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LIEUX DES RECHERCHES

PROJET URBAIN ET URBANISME

Ces diverses entrées qui s’inscrivent dans plusieurs champs disciplinaires peuvent paraître éloignés a

priori du champ de l’urbanisme si ce n’est l’exemple des « planificateurs » (ou urbanistes) explorés

par Schön. Pourtant, cette démarche a donné une grille de lecture et des notions pour compléter et comprendre les textes relatifs à des projets urbains ou à l’aménagement. Ils permettent de faire un état des lieux de recherche clés pour interroger notre terrain et de mettre en perspective les textes abordés plus tôt et les études et recherches faites dans le champ urbain.

• A la recherche d’une définition du « projet », de ses « étapes » et de ce qu’est « la conception »

Les travaux qui traitent de « projet urbain » essaient souvent de le définir. Or, comme l’écrit Nadia Arab : « Projet urbain et identité collective, projet urbain et transformation de l’espace, projet de ville

et stratégie, logique de projet…, dans le champs urbain, difficile de savoir à quel saint se vouer dès qu’il s’agit de projet. (…) l’importance prise par la notion n’a d’égale que son ambiguïté » (Arab, 2001,

p. 58). Nadia Arab livre plusieurs facettes de cette définition et de ce que recouvre la notion de projet. L’auteure dans cet article publié en 2001 note que cette notion est « incontournable dans tout discours

sur l’action urbaine » (ibid., p.57), et elle fait référence à une démarche d’action et/ou à un « nouveau

modèle d’action sur la ville » (ibid., p.57) pour reprendre les termes tel qu’utilisés. C’est enfin « une dimension productive » que l’auteur relève : le projet mène à une production matérielle, visible dans

l’espace, mobilise des acteurs et porte son lot d’incertitudes. Le projet est alors une action de production (ibid.) qui est un enjeu politique, porte des objectifs et des contraintes, est porté par de nombreux acteurs qui travaillent dans une certaine transversalité (Roncayolo, 2000). Genestier définit le projet à travers sa rhétorique et sa symbolique pour et par le politique. La popularité de la notion de projet symbolise, pour l’auteur, une mise en valeur des aspects qualitatifs et symboliques par rapport au quantitatif et au fonctionnel (Genestier, 2001). Il montre par ailleurs que la rhétorique du projet urbain se porte sur son passé, son identité et son devenir (ibid., p.103). Camille Gardesse dans sa thèse de doctorat rappelle aux côtés des travaux de recherche, la définition donnée dans la loi MOP de 1985 ou le Code des Marchés Publics : le projet débute par un diagnostic, des études préalables, une programmation, une phase de conception, de réalisation puis une mise en service. Ces étapes se retrouvent finalement lorsque nous discutons avec les équipes de la Ville de leurs activités quotidiennes (la phase de diagnostic est la première étape, suivi d’un premier temps de dessin, etc.). Moins formellement, Olivier Chadoin découpe le projet en pôles d’acteurs : « celui de la commande (le maître d’ouvrage), celui de la conception et de l’ingénierie technique (l’architecte, l’urbaniste et l’ingénieur) et, celui de la réalisation (les entreprises de construction) » (Chadoin, 2001, p. 84). L’importance des acteurs dans le projet, pour son bon déroulement, est reprise par Melhado et Henry pour qui la réussite d’un projet dépend d’une bonne coopération entre architectes, ingénieurs de bureaux d’études, entrepreneurs et d’autres acteurs (Melhado, Henry, 2001, p.177).

• Le projet : une entrée privilégiée pour observer des « changements »

« L’analyse des pratiques de projets urbains montre que les acteurs tendent de plus en plus à

mettre en place des dispositifs d’action marqués par un incrémentalisme assumé, dans lesquels les situations d’interactions sont multipliées afin de faire émerger de nouveaux problèmes, de nouvelles connaissances et de nouvelles solutions potentielles (…) » (Pinson, 2003, p.43).

