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économique et du droit social, qui éclairera cette étude sur la vie économique de sa zone.

a- L’intervention tardive des conversions de redevances à Passignano

Ce point mérite d’être résumé car il participe de la compréhension d’une réalité économique sans laquelle le notariat ou les actes notariés eux-mêmes n’ont pas de raison d’être.

La définition de la redevance n’a guère changé entre la période médiévale et la période contemporaine. Elle est une charge qui doit être acquittée à terme fixe. Néanmoins au-delà du sens littéral du mot, les redevances ont subi des aménagements variés.

Contrairement à ce que véhicule l'image populaire du Moyen Âge, les paysans ne sont pas toujours contraints par une redevance en nature due aux détenteurs des terres travaillées. Au début du Moyen Âge, les tenanciers paient majoritairement les possédants en une valeur monétaire fixe et invariable tout au long de la durée de validité du contrat389. Toutefois selon Georges Duby, cela n'est pas avantageux pour les propriétaires, qui perdent un peu plus, paiement après paiement, du fait notamment de l’impossibilité de profiter des cours préférentiels du marché390 mais également à

cause de l’immanquable inflation, qui conduit dès le XIIe siècle, à d'inévitables

endettements de la partie seigneuriale. Par ailleurs dans les cas de faibles rendements des terres, ce système de redevance met les paysans dans une situation difficile, du fait de l’immuabilité de la rente391. Les conversions de redevances s'avèrent donc

389 Mira Jodar (Antonio José), « Marché et gestion de la terre dans l’Europe méditerranéenne aux XIVe

et XVe siècles », in Exploiter la terre. Les contrats agraires de l’Antiquité à nos jours, acte du colloque

de Caen (10-13 septembre 1997), dir. Béaur (Gérard), Arnoux (Mathieu) et Varet-Vitu (Anne), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, (Bibliothèque d’Histoire rurale 7), p. 435.

390 En effet, rappelons que les contrats de fermage, contrairement aux contrats de métayage, entraînent

le versement d’un loyer par le preneur. Les seconds, quant à eux, créent une société entre bailleurs et preneurs et entraînent ainsi une répartition des bénéfices. Par conséquent, dans le cadre du fermage, le bailleur ne s’investit pas dans le travail de sa terre, il se contente de percevoir la redevance ; mais de ce fait, il abandonne les gains spéculatifs potentiels (Arnoux (Mathieu) et Béaur (Gérard), « Les contrats agraires et l’histoire des sociétés rurales », in Exploiter la terre. Les contrats agraires de l’Antiquité à

nos jours. Actes du Colloque de Caen (10-13 septembre 1997), dir. Béaur (Gérard), Arnoux (Mathieu)

et Varet-Vitu (Anne), (Bibliothèque d’Histoire rurale 7), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 1, et 7).

391 Duby (George), La société aux XIIe et XIIIe siècle dans la région mâconnaise, Paris, Armand Collin,

nécessaires pour la classe paysanne et les propriétaires, dans la plupart des localités toscanes.

A Passignano, les rentes en argent restent toutefois prioritaires jusqu’à l’aube du XIIIe siècle puisqu'elles favorisent la mise sur le marché de produits issus de l'agriculture spécialisée, florissante à l'heure de l'expansion citadine et de la croissance démographique392. Ce mode de paiement est alors plus profitable aux agriculteurs qu'aux propriétaires fonciers. Pour pallier cette inégalité, le pouvoir seigneurial établit, de 1180 à 1200, une conversion des redevances, qui deviennent des redevances fixes en nature.

