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Les conséquences immobilières d’une inflation diffuse

Proportion des actes siennois

B- Les conséquences immobilières d’une inflation diffuse

Entre 1180 et 1190 enfin, un dernier pic documentaire intervient, doublant le nombre d’actes conclus. Ce phénomène se retrouve à nouveau dans toutes les institutions ecclésiastiques importantes de la région. Mais contrairement au début du XIIe siècle où 70% de la documentation est composée de donations, à la fin de cette période, ce type d’actes retombe à seulement 25%. En revanche les ventes correspondent à plus de 40% des actes de la fin du siècle. Dans le même temps, dans la campagne florentine, le prix moyen d’un bien triple quasiment entre 1175 et 1200 ; et cette inflation des alentours de 1200 se retrouve dans la majorité des grandes villes toscanes alors même que de 1001 à 1150, les tarifs semblent avoir peu varié.157. Les causes peuvent en être économique (1), politique (2) et social (3).

1- Les probables causes économiques : le regain commercial

Selon Enrico Faini, la raison de cette élévation des prix découle certainement de deux points, dont le premier est un accord militaire et commercial intervenant entre Florence et Pise en juillet 1171. Par cet acte, les institutions pisanes s’engagent à recevoir un marché florentin au sein de la ville de Pise et à offrir leur aide experte158 et leur soutien à Florence afin qu’elle s’ouvre au commerce maritime que lui offre l’Arno159. Contre ces services, Florence doit s’acquitter d’un impôt annuel appelé la

ripa et s’engager à s’allier militairement avec sa cocontractante. En effet au XIIe

siècle, Pise est déjà à la tête d’un empire commercial en Méditerranée160. Cet évènement a certainement participé à l’émergence de la puissance commerciale florentine qui n’empruntait jusqu’alors que la vallonnée Via Francigena161, et marque donc un important tournant économique. D’autant que depuis la fin du XIe siècle, la

157Faini (Enrico), Firenze nell’età romanica…, p. 111-118.

158 Ceccarelli Lemut (Maria Luisa), « Mare Nostrum Mediterraneum. Pisa e il Mare nel Medioevo », in

Pisa crocevia di uomini, lingue e culture. L’età medievale. Atti del Convegno di studio (Pisa, 25-27 ottobre 2007), dir. Battaglia Ricci (Lucia) et Cella (Roberta), Rome, Aracne, 2009, p. 11-24 ; disponible

en ligne sur http://www.rmoa.unina.it/555/.

159 Faini (Enrico), Firenze nell’età romanica…, p. 118-122.

160 Voir Tangheroni (Marco), « Trade and navigation », in Italy in the Central Middle Ages 1000-1300,

dir. Abulafia (David), Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 127-146 ; Ceccarelli Lemut (Maria Luisa), « Giurisdizioni signorili ecclesiastiche e inquadramenti territoriali », in Il Valdarno inferiore

terra di confine nel Medioevo : (secoli XI-XV). Atti del convegno di studi, 30 settembre - 2 ottobre 2005.

dir. Malvolti (Alberto) et Pinto (Giuliano), Florence, Leo S. Olschki, 2008, (Biblioteca storica toscana (55)), p. 17-41 ; disponible en ligne sur http://www.rmoa.unina.it/498/1/RM-Ceccarelli-Valdarno.pdf, p. 17-18.

161 Stopani (Renato), La Via Francigena in Toscana. Storia di una strada medievale, Salimbeni,

commercialisation à distance s’accroît, malgré moult difficultés pratiques162. L’entrée

dans le XIIe siècle marque une plus grande facilité de déplacement des hommes et des

marchandises, y compris par les voies montagneuses telles que les Alpes163.

A cette acquisition de mobilité s’ajoute la réouverture des antiques manufactures et teintureries de tissu de Florence, vers la fin du XIIe siècle164. Cet artisanat de la laine, allié aux nouvelles possibilités maritimes de Florence a donc encore accru l’évolution économique et les capacités financières des bénéficiaires de la région. A partir des deux dernières décennies du XIIe siècle, cette industrie aboutit à la constitution d’une association marchande qui évolue rapidement vers un double domaine d’activité : teinture et production de tissu. L’importance de cette association est telle qu’il est même possible qu’elle corresponde à la même entité que la « Societas

mercatorum », responsable gouvernementale en 1182165. Pour cause, les XIIe et XIIIe siècles sont ceux de l’apogée de l’industrie textile médiévale en Europe, et du commerce toscan en général, notamment sur le pourtour méditerranéen avec de nombreuses ouvertures sur le monde oriental166.

