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CHAPITRE II : ETAT DE L’ART SUR LA GESTION DES

C.2 Les conseillers agricoles

II- 7-3 Connaissances académiques en agriculture durable

Même si les connaissances académiques ne sont pas directement formalisées dans l'outil de gestion des connaissances, nous avons vu que leur compréhension et leur sélection sont nécessaires. Dans le cadre de ces deux types d'agriculture intégrée et biologique, nous nous intéressons principalement aux modalités de production et de transfert des connaissances académiques vers les conseillers et les agriculteurs.

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Un auxiliaire est un ennemi naturel du prédateur de la culture.

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Les Techniques culturales Sans Labour (TSL) sont bien diffusées sur certains pays en Amérique latine, en Amérique du Nord et en Australie Doré, T., M.-H. Jeuffroy et S. De Tourdonnet (2006). La connaissance du fonctionnement du champ cultivé, base de l'évolution des systèmes de culture. L'agronomie aujourd'hui. E. Quae. Versailles Pages 43-56.

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A Production de connaissances académiques

En agronomie, la recherche de solutions opérationnelles a été longtemps le cadre de la création de connaissances (Sebillotte 2006). Depuis peu, l'agronomie est devenue une discipline scientifique. Une étape importante a été franchie lorsque les objectifs de production ont pu être reliés aux besoins des cultures (Sebillotte 2006). De fait, une nouvelle vision de l'agriculture s'est construite à partir de nombreuses théories. Les aspects chimiques, pédologiques, climatiques, les luttes contre les parasites et les virus, l'amélioration des plantes mais aussi l'impact des cultures sur l'environnement (Hénin et Sebillotte 2008) sont autant de domaines théoriques traités par l'agronomie. La connaissance scientifique intéressant l'agriculture n'en demeure pas moins fragmentée entre plusieurs disciplines (Girard et Navarrete 2005). Mais des croisements fructueux s'opèrent entre la science agronomique, par nature systémique car tournée vers l'action, et des sciences plus fondamentales et analytiques comme par exemple la biologie dans le cadre de la lutte contre les bioagresseurs (Doré, Le Bail et al. 2006). Aidé des champs disciplinaires de l'économie et de la sociologie, l'agronome étudie également de nouveaux thèmes comme celui des systèmes techniques100 imposant des contraintes économiques et environnementales aux exploitations agricoles d'un territoire (Doré, Le Bail et al. 2006).

En agriculture intensive, il n'est pas toujours facile d'analyser des résultats d'expérimentation du fait de la multiplication des paramètres alors même que l'on y raisonne sur des temps courts. L'hétérogénéité du climat, du sol, des bioagresseurs et des pratiques culturales rendent difficiles l'explicitation de connaissances stables et immuables comme l'illustre la thèse de (Meynard 1985) autour de la construction d'itinéraires techniques pour la conduite du blé d'hiver. Les essais de conduite de culture s'envisagent depuis des dispositifs expérimentaux sur des parcelles, ou dans des conditions plus proches des réalités vécues par les agriculteurs tels la micro-ferme (Viaux 1999), voire directement en situation réelle chez des agriculteurs dans des réseaux de "fermes pilotes". Mais de plus, en agriculture durable, ils sont conduits sur plusieurs années pour prendre en compte la mémoire des cultures précédentes et des techniques associées. En effet, leurs enchaînements ont des effets cumulatifs tels que les variations de fertilité ou l'explosion de bioagresseurs type "adventice". Des impacts négatifs ne surviennent parfois qu'en cours ou à la fin d'une rotation d'une dizaine d'années (Viaux 1999). L'une des modifications majeures de la conduite de la recherche en agriculture durable est ainsi l'introduction du temps long de certaines interactions. Bien évidemment, il est encore toujours moins facile d'expliquer les origines de certains états culturaux lorsque l'on expérimente sur la longue durée. La multiplication sur plusieurs années de ce type d'expérimentation en des lieux différents facilite par contre cette émergence de connaissances avec leur domaine de validité.

Du point de vue spatial, la seule prise en compte de la parcelle n'est pas suffisante (Debaeke, Petit et al. 2008). Cette limite est un verrou scientifique car il est pour l'heure difficile de conduire des expérimentations à une échelle plus large. Que ces variabilités aient pour origine le climat ou le sol, leur prise en compte peut être partiellement traitée par des outils statistiques. Grâce à l'essor informatique, la modélisation numérique des fonctionnements des systèmes de cultures répond aussi pour partie à la compréhension des interactions multiples auxquelles ces cultures sont soumises (Aubertot, Barbier et al.