Pour autant si pour Laurent Feller les redevances dues à l’institution de Passignano sont plus, à partir de cette période, effectuées en nature393, Elio Conti penche quant à lui pour une persistance de rentes de nature composite, même après le début du XIIIe siècle394. En effet comme dans le reste de l'Italie septentrionale, les redevances sont bien souvent composées d'une redevance monétaire fixe, alliée à une ou plusieurs redevances en nature ainsi qu'à des corvées395. Il est alors fort probable

que ce type de redevance pose un problème de reconnaissance de liberté au bout d’un certain temps. Il est possible que lorsque le contrat de type livello n’est pas écrit, la nature de contrepartie de la corvée puisse être oubliée. Elle n’est plus perçue en tant qu’un échange contre la concession d’une terre. Elle devient une obligation due au propriétaire. C’est certainement en cela notamment, que les tenanciers livellaires sans bail écrit sont réputés moins libres que les tenanciers ayant un contrat écrit396.

A partir de la fin du XIIe siècle, Elio Conti trouve dix-huit contrats modifiant la réalité contractuelle antérieure. Les différentes corvées alliées à un prix annuel fixe en argent ainsi qu'à un paiement en nature sont remplacées par un prix fixe d'entrée en

392 Pinto (Giuliano), « I nuovi equilibri… », p. 1068-1069 ; Delumeau (Jean-Pierre) et Heullant-Donat

(Isabelle), L’Italie au Moyen Âge…, p. 79-80.

393 Feller (Laurent), Calculs et rationalités dans la seigneurie médiévale, les conversions de redevances

entre XIIe et XVe siècles, Actes de la table ronde organisée par le LAMOP à Auxerre, les 26 et 27

octobre 2006, Paris, Publications de la Sorbonne, 2009, p. 21.

394 Kotel'nikova (Liubov’ Aleksandrovna), Mondo contadino e città in Italia dal XI al XIV secolo. Dalle

fonti dell’Italia centrale e settentrionale, Bologne, Il Mulino, 1975 ; Kotel'nikova (Liubov’

Aleksandrovna), « Rendita in natura e rendita in denaro nell'Italia Medievale (secoli IX-XV) », in Storia

d'Italia, Annali 6, Economia naturale, Economia monetaria, dir. Romano (Ruggiero) et Tucci (Ugo),

Turin, 1983, p. 91-115.

395 Conti (Elio), La formazione della struttura agraria…, p. 269.

396 Delumeau (Jean-Pierre), Arezzo, espace et société, 715-1230, Rome, Ecole française de Rome, 1996,

possession, valant l'équivalent de plusieurs années laissant penser qu'il s'agit du coût pour une vie de labeur, c'est à dire quatre-vingts ans, et un revenu annuel en nature397.

Laurent Feller fait remarquer une certaine recherche d’égalité des obligations dans le but qu’aucune partie ne se sente lésée398.

Bien que tardive, cette intervention des conversions apporte tout de même une preuve que dès la fin du XIIe siècle, l'économie commerciale est assez développée à Passignano et dans ses alentours puisque le seigneur peut faire payer le tenancier à sa seule entrée en possession de la parcelle, sans trop risquer de subir des pertes du fait des coûts normaux engendrés par la détention d'un domaine cultivé. La zone de Passignano apparait donc indéniablement comme un territoire où le commerce est florissant et les transactions économiques courantes.

b- La part importante du livello dans la gestion patrimoniale

Le livello, comme la précaire 399 et l’emphytéose, sont des contrats synallagmatiques emportant un transfert patrimonial temporaire et à titre onéreux. La durée de validité de ces contrats est modulable et les modalités de son décompte sont doubles. Ces contrats peuvent être abordés en années calendaires ou en termes de générations. Dans le second cas, le contrat est conclu par un membre d’une famille mais vaut également pour sa descendance, pouvant parfois valoir sur sept générations400. Ces types de contrats apparaissent donc comme similaires mais ils connaissent malgré cela un certain nombre de différences. La plus importante réside dans le lien qui unit les parties. En général, le livello établit un lien horizontal entre le preneur et le cédant. Le premier obtient le droit d’utiliser un bien que le second a souhaité mettre en la possession du preneur. Dans le livello, le bien est alors au centre du contrat. En revanche la précaire découle d’un lien vertical, au sommet duquel se place le preneur. Le cédant est obligé, par les rapports qui le lient au preneur,