Bien que ces éléments n’apportent pas une réponse nette à la question de l’inflation de la valeur foncière à la fin XIIe siècle, elles permettent de reconstituer

l’image d’une économie et d’un commerce florissants et par conséquent d’une capacité financière accrue, dont l’usage le plus évident reste l’acquisition foncière. Ainsi la règle de l’offre et de la demande a pu faire exploser le coût de la terre.

Toutefois peut-être ne faut-il pas négliger non plus les réponses plus évidentes, car les répercussions du lent bouleversement politique de la Commune sur le milieu rural méritent sûrement une attention particulière, au-delà de ses répercussions sur le

162 Cherubini (Giovanni), L’Italia rurale del basso Medioevo, p. 100. 163 Ibidem, p. 9.

164 Pour une histoire de l’industrie médiévale textile à Florence, voir Hoshino (Hidetoshi), L’arte della

lana in Firenze nel Basso Medioevo. Il commercio della lana e il mercato dei panni fiorentini nei secoli XIII-XV, Forence, Olschki, 1980 ; Munro (John H.), « I panni di lana », in Commercio e cultura mercantile, vol. 4, dir. Franceschi (Franco), Goldthwaite (Richard A.) et Mueller (Reinhold C.),

Trévise-Costabissara, Angelo Colla Editore, 2007, p. 105-141 ; disponible en ligne sur https://www.economics.utoronto.ca/munro5/Pannilana.pdf.

165 Faini (Enrico), Firenze nell’età romanica… p. 118-124.

166 Fennell Mazzaoui (Maureen), « Artisan migration and technology in the Italian textile industry in the

late Middle Ages (1100-1500) », in Strutture familiari, epidemie, migrazioni nell’Italia medievale, dir. Comba (Rinaldo), Piccinni (Gabriela) et Pinto (Giuliano), Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1984, p. 519 ; Pinto (Giuliano), Toscana medievale. Paesaggi e realtà sociali, Florence, Le Lettere, 1993, p. 13; Gilli (Patrick), Villes et sociétés urbaines…, p. 182-192, 193-222; Racine (Pierre), Les villes

domaine économique. Au haut Moyen Âge, la Toscane comme le reste de l’Italie du Nord et du Centre, est dirigée par l’aristocratie167. La Toscane rurale du Moyen Âge

central est toujours sur ce modèle.

En toute logique, certaines familles dirigeantes du Moyen Âge résistent longtemps à l’emprise de la ville, là où d’autres s’y intègrent agilement, de telle sorte que les mêmes lignées conservent parfois le même pouvoir mais dans un cadre politique apparemment différent. Parmi les récalcitrants se trouvent d’une part les familles de la haute aristocratie, dont le statut est le plus susceptible de souffrir d’un renversement politique, et d’autre part les familles dont les terres sont les plus voisines de la ville.

2- Les probables causes politico-sociales : la résistance aristocratique

Les XIe et XIIe siècles correspondent à une période très difficile pour l’aristocratie contadine. Elle doit lutter contre l’expansion du pouvoir communal, mais aussi s’organiser pour que les territoires des familles éteintes ne tombent pas à l’ennemi.

En ce qui concerne la commune, sur la première ligne de l’expansion apparaissent surtout des familles de l’aristocratie intermédiaire 168 comme les

Adimari169. En effet la commune est un processus urbanocentrique170, qui s’emploie

167 A partir de 1027-1028, sous l’influence de Bonifacio di Canossa, le pouvoir marquisal est très fort en

Toscane et empêche l’immixtion du pouvoir publique et épiscopal dans les campagnes (Salvestrini (Francesco), « Proprietà della terra e dinamismo… », p. 10).