La plupart des travaux qui ont appuyé ce travail s’intéressent au renouvellement des jeux d’acteurs, à la forme du projet, aux nouvelles pratiques et ambitions de la maîtrise d’ouvrage : le projet est porteur politiquement de changements et est l’objet lui-même de changements et d’innovations organisationnelles et/ou dans ses finalités. La forme du projet en elle-même évolue. Cristina Conrad écrit à la fin des années 1990 que le « schéma linéaire » est remis en cause. Il n’y a plus d’un côté le maître d’ouvrage et le programme, et le maître d’œuvre et le projet de l’autre (Conrad, In : Bonnet, PCA, 1997). Patrice Godier et Guy Tapie démontrent, quant à eux, que le projet permet d’initier des changements (Godier, Tapie, 2008). Les acteurs notamment techniques peuvent « évoluer » grâce à la forme même du projet. « Ainsi,

le projet urbain a permis aux professionnels de la ville, issus du secteur public comme du secteur privé, d’établir entre eux un nouveau système de relations. Il a contribué à forger de nouvelles formes d’organisation et de coopération et à procurer à ce milieu une identité et une compétence collective. […] Il s’agit surtout pour les techniciens du projet urbain de faire l’apprentissage collectif d’une démarche et d’un processus nouveau qu’ils doivent mener en commun » (Godier, PUCA, 2001). La maîtrise d’ouvrage

est analysée à travers des logiques d’acteurs, des modes d’organisations ; elle est observée dans le cadre des évolutions du contexte législatif et réglementaire français (PUCA, tome 1, 2001). L’analyse se situe du côté de la maîtrise d’ouvrage, de ses difficultés de coordination avec d’autres acteurs et le travail

d’élaboration de la commande. La maîtrise d’ouvrage recouvre ici autant une collectivité que la maîtrise d’ouvrage de bâtiment. Alain Bourdin écrit dans cet ouvrage : « Admettons l’existence d’un modèle

français « traditionnel » de la commande publique, qui serait aujourd’hui confronté à l’émergence d’un nouveau modèle. En fait, les acteurs, les contenus et les modalités de la commande n’ont pas cessé d’évoluer, même si l’on considère une séquence historiquement courte comme celle de la cinquième République.». (Bourdin, PUCA, 2001).

Le projet est présenté comme un ensemble de complexités qui conduisent à ces changements. Olivier Chadoin relève « l’allongement des chaînes de travail » et donc la nécessité d’intégrer des acteurs « médiateurs » capables de traduire des compétences et un langage spécialisé à d’autres acteurs, en raison d’une « complexification des processus » et d’une « spécialisation professionnelle croissante » (Chadoin, 2001, p.83). Ces complexités sont induites par le nombre croissant d’intervenants et de méthodes et par les attentes différentes des « décideurs ». Les incertitudes s’accumulent. Les incertitudes, comme le rappelle Gilles Pinson, ont beaucoup été étudiées par les sociologues de l’organisation. Elles sont aujourd’hui tout particulièrement présentes en raison des privatisations, de l’ouverture des marchés notamment mais aussi en raison du nombre fluctuant d’acteurs « mobilisables », des aléas financiers (Pinson, 2003). Des incertitudes demeurent dans la demande du maître d’ouvrage (toutes ses demandes ne se trouvent pas dans un cahier des charges) et d’autres sont induites par l’intervention d’un architecte pour les entreprises (Evette30, PUCA, 2001). Callon relève des « incertitudes quant au contexte dans

lequel l’action doit être menée ; incertitudes quant aux ressources disponibles pour mener à bien cette action ; incertitudes enfin quant aux buts même de l’action » (Callon, 2001, In : Pinson, 2003, p.42).

Thérèse Evette identifie plusieurs niveaux d’incertitudes : l’incertitude est inhérente à la situation de projet – qui se dissipe progressivement31 -, elle est également liée aux projets d’investissements ou aux relations entre professionnels et à l’inexpérience de la maîtrise d’ouvrage (Evette, PUCA, 2001). Inès Ramirez-Cobo dans sa thèse résume ainsi les évolutions de prise en considération de l’incertitude dans un projet urbain, depuis l’incertitude comme contrainte (Raynaud, 2004), à l’incertitude comme menace (Pinson, 2009) pour finalement l’étudier comme opportunité (Zepf, Ramirez-Cobo, 2016 ; Ramirez-Cobo, 2016, p.23). Elles sont ensuite prises comme élément positif pour renouveler l’action tant du côté des discours politiques (la Ville de Paris en fait partie) que des textes de chercheurs (Zepf, Ramirez-Cobo, 2016).

