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CHAPITRE II : ETAT DE L’ART SUR LA GESTION DES

A.2 Modes de cartographie des connaissances

(Aubertin 2007) recense trois types d'approche de cartographie des ressources cognitives par la mise en évidence des savoirs par domaine, par compétence et associés aux processus.

Approche conceptuelle ou par domaine : Un domaine est lié à un champ d'activité d'un groupe d'acteurs. Cette approche est adaptée à des niveaux de complexité élevée. Elle s'illustre par exemple par des arbres ou des cartes cognitives (Ermine 2007b).

Approche fonctionnelle : Elle marque les compétences. Elle est rapide à mettre en œuvre. Elle est privilégiée par la hiérarchie. Voisine d'un organigramme, elle est donc très dépendante de l'organisation.

Approche procédurale ou par processus : Elle est la seule des trois méthodes à relier le savoir au travail. L'approche procédurale est assez complexe à mettre en œuvre. Elle a été bien explorée par la méthode Gameth de (Grundstein 2000b; Grundstein 2002). Celle-ci comprend quatre étapes où sont reconnus successivement les points suivants: les processus sensibles i.e. les enjeux reconnus collectivement, les activités critiques liées à ces processus, les connaissances nécessaires pour y résoudre les problèmes déterminants et celles nécessaires au bon fonctionnement de ces activités, enfin la mesure du caractère crucial de ces dernières connaissances.

Ces trois modes cartographiques sont connectés selon la double logique présentée dans la Figure II-4 ci-dessous : d'une part, une première logique qui va des connaissances à l'action et d'autre part une seconde qui circule d'un niveau opérationnel à un niveau stratégique. Une connaissance est mobilisée par une compétence dans le cadre d'un processus.

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Patrimoine

des K Compétences Processus

Cartographie des K Référentiel métiers Cartographie des processus K critiques Compétences clés Processus critiques De l’opérationnel au stratégique Des connaissances à l’action Patrimoine

des K Compétences Processus Patrimoine

des K Compétences Processus

Cartographie des K Référentiel métiers Cartographie des processus Cartographie des K Référentiel métiers Cartographie des processus K critiques Compétences clés Processus critiques De l’opérationnel au stratégique Des connaissances à l’action

Figure II-4 : les trois approches connaissances/compétences/processus d'après (Aubertin 2007)

Dans chacun de ces modes cartographiques, le niveau de criticité est affichable. Ils ont un caractère systématique car ils essayent tous d'avoir une vue globale de l'organisation. Les trois finalités associées à l'école technocratique de (Earl 2001) sont voisines des trois approches d'Aubertin (voir Tableau II-3 ci-dessous). Les deux autres écoles économique et comportementale ne répondent pas au besoin d'inventaire mis en œuvre dans la cartographie. Ces deux écoles économique et comportementale obéissent respectivement à une logique pour la première opportuniste et pour la seconde dynamique. Le tableau joint présente ces liens de proximité entre cartographie et école stratégique technocratique. Cartographie (Aubertin 2007) Approche conceptuelle (patrimoine des K critiques) Approche fonctionnelle (compétences) Approche Procédurale (processus) Ecole stratégique technocratique (Earl 2001)

Système Cartographique Ingénierie Tableau II-3: cartographie et école stratégique technocratique

B Plan d’action pour réduire les risques d’une mauvaise gestion des

connaissances par la gestion des compétences

La compétence est la capacité d'appliquer des connaissances. Le savoir lié au cœur de métier d'une organisation devrait donc s'accorder aux compétences clés présentes dans cette même organisation. Cette démarche ne va pas de soi. Les compétences sont individuelles même si elles ont une dimension collective par leurs interactions. Les connaissances ont une dimension collective selon la spirale des connaissances de Nonaka. Ainsi, les compétences sont souvent gérées par l'organisation hiérarchique alors

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que les connaissances le sont plus par l'activité i.e. dans le cadre de processus transversaux et non verticaux (Wallerand 2007).

L'alignement stratégique vise à dépasser la contradiction présentée entre la gestion verticale des compétences et la gestion transversale des connaissances. L'alignement stratégique est un concept développé dans les années 90 dans le cadre plus large des systèmes d'information. Il met en cohérence le système d'information de l'entreprise avec ses bases stratégiques. Cet alignement contribue à une meilleure performance stratégique mais aussi à une meilleure performance opérationnelle (Kéfi, Schwarz et al. 2006). L'alignement stratégique exprime une volonté de la direction de confronter ses besoins en termes de métiers résultant de son analyse stratégique à ceux exprimés dans le cadre d'une approche terrain portant sur les savoir-faire métiers des processus de production. Cette confrontation de la cartographie des compétences stratégiques et de la cartographie des savoir-faire métiers critiques met en évidence les compétences à gérer prioritairement. Ces savoir-faire stratégiques et critiques sont capitalisés, partagés et transférés (Benmahamed et Ermine 2007).