168 En dessous de l’aristocratie supérieure ou haute aristocratie (marquis, comtes, évêques) se trouve une

aristocratie intermédiaire. Elle est composée des familles dont les possessions foncières sont concentrées dans une zone géographique restreinte. Dans les archives aucun terme ne laisse, la plupart du temps, présumer de leur rang. Dans de rares cas elles sont qualifiées de capitanei, nobiles, vassi,

vassali ou fideles. (Cortese (Maria Elena), Signori, castelli, città…, p. 10 et 35 ; Collavini (Simone

Maria), « I capitanei in Toscana (secoli XI-XII). Sfortune e fortune di un termine », in La

vassallita`maggiore del Regno Italico. I capitanei nei secoli XI-XII, Atti del convegno (Verona, 4-6 novembre 1999), dir. Castagnetti (Andrea), Rome, Viella, 2001, p. 307). Notons également que ces

vassaux de la haute seigneurie sont parfois eux-mêmes seigneurs des secundi milites. L’aristocratie connait donc 3 strates principales, qui sont liées les unes par l’intermédiaire des autres (Feller (Laurent), « Eléments de la problématique du fief en Italie », in Die gegenwart des Feudalismus/ Présence du

Féodalisme/ The precense of Feudalism, dir. Fryde (Natalie), Monnet (Pierre), Oexle (Otto Gerhard),

Göttingen, Vanderoeck & Ruprecht, 2002, p. 153-174 ; disponible en ligne sur https://halshs.archives- ouvertes.fr/halshs-00311054/document, p. 7).

169 L’ancêtre unificateur de cette famille est certainement le Adimaro attesté dans un document de 1046,

et dont Bernardo, le fils, ne porte déjà plus le titre de comte. Il s’agit donc d’une appellation individuelle et non héréditaire, ce qui est commun dans les familles de cette strate de l’aristocratie, qui peut d’ailleurs se confondre, pour nos regards contemporains, avec une forme de proto-bourgeoisie supérieure. Ces familles possèdent des terres et un solide réseau clientélaire mais pas de titre nobiliaire.

rapidement à intégrer le comitatus, qui devient d’ailleurs le contado avec la transition communale171. Ce sont justement les zones du Mugello, au sud du Val di Sieve, et du

Valdarno supérieur172, qui forcent les Adimari à être très rapidement impliqués dans les affrontements contre le pouvoir citadin naissant173. L’hégémonie florentine signifie également une perte d’influence pour ses voisins parfois plus éloignés. Par exemple la famille Guidi détient des possessions plus lointaines de la cité mais acquiert quelques biens dans les zones du Mugello et du Valdarno174. Elle entre en conflit avec la cité dès la première moitié du XIe siècle175 et ne parvient pas à négocier une paix acceptable176.

Pour autant la famille reste influente, détenant des biens tant dans le territoire florentin (Valdarno, Mugello et Fucecchio) que lucquois et compte les Guidi et les Cadolingi dans sa clientèle (Cortese (Maria Elena), Signori, castelli, città…, p. 35).

170 Gilli (Patrick), Villes et sociétés urbaines…, p. 41 ; Racine (Pierre), Les villes d’Italie…, p. 26-28. 171 Doumerc (Bernard), Les Communes en Italie…, p. 39. A propos de la terminologie des lieux au haut

Moyen Âge, voir Lauwers (Michel) et Ripart (Laurent), « Représentation et gestion de l’espace dans l’Occident médiéval », in Rome et l’Etat moderne européen, dir. Genêt (Jean-Philippe), Rome, Ecole Française de Rome, 2007, p. 115-171, particulièrement p. 119-125.

172 L’intérêt de Florence pour ces zones fertiles est certainement dû en partie à son intérêt immédiat

pour la force de production céréalière de ces régions (Statuti del Comune di Figline Valdarno (1408) ;

Patti fra il Comune di Figline e il Popolo di S. Maria al Tartigliese (1392), Berti (Fausto) et Mantovani

(Mario), Comune di Figline Valdarno, Blanche grafica, 1985, Introduction, p. III ; Salvestrini (Francesco), « Proprietà della terra e dinamismo… », p. 2).