397 Laurent Feller, Calculs et rationalités…, p. 15-16. 398 Ibidem, p. 21

399 La précaire médiévale n’a pas grand-chose à voir avec le precarium romain. Il s’agit dans les deux

cas d’un transfert patrimonial provisoire, mais la précaire médiévale comporte des obligations réciproques et n’est pas révocable à tout moment, alors que le precarium romain exemptait le propriétaire de toute obligation envers le preneur (Feller (Laurent), « Précaires et livelli. Les transferts patrimoniaux ad tempus en Italie », in Les transferts patrimoniaux en Europe occidentale, VIIIe – Xe

siècle, I (Mélange de l’Ecole française de Rome -111), Rome, 1999, p. 725-746 ; disponible en ligne sur

https://www.persee.fr/doc/mefr_1123-9883_1999_num_111_2_3722, p. 726 et 728).

d’exaucer « la prière d’un requérant, lui [concédant] une terre contre le versement d’un cens » 401. Par la précaire, le preneur n’obtient pas seulement la possession d’un bien ;

il entre surtout dans la clientèle du cédant. Dans la précaire, les liens personnels entre les parties sont alors au centre du contrat.

La Toscane ne semble pas connaitre un intérêt particulier pour la précaire. Ce terme n’apparait dans les documents des différentes zones toscanes qu’entre le IXe et

le XIe siècle. Ensuite, bien que la forme et les clauses de la précaire restent inchangées, les contrats ad tempus sont désignés sous le terme livello. De plus la seule zone toscane qui ait véritablement employé ce contrat entre le IXe et le XIe siècle est celle de Spolète ; les autres n’en ont connu, au mieux, qu’un bref usage402. En revanche il semble que la précaire ait été plus répandue dans la zone méridionale de l’Italie403. Au XIe-XIIe siècle, les archives de Passignano semblent ignorer les précaires, se concentrant exclusivement sur les livelli.

Le livello est originellement un contrat formel typique de la péninsule italienne, qui devient réel à partir des Ve-VIe siècles. Bien que le Code Théodosien traite déjà du livello404, ce terme renvoie alors certainement à une appellation assez

générique du contrat écrit. Ainsi le livello n’est pas un contrat transposé du droit romain405 mais un contrat inspiré de celui-ci. Ce n’est qu’à partir du IIIe siècle que le

libellus désigne plus spécifiquement un document attestant de la demande de

concession d’un bien, notamment au travers du terme libellus petitionis406. Puis dans la

seconde moitié du IVe siècle, une initiative impériale fait apparaitre un droit général des concessions à long terme, à savoir le ius perpetuum407. Il donnera naissance entre

401 Ibidem, p. 728 et suiv. 402 Ibidem, p. 726-727. 403 Ibidem, p. 726.

404 Code Théodosien 11.66.2 ; Ascheri (Mario), I Diritti del Medioevo …, p. 88.

405 Ghignoli (Antonella), « Note intorno all’origine di uno ius libellarium », in Archivio storico italiano,

156, 1998, p. 413-446 ; Ghignoli (Antonella), « Libellario nomine : rileggendo i documenti pisani dei

secoli VIII-X », in Bulletino dell’Istituto storico italiano per il Medio Evo, 111, Rome, Nella sede dell’Istituto Palazzo Borromini, 2009, p. 1.

406 Pivano (Silvio), I contratti agrari in Italia nell’alto Medio-Evo. Precaria e livello, enfiteuzi pastinato

e parzionaria, masseria e colonia, usufrutto vitalizio, contratti a tempo e parziaria, Milan-Rome-

Naples, Unione tipografico, 1904, p. 159-212.

