rapport aux profils réalisés avant vieillissement.
Dans le cas de l’acier Crofer22APU non revêtu pré-oxydé (Figure IV.37.a), aucune trace
de MnO n’a été détectée en DRX mais la couche de chromine interne s’est nettement enrichie
en Mn et en Fe : la pré-oxydation ne semble donc pas stopper la diffusion importante du Fe et
du Mn sous atmosphère anodique observée dans le Chapitre III. Comme sous air, la zone
interne affectée par la ségrégation du Ti est très importante. En revanche, si aucune
ségrégation en Ti à l’interface externe n’est observée après vieillissement, son signal est
nettement plus important dans la chromine et dans l’oxyde spinelle qu’avant. Il s’agit
probablement de l’effet conjugué de la présence de vapeur d’eau qui accélère la corrosion du
Ti, et d’une faible pression partielle en oxygène qui permet de le solubiliser davantage dans
les couches d’oxyde. Sa présence est intéressante puisqu’il augmente sensiblement la
conductivité électrique de la chromine et des oxydes spinelles.
Concernant l’alliage Crofer22APU revêtu de La
2O
3pré-oxydé (Figure IV.37.b), la
composition chimique de la couche externe ne semble que très faiblement affectée par le
vieillissement sous H
2/10%H
2O. Le signal en La atteint son maximum à l’interface externe,
ce qui correspond à la phase pérovskite LaCrO
3détectée en DRX. Sous H
2/10%H
2O, il
semble que la pré-oxydation du revêtement de La
2O
3soit très efficace puisque la pérovskite a
parfaitement bloqué la migration du Fe et du Ti vers l’interface externe. Elle est néanmoins
dopée par du Mn. Comme dans le cas de l’échantillon non revêtu, la délimitation de la
frontière entre l’oxyde spinelle et la chromine est délicate. En effet, le signal de Mn est
nettement plus important dans la partie interne qu’avant vieillissement à 800°C. Enfin, un
enrichissement en Fe est nettement visible dans cette même partie interne de l’oxyde.
Contrairement au vieillissement sous air, c’est la couche d’oxyde formée à la surface de
l’acier Crofer22APU revêtu d’yttrine pré-oxydé qui semble avoir le moins évolué (Figure
IV.37.c). L’yttrine est toujours accumulée à l’interface externe sans évolution notable depuis
l’étape de pré-oxydation. La faible pression en oxygène bloque donc toute réactivité entre
l’yttrine et les oxydes en croissance. En revanche, le film interne d’oxyde se compose
principalement d’un oxyde spinelle, la couche de chromine ayant quasiment disparu.
L’acier Fe30Cr non revêtu pré-oxydé (Figure IV.38.a) présente une couche de chromine
qui s’est légèrement épaissie lors du vieillissement : la partie interne du film de corrosion
s’est nettement enrichie en Fe. Comme dans le cas de l’acier Crofer22APU revêtu de La
2O
3pré-oxydé, la couche externe de pérovskite à la surface de l’alliage Fe30Cr revêtu de La
2O
3pré-oxydé (Figure IV.38.b) n’a pas été modifiée : c’est la strate interne qui s’est simplement
enrichie en Fe. Enfin, le début de réactivité observé dans le cas du revêtement d’yttrine
pré-oxydé à la surface de l’acier Fe30Cr (Figure IV.38.c) n’a pas évolué.
Figure IV.37 : Profil de composition réalisé par SIMS de l’acier Crofer22APU non revêtu (a), revêtu de La2O3 (b) et de Y2O3 (c) pré-oxydé après oxydation sous H2/10%H2O sous 150 mbar pendant 100 h à 800°C.
Figure IV.38 : Profil de composition réalisé par SIMS du Fe30Cr non revêtu (a), revêtu de La2O3 (b) et de Y2O3 (c) pré-oxydé après oxydation sous H2/10%H2O sous 150 mbar pendant 100 h à 800°C.