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Système technique : "Dispositif d'actions logiques et ordonnées, appliquées aux objets de processus biophysiques à l'échelon d'un territoire, par différents acteurs coordonnant les finalités poursuivies" Doré, T., M. Le Bail, P. Martin, B. Ney et J. Roger-Estrade (2006). L'agronomie aujourd'hui. Versailles.

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2005; Doré, Le Bail et al. 2006). Enfin, des outils101 évaluent les systèmes de culture innovants soit a priori lors d'une conduite de conception à dire d'experts, soit a posteriori après des tests sur des durées et des échelles pédoclimatiques variées (Debaeke, Petit et al. 2008).

L'étude conduite par l'INRA (Ministère de l'écologie de l'énergie du développement durable et de la mer et Ministère de l'alimentation de l'agriculture et de la pêche 2009) sur les systèmes de culture économes en produits phytosanitaires a souligné la faiblesse de la recherche sur cette approche système d'une part et sur l’insuffisance de références sur certaines filières de production d'autre part. Cette même étude a réfléchi à une meilleure structuration des dispositifs d'acquisition de références en particulier pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Avec cette approche, les tests en station expérimentale ou dans des fermes pilotes sont en train d'être organisés en réseau. Les résultats sont stockés dans une base de données. Les données, une fois traitées, vont faire émerger des invariants donc de nouvelles connaissances. Ce travail est bien celui de chercheurs ou de conseillers agricoles experts en vue de produire de nouvelles références agricoles. Les connaissances produites sont destinées aux acteurs de la R&D. Elles ont besoin d'être traitées pour être transformées en connaissances opérationnelles ciblées sur les agriculteurs, les conseillers et les enseignants.

B Relations entre connaissances académiques et connaissances

opérationnelles

Les relations entre connaissances académiques et connaissances opérationnelles sont complexes. Si une pratique se répète en des lieux et des temps différents avec les mêmes conséquences observées, une connaissance empirique se dessine. La science peut alors rechercher une justification théorique à cette répétition. Par ailleurs, des pratiques suscitent également des sujets de recherche académique (Girard et Navarrete 2005). La connaissance académique peut donc se construire à partir d’enquête/observation des pratiques ou bien par analyse des savoirs empiriques des agriculteurs. A l'inverse, un praticien s'intéresse aux connaissances académiques qui facilitent la résolution de ses problèmes. Cette sélection nous intéresse davantage puisqu'elle permet d'alimenter notre outil de gestion des connaissances. La Figure II-10 montre le mode schématique du fonctionnement de la recherche agronomique (Sebillotte 2006) et de ses liens avec l'agriculture (Jeuffroy, Bergez et al. 2008). Elle illustre ainsi les modes de transfert des connaissances depuis la recherche agronomique vers l'agriculture. Ceux-ci utilisent souvent les modèles. Mais, (Passioura 1996) distingue deux types de modèles. Un premier type est plus dédié à la recherche. Ce type représente et explicite le fonctionnement d'un système. Ils sont importants en agriculture durable car ils permettent d'accélérer les choix stratégiques possibles (Jeuffroy, Bergez et al. 2008) sans attendre que tous les événements imaginables aient eu lieu dans un système de culture. Ils sont complémentaires aux expérimentations qui valident les modèles (Jeuffroy, Bergez et al. 2008). Les modèles agronomiques sont limités (Jeuffroy, Bergez et al. 2008). Ils ne s'appliquent souvent que sur l'itinéraire technique d'une culture voire sur l'une de ses parties. Rarement, ils prennent en compte les interactions entre techniques ou le système de culture. Malgré ces limites, ils sont complexes à manipuler. De fait, les modèles des

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Par exemple, l'outil Masc évalue la durabilité à l'échelle d'une succession culturale Bockstaller, C., M.-B. Galan, M. Capitaine, B. Colomb, J. Mousset et P. Viaux (2008). Comment évaluer la durabilité des systèmes en production végétale. Systèmes de culture innovants et durables Quelles méthodes pour les mettre au point et les évaluer ? E. éditions. Paris Pages 29 à 51.