Le projet, lieu du changement, est donc porteur d’incertitudes techniques et/ou politiques pour ses acteurs. Le projet et le « mode projet » sont par ailleurs jugés comme dépassés par de récents textes comme la thèse d’Inès Ramirez-Cobo qui explore d’autres formes de conception et reprend les travaux de Marcus Zepf. Parmi ces freins actuels identifiés dans le mode projet, l’auteure énumère une logique du marché ou les « rôles « clos » des acteurs » (Ramirez-Cobo, 2016, p.426). Ce rôle clos est une division des tâches en fonction des compétences très spécifiques des acteurs. Dépasser ces freins au profit de l’incertitude, permettrait de développer d’autres formes de projet qui comprendraient une démarche collective, inclusive et horizontale pour reprendre les termes de l’auteure. Dans le projet des sept places, les professionnels porteurs de connaissances spécialisées sont mis en situation de faire face à

30 Evette Thérèse, « Architecture et stratégie d’entreprise : formulation de la commande et prise en charge

des incertitudes », dans la publication du PUCA en 2001.

31 L’incertitude qui diminue au fil du projet fait écho au schéma de Midler sur le niveau de connaissance qui grandit tandis que le temps imparti au projet diminue.

l’incertitude, d’en tirer profit pour faire évoluer des pratiques, des relations de coopération et in fine travailler à la réorganisation d’un processus de conception.

• Les acteurs du projet et leur adaptation perpétuelle aux aléas d’un projet

Le projet évolue dans ses formes ; il est le lieu du changement ; il est porteur d’incertitudes : les professionnels qui le prennent en charge, et c’est une entrée privilégiée dans ce travail, doivent adapter leur travail et faire avec ces aléas pour avancer. Depuis la fin des années 1990, les acteurs et les pratiques doivent évoluer face à diverses modifications, de la commande au « traitement de la demande sociale » (Prost, 1998, In : Bonnet, PUCA, p.1232). Les acteurs sont de plus en plus nombreux et spécialisés dans un projet, d’autant plus dans les projets d’espace public qui recouvrent une multiplicité de thématiques (techniques, « d’usages », du mobilier pérenne au mobilier numérique…). Ces acteurs spécialisés sont visibles dans la filière de construction française (Melhado, Henry, 2001). De cette spécialisation, les auteurs soulignent l’élargissement des compétences et des savoirs mobilisés (ibid., p.178). Robert Prost écrit : « Nombreux sont les professionnels qui doivent redéfinir et réactualiser leurs compétences et

leurs modes d’organisation pour contribuer à ce gigantesque chantier de la transformation urbaine (…), une transformation des enjeux, des marchés et des pratiques dans ce secteur (du bâtiment) (…) tant sur les plans du traitement de la demande sociale, de l’élaboration de la commande et de la conception que sur les plans de la réalisation et de la gestion » (Prost, 1998, In : Bonnet, PUCA, p.12).

Les changements répertoriés sont nombreux.

Les modalités de travail ou les modes de travail ont été étudiés lorsqu’ils sont en cours d’ajustement ou de modifications. Les professions de la maîtrise d’œuvre sont étudiés, par exemple, en partie à travers l’évolution de leur activités et organisation de leur travail (Godier, Tapie, Courdurier, Evette, Haumont, 2000). Dans le cas de la maîtrise d’œuvre, ce texte qui traite de l’interprofessionnalité expose les évolutions dans les processus de production qui conduisent ces professionnels à faire évoluer leur travail et/ou leurs cultures professionnelles. Les constructions sont de plus en plus complexes, les exigences en termes de coûts et de qualité sont plus fortes et les clients – dans les projets ici d’infrastructure, d’industrie et de bâtiment – attendent que les risques soient maîtrisés. Les professionnels de la maîtrise d’œuvre font face à la modification de leur travail, à la multiplication des expertises ou encore à la nécessité d’intégrer de nouveaux spécialistes. Dans ce cas précis, le travail recouvre un ensemble d’activités professionnelles et/ou des méthodes spécifiques à une profession. Patrice Godier (2000 ; in Biau, Tapie, 200933) s’intéresse ainsi aux nouvelles coopérations professionnelles et à la confrontation de cultures professionnelles qui conduisent à des changements dans les métiers. Il donne pour exemple un projet d’infrastructure de tramway : « Ainsi, les valeurs participant des cultures professionnelles

partagées au sein de cet espace relèvent toutes d’un ensemble d’autoréférences qui se sont instituées progressivement au fil des expériences, contribuant à constituer une communauté d’experts, de familles d’intervenants tramway. […] Le tout forgeant un sentiment collectif d’appartenance à un métier qui s’est constitué empiriquement avec une base culturelle commune (...) » (Godier, 2009, page 133).