173 Cortese (Maria Elena), Signori, castelli, città…, p. 35.

174 Salvestrini (Francesco), « Proprietà della terra e dinamismo… », p. 3-4.

175 Dans le Val de Sieve la famille des Guidi est notamment en possession du monastère Santa Maria di

Rosano, attestée à compter des années 1060. Initialement l’institution peut avoir plutôt appartenue aux Cadolingi. Lors de l’extinction de la lignée, les Guidi ont dû prendre le contrôle notamment au travers de leurs filles puisque l’abbatiat est confié à la fille de Guido IV, puis à celle de Guido V. Le premier dote d’ailleurs l’institution d’une certaine autonomie face à son pouvoir comtal (Cortese (Maria Elena),

Signori, castelli, città…, p. 13).

176 Lorsque Guido Guerra III refuse les tentatives de sa régente, l’abbesse Sofia, de pacifier les rapports

avec Florence, il réitère d’ailleurs les mêmes mécaniques d’élévation socio-économique que ses ancêtres et montre une nette propension à se ranger aux côtés des perdants. Les premières traces de la présence des Guidi dans le territoire florentin résident dans son soutien à Bérenger II d’Ivrée face à Otton Ier, dans les années 960. Malgré une probable sanction de l’empereur du Saint Empire, la famille

retrouve rapidement son pouvoir (Cortese (Maria Elena), Signori, castelli, città…, p. 19). Aux alentours de la moitié du XIe siècle, le pouvoir seigneurial de la famille est déjà plusieurs fois affirmé, au travers du paiement de compensations financières, dont elle bénéficie à l’issue de litiges judiciaires (Collavini (Simone), « Le basi economiche e materiale della signoria guidinga (1075 c.-1230c.) », in La lungha

storia di una stirpe comitale : i conti Guidi tra Romagna e Toscana. Atti del Convegno, Modigliana- Poppi, 28-31 agosto 2003, dir. Pinto (Giuliano), Cherubini (Giovanni), Pirillo (Paolo), Florence,

Olschki, 2009, p. 315-348 ; disponible en ligne sur http://www.rmoa.unina.it/652/1/RM-Collavini- Guidi.pdf, p. 319-321). Aux alentours du XIIe siècle, la famille a déjà étendu son influence vers le Val

di Sieve, le Protamagno et le Valdarno Supérieur, en se liant par un rapport vertical avec plusieurs monastères (Cortese (Maria Elena), Signori, castelli, città…, p. 12 et 89 et 90 ; Kurze (Wilhelm),

Monasteri e nobiltà nel senese…, p. 314 ; Kehr (Paul Fridolin), Italia Pontificia sive Repertorium privilegiorum et litterarum a Romanis pontificibus ante anno MCXCVIII Italiae ecclesiis, civitatibus singulisque personis concessorum, III, Etruria, Berlin, Weidmann, 1908, p. 81 ; Sestan (Ernesto), « I

conti Guidi e il Casentino », in Italia medievale, Naples, Edizioni scientificheitaliane, 1968, p. 366 ; Salvestrini (Francesco), S. Maria di Vallombrosa. Patrimonio e vita economica di un grande monastero

medievale, Florence, Olschki, 1998, p. 64 ; Soldani (Fedele), Historia monasterii S. Michaelis de Passiniano, Lucques, typis Salvatoris et Joannis Dominici Marescandoli, 1741, p. 125-126 ;

Francesconi (Giampaolo), « La signoria monastica… », p. 38-41 ; Salvestrini (Francesco), « Proprietà della terra e dinamismo… », p. 9), et en créant et entretenant des liens de clientèle avec nombre de

Pour survivre, les familles s’organisent grâce à deux éléments principaux : les institutions religieuses et les principati.

Dans la structuration des familles aristocratiques, les institutions religieuses tiennent un rôle important dans le maintien ou le retour d’influence de beaucoup de familles, comme sur le prestige social de toutes celles qui ont placé au moins une institution sous leur patronage177. Le rôle administratif et d’auxiliaire de gestion du territoire qu’occupent les monastères et abbayes est d’ores et déjà visible. Pendant religieux des fortifications qui se multiplient dans la seconde moitié du Xe siècle, de plus en plus de ces fondations seigneuriales apparaissent dans les années 970178. Sur le plan intra-familial, ces institutions permettent de conserver les fortunes et de mettre le patrimoine en mainmorte afin d’éviter les querelles internes179. Sur le plan politique, les Guidi comme les Cadolingi et les familles suffisamment possédantes, fondent des monastères et autres abbayes au cœur de leurs territoires afin, d’une part qu’ils soient le reflet de leur puissance, et d’autre part qu’ils soient le relais local de leur politique180. Par ailleurs les familles de l’aristocratie intermédiaire tentent de se faire une place dans la clientèle de l’aristocratie supérieure en favorisant les donations aux institutions placées sous un patronage influent. Se met alors en place un cercle vertueux pour les comtes, qui peuvent contrôler leurs acquis à distance, tout en acquérant de nouveaux biens et clientèles181.

