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Profilage intonatif par étude multidimensionnelle quantitative et qualitative

CHAPITRE V — Vérification de la fiabilité du système d’évaluation prototypique semi-

4.6 Profilage intonatif par étude multidimensionnelle quantitative et qualitative

Voyons les objectifs fixés et la méthode d’investigation utilisée, puis dressons-en un bilan.

4.6.1 Objectifs

On a vu dans le chapitre précédent que l’étude de Herment et al. (2014) concerne une comparaison des réalisations prosodiques de questions polaires et en wh- en anglais étudiées chez des natifs anglophones et des apprenants anglicistes francophones à partir du corpus de lecture AixOx. Ils la présentent comme exemple d’application des outils d’annotation automatique que sont le logiciel SPPAS (Bigi 2012) et l’algorithme MoMel et le système de transcription INTSINT (Hirst 2007). Chez les natifs anglophones, la littérature assigne une intonation montante aux questions ouvertes (wh-) ainsi qu’aux questions polaires ou totales

(yes/no) sauf dans les cas d’un ton descendant, où la question semblera « plus appuyée, méthodique, très assurée et brusque ». Herment et al. défendent au contraire la thèse selon laquelle le schéma de base des questions ouvertes est la chute intonative sauf dans le cas où le locuteur souhaite adoucir l’exigence portée par sa question, ou qu’il opère une répétition.

En règle générale, le français est caractérisé par une montée intonative dans les questions totales alors que les questions partielles se distinguent par une chute, mais les deux types de contours se rencontrent dans les deux structures interrogatives. Herment et al. étayent leur affirmation en mentionnant Beyssade et al. (2007), qui affirment que le choix du contour se fait selon le contexte et non la structure syntaxique des questions.

Les attentes, en matière d’expérimentation contrôlée comme l’est la lecture du corpus

AixOx, sont que les francophones réalisent les questions totales avec un contour montant et les

questions partielles avec l’un ou l’autre des contours distribués suivant le contexte.

4.6.2 Méthodologie d’investigation

L’étude en cours est basée sur quatre questions (deux en anglais et leur traduction en français) parmi les 22 que comprend le corpus de lecture de passages dans chacune des deux langues :

 Can you tell me what’s on television tonight?

 What can I have for dinner tonight?

 Vous pourriez me dire ce qu’il y a à la télévision ce soir ?

 Qu’est-ce que je vais manger ce soir ?

Les lecteurs du corpus sont au nombre de 60, entre 20 et 35 ans, répartis comme ci- dessous :

 dix natifs francophones (FRFR),

 dix natifs anglophones (ENEN),

 dix anglicistes francophones de niveau indépendant (FRENB : B1-B2),

 dix anglicistes francophones de niveau expérimenté (FRENC : C1-C2),

 dix francistes anglophones de niveau indépendant (ENFRB : B1-B2),

 dix francistes anglophones de niveau expérimenté (ENFRC : C1-C2).

Dans chacun des groupes, on observe la même répartition des genres : cinq hommes et cinq femmes. Des questionnaires viennent compléter les données recueillies pour chaque locuteur.

Les réalisations des natifs sont analysées puis comparées à celle des apprenants. Les 120 occurrences sont étiquetées par un alignement multi-niveaux avec annotation en mots et phonèmes grâce au logiciel SPPAS, et avec tons mélodiques et valeurs de F0 selon le système

INSINT. Une chute intonative est attendue sur la question « Qu’est-ce que je vais manger ce

soir ? », justifiée par sa fonction rhétorique.

Sur un plan pédagogique, la visualisation sur spectrogramme permet aux apprenants de constater les erreurs commises et de leur en donner l’explication. L’outil utilisé dans l’analyse du corpus AixOx comprend à la fois la comparaison des productions de l’apprenant avec celle d’un natif grâce à la courbe de F0 afin de rendre plus performant le travail d’apprentissage prosodique.

4.6.3 Bilan et discussion

Dans le domaine pédagogique, rien ne prouve que les progrès des apprenants soient dus à l’utilisation de cette nouvelle approche. D’ailleurs l’article d’Herment et al. précise que la recherche est en cours, mais je note que des avancées sont déjà sensibles tant au niveau de la méthodologie de profilage, que des résultats obtenus présentés ci-dessus.

En matière de profilage, on constate qu’une remise en cause des règles édictées dans la littérature résulte de l’utilisation d’une nouvelle approche technique et méthodologique. Dans cette recherche, le corpus ne se limite pas à deux groupes (natifs de la langue cible et non natifs), il inclut aussi un groupe de langue maternelle française et un groupe d’apprenants anglophones francistes. À cela s’ajoute le point de vue exprimé dans la littérature et une différenciation des niveaux des apprenants. La vision obtenue englobe tous les points de vue, qui peuvent alors être comparés avec grand profit.

L’analyse acoustique se distingue aussi par cette volonté de regrouper et croiser les approches. Intonation et rythme sont traités conjointement, ce qui leur permet d’éclairer leurs résultats mutuels. En outre, Herment et al. n’utilisent pas de test perceptif pour prendre des repères acoustiques : la courbe de F0 est souvent assez nette pour mettre en évidence les ancrages du rythme et ainsi situer les proéminences sur les syllabes. Cette approche méthodologique permet une économie de moyens tout en préservant la rigueur scientifique.

Les dix réalisations natives dans chaque langue servent de repères, non pas selon une dichotomie en juste ou faux, mais en fréquence d’utilisation des contours lorsque des alternatives coexistent. Il en est de même pour les apprenants, ce qui permet de comparer les

degrés d’acquisition au cours de l’apprentissage et d’en extraire des tendances. Ainsi, la description des contours mélodiques est une hiérarchisation qualitative implicite. Herment et

al. parviennent donc à effectuer une analyse multidimensionnelle à la fois quantitative et

qualitative dans l’étude mélodique et rythmique de L1, L2 et interlangue, du français et de l’anglais.

Ce genre de profilage quantitatif et qualitatif est très adapté à un domaine aussi fluide et empreint de variabilité que l’intonation, surtout lorsqu’il s’agit de cadrer l’évolution de l’acquisition au cours de l’apprentissage en L2. L’application d’une telle méthodologie n’est envisageable que sur un corpus restreint : ici, les phrases interrogatives. Une sélection analogue permettrait de conserver les aspects essentiels de ce profilage.

4.7 Profilage du rythme par durée syllabique (Ballier, Martin, Amand