32 BONNET Michel, 1998, L’élaboration des projets architecturaux et urbains en Europe, Publications du PUCA, Plan Urbanisme Construction Architecture, Vol.3 : Les pratiques de l’architecture : comparaisons européennes et grands enjeux, 233 p.

33 Chapitre 9 de l’ouvrage de Véronique Biau et Guy Tapie (2009), « L’interprofessionnalité en actes : le cas des infrastructures de transport urbain ».

Au début des années 2000, les partenariats se réinventent, les cadres des projets changent. Patrice Godier soulève la nécessaire adaptation de acteurs de la ville à ces nouvelles conditions d’exercice et à ce modèle de production plus flexible et ouvert (Godier34, PUCA, 2001). Patrice Godier identifie déjà le passage d’un urbanisme « hiérarchique » à un urbanisme « négocié ou partagé ». Les acteurs doivent « tisser des partenariats » (ibid., 2001). Du côté des services techniques, la nécessité de faire évoluer des pratiques est un peu moins étudié. Au sein de travaux du PUCA, il est bien question d’évolution et d’accroissement des tâches qui nécessitent de nouvelles compétences en interne comme l’analyse urbaine, la conduite d’opération ou la négociation avec les promoteurs (Conrad, Renaudie, PUCA, 2001). Plusieurs thèses récentes regardent le travail des services plus précisément, à l’image des travaux de Camille Gardesse en 2011, de Julie Roussel qui a soutenu une thèse CIFRE à la Ville de Paris en 2016 ou Joël Idt qui a soutenu une thèse sur les relations entre les services techniques et le politique en 2009.

« Il est nécessaire de faire évoluer les savoirs, les savoir-faire et les comportements des acteurs de

la production architecturale et urbaine pour répondre à une exigence croissante d’adaptabilité dans un contexte de renouvellement et de complexification des problématiques à traiter »

(Fenker, 200935, p.153).

La nécessaire adaptation et/ou la construction d’une action des/par les professionnels est observée à travers l’évolution de leurs pratiques dans des contextes différents de la construction de normes par des services techniques au Cap (Didier, 201636) aux récentes questions de participation dans les projets urbains à Paris (Gardesse, 2011). Les publications du RAMAU développent aux débuts des années 2000 la question de l’évolution des compétences en lien à une « interprofessionnalité » induite par la complexification des projets urbains. Cette adaptation des professionnels est identifiée comme une évolution de compétences et une évolution des professions.

Ces adaptations sont nécessaires dans les relations professionnelles pour une meilleure coopération entre des métiers toujours plus nombreux et spécialisés (Tapie, 1999, In : Melhado, Henry : Ramau 2, 2001). La question de l’organisation (et des innovations organisationnelles) croise le plus souvent l’ensemble de ces recherches. Elle est directement étudiée dans les travaux qui se rattachent à la sociologie des organisations ou la sociologie de l’action organisée. Elle est étudiée sous les traits d’interactions au sein d’une écologie professionnelle par Abbott (1988) ou comme organisation du travail et d’un « collectif » d’individus en clinique de l’activité37 (Clot, Faïta, 2000).

34 Godier Patrice. « Les nouvelles logiques d’action de la maîtrise d’ouvrage : le cas du projet urbain de Bordeaux », dans la publication du PUCA de 2001 (référencé en bibliographie).

35 Chapitre 11 de l’ouvrage de Véronique Biau et Guy Tapie, « Expérience et coopération au sein de la maîtrise d’ouvrage », pp.153-164.

36 Retour de terrain de/par Sophie Didier et Marianne Morange, mission au Cap (Afrique du Sud), 29 janvier 2016 : https://dalvaa.hypotheses.org/639

37 Ce terme fait référence à une méthode utilisée par Yves Clot. Ce dernier juge que les méthodologies utilisées en analyse du travail au sein de disciplines comme l’ergonomie et/ou la psychologie du travail sont proches de la « méthode clinique ». Elle vise la connaissance de l’activité et sa transformation. Elle vise ainsi l’acquisition de connaissances sur une situation de travail. Dans ce cas, une étude « médicale » d’un cas s’applique à une situation de travail pour étudier l’individu, le contexte, les activités de travail… Le terme de « clinique » peut sembler malencontreux, il est cependant utilisé par Yves Clot car il correspond à une étude minutieuse de l’activité. Un texte d’Yves Clot et de Jacques Leplat l’explique en détail : Clot, Yves, et J. Leplat. « La méthode clinique en ergonomie et en psychologie du travail », Le travail humain, vol. 68, no. 4, 2005, pp. 289-316.