C Plan d'actions pour réduire la criticité des savoirs par leurs

transferts

La cartographie des connaissances met en exergue leur criticité. Réduire cette criticité implique le développement de ces connaissances et leur détention par un nombre significatif d'acteurs. En partant de la spirale des connaissances de (Nonaka et Takeuchi 1995), (Ermine 2007b) met en évidence deux grands types de transfert et donc de développement des connaissances. Ils sont matérialisés dans la Figure II-5.

Transfert direct : Ce mode de gestion concerne les connaissances tacites non explicitables mais pas uniquement. Par exemple, dans le cas de connaissances tacites rapidement obsolètes, l'explicitation des connaissances n'est pas non plus recherchée. Les connaissances sont portées par des personnes. Le rapprochement de ces personnes dans le cadre d'une communauté de savoir assure un transfert des connaissances par apprentissage. Ainsi, les annuaires d'experts recensent les individus porteurs de savoir-faire sans chercher à expliciter ces derniers. Ce mode de gestion facilite le travail coopératif.

Transfert indirect : Les connaissances tacites explicitables sont explicitées. De même, les informations sont traitées pour être transformées en savoir57. Les connaissances explicitées font l'objet d'un partage puis d'une appropriation par les membres de l'organisation. Ces connaissances explicites peuvent être combinées avant d'être remobilisées et intégrées sous forme de connaissances tacites.

57

Des connaissances sont extraites à partir de textes (Texte Mining) ou par la fouille de données (Data Mining) stockées dans des entrepôts de données (Datawharehouse).

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Tacite

Tacite Explicite

Explicite

Socialisation Explicitation Partage Recombinaison Appropriation Transfert indirect Transfert direct

Tacite

Tacite Explicite

Explicite

Socialisation Explicitation Partage Recombinaison Appropriation Transfert indirect Transfert direct

Figure II-5 : le cercle vertueux des connaissances

d'après Figure II-2 : spirale de conversion de connaissances ou modèle SECI (Nonaka et Takeuchi 1995) et (Ermine 2007b)

Par sa méthode Gameth, Grunsdtein propose d'établir les connaissances cruciales à partir d'une analyse des processus critiques (voir le paragraphe sur les Modes de cartographie des connaissances). Ces connaissances sont de deux types: soit tacite mais non explicitable, soit tacite explicitable (ou bien déjà explicitée) (Grundstein 2002). Dans les deux cas, les personnes qui portent ces connaissances sont identifiées. Dans le premier cas, le transfert direct de personne à personne sera privilégié alors que dans le second cas les connaissances explicitées vont être déployées par transfert indirect (voir Figure II-5 : le cercle vertueux des connaissances). La méthode Gameth repose typiquement sur une analyse transversale. Les agents de terrain doivent bien entendu convaincre la hiérarchie de favoriser ces apprentissages. Mais dans cette démarche, la hiérarchie n'est pas un des éléments moteurs.

Ces deux modes de gestion se distinguent bien. On y retrouve les deux stratégies de (Hansen, Nohria et al. 1999). Soit l'organisation gère les personnes et leurs connaissances tacites, soit elle gère les connaissances explicites (Hansen, Nohria et al. 1999; Ermine 2007b). Ces deux stratégies sont souvent complémentaires au sein d'une même entreprise. Elles s'appuient sur des techniques informatiques et internet qui produisent de nouvelles approches de la gestion de la connaissance (Quaddus et Xu 2004). Les technologies dites du Web 2.0 ont ainsi introduit une dimension plus collaborative à cette gestion (Dudezert et Boughzala 2007a). Cependant, le nombre d'outils a tendance à s'accroître, ce qui pose le problème de leur choix (Leidner 2007). A partir du modèle SECI, nous allons explorer plus particulièrement les trois étapes de socialisation (tacite à tacite), d'explicitation (tacite à explicite) et de partage (explicite à explicite) de la spirale de conversion des connaissances. Les outils de recombinaison (explicite à explicite) et donc d'innovation seront abordés plus spécifiquement dans le paragraphe II-3 . Les méthodes d'appropriation (d'explicite à tacite) ne sont pas traitées.

D Méthodes et outils pour diminuer la criticité des savoirs : transfert

direct

Les connaissances tacites sont portées par les processus cognitifs des individus. Autour d'un domaine partagé, un réseau, i.e. une communauté de savoirs, relie ces individus.