(a)
(a)
(b) (b)
En ce qui concerne la conductivité électrique sous H
2/10%H
2O, il est fort probable qu’elle
soit bien meilleure avec une pré-oxydation que sans. La présence d’un oxyde pérovskite tel
que LaCrO
3semble à première vue intéressante. Les chromites de lanthane sont des
semi-conducteurs de type p. Lors de la diminution de la pression partielle en oxygène, les trous
d’électron sont consommés par la formation de lacunes d’oxygène. Ce phénomène engendre
alors une nette diminution de la conductivité électrique [14]. Il est donc fort probable que la
conductivité électrique des alliages revêtus de La
2O
3pré-oxydés soit plus faible sous
H
2/10%H
2O que sous air. La présence d’yttrine est quant à elle toujours défavorable. Enfin, la
présence de Ni métallique dans la couche d’oxyde de l’alliage Haynes230 non revêtu
pré-oxydé pourrait être très intéressant.
En résumé…
Le chapitre III avait permis de démontrer l’effet bénéfique des éléments réactifs sur la
résistance à l’oxydation et sur les propriétés électriques à haute température. Dans ce chapitre,
les tests d’oxydation pendant 100 h à 800°C sous atmosphères anodique et cathodique ont
permis de démontrer l’effet bénéfique sur la résistance à l’oxydation d’une pré-oxydation
de 2 h à 1000°C sous air. Si les vitesses d’oxydation sont beaucoup plus faibles, il est
néanmoins difficile de déterminer les types de régimes cinétiques d’oxydation, en
particulier dans le cas des alliages Haynes230 et Fe30Cr revêtus où les prises de masse
sont quasiment nulles.
La couche externe des films d’oxyde est toujours formée de l’oxyde spinelle (Cr,Mn)
3O
4,
qui limite la volatilisation des oxydes de chrome. Un autre effet bénéfique de la
pré-oxydation est l’augmentation significative de la réactivité entre l’yttrine et la chromine,
permettant l’apparition de la pérovskite YCrO
3et donc une augmentation de la
conductivité électrique des couches d’oxydes. En revanche, l’oxydation interne du Ti
semble beaucoup plus importante. Que se soit sous air ou sous H
2/10%H
2O, l’oxydation de
l’alliage Crofer22APU revêtu ou non pré-oxydé se traduit uniquement par un
épaississement des couches d’oxyde de type spinelle.
Sous atmosphère anodique, les couches de pérovskite LaCrO
3sont parfaitement
stables mais la synthèse de YCrO
3est complètement bloquée. La vapeur d’eau a toujours
une influence importante sur la morphologie des films de corrosion et semble
promouvoir la diffusion du Fe et du Mn vers l’interface externe. Néanmoins, l’oxyde de
manganèse MnO n’est pas présent après 100 h et les couches d’oxyde semblent moins
poreuses. Ces manifestations expliquent la complexité des mécanismes contrôlant les
processus d’oxydation.
Des mesures concrètes de conductivité sous H
2/10%H
2O permettraient de trancher sur
l’effet de la pré-oxydation. L’épaississement de la couche d’oxyde est néfaste mais la
présence de pérovskite sous air et sous H
2/10%H
2O est bien évidemment intéressante.
Comme sous air, la cinétique lente est certes intéressante car elle limite l’augmentation du
paramètre ASR, mais elle est également synonyme d’un mouvement des porteurs de charge
plus faible.
IV.4. Références
1
S. Chevalier, S. Ched’Homme, A. Bekaddour, K. Amilain-Basset, L. Buisson : Materials
and Corrosion 58 (2007) 353-361.
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3
B. A. Pint : Oxidation of Metals 45 (1996) 1-37.
4
S. Chevalier, J. P. Larpin, P. Dufour, G. Strehl, G. Borchardt, K. Przybylski, S. Weber, H.
Scherrer : Materials at High Temperatures 20 (2003) 365.
5
W. Z. Zhu, Y. Mi : Journal of Zhejang University Science 5 (2004) 1471-1503.
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W. J. Weber, C. W. Griffin, J. L. Bates : Journal of the American Society 70 (1987)
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W. J. Quadakkers, J. Prion-Abellan, V. Shemet, L. Singheiser : Materials at High
Temperatures 20 (2003) 115-127.
8
L. Antoni : Materials Sciences Forum 461-464 (20004) 1073-1090.
9
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10
J. W. Fergus : Solid State Ionics 171 (2004) 1-15.
11
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Society 142 (1995) 3073-3077.
12
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Scripta Materialia 57 (2007) 671-674.
13