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constituant joue le rôle sémantique d’adjoint

46) V pron : (se) coucher, (se) lever

La plupart de ces verbes entrent aussi dans les composés [VN]N/A dont le second constituant est un argument interne, à l’exception des verbes soulignés. Comme nous l’avons déjà remarqué, il nous semble que quelques composés classés comme [VN]N/A par Villoing (2002), et pour une partie de ceux-ci également par Darmesteter (1967 [1875]), sont en réalité des composés comportant un adjoint, comme tournesol ((se) tourner au/vers le soleil), traîne-buisson, traîne-bûches (traîner dans le buisson/les bûches) et

trotte-chemin (trotter sur le chemin). Dans de tels cas, nous interprétons le

second constituant plutôt comme indiquant sémantiquement le lieu, même si syntaxiquement, il correspond à un objet direct ou indirect. Citons à ce propos Eriksson (1993:278) : « [s]ignalons aussi le cas où l’objet direct équivaut pour le sens, mais non pour la syntaxe, à un circonstanciel et qui s’exprime par un tel dans d’autres langues ». Nous sommes pourtant consciente du fait que cette analyse est poussée trop loin. Mentionnons aussi la locution adverbiale (à) cloche-pied (clocher du pied), que Villoing (2002:329) classe comme [VN]N/A, mais dont le second constituant joue selon nous le rôle sémantique d’adjoint. Aussi dans crève-faim, classé comme [VN]N/A par Villoing (2002:333), le V est à notre avis en emploi intransitif, et le second constituant est un adjoint indiquant la cause. Vaurien est classé comme comportant un argument interne par Villoing (2002:380), alors que nous estimons que rien n’empêche de le classer comme comportant un adjoint, ce qu’a fait aussi Darmesteter (167:226 [1875])109 Les verbes soulignés n’entrent, à notre connaissance, que dans des composés dont le second constituant s’interprète comme un adjoint, tels que vogue-avant ‛rameur qui tient le bout de la rame’, à l’exception de quelques-uns, comme

chanter et trotter, qui entrent aussi dans les composés [VN]N/A dont le second constituant est un argument externe (cf. 4.6). La majorité de ceux-ci sont intransitifs. À propos de traîner, le TLFi aussi observe qu’il est en emploi intransitif dans les deux composés traîne-nuit et traîne-sommeil. En ce qui concerne les verbes intransitifs qui ne sont pas soulignés, donc impliquant qu’ils entrent aussi dans les composés [VN]N/A comportant un argument interne, ils sont dans ces cas en emploi transitif, par exemple

pisse-vinaigre ‛personne avare ou grincheuse, morose ou triste’ ou roule-bandes

‛dispositif pouvant se fixer à une table pour rouler les bandes de gaze, etc.’. Un argument contre le postulat d’une unique construction morphologique [VN/A/Adv/P]N/A serait donc que les composés comportant des adjoints contiennent des prédicats intransitifs. Cet argument ne peut être contredit étant donné que le composé [VN] comportant un argument interne par définition ne peut inclure un prédicat intransitif, ne prenant qu’un argument externe. Pourtant, l’existence d’un composé comme va-tout110, relatif aux

109 Darmesteter (1967:226 [1875]) parle dans ces cas d’un adjectif ou d’un adverbe « ayant valeur d’adverbe ».

jeux de cartes, ‛coup où l’on risque tout l’argent que l’on a devant soi’, comportant aller, présente une structure discutable. Villoing (2002:384) classe ce composé comme [VAdv], quoiqu’elle (2002:317) avance que les unités tout (mange-tout), rien (vaurien) et néant (fainéant) possèdent les propriétés d’un nom dans la construction [VN]N/A. Par contre, Villoing (2002:278, n. 32) « analyse devant dans frappe-devant et derrière dans

chasse-derrière comme des adverbes, bien qu’ils puissent se réaliser en

syntaxe comme des noms (frapper le devant, chasser le derrière) ou des prépositions ». Ceci nous semble contradictoire, mais conforte effectivement la position prise dans notre étude et selon laquelle il est question d’une unique construction morphologique [VN/A/Adv/p]N/A. C’est justement cette possibilité, dans certains cas, de la double analyse du second élément comme un argument interne/N et comme un adjoint/Adv(erbiale) qui motive et donne davantage de support à notre position. Pour revenir à va-tout, il nous semble plus conséquent de le faire entrer dans la classe des composés [VN]N/A dont le second constituant est un argument externe (cf. 4.6).

