui d’une Indienne de 70 ans qui a eu des jumeaux suite à une FIV ou encore le cas d’une femme de 43 ans qui est tombée dans le coma après avoir accouché de triplés. Est-ce bien raisonnable ? Est-il cohérent de retarder l’âge possible de la grossesse pour des raisons de convenance personnelle ? Le désir d’enfant doit-il aller jusqu’à distendre la réalité sociofamiliale ?

La question de la FIV post mortem pose également des problèmes en termes de limites temporelles. Des projets de loi de  2010 prévoient d’autoriser, sous certaines conditions, le transfert d’embryons dans les 6 mois à 2 ans suivant le décès du père. Nous ne développons pas davan-tage ce point, qui a fait l’objet de l’exposé précédent.

Grâce aux progrès dans le prélèvement et la conservation du sperme, des ovocytes et des tissus ovariens, il est possible de proposer à de jeunes patients la conservation de leurs gamètes avant un traitement ayant un possible effet stérilisant. Cela permet donc de préserver et de reporter dans le temps la possibilité de devenir parent. Qui d’autre pour-rait bénéfi cier de cette pratique ? Cette technique risque d’évoluer vers deux applications possibles : la préservation de la fertilité de la femme qui voudrait stocker ses ovocytes pour une grossesse tardive, voire un traitement contre la ménopause.

La FIV ouvre la porte à de nouvelles pratiques et de nouveaux problèmes éthiques. Aujourd’hui, la moitié des FIV est pratiquée par ICSI.

Le dépistage préimplantatoire (ou DPI) permet de connaître les caractéris-tiques génécaractéris-tiques d’un embryon : on peut alors sélectionner un embryon pour qu’il soit implanter dans l’utérus de la mère tout en s’assurant de l’absence de maladie génétique. Mais alors, pourrait-on souhaiter tout sélectionner chez l’embryon (la couleur des yeux, des cheveux, son sexe) ? Le risque est alors celui de l’eugénisme.

Il existe d’autres problèmes bioéthiques liés à la FIV. La fécondation in vitro est ainsi à l’origine de l’existence d’embryons dits « surnuméraires ».

Leur cryoconservation soulève de nouvelles questions éthiques, comme le devenir de l’embryon congelé, la possible naissance de vrais jumeaux à plusieurs années de distance, les risques de naissances multiples et de grande prématurité, la réduction embryonnaire, la confusion de la notion de paternité et de maternité, la possibilité de trafi c d’embryons ou le clonage thérapeutique et reproductif (ce dernier étant interdit par la loi).

Nouvelles cellules familiales, nouvelles parentalités et désir d’enfant

En dissociant clairement sexualité et reproduction, la FIV avec donneur pourrait répondre à des demandes de la part de femmes céliba-taires ou de couples homosexuels. Faut-il que la médecine vienne en aide à ce type d’infertilité dite « sociale » ?

Pour aider la société à réfl échir sur ce sujet, le Comité consultatif national d’éthique a  notamment publié un avis sur la recherche sur les cellules d’origine embryonnaire humaine et sur l’embryon humain in vitro.

Quel avenir pour l’embryon ? D’après les chercheurs, il faudrait, pour mieux comprendre les échecs de la FIV et améliorer les débuts de grossesses, se permettre des recherches sur l’embryon. Et l’embryon dans tout cela ? Où est son intérêt ? Qui sera son avocat ? Qui prendra son p arti ?

Il est important pour nous de réfl échir aux conséquences liées à toutes ces révolutions technologiques. À partir de quel moment l’embryon acquiert-il son caractère humain ?

Avec seulement 25 % de succès contre 75 % d’échec, il est clair que la fécondation in vitro ne réussit pas, loin s’en faut, à chaque fois. Cela dit, elle reste un recours à l’infertilité pathologique. Cette pratique apporte donc beaucoup de bonheur aux couples pour lesquels elle réussit. Elle pourrait également devenir une réponse à l’infertilité sociale ou au désir d’enfant lorsque le conjoint est décédé. Toutefois, la FIV cause aussi de fortes déceptions en cas d’échec. Les attentes vis-à-vis de cette pratique sont parfois excessives. Elle bouscule les liens de parentalité lorsque le couple fait appel à un don. Il nous semble enfi n important d’évoquer la contradiction qu’il y a à créer un embryon, donc la vie, pour fi nalement le détruire ou l’étudier. C’est donc avec vigilance que l’on doit traiter de la FIV et de ses possibles dérives.

Merci.

Discussion

Pierre LE COZ

Merci beaucoup pour cet exposé en forme de bilan, de retour sur l’histoire et les fi nalités de la fécondation in vitro et de mise en perspective des évolutions passées et à venir de pratiques et de techniques dont vous avez rappelé, à juste titre, qu’elles ne réussissent pas toujours. En effet, il ne faut pas perdre de vue le fait que la FIV échoue plus souvent qu’elle ne réussit.

Je vous suis par ailleurs très reconnaissant d’avoir souligné que, parfois, la bioéthique est abordée, dans les médias, par son côté sensa-tionnaliste. Votre exemple des « mamans mamies », qui donnent naissance à des enfants à un âge tardif, en est la parfaite illustration. Cela conduit à se polariser sur certaines questions, alors qu’il serait peut-être préférable d’aborder les problèmes avec une vision plus panoramique et de s’inter-roger en amont sur les raisons de l’infertilité chez les couples. Peut-être une recherche plus approfondie sur ce sujet pourrait-elle, comme vous le suggérez dans votre texte, nous épargner toutes ces questions ou en tout cas affaiblir l’intensité de toutes ces problématiques bioéthiques.

