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CHAPITRE III : APPROCHE ET SOLUTIONS PROPOSEES

A.1 Le projet GIEA "Gestion des Informations de l'Exploitation Agricole" 150

La numérisation de l'économie agricole est en marche. Le besoin d'échange de données entre acteurs se développe. Au sein de la filière agro-alimentaire, les entreprises agroalimentaires et les fournisseurs des produits ont été les premiers acteurs à échanger des données informatisées. De ce point de vue, l'association Agro-Edi Europe161 a fédéré la profession autour de messages commerciaux tels que la dématérialisation de la facture. Dans cet exemple, le système d'information de chacun de ces organismes a la possibilité d'envoyer (ou de recevoir) une facture numérique dans un seul format quel que soit l'interlocuteur. Sans cette standardisation des échanges, chaque organisation aurait besoin d'une multiplicité de formats d'échange pour pouvoir communiquer avec chacun de ses partenaires. Pour être reconnu, ce langage commun s'appuie sur un vocabulaire et une syntaxe partagés entre tous. Les nouvelles technologies d'échange reposent sur des standards notamment le langage objet UML et les scénarios d'échange au format XML. UML est un langage de modélisation semi-formel. Il est composé de vues statiques et de vues dynamiques. UML ne comprend pas de cadre méthodologique. Une vue est constituée de plusieurs diagrammes. Le diagramme de classes est associé à la vue statique. C'est une représentation d'objets reliés entre eux. Chaque objet est défini dans le dictionnaire de données.

Le besoin ressenti par la profession agricole de faciliter les échanges administratifs et commerciaux depuis et vers l'agriculteur a conduit les acteurs à développer le projet GIEA "Gestion des Informations de l'Exploitation Agricole" en 2003. L'ambition de GIEA est d'aboutir à une structuration sémantique agricole commune des informations ayant une vocation à être échangées autour de l'exploitation agricole. Ce projet a regroupé sur une longue période de nombreux acteurs agricoles publics et privés. Ils ont travaillé sur trois domaines thématiques : le sol et les cultures végétales, l'élevage et l'exploitation (Dufy, Abt et al. 2006). GIEA a produit deux cents concepts organisés dans des diagrammes de classes (voir l’exemple de la Figure III-12) et un dictionnaire de données (Ministère de l'agriculture de l'alimentation de la pêche 2006).

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Figure III-12 : exemple d'un diagramme de classe issu du projet GIEA

Cette représentation est une première approche de la modélisation des connaissances. Elle a cependant deux inconvénients. D'une part, il lui manque les diagrammes pour avoir une vue dynamique de l'entreprise agricole comme le diagramme d'activités qui montre l'enchaînement des décisions et des actions par exemple dans la conduite d'une culture. D'autre part, le langage UML a pour vocation première d'être un outil de dialogue entre la maîtrise d'ouvrage d'une application informatique et ses développeurs162. De plus, GIEA ne propose pas de méthode. Si ces modèles traitent du métier de l'agriculteur, ils s'intéressent d'abord aux données. Ils sont adaptés à la spécification d'outils informatiques et sont donc orientés implémentation. Ils ont pour principale vocation de servir surtout de langage pivot pour les échanges informatisés de données agricoles. Mais nous verrons que ces modèles et leur contenu agricole, s'ils n'ont pas vocation de fournir directement les modèles cognitifs, pourraient jouer un autre rôle sémantique que nous développons dans le paragraphe III-3 LA COMPOSANTE TECHNOLOGIQUE. Nous avons besoin d'une représentation métier de l'exploitation agricole davantage intelligible à un être humain. Nous avons exploré un type de modèle issu de l'ingénierie des systèmes d'information. Cette ingénierie a comme principale vocation de spécifier des systèmes informatiques. Elle ne répond donc pas à notre besoin de représentation de connaissances dédiées à des agriculteurs. Nous allons explorer un autre type de modélisation issu de la représentation des métiers industriels.

A.2 Une méthode et des modèles agricoles issus de la modélisation industrielle

Ce paragraphe présente quelques éléments de la thèse de (Abt 2010). Ces travaux originaux ont porté sur l'adaptation aux exploitations agricoles de techniques de modélisation d'entreprise utilisées en génie industriel. Les cadres de modélisation du métier agricole s'avèrent en effet insuffisants. La démarche est double : d'une part mieux comprendre le système d'information, d’autre part mieux comprendre le système d'entreprise qui l'englobe selon la logique présentée dans la Figure III-13. Cette modélisation s'inscrit dans une ambition de réingénierie des processus de production agricole mais aussi dans celle d'une plus grande formalisation du système d'information de l'entreprise agricole. Elle est compréhensible par les gestionnaires "métier". Le résultat

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D'ailleurs, des outils informatiques intitulés les Ateliers de Génie Logiciel (AGL) produisent une part significative du code à partir de ces diagrammes.

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est un cadre méthodologique intitulé CEMAgriM163. Celui-ci s'intéresse à une exploitation agricole. Il n'a pas pour vocation d'être transversal à plusieurs exploitations agricoles.

Système Entreprise  Système  d’information  non  Formalisé  Système  d’information  non  Formalisé Système d’Information Système d’information non Formalisé Système d’information Formalisé SI Informatisé SI non Informatisé Système Entreprise  Système  d’information  non  Formalisé  Système  d’information  non  Formalisé Système d’Information Système d’information non Formalisé Système d’information Formalisé SI Informatisé SI non Informatisé

Figure III-13 : proposition de représentation pour le système d'information de l'entreprise agricole

d'après (Abt 2010)

Le cadre CEMAgriM est représenté dans la Figure III-14. Il instancie un cadre de modélisation CIMOSA164 issu de l'ingénierie d'entreprise (Vernadat 1996). Il propose six points de vue sur l'exploitation agricole : vue biophysique, vue environnement, vue organisation spatiale, vue physique, vue processus, vue ressource. Ces six points se déclinent encore selon deux modalités supplémentaires :

trois niveaux descriptifs (description générale, description opérative et description de pilotage),

deux phases de modélisation qui permettent de distinguer les modèles relevant du système existant et du système cible (Abt 2010).

Le caractère résolument descriptif de la démarche exprime peu les motivations des acteurs. Si les modalités déclaratives, procédurales, conditionnelles et relationnelles des savoirs sont bien décrites, la modalité explicative est insuffisamment traitée, y compris dans les aspects décisionnels des modèles. Ces derniers types ciblent surtout les processus de déclenchement et d'évaluation d'une opération sans expliciter suffisamment les raisons de cette opération. Le fait de cibler une exploitation agricole empêche en effet d'avoir le recul nécessaire pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants d'une opération. Autant qu'une optimisation des processus de gestion agricole, c'est la mise en avant d'idées nouvelles que nous cherchons à faire émerger. Nous proposons de regarder si les méthodes de modélisation issues de l'ingénierie de la connaissance y répondent davantage.

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CEMAgriM : Cemagref Entreprise Modeling in Agriculture Integrated Methodology

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Figure III-14 : le cadre de modélisation CEMAgriM (Abt 2010)