Le composé [VN/A/Adv/P]N/A comportant un adjoint n’entre pas non plus dans l’étude de Fradin (2005), qui ne traite que des composés [VN]N. Or, Fradin inclut, à la différence de Villoing (2002), les deux autres cas que présentent ces composés en posant que le second constituant est un argument (interne ou externe) de V, et il accepte ainsi de V à un argument/intransitif. Nous avons l’intention ici d’examiner si les patrons proposés par Fradin (2005), aussi bien que ceux que nous avons proposés dans la section précédente, peuvent être également retrouvés parmi les composés comportant un adjoint. Pour ce faire, il est nécessaire d’ajuster les patrons sémantiques. Tout d’abord, remarquons que seuls les patrons englobant un composé [VN]N/A dont le second constituant est un argument interne peuvent s’appliquer au composé comportant un adjoint.

Le patron d’Agent s’adapte parfaitement au composé comportant un adjoint, et est ici aussi l’un des plus rentables. On trouve ici tous les différents types d’Agents : des Humains, avale-dru pour ‛celui qui mange vite’, des Animaux, chante-clair pour ‛coq’, des plantes, tournesol, et des Impersonnels, réveille-matin :

• Agent : Ag[VN/A/Adv/P] V (P) N/A/Adv/P

avale-dru111, chante-clair, chasse-derrière, chauffe-doux, claque-faim,

claque-soif, couche-dehors, couche-tard, couche-tôt, faitard112, lève-tard,

lève-tôt, (pass(e-)avant), pète-sec, pince-dur, pince-froid, porte-fort, pisse-froid, rêve-creux, réveil-cuisine, réveille-matin, roule-partout, songe-creux,

111 Darmesteter (1967:220, 226 [1875]) classe le second constituant d’avale-dru comme accusatif, alors que celui de mache-dru est classé comme un adverbe. Nous avons du mal à comprendre cette distinction.

112 Ce composé est tiré de Darmesteter (1967 [1875]), mais se trouve aussi dans le TLFi sous l’entrée fêtard, et dénote ‘personne menant une vie de débauche’.

tournesol, traîne-nuit, traîne-sommeil, trotte-menu, va-devant, verse-froide, vide-vite, vaurien

Notons aussi que les deux composés chauffe-doux ‛poêle mobile, rempli de braise ou de cendre chaudes’, et vide-vite, ‛vidange rapide utilisée pour l’évacuation’, classés comme Agents expriment aussi un sens Locatif. Villoing (2002:329) classe claque-faim et claque-soif comme [VN]N/A, mais en les examinant de plus près, leurs seconds constituants jouent à notre avis le rôle sémantique d’adjoint : claquer de soif/de faim, et claquer est ici en emploi intransitif. Par contre, claque-merde correspond parfaitement à un composé [VN]N/A dans lequel N correspond à un argument interne, et V est en emploi transitif. En ce qui concerne claque-dent, au sens de ‛vagabond, miséreux’ (cf. aussi le patron Locatif plus bas), le statut de second constituant prête à discussion. Darmesteter (1967:221 [1875]) classe le second constituant de claque-dent comme un objet direct, et Villoing classe aussi ce composé comme [VN]N/A. Selon le TLFi par contre, l’expression

claquer des dents est mentionnée sous l’emploi intransitif de claquer. Le

second constituant pourrait être classé comme un objet prépositionnel (cf. Eriksson 1993), vu qu’il est possible de claquer des dents de faim, mais nous choisissons l’analyse qui y voit un adjoint sémantique.

Le patron d’Instrument est également rentable pour le composé comportant un adjoint :

• Instrument : (x) V (P) N/A/Adv/P avec Instr[VN/A/Adv/P]

boute-dehors, boute-hors, colle-forte, frappe-devant, hale-bas, pass(e-)avant, bas, debout, grand, haut, passe-partout, pense-bête, sent-bon, vide-vite

Dans ces deux patrons la préposition est nécessaire dans certains des rares cas où l’adjoint du composé est constitué d’un N, tels que réveil-cuisine ou

tournesol. Pour ce qui est de réveil-cuisine, nous estimons que la relation à

l’intérieur du composé montre clairement qu’il est question d’un composé [VN/A/Adv/P]N/A, à l’opposé des composés [NN]N comme réveil-rasoir ou

réveil-radio. Nous recourons donc au raisonnement que Villoing propose

pour d’autres cas ambigus de ce type (cf. 4.1.2). En ce qui concerne

passe-avant, ce composé a plusieurs sens, soit locatif, ‘passerelle légère et le plus

souvent amovible ou partie du pont en abord’, soit instrumental, ‘titre ou document relatif au fisc’, soit agentif, au 14e siècle, ‘machine de guerre, sorte de tour roulante à étages’, selon le TLFi.