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L'animation des connaissances tacites passe par l'identification et la gestion (Soulier, Zacklad et al. 2002) de ces communautés de savoir, de leur processus de partage ainsi que de leurs usages des outils technologiques. Le "Ba" de Nonaka associé aux échanges de connaissances tacites est qualifié d'originel par (Bourdon 2004). Ce processus coopératif se situait historiquement dans une unité de temps et de lieu. Cependant, le développement d'outils éventuellement collaboratifs (Balmisse 2006) reposant notamment sur la voix, le texte et les images, élargit ce "Ba originel" à des partages dans des environnements différenciés de temps et d'espace (Grundstein 2002). Nous verrons ultérieurement comment ces communautés de savoirs explicitent également leurs connaissances.

E Méthodes et outils pour diminuer la criticité des savoirs : transfert

indirect

E.1 Du tacite à l'explicite: l'explicitation

L'explicitation des connaissances aboutit à des documents textuels plus ou moins structurés mais aussi à des modèles (Ermine 1998). Elle peut être coûteuse à mettre en œuvre (Ermine 2007b). Il faut pour cela résister à la tentation de tout écrire et aller à l'essentiel (Le Boterf 2008). (Dieng-Kuntz 2007) propose également de créer une mémoire d'entreprise en se fondant sur différents modèles (entreprise, organisation, scénario…) et en y associant un ou plusieurs choix technologiques. Une fois les pilotes développés, leur réussite conduit à leur généralisation (Balmisse 2006). Deux grands modes de création de connaissances sont discernés : ceux ayant pour support la conduite de projets et ceux issus de personnes ayant les compétences:

La mémorisation de construction des projets capitalise les connaissances acquises (Djaiz et Matta 2007). La “Logique de conception” regroupe un ensemble de méthodes (ex: ABRICo58

, IBIS59

, QOC60

…) visant à capitaliser les choix effectués lors d’un projet de conception ainsi que les justifications de ces choix.

L'ingénierie des connaissances utilise notamment des méthodes qui reposent pour l'essentiel sur des échanges avec les porteurs des connaissances tacites ainsi que sur une gestion documentaire. Selon son concepteur Jean-Louis Ermine (Ermine 1996, 2e édition 2000), la méthode MASK61 qui a succédé à la méthode MKSM62 donne des connaissances par l'intermédiaire des livres de connaissances. Nous avons plus particulièrement détaillé cette méthode en Annexe 1 - LA METHODE MASK car nous l’avons retenue. Nous expliquerons plus tard les raisons de ce choix. CYGMA63 modélise également des livres de connaissances à travers des bréviaires métiers. CYGMA est associé à des outils de conception assistés par ordinateur. La méthode CommonKADS64 est plus orientée vers la spécification des systèmes informatiques tels que les systèmes experts ou les raisonnements à partir de cas (voir infra "De l'explicite à l'explicite : le partage").

58

ABRICO: Accords, Buts, pRopositions, Interprétations en COnception

59

IBIS: Issue-Based Information Systems

60

QOC: Questions, Options, Critères

61

MASK: Method for Analysing and Structuring Knowledge

62

MKSM: Method for Knowledge System Management

63

CYGMA: CYcle de vie et de Gestion des Métiers et Applications

64

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L'approche par les retours d'expérience exploite des événements internes aux organisations (Rakoto 2004; Worley, Rakoto et al. 2005). Elle a un certain niveau de généricité. Plusieurs communautés scientifiques s'y intéressent (Chebel-Morello 2008): communauté des statisticiens qui extraient des connaissances à partir de données, communauté de management de connaissance, communauté de raisonnement à partir de cas. En management des connaissances, Rex65, Merex66 sont les méthodes exploitant les retours d'expérience parmi les plus connues. Rex utilise des fiches normées et informatisées. Chaque fiche décrit la solution développée face à un problème donné. De grandes entreprises françaises ont défini une méthode de retour d'expérience normalisée par l'Afnor (AFNOR 2000). Ces méthodes sont utilisées dans de nombreuses entreprises. Elles ont fait leurs preuves dans le domaine de l'ingénierie (Reix 2004).

Les connaissances une fois explicitées ont comme cible des agents humains (méthode MASK) ou bien des ordinateurs (méthode CommonKADS).

Des outils de travail collaboratif, comme les outils de publication collaborative, facilitent également ce travail d'explicitation (Balmisse 2006). Ces outils, comme les systèmes de gestion de contenu (CMS) ou les wikis, sont accessibles simplement, grâce à un navigateur web. Par ailleurs, un système de gestion de contenu est un outil ambitieux. Ce système conçoit et met à jour dynamiquement des sites Web. Il peut inclure un grand nombre de fonctionnalités: communication asynchrone du type RSS, galerie de photos, etc., ainsi que des espaces collaboratifs du type blog ou wiki (Keita 2007).