Je m’adresse à vous en tant que jeunes femmes. Vous nous avez dit que les femmes voulaient, aujourd’hui, faire des études, avoir un métier intéressant, et repoussaient par conséquent l’âge auquel elles voulaient avoir des enfants. À titre personnel, seriez-vous tentées, si la loi de bioéthique qui va être votée l’autorisait, de mettre au congélateur vos ovocytes pour les récupérer plus tard, une fois accomplie votre trajectoire d’étudiantes et votre entrée dans la vie professionnelle ?

Élève

Personnellement, je ne veux pas d’enfant. Mais si tel n’était pas le cas, je pense que oui, je mettrais mes ovocytes au congélateur. Je ferais d’abord mes études. Ma mère m’a toujours dit que la priorité était d’avoir un travail. Pour avoir des enfants, il faut être sûr d’être stable dans sa vie.

Élève

Je connais des jeunes fi lles qui ont été mères à 17 ou 18 ans : or il est très diffi cile d’assumer un enfant à cet âge-là. Je donnerais donc la priorité à mes études, mais pas au point de congeler mes ovocytes.

André Comte-Sponville

Si on travaille bien à l’école et dans le supérieur, on termine en prin-cipe ses études bien avant trente ans, âge au-delà duquel on peut bien évidemment encore avoir des enfants. Le cas que Pierre vous a soumis est donc un cas d’école.

J’ai été frappé par le tableau, que vous nous avez malheureuse-ment montré un peu vite, sur la différence d’approche entre les différentes religions. Cela m’a conforté dans l’idée que, sur un certain nombre de questions que l’on dit « bioéthiques », et notamment lorsque l’embryon est au centre des débats, le problème est fi nalement moins moral que métaphysique. Il est normal d’une part que les religions aient leur mot à dire, d’autre part qu’elles ne tiennent pas toutes le même discours sur un même sujet, et enfi n que ceux qui n’ont pas de religion aient parfois une position différente.

De la salle

Vous vous êtes étonnées du faible taux de succès de la fécondation in vitro. Or il serait intéressant de comparer cela au taux de réussite de la fécondation naturelle. N’oubliez pas que, dans la nature, 50 % des cellules qui viennent d’être fécondées pour faire un embryon disparaissent dans les quinze premiers jours et qu’un certain nombre d’avortements spon-tanés se produisent ensuite. On estime ainsi qu’entre les deux tiers et les trois quarts des fécondations qui ont eu lieu ne conduiront pas à la naissance d’un enfant. On ne peut donc critiquer la FIV pour son mauvais succès, dans la mesure où cela se rapproche de la situation naturelle.

André Comte-Sponville

Toutefois, le coût, fi nancier et humain, n’est pas le même. Il faut penser à la souffrance des couples confrontés aux échecs de la FIV.

Cela n’est pas comparable à la souffrance de couples qui font l’amour et attendent que la grossesse suive son développement normal.

De la salle

Ne pensez-vous pas qu’il peut être traumatisant, pour un enfant issu d’une FIV, de se dire qu’il aurait pu être l’un des nombreux embryons surnuméraires conservés dans les cuves d’azote et qui ne servent à rien ?

Élève

Tous les embryons surnuméraires ne « servent pas à rien ». On peut faire des recherches dessus. Ils peuvent aussi être accueillis par d’autres couples stériles.

De la salle

Se dire que l’on aurait pu être un embryon sur lequel des scienti-fi ques auraient mené des recherches n’est pas très rassurant non plus !

Élève

La destinée de l’embryon est de naître ou de servir au futur des hommes.

De la salle

Chaque embryon a  un matériel génétique propre : on ne peut les manipuler comme s’il s’agissait d’une marchandise.

Élève

Cela renvoie aussi à la question de savoir à partir de quand on peut considérer qu’un embryon est un être humain et par conséquent à partir de quand le manipuler ou le détruire devient un crime.

De la salle

Je pense que l’essentiel réside dans la manière dont la famille va expliquer à l’enfant, depuis son plus jeune âge, la manière dont il a  été conçu. C’est cela qui va déterminer sa réaction future face à cette situa-tion et fera qu’il se sentira ou non un enfant comme les autres.

Élève

Je suis moi-même issue d’une FIV. En fait, mes parents m’ont expliqué la même chose que n’importe quels parents : on a pris la graine du papa, celle de la maman et on les a mis ensemble. Ils n’ont pas insisté sur les étapes intermédiaires. Il s’agit avant tout d’une fécondation. Mes parents m’ont seulement dit que j’étais leur fi lle. Ce n’est qu’à mes douze ans qu’ils m’ont expliqué que la médecine les avait aidés, grâce à la FIV, à s’assurer que tout allait bien se passer.

Pierre LE COZ

Il s’agissait vraiment une assistance à la procréation. Vous êtes quelque 200 000 enfants issus de la fécondation in vitro : je pense donc que le terme « normal » n’est pas usurpé.

Merci infi niment de votre témoignage et de votre travail.

À propos du dépistage de maladies génétiques :