Elle est tantôt source de cohésion. Elle structure un ensemble de professionnels qui se reconnaissent dans un même « monde » (De l’Estoile, 2015), une même configuration pour reprendre la notion de Norbert Elias. Elle est aussi plus ou moins formelle et formalisée (ibid., 2015), régie par des conflits, ou plus ou moins structurée. Les interrelations professionnelles peuvent être lues à travers la question des cultures professionnelles qui se rencontrent. Guy Tapie et Patrice Godier proposent deux entrées. Chaque professionnel détient des savoirs différents. La question organisationnelle et institutionnelle s’attache à y voir les relations des services avec d’autres milieux professionnels, indépendants ou privés (ibid., 2008). Ce sont donc des acteurs mis en réseaux. Il s’agit notamment de « rompre avec des cultures

professionnelles figées » (ibid., 2008, paragraphe 17). Les travaux portant sur les professionnels sont

souvent étayés par une analyse des cultures de ces professionnels (ibid., 2008) : « Ces différentes cultures

professionnelles s’accordent, ou, au contraire, se heurtent, en fonction de deux logiques » (ibid., 2008,

paragraphe 10). La première logique identifiée est disciplinaire (est-ce l’ingénieur qui a le savoir de « fabrication de la ville » ou les architectes et paysagistes ?). La deuxième logique est organisationnelle et institutionnelle (le projet met en relation les services et les milieux professionnels indépendants), (ibid., paragraphe 11 à 13).

• Adaptation et donc évolution des métiers et des contours de groupes de professionnels

Au sein de ces projets, des acteurs sont décrits au travail et/ou en situation d’incertitudes. Ils possèdent des compétences et se confrontent à de nouveaux métiers, leur territoire d’exercice et/ou géographique peut être concurrencé. C’est en cela que les recherches portant sur un projet urbain se combinent avec des travaux inscrits en sociologie des groupes professionnels. Au croisement de ces travaux qui s’inscrivent dans une étude de la commande et/ou du projet urbain, les travaux de la sociologie des groupes professionnels notamment font écho à la question des compétences et des métiers qui évoluent dans un contexte donné. Pour ne reprendre que les travaux qui ont alimenté notre réflexion, les cahiers du RAMAU sur l’interprofessionnalité, publiés en 2001, nous renseignent sur des questions de postures professionnelles et/ou de répartitions des tâches. L’architecte, notamment, le plus souvent mandataire d’une équipe de maîtrise d’oeuvre est celui qui « conduit la conception » (à partir de l’expression de Melhado, Henry, 2001 ; et Terrin, 1998). Or, cette posture peut être remise en question dans un contexte de « management de projet » et donc de co-construction, de collaboration, etc. Un contexte qui fait écho au contexte de la Ville de Paris et à la Mairie qui remet partiellement en question le rôle des architectes au sein de ses services.

Pour analyser une situation de projet telle que celle étudiée ici, il est nécessaire de prendre conscience de l’importance de l’identité professionnelle, de l’image qu’ils ont pour le politique notamment mais aussi les qualifications techniques et/ou spécialisées qui leur sont reconnues. Comme le rappelle Guy Tapie : « La référence à la profession demeure essentielle dans le secteur » (Tapie, 2001, p.163). L’auteur rappelle que les architectes défendent « l’autonomie de la conception » (ibid., p.163). La plupart des travaux se focalisent sur l’évolution du métier de l’architecte. Ses compétences sont définies : il possède des compétences d’ « homme de synthèse »38 ou une compétence de leader (Melhado, Henry, 2001). Les travaux de Camus (2001, In : RAMAU, 2001), de Tapie (dans le même ouvrage) ou de Champy y font écho. Les quelques rares travaux sur les architectes voyers et sur les ingénieurs municipaux, et notamment parisiens, seront présentés en première partie. Les professions se définissent autant par une

formation, une expérience, une culture qu’une position et des tâches reconnues légitimes au sein d’un processus de projet. Cette position n’est pas celle des architectes et ingénieurs en libéral.

Or, cette identité peut être remise en question tout comme un ensemble d’activités jusqu’ici associé à une profession. L’un des articles récemment publiés par Charles Gadéa – qui fait office d’introduction au Dossier « Enjeux environnementaux et dynamiques des groupes professionnels » dans SociologieS – donne pour exemple les professionnels concernés par les problématiques environnementales. L’auteur