407 Andreolli (Bruno), « Per una semantica storica dello « ius libellarium » nell’alto e nel pieno

Medioevo », in Bullettino dell’Istituto storico italiano per il Medio Evo e Archivio Muratoriano, 89, Rome, 1980-81, p. 161 ; Ghignoli (Antonella), « Libellario nomine… », p. 4-5.

le IVe et le Ve siècle, d’une part au droit emphytéotique408, d’autre part au ius

libellarium409. Par cette règlementation juridique, le contrat livellaire se caractérise

alors par une forme binaire, qui ne survivra pas jusqu’au haut Moyen Âge : tout d’abord apparait la petitio, réservée à la demande de concession du concessionnaire et n’entraînant aucune obligation de la part du cessionnaire, puis l’adnotitio, qui n’implique aucune intervention directe du concessionnaire et est réservée au cessionnaire410 . Au haut Moyen Âge, les Longobards se servent encore de l’appellation livello, mais certainement de manière assez générique. En effet pour ces derniers, cette forme de transaction engage un propriétaire à céder l’usage d’un bien à un autre homme libre, tout en en conservant la propriété411. Dans le même temps, apparait certainement une forme de dépendance personnelle du preneur envers son propriétaire livellaire, puisque ce dernier est réputé responsable des délits de son locataire412. La distinction n’est probablement toujours pas nettement établie entre les différentes formes contractuelles que sont la location, l’emphytéose et le livello413.

Il faut attendre l’entrée dans la période post-longobarde que marque l’invasion carolingienne, pour que les différentes adaptations pratiques et casuelles des contrats généraux de concessions, donnent naissance à une identification précise de plusieurs modèles contractuels, parmi lesquels le livello a trouvé un rôle sur mesure414.

C’est d’ailleurs dans cette période, et dès le IXe siècle, que le livello croise le chemin

du fief. La petite aristocratie souhaite acquérir des terres en contrepartie de sa vassalité415. En réponse à cette revendication, le fief en nature pratiqué jusqu’alors, est remplacé par la concession territoriale. Certains seigneurs utilisent alors le livello pour

408 Pour une étude du droit emphytéotique au Moyen Âge, voir notamment Coriat (Jean Pierre), « La

notion romaine de fpropriété : une vue d’ensemble », in Le sol et l’immeuble. Les formes dissociées de

propriété immobilière dans les villes de France et d’Italie (XII-XIX siècle), Ecole française de Rome,

Rome, 1995 (Collection de l’école française de Rome, 206), p. 22-24 ; Bottiglieri (Anna), La nozione

romana di enfiteusi, Naples, Ed. Scientifiche Italiane, 1994.

409 Ghignoli (Antonella), « Note intorno all’origine… », p. 416, 418-419 ; Andreolli (Bruno), « Per una

semantica storica… », p. 161.

410 Pivano (Silvio), I contratti agrari in Italia…, p. 159-212.

411 Roth. 227 ; Liut. 92 ; Ghignoli (Antonella), « Libellario nomine… », p. 4.

412 Liutprand, Capitulaire, 92 ; Ascheri (Mario), I Diritti del Medioevo Italiano. Secoli XI-XV, Carocci,

Rome, 2000, p. 88.

413 Ghignoli (Antonella), « Libellario nomine… », p. 4-7 ; Bonacini (Pierpaolo), « Il diritto nelle

campagne del Medioevo. Profili storico-giuridici negli studi di Bruno Andreolli », in Per Bruno

Andreolli. Atti dell’incontro di studi (Mirandola, 2-3 settembre 2016), dir. Golinelli (Paolo),

Mirandolla, Centro Internazionale di Cultura, 2017, p. 49-50.