Le patron Locatif est aussi attesté pour les composés comportant un adjoint. Pour la sous-étiquette de Locatiffonctionnel, nous pouvons donner

pass(e-)avant dans le sens de passerelle. Le composé claque-dent, au sens de

‘maison de jeux mal famée ou de prostitution’, convient à un Locatifconteneur. Les composés comportant un adjoint se retrouvent également dans les noms

de lieux. Nous y avons inclus Couche-tard, qui est la marque d’un réseau de magasins en Amérique du Nord.

• Locatif : (x) V N/A/Adv/P dans/sur Loc[VN/A/Adv/P]

Locatiffonctionnel : pass(e-)avant Locatifconteneur : claque-dent

LocatifNdeLieux : Chante-clair, Couche-tard, Gagne-Petit, Passavant

Le patron d’Action est aussi rentable pour les composés [VN/A/Adv/P]N/A

comportant un adjoint. Nous y avons inclus entres autres taille-douce, ‘tout procédé de gravure en creux sur métal’, et trotte-menu, ‘allure d’un animal qui se déplace à petits pas rapides et sautillants’ :

• Action : (x) [V N]Act (dans Loc[VN]) → (x) [V Adv]Act

boute-hors, branle-bas, rentre-dedans, taille-douce, trotte-menu, réveille-matin, (à la) va-vite

Les deux composés chauffe-double, ‛ébullition d’eau-de-vie seconde avec de nouveau vin’, et taille-douce, ‛planche ainsi gravée, l’estampe obtenue au moyen de ce procédé’, sont classés comme entrant dans le patron de Résultat :

• Résultat : (x) [V N]Act a pour Rés[VN] → (x) [V Adv]Act a pour Rés[VAdv] chauffe-double, taille-douce

Nous interprétons des composés comme guérit-vite, le nom d’une plante, et tue-vite : « la cigarette est un tue-vite », (http://www.algerie213.com/ forum/topic_11_405.html, site visité 03/17/2008) comme impliquant une relation causale entre deux événements, à l’instar du cas de gobe-mouton (cf. 4.3.2, 4.4). Ils entrent ainsi dans le patron de Cause agentive, et l’être affecté correspond à N2 :

• Causeagentive : Cau[VN/A/Adv/P] V N/A/Adv/P et N/N2 V2

guérit-vite (V2 = retrouver la santé), tue-vite (V2 = mourir)

Afin de présenter des évidences supplémentaires pour soutenir notre position selon laquelle il est possible de poser une seule règle de construction morphologique, [VN/A/Adv/P]N/A, nous avons étudié les composés comportant un adjoint dans une perspective diachronique (cf. aussi ch. 7). Selon nos résultats provenant du TLFi, la toute première attestation est trotte-menu qui date du 13e siècle, alors que boute-hors et

pass(e-)avant sont attestés au 14e siècle, c’est-à-dire presque aussi tôt que les composés [VN]N/A comportant un argument interne. Les composés comportant un adjoint sont aussi particulièrement rentables au 16e siècle, ce

qui peut refléter l’observation faite par Darmesteter (1967:216-217 [1875]) selon laquelle Ronsard, dans la Pléiade, avait une certaine prédilection pour ces composés. Or, les attestations prédominent au 20e siècle. Il semble ainsi que sa rentabilité suive la rentabilité de tous les composés [VN/A/Adv/P]N/A, qui est le type le plus fréquent au 20e siècle. Picone (1996:278) pose que la composition verbe plus adverbe n’est pas disponible en français : selon lui, le composé porte-fort, qui date du 19e siècle, est la formation la plus récente. Cette remarque ne se laisse donc pas confirmer par nos résultats. Par curiosité, nous avons cherché sur Google pour sent-mauvais (à l’opposé du composé attesté sent-bon), et nous avons pu y localiser quelques exemples, dont le suivant :

49) Les uns travaillaient dans les champs et ne se lavaient jamais : on les appelait les « Sent mauvais » ; les autres … ( coll-ferry-montlucon.planet-allier.com/pourquoi.htm, site visité 03/17/2008) En concluant cette analyse des composés [VN/A/Adv/P]N/A comportant un adjoint, nous pouvons affirmer qu’ils mettent en évidence tous les patrons sémantiques, ainsi que tous les sens dénotatifs, que nous avons proposés pour les composés [VN]N/A comportant un argument interne. Nous estimons donc avoir fourni des évidences sérieuses permettant de supposer l’existence d’une seule règle de construction morphologique, [VN/A/Adv/P]N/A. Les composés [VN]N/A dont le second constituant est un argument externe seront examinés dans la section suivante avec le même objectif.

4.6 Le composé [VN]

N/A

dont le second constituant est