La surface de l’acier Fe30Cr revêtu de La
2O
3est très circonvoluée (Figure V.10.a) et est
composée de petites cristallites riches en Cr et O présentant des traces de lanthane. Une seule
phase a été caractérisée en DRX : il s’agit de la chromine. Comme dans le cas de l’acier
Crofer22APU, le lanthane s’est dilué dans toute l’épaisseur de la couche de chromine. Cette
morphologie est identique à celle observée par Chevalier et al. sur l’acier Fe30Cr revêtu de
Nd
2O
3[3]. Cette morphologie peut être liée à une plasticité plus importante de la couche
d’oxyde associée à l’incorporation de lanthane. Le lanthane permettant une diminution de la
taille des grains composant la couche de chromine, il induit une augmentation de la plasticité
de la chromine. Dans le cas de l’alliage non revêtu, les grains étant beaucoup plus gros, les
contraintes thermiques se sont relaxées plutôt par décollement de la couche lors du
refroidissement. Toutefois, l’observation de la coupe transverse associée (Figure V.10.b)
permet d’être plus critique. La couche d’oxyde a une épaisseur moyenne de 6,2 µm (proche
de celle de l’alliage non revêtu), est très irrégulière (ceci étant lié au phénomène de
circonvolution) et présente quelques pores à l’interface interne, préjudiciable pour la tenue
mécanique de cette couche. Ces pores sont toutefois moins nombreux et plus petits. Leur
présence témoigne de l’inefficacité d’un revêtement de La
2O
3sur la tenue à la corrosion sur
une longue durée d’oxydation.
Le revêtement de Y
2O
3(Figure V.11) a un comportement nettement différent de celui de
La
2O
3. La couche de corrosion n’a guère évolué par rapport à ce qui a été observé après 100 h
d’oxydation. Elle est homogène et se compose de grains lamellaires riches en Cr, Y et O. Son
épaisseur est nettement plus faible, de l’ordre de 2,8 µm. De plus, l’yttrine, toujours
majoritairement présente, a néanmoins partiellement réagi avec la chromine pour former la
(a) (b)
Figure V.12 : Observation MEB de l’alliage Haynes230 non revêtu après oxydation sous air à la pression atmosphérique pendant 320 jours à 800°C. (a) Image en électrons secondaires de la surface. (b) Image en électrons rétrodiffusés d’une coupe transversale.
(a) (b)
Figure V.13 : Observation MEB de l’alliage Haynes230 revêtu de La2O3 après oxydation sous air à la pression atmosphérique pendant 320 jours à 800°C. (a) Image en électrons secondaires de la surface. (b) Image en électrons rétrodiffusés d’une coupe transversale.
2
(a) (b)
Figure V.14 : Observation MEB de l’alliage Haynes230 revêtu de Y2O3 après oxydation sous air à la pression atmosphérique pendant 320 jours à 800°C. (a) Image en électrons secondaires de la surface. (b) Image en électrons rétrodiffusés d’une coupe transversale.
couche continue dont l’épaisseur correspond au dépôt de départ. Quel que soit l’échantillon,
aucun appauvrissement en Cr de l’alliage n’a pu être mis en évidence.
La couche d’oxyde formée à la surface de l’alliage Haynes230 non revêtu (Figure V.12)
est homogène et parfaitement adhérente au substrat. Elle mesure environ 5,5 µm d’épaisseur
et se décompose en deux strates, la première étant constitué de grains géométriques de type
spinelle (Cr,Mn)
3O
4et la seconde se composant de grains assez fins de chromine (Tableau
V.1). En analysant l’interface chromine/substrat une couche discontinue d’oxyde d’Al
2O
3et
de SiO
2(probablement amorphe) est présente. L’oxydation interne intergranulaire est toujours
observée et semble légèrement plus importante. A l’aplomb de celle-ci, le film de corrosion
est légèrement plus mince (zone correspondant à « décorations »), ce phénomène s’expliquant
par la présence du mélange Al
2O
3/SiO
2qui bloque la migration du Cr et du Mn vers
l’interface externe. Il est intéressant de remarquer enfin que certains carbures de tungstène
sont présents dans la couche d’oxyde, ce qui témoigne de leur grande stabilité après 320 jours
d’oxydation.