En vérité, la ville de Florence a elle aussi son pendant religieux : l’évêché florentin peut jouer ce rôle182. C’est sur sa clientèle, sur ses proches, que nait la

familles de la région Florentino-fiesolane, sur la plupart desquelles elle détient d’ailleurs un pouvoir juridictionnel à compter d’un diplôme de 1164 émanant de Frédéric Ier (Cortese (Maria Elena), Signori,

castelli, città…, p. 15-16).

177 Francesconi (Giampaolo), « La signoria monastica… », p. 31 ; Doumerc (Bernard), Les Communes

en Italie…, p. 16.

178 Ceccarelli Lemut (Maria Luisa), « Monasteri e signoria nella Toscana occidentale », in Monasteri e

castelli tra X e XII secolo. Il caso de San Michele alla Verruca e le altre ricerche storico-archeologiche nella Tuscia occidentale, dir. Gelichi (Sauro) et Francovich (Riccardo), Florence, All’Insegna del

Giglio, 2003, p. 57-68 ; disponible en ligne sur

http://www.bibar.unisi.it/sites/www.bibar.unisi.it/files/testi/testibds/bda7%20monasteri/05.pdf, p. 57.

179 Doumerc (Bernard), Les Communes en Italie…, p. 16.

180 Salvestrini (Francesco), « Proprietà della terra e dinamismo… », p. 9 ; Cammarosano (Paolo), Nobili

e re. L’Italia politiche dell’alto Medioevo, Bari, Laterza, 2009, p. 289-290 ; Ceccarelli Lemut (Maria

Liusa), « I Guidi e le famiglie comitali del Regnum », in La lungha storia di una stirpe comitale. I conti

Guidi tra Romagna e Toscana. Atti del Convegno di studi organizzato dai Comuni di Modigliana e Poppi. Modigliana-Poppi, 28-31 agosto 2003, dir. Canaccini (Federico), Florence, Olschki, 2009, p. 50.

181 Cortese (Maria Elena), Signori, castelli, città…, p. 90-91 ; Tabacco (Giovanni), L’Italie médiévale.

Hégémonies sociales et structures du pouvoir, Chambéry, Université de Savoie, 2005, p. 151-160.

182 Notons toutefois que les évêchés ne sont pas toujours partie intégrante de la politique de la

commune. Au XIe siècle s’opère une dichotomie entre l’essor des cités et la mise en

place des pouvoirs seigneuriaux car la ville, comme la campagne, doit trouver une nouvelle organisation répondant aux besoins propres et locaux de chaque zone183. La Commune commence donc à apparaitre au XIe siècle. Alors que l’empereur du Saint Empire Romain Germanique est de moins en moins présent en Italie184, l’évêque étend et assoit son pouvoir. Il est au cœur de la vie citadine et, à ce titre, il joue le rôle de relais entre le pouvoir impérial et ses sujets. Dès la fin du Xe siècle, les évêques dirigent la cité. Pour cause, sans être des fonctionnaires publics, ils se voient concéder un certain nombre de droits régaliens185. Les Carolingiens avaient déjà pris le parti de s’appuyer sur l’évêque comme relais de leur autorité. Les Ottoniens perdurent dans cette voie. Aux Xe et XIe siècles, les diplômes royaux octroient des concessions et non plus seulement des délégations d’autorité aux évêques. Ainsi ces derniers ne sont plus fonctionnellement dépendants de l’empereur. Durant les XIe et XIIe siècles, les évêques se voient accorder des droits sans qu’il ne soit véritablement question de leurs devoirs envers le pouvoir impérial. Au XIe siècle, ce processus est entériné par l’Edictum de beneficiis promulgué en 1037 par Conrad II. C’est contre le paiement d’un impôt destiné à l’approvisionnement du roi et de ses officiers lors de la descente en Italie, appelé le fodrum, que Conrad promulgue ce texte. Il édicte qu’aucun vassal d’évêque, d’abbé ou de comte ne pourra être privé de son bénéfice sans une faute de sa part jugée par une cour de pairs, et en appel, par le roi lui-même. De plus, il rend les bénéfices héréditaires de père en fils. Ainsi bien que dans les premiers temps de la commune186 le pouvoir de l’évêque ne dépasse le districtus qui entoure la ville que de quelques kilomètres au maximum187, l’importance réelle et reconnue de l’évêque et de ses vassaux est en fait la glaise de laquelle apparait la première voie vers la