414 Ghignoli (Antonella), « Libellario nomine… », p. 9.

415 Par « petite aristocratie », sont ici visés les secundi milites, c’est-à-dire les vassaux, sous-inféodés,

aux vassaux de la haute aristocratie. Contrairement à ses supérieurs, cette strate dirigeante est souvent insuffisamment argentée pour acquérir des terres, par elle-même. (Feller (Laurent), « Eléments de la problématique du fief… », p. 8).

concéder un bien en tant que fief. Ce contrat n’est plus alors concédé à des fins agricoles, mais politiques. Le preneur ne cherche pas à cultiver sa terre, mais à exercer des prérogatives seigneuriales sur celle-ci, c’est-à-dire à y être le dominus loci, autrement dit le seigneur local416. Toutefois le livello est une forme contractuelle, avec tout l’arsenal juridique que cela implique. Surtout il ne peut être rompu que selon ses termes. Cette nature cloisonnée et le caractère héréditaire du livello, ne correspondent pas à la nature du fief. Ce dernier est une contrepartie qui doit être révocable ad nutum par le concédant afin de sanctionner tout manquement, défaillance ou simplement de servir les intérêts du concédant417. Avec l’usage du livello, le seigneur perd temporairement le contrôle de son bien en ne pouvant pas mettre un terme arbitraire à la situation. Plusieurs litiges étant survenus à ce sujets dans le nord de l’Italie, en 1037, l’empereur Conrad II fait publier un édit qui encadre définitivement l’usage du livello en tant que fief. Il y est fixé que la récupération par le cédant de l’objet cédé en fief n’est autorisée que dans le cadre strict de la loi, et tout litige sur un tel point doit être jugé par une assemblée de pairs. Dans le cas d’un vassal direct, un tel jugement peut être demandé au souverain lui-même. Par ailleurs, le fief est héréditaire sur trois générations. Enfin il interdit au seigneur d’aliéner l’objet du fief sans le consentement du concédant418.

Par nature, ce contrat lie donc particulièrement les parties entre elles. Il engage la responsabilité civile et pénale du cédant pour les actes du concédant ; le concédant, quant à lui, devient justiciable du propriétaire419. Dans le même temps qu’il crée ce lien horizontal entre les parties, le livello, comme tout contrat de concession conditionnelle, crée aussi un lien vertical, qui place le propriétaire dans un rapport de supériorité vis-à-vis de son tenancier. En effet si le propriétaire ne peut pas user arbitrairement du bien cédé, il ne renonce pas non plus à son contrôle420. Alors que le propriétaire n’a que des obligations passives, négatives, c’est-à-dire des obligations « de ne pas », le preneur doit quant à lui payer sa redevance. Ce paiement peut être

416 Ibidem, p. 14 ; Keller (Hagen), Signori e vassali nell’Italia della città (secoli IX-XII), Pescara, UTET

Libreria, 1995, p. 123-124.

417 Feller (Laurent), « Eléments de la problématique du fief… », p. 11-14.

418 Feller (Laurent), « Eléments de la problématique du fief… », p. 21 ; Hallam (Henry), L’Europe au

Moyen Âge, Tome 1, Bruxelles, Meline, Cans et Compagnie, 1839, p. 174-175.

419 Feller (Laurent), « Eléments de la problématique du fief… », p. 14.

420 Rinaldi (Rossella), « Forme di gestione immobiliare a Bologna nei secoli centrali del Medioevo tra

normativa e prassi », in Le sol et l’immeuble. Les formes dissociées de propriété immobilière dans les

villes de France et d’Italie (XII-XIX siècle), Rome, Ecole française de Rome, 1995 (Collection de

l’école française de Rome, 206), p. 41-69 ; disponible en ligne sur https://www.persee.fr/doc/efr_0223- 5099_1995_act_206_1_5932, p. 45.

perçu comme un assujettissement de celui qui doit, envers celui qui est propriétaire, comme un élément de dépendance du preneur.

