Crofer22APU et Fe30Cr non revêtus, puis sur les alliages revêtus de La
2O
3et de Y
2O
3. Les
conditions de marquages sont de 6 h d’oxydation sous
16O
2, suivies de 16 h d’oxydation sous
18
O
2, ces conditions établies d’après les courbes cinétiques obtenues lors des oxydations
isothermes sous air. Le temps d’oxydation total des tests de marquage est déterminé afin
d’atteindre, en fin de marquage, le régime stationnaire observé sur les courbes cinétiques. Les
temps de marquage sous
16O
2et
18O
2sont déterminés afin de faire croître des épaisseurs
égales de couche d’oxyde sous ces deux atmosphères. L’analyse par SIMS de la couche
d’oxyde permet ensuite d’établir les profils de distribution des deux isotopes et de déduire
ainsi le mode de croissance de la couche d’oxyde.
Dans le cas du Crofer22APU non revêtu (Figure VI.1.a), la couche externe contient
majoritairement
18O dont le signal décroît progressivement alors qu’augmente celui de
16O.
Néanmoins, la frontière entre les deux pics n’est pas clairement définie. Si la croissance de la
couche a lieu principalement par diffusion cationique, il apparaît une légère contribution
anionique. Cette contribution provient probablement du La présent comme élément d’alliage
dans l’acier Crofer22APU qui est connu pour ségréger aux joints de grains de l’oxyde et
limiter le transport des cations métalliques [1, 2, 5, 6]. Par conséquent, même si l’ensemble
des analyses présentées dans le Chapitre III n’ont pas permis de détecter la présence du La
dans la couche de corrosion, il semble pourtant avoir une influence bénéfique sur le processus
d’oxydation. Néanmoins, ces constatations sont à prendre avec précaution, puisque l’alliage
Crofer22APU n’est pas un alliage purement chromino-formeur.
La surface de la couche d’oxyde formée sur le Fe30Cr non revêtu (Figure VI.2.a) est riche
en
18O ; le signal en
18O diminue ensuite progressivement tandis que la couche s’enrichit en
16
O. Ce cas correspond à un mécanisme par diffusion cationique où les cations Cr
3+migrent
depuis le métal vers l’interface gazeuse, où germent les nouveaux grains d’oxyde. La
croissance à cette interface libre permet le développement d’une structure colonnaire dont le
grand axe est orienté perpendiculairement à la surface de l’échantillon. Ceci est dû à la
diffusion des cations. Par ailleurs, ce mécanisme conduit à la génération de lacunes
métalliques à l’interface métal/oxyde et provoque la formation de pores plus ou moins
importants, responsables de la faible adhérence de la couche d’oxyde (Figure VI.3). Ce
résultat est parfaitement conforme aux théories établies jusqu’à présent dans la littérature dans
le cas de la croissance d’une couche de chromine pure [1, 2, 3, 4, 5, 6].
Figure VI.1 : Profil de composition réalisé par SIMS de l’acier Crofer22APU revêtu (a), revêtu de La2O3 (b) et de Y2O3 (c) après marquage isotopique sous 16O2/18O2.
Figure VI.2 : Profil de composition réalisé par SIMS de l’acier Fe30Cr non revêtu (a), revêtu de La2O3 (b) et de Y2O3 (c) après marquage isotopique sous 16O2/18O2.
(a) (a)
(b) (b)
Figure VI.3 : Schéma du développement de la couche d'oxyde sous air
Dans le cas de l’acier Crofer22APU, l’ajout d’un revêtement de La
2O
3(Figure VI.1.b) ne
modifie pas le profil de composition chimique obtenu après marquage isotopique. La frontière
entre le maximum du signal du
18O et celui du
16O n’est toujours pas discernable. La
contribution anionique dans le mécanisme de croissance de la couche de corrosion reste donc
très faible. Concernant l’alliage Crofer22APU revêtu de Y
2O
3(Figure VI.1.c), la contribution
anionique semble légèrement plus importante. En effet, comme dans le cas de l’acier Fe30Cr,
le signal du
16O présente deux maxima dont le premier coïncide avec celui du signal du
18O.
Les éléments réactifs ne modifient donc que très partiellement le mécanisme de corrosion de
l’acier Crofer22APU. L’absence de ségrégation des éléments réactifs aux joints de la
chromine est sans aucun doute la raison de la non inversion du processus de croissance. En
effet, les analyses MET présentées dans le Chapitre III n’ont pas montré de ségrégation aux
joints de grains de la chromine après 100 h à 800°C sous air. Ces expériences de marquage
isotopique n’ont été réalisées que sur les 22 premières heures d’oxydation. Il est envisageable
qu’après plusieurs centaine d’heures d’oxydation, les éléments réactifs viennent ségréger aux
joints de grains de l’oxyde et stopper la diffusion cationique externe. Un tel phénomène
permettrait d’expliquer l’effet bénéfique des éléments réactifs sur la tenue à l’oxydation du
Crofer22APU après plusieurs milliers d’heure.
L’ajout d’un revêtement de La
2O
3à la surface de l’acier Fe30Cr (Figure VI.2.b) modifie
les profils SIMS obtenus après marquage. L’extrême surface de l’oxyde (300 premiers
nanomètres) correspond à la phase pérovskite LaCrO
3, issue de la réaction du revêtement de
La
2O
3et de la chromine en croissance. Le signal en
18O présente deux maxima, l’un près de
l’interface pérovskite/chromine, l’autre, plus faible à l’interface interne. L’hypothèse la plus
probable est que la couche d’oxyde croit par diffusion mixte (anionique et cationique).