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chercheurs sont encore trop rarement utilisés directement (Jeuffroy, Bergez et al. 2008; Le Gal 2009), en particulier en agriculture durable. Ils nécessitent des moyens supplémentaires (Le Gal 2009) pour être transformés en connaissances opérationnelles à travers des modèles ingénieriques. Ils deviennent alors intéressants pour faire évoluer les techniques ou transférer des connaissances (Jeuffroy, Bergez et al. 2008). Car, certaines connaissances académiques deviennent exploitables si elles sont adaptées aux territoires, voire à des typologies d'agriculteurs. Ce type de modèle ingénierique a un rôle de médiateur entre le monde de la recherche et celui du développement (Jeuffroy, Bergez et al. 2008). Les outils ingénieriques aident à la conception de système de culture. En exploitant certains de ces modèles, les outils d'aide à la décision et les règles de décision développent la capacité d'offrir des conseils adaptés aux réalités de chaque système cultural. Ainsi, des modèles de prévision de risque basés sur des données météorologiques locales vont communiquer des conseils de traitement, par exemple, du cuivre sur le mildiou102. Les outils existants sont malheureusement souvent encore adaptés à l'agriculture intensive (Aubertot, Barbier et al. 2005), ne serait-ce que du fait même des limites des modèles évoquées ci-dessus. Il sont de plus peu utilisés (Loyce et Wery 2006). Cette démarche ingénierique produit également des cas types de systèmes de culture103 ainsi que des documents de vulgarisation.

Agriculture durable

Produire des concepts, produire des théories Un objet Des méthodes de travail 1 2 3 4 Une histoire, un contexte Agronomie - Modèle agronomique évalué selon les critères du développement durable - Publication

Le point de vue de l’agriculture durable Prise en compte du temps long

et des interactions entre cultures et entre techniques

Règle de décision

Cas type de SdCi Apprentissage Document de vulgarisation Modèle ingénierique Outil d’aide à la décision Agriculture durable Agriculture durable

Produire des concepts, produire des théories Un objet Des méthodes de travail 1 2 Un objet Des méthodes de travail 1 2 3 4 Une histoire, un contexte Agronomie - Modèle agronomique évalué selon les critères du développement durable - Publication

Le point de vue de l’agriculture durable Prise en compte du temps long

et des interactions entre cultures et entre techniques

Règle de décision

Cas type de SdCi Apprentissage Document de vulgarisation Modèle ingénierique Outil d’aide à la décision Règle de décision Règle de décision

Cas type de SdCi Cas type de SdCi

Apprentissage Document de vulgarisation Document de vulgarisation Modèle ingénierique Modèle ingénierique Outil d’aide à la décision Outil d’aide à la décision

Figure II-10 : agronomie et agriculture durable d’après (Sebillotte 2006)

Certaines structures de recherche mettent également à disposition des résultats de recherche grâce à des outils104 internet. Ces publications sont dédiées aux chercheurs,

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Source ITAB

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Un cas type est une "exploitation fictive, constituée par modélisation, et décrite grâce aux données concrètes et cohérentes des exploitations suivies d'un même système" Cerf, M. et D. Lenoir (1987). Le développement agricole en France, Presses universitaires de France Que sais-je ?

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Notamment le site http://eic.endure-network.eu:8080/webui/ du réseau d'excellence européen Endure, "European Network for the Durable Exploitation of Crop Protection Strategies". Développé de 2007 à 2010,

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mais elles sont aussi une porte d'entrée aux conseillers pour accéder aux connaissances académiques. Cependant, (Ministère de l'écologie de l'énergie du développement durable et de la mer et Ministère de l'alimentation de l'agriculture et de la pêche 2009) soulignent que ces outils répondent de façon insuffisante aux besoins des acteurs du développement agricole, en particulier en terme d'échanges entre producteur et destinataire de la connaissance.

Cette appropriation de connaissances académiques par les agriculteurs suit donc un cheminement complexe. Elle exige une adaptation progressive du contenu ainsi qu'un apprentissage entre source et destinataire de la connaissance (Krogh Von 2003)105. Cette adaptation passe, par exemple, par les objets vus ci-dessus et par des expérimentations dans les exploitations agricoles elles-mêmes.

II-7-4 Historique de l’informatisation de la gestion de la