Cependant ce déséquilibre intrinsèque à ce type de concession est relativisé par la notion de propriété dissociée. Si le bailleur en reste propriétaire, dans le

fiorentino421 comme à Rome, Bologne, Gênes, Pise422 ou Venise423, toute construction effectuée par le locataire lui appartient de plein droit. La notion de propriété dissociée permet en effet à un individu, d’être propriétaire d’un bâti, sans être propriétaire du terrain, et vice versa. Toutefois afin de ne léser aucune des parties et d’éviter tout conflit, le propriétaire du terrain peut se réserver le droit de racheter la construction dans le cas où le bailleur souhaiterait la vendre. En contrepartie, dans le territoire florentin comme ailleurs, le locataire a le devoir de maintenir et d’améliorer le bien si cela lui est possible424 ; mais surtout il a l’obligation de s’acquitter de sa redevance425. Cette rétribution peut être en outre alourdie d’une somme supplémentaire prévue lors de la conclusion contractuelle426.

En ce qui concerne les livelli concédés par le monastère de Passignano, comme il est d’usage lorsque le concédant est une institution religieuse, il arrive que la fête du saint patron soit la date de paiement prévue. La fête de la Saint Michel place donc le paiement en septembre : « Dare nobis debeatis pensione pro ipsa terra et

rebus per omne anno in festivitate sancti Angeli in mense september in loco Passignano a ipso monasterio »427. Toutefois les cas sont rares et la date de paiement est plus généralement placée en décembre428. Dans la deuxième moitié du XIe siècle, la formule est le plus souvent « Dare nobis debeatis pensione per ipsa terra et rebus

per omne anno in ebdomada de nattal/natalis/nattivitas en december in loco passignano a ipso monastero ». Cette formulation de la datation prévisionnelle est la

421 Sznura (Franek), L’espansione urbana di Firenze…, p. 25.

422 Garzella (Gabriella), « La proprietà frazionata nella gestione immobiliare di un ente monastico

pisano (secoli XII-XIII) », in Le sol et l’immeuble. Les formes dissociées de propriété immobilière dans

les villes de France et d’Italie (XII-XIX siècle), Rome, Ecole française de Rome, 1995 (Collection de

l’école française de Rome, 206), p. 169-184 ; disponible en ligne sur https://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1995_act_206_1_5932 (30/06/2018, à 17h18), part. p. 170.

423 Masé (Federica), Patrimoines immobiliers ecclésiastiques dans la Venise médiévale (XIe-XVe siècle),

une lecture de la ville, Rome, Ecole française de Rome, 2006, (Collection de l’Ecole Française de Rome

358), p. 153.

424 Pivano (Silvio), I contratti agrari in Italia…, p. 159-212 ; Masé (Federica), Patrimoines immobiliers

ecclésiastiques…, p. 153.

425 Ghignoli (Antonella), « Libellario nomine… », p. 2 ; voir supra p. 97-98. 426 Masé (Federica), Patrimoines immobiliers ecclésiastiques..., p. 158.

427 Voir par exemple ASF, Diplomatico, Passignano, avril 1054, Code. Id. 00000868. 428 Voir par exemple, ASF, Diplomatico, Passignano, juin 1054, Code. Id. 00000875.

plus courante jusqu’au début de la seconde moitié du XIIe siècle. A compter de cette

période, bien que la période de paiement demeure la même, la formule devient plus souvent « Annuliter in ebdomada nativitatis domini dare mihi debeatis »429.

Afin que la manière dont est structuré un acte de livello soit correctement perçue, le tableau ci-dessous représente les différents éléments qui constituent en général les livelli du fonds de Passignano entre 1050 et 1200. Bien que le contrat de

livello doive être produit en deux doubles identiques430, dans les actes de Passignano, la précision de l’existence d’un second document n’est que très anecdotique et ne permet pas de tirer une conclusion généraliste431. Dans le tableau qui suit, ne sont pas repris les éléments qui composent le protocole et l’eschatocole, puisque ces éléments sont communs à toutes les chartes et ont été décrits plus haut :

429 Voir par exemple, ASF, Diplomatico, Passignano, 10 mars 1151, Code. Id. 00004992.