Concernant le cas de l’acier Fe30Cr revêtu de Y
2O
3(Figure VI.2.c), la surface externe de
l’oxyde est constituée de la couche d’yttrine n’ayant pas réagit avec la couche de chromine en
croissance. Le profil du signal de l’
16O présente deux maxima dont l’origine n’a pas pu être
déterminée. En revanche, le maximum de l’
18O coïncide quasiment avec le premier maximum
du
16O. Il est très probable que la croissance de la couche d’oxyde a lieu également par
diffusion mixte. Ainsi, dans le cas de l’acier Fe30Cr revêtu d’oxyde d’élément réactif, la
diminution de la vitesse de transport des cations métalliques permet une croissance nettement
plus lente de la couche de chromine et donc une diminution de la constante de vitesse
parabolique. En outre, ce changement de mécanisme confère aux grains de Cr
2O
3une
morphologie équiaxe plus fine et limite la formation de lacunes cationiques à l’interface
des éléments réactifs sur les mécanismes d’oxydation n’est pas totalement celui attendu. A
des températures supérieures à 900°C, les éléments réactifs ségrégent aux joints de grains de
la chromine et bloque totalement la diffusion cationique [7, 8, 9, 10, 11, 12]. Une
température de 800°C ne semble donc pas suffisante pour inverser complètement le
mécanisme d’oxydation au moins sur 22 h d’oxydation. Certains auteurs comme Tsai et al.
[13] ont également observé, à des températures inférieures à 900°C, l’influence limitée de
l’implantation d’yttrium sur un alliage Ni-30Cr sur le mécanisme de croissance de l’oxyde.
VI.2. Effet d’une pré-oxydation
Afin de déterminer l’influence d’une pré-oxydation sur le mécanisme d’oxydation des
alliages Crofer22APU et Fe30Cr non revêtus et revêtus de La
2O
3ou de Y
2O
3, des expériences
de marquages isotopiques sous
16O
2/
18O
2ont été réalisées. Les conditions de marquages sont
identiques à celles qui précèdent. Les analyses thermogravimétriques sous air des échantillons
pré-oxydés n’ayant pas permis de déterminer le type de régime cinétique (Chapitre IV),
l’interprétation des profils de composition chimique considérera que le processus de diffusion
est l’étape limitante dans le mécanisme de corrosion, ce qui est l’hypothèse la plus
vraisemblable. En outre, les cinétiques de corrosion étant nettement plus lentes que dans le
cas des échantillons non pré-oxydés, les profils de composition chimique sont présentés en
échelle logarithmique.
Concernant l’alliage Crofer22APU non revêtu pré-oxydé (Figure VI.4.a), le profil SIMS
est légèrement différent de celui réalisé sur l’alliage non pré-oxydé. Le signal en
18O présente
un maximum, relativement large, à l’interface externe puis décroit progressivement, alors que
le signal en
16O est quasiment continu sur toute l’épaisseur du film d’oxyde. L’hypothèse la
plus probable est que la contribution anionique soit plus importante que dans le cas du
Crofer22APU non revêtu non pré-oxydé. L’étape de pré-oxydation a donc limité fortement la
contribution cationique, ce qui explique la diminution de la cinétique d’oxydation de l’alliage
Crofer22APU non revêtu pré-oxydé. L’origine de ce changement provient probablement du
La, contenu initialement dans l’alliage, qui a pu lors de la pré-oxydation à 1000°C ségréger
plus facilement aux joints de grains et bloquer la diffusion cationique lors du vieillissement à
800°C.
Dans le cas de l’alliage Fe30Cr non revêtu pré-oxydé (Figure VI.5.a) la couche semble
croître par diffusion cationique puisque le maximum du signal en
18O est proche de l’interface
externe. Ce mécanisme de croissance était pressenti puisque aucun élément d’alliage n’est
susceptible d’inverser le mécanisme de croissance. Celui-ci explique donc la présence de
pores et de fractures à l’interface métal/oxyde lorsque l’acier Fe30Cr pré-oxydé est soumis à
l’air pendant 100 h ou 320 jours (Chapitre IV et V). En outre, il est intéressant de remarquer
que l’épaisseur en
16O est considérable, ceci provenant de l’étape de pré-oxydation réalisée
sous air de laboratoire (environ 1,5 µm après 2 h à 1 000°C), alors que l’épaisseur d’oxyde
riche en
18O est très mince. Ce phénomène démontre donc que la croissance de la couche de
corrosion est nettement plus importante lors de la pré-oxydation pendant 2 h à 1000°C que
pendant le vieillissement sous air à 800°C pendant 22 h.
Dans le cas de l’acier Crofer22APU revêtu de La
2O
3(Figure VI.4.b) ou de Y
2O
3(Figure
VI.4.c), la réalisation d’une pré-oxydation modifie les profils de composition chimique
obtenus après marquage isotopique. Concernant l’alliage Crofer22APU revêtu de La
2O
3pré-oxydé, le signal en
18O présente un seul maximum situé au milieu de la couche d’oxyde. La
Figure VI.4 : Profil de composition réalisé par SIMS de l’acier Crofer22APU revêtu (a), revêtu de La2O3 (b) et de Y2O3 (c) pré-oxydé après marquage isotopique sous 16
O2/18O2.
Figure VI.5 : Profil de composition réalisé par SIMS de l’acier Fe30Cr non revêtu (a), revêtu de La2O3 (b) et de Y2O3 (c) pré-oxydé après marquage isotopique sous 16
O2/18O2.
(a) (a)
(b) (b)