Dans le cas de l’alliage Haynes230 revêtu de La
2O
3(Figure V.13), la couche d’oxyde est
certes plus mince (2,2 µm) mais est semblable à celle de l’échantillon non revêtu. Comme
dans le cas des aciers ferritiques, le revêtement d’oxyde de lanthane s’est dilué dans toute
l’épaisseur du film d’oxyde. Les analyses DRX ne révèlent aucun composé contenant du La,
seules quelques traces de pérovskite LaCrO
3ont pu être révélées ici ou là à l’interface externe
par l’observation au MEB d’une coupe transversale. Dans le cas de l’alliage Haynes230
revêtu d’yttrine (Figure V.14), les craquelures présentes après 100 h de vieillissement ont
complètement disparu après 320 jours et la morphologie est similaire à l’alliage Haynes230
non revêtu et revêtu de La
2O
3. Le revêtement de Y
2O
3est le plus efficace puisque la couche
est assez mince, de l’ordre de 1,6 µm. Contrairement au revêtement de La
2O
3, l’yttrium est
encore révélé sous forme d’une couche continue d’un mélange yttrine/YMn
2O
5, dont
l’épaisseur est proche de celle du revêtement de départ. En revanche aucune trace de
pérovskite YCrO
3n’a été décelée. Concernant l’oxydation interne de l’Al et du Si, les
éléments réactifs semblent extrêmement efficaces, puisque, hormis l’oxydation
inter-granulaire, aucune trace du mélange Al
2O
2/SiO
2n’a pu être mise en évidence à l’interface
interne sur les échantillons revêtus. Si aucun appauvrissement en chrome n’a pu être détecté,
une teneur plus faible en tungstène a été révélée (de l’ordre de 7%), ceci pourrait être lié à la
formation d’oxyde de tungstène WO
3et à leur volatilisation.
V.1.1.4.Epaisseur des couches d’oxyde
Dans le paragraphe V.1.1.2, le « suivi cinétique » d’oxydation par la détermination de la
prise de masse des alliages revêtus et non revêtus après 320 jours a été effectué démontrant
l’écart important entre la masse réelle et la masse estimée et l’effet limité des revêtements
d’oxyde d’éléments réactifs sur 320 jours d’oxydation. A partir des résultats du paragraphe
précédent, il est possible de « suivre » la cinétique d’oxydation à partir des épaisseurs des
films d’oxyde. La Figure V.15 présente donc l’épaisseur réelle et l’épaisseur estimée après
320 jours d’oxydation sous air à la pression atmosphérique à 800°C. Dans le cas de l’alliage
Crofer22APU non revêtu et revêtu de La
2O
3et de Y
2O
3, l’épaisseur estimée et l’épaisseur
réelle sont quasiment identique. Ces résultats démontrent qu’après 320 jours d’oxydation les
oxydes d’éléments réactifs conservent un effet bénéfique sur la résistance à la corrosion de
l’acier Crofer22APU, ce qui est très encourageant. Néanmoins les résultats concernant
l’alliage revêtu contredisent ceux obtenus par une simple prise de masse des échantillons
oxydés. Cette différence provient probablement du fait que la couche continue est surplombée
probable est que la couche d’oxyde formée à la surface des échantillons revêtus soit nettement
plus dense que la chromine. L’accélération de la vitesse de corrosion pressentie lors de la
mesure des prises de masse n’a donc en réalité pas eu lieu et n’est due qu’à la présence de
cristaux d’oxyde spinelle.
Dans le cas de l’alliage Fe30Cr, les résultats concernant l’épaisseur des couches d’oxyde
est en accord avec les résultats « thermogravimétriques ». Sans revêtement, l’alliage présente
une épaisseur réelle nettement inférieure à l’épaisseur estimée. Cette différence provient du
phénomène d’écaillage décrit précédemment. L’effet bénéfique du revêtement sur la
résistance à la corrosion d’yttrine est toujours conservé. Toutefois celui du revêtement de
La
2O
3semble avoir atteint ses limites après 320 jours puisque l’épaisseur réelle de la couche
de chromine est de plus de 3 fois supérieure à celle estimée.
Figure V.15 : Epaisseur des couches d’oxyde réelle et estimée des alliages Crofer22APU, Fe30Cr et Haynes230 non revêtus et revêtus de RE2O3 après 320 jours sous air à la pression atmosphérique à 800°C