communales… », §9). C’est notamment le cas à Parme dans les premières décennies du XIIIe siècle. Au

sortir de la période féodale, l’enjeu semble pourtant n’avoir pas changé d’époque : il peut sembler s’agir en fait, de rester seigneur ou de devenir vassal de la Commune. Pour une étude de ce conflit, voir Guyotjeannin (Olivier), « Conflits de juridictions et exercice de la justice à Parme et dans son territoire d’après une enquête de 1218 », in Mélanges de l’Ecole française de Rome, 97-1, Rome, MEFREM, 1985, p. 183-300 ; disponible en ligne sur https://www.persee.fr/doc/mefr_0223- 5110_1985_num_97_1_2800#mefr_0223-5110_1985_num_97_1_T1_0250_0000, particulièrement p. 251 et suiv.

183 Gilli (Patrick), Villes et sociétés urbaines…, p. 12.

184 Coleman (Edward), « Cites and communes », in Italy in the Central Middle Ages 1000-1300, dir.

Abulafia (David), Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 30.

185 Ibidem, p. 29-30 ; Doumerc (Bernard), Les Communes en Italie..., p. 15. 186 C’est-à-dire dans la période préconsulaire.

187 Gilli (Patrick), Villes et sociétés urbaines…, p. 12 ; Provero (Luigi), L’Italia dei poteri locali (secoli

commune188. Si le pouvoir des évêques, abbés et comtes est renforcé, le roi tente

encore de préserver son emprise sur l’Italie. Pourtant les missi impériaux sont de plus en plus rares et les officiers royaux perdent de leur autorité189. C’est cette perte de vitesse involontaire de la part de l’empire qui donnera lieu au conflit avec les cités du nord et la papauté, qui s’achève avec la Paix de Constance de 1183.

Toutefois les institutions religieuses ne sont que l’un des éléments de structuration qui aide l’aristocratie contadine à la gestion des biens. Concernant la transmission des territoires, c’est au départ le manque récurrent de descendance mâle190 qui conduit les familles aristocratiques à s’organiser en principati comitali191, organisation territoriale et politique qui domine la Toscane rurale entre la deuxième moitié du XIIe et le début du XIIIe siècle. Le principato comitale peut être défini comme le territoire sur lequel une famille comtale exerce sa juridiction. Cette organisation territoriale et politique domine la Toscane rurale entre la deuxième moitié du XIIe et le début du XIIIe siècle. Son but politique est de créer une entité, composée d’un regroupement de familles, capable de s’opposer à la puissance citadine192. Pour

cela il faut que les biens des familles comtales et marquisales demeurent en vase clos dans le circuit aristocratique. A l’extinction d’une famille, ses terres tombent dans le patrimoine comtal. Les biens ainsi absorbés peuvent comprendre des parts gérées de

188 Gilli (Patrick), Villes et sociétés urbaines…, p. 12 ; Doumerc (Bernard), Les Communes en Italie…,

p. 34.

189 Gilli (Patrick), Villes et sociétés urbaines…, p. 13.

190 Il faut ici citer l’exemple des biens des Cadolingi. Après la mort d’Ugo des Cadolingi, le 13 février

1113, de nombreux clients du comte défunt tentent de tirer profit de son héritage. Les Alberti y parviennent, par le mariage d’un des leurs avec la veuve Cecilia du comte Ugo (Zagnoni (Renzo), « I