• Aucun résultat trouvé

Les modes de production des entreprises transnationales et la répartition de leurs investissements dans le monde ont des impacts majeurs sur l’organisation et l’intégration des espaces économiques (Rioux 2005). Les chaines de valeur sont optimisées par une utilisation maximale des avantages comparatifs des pays (Meier & Schier 2005). Les

51 L’OCDE (2007, 33) note que l’augmentation des échanges internationaux au cours des dernières décennies est fortement due aux échanges intra-branche (en forte croissance en Asie), c’est-à-dire aux exportations et importations de biens intermédiaires à l’intérieur d’une même industrie. Les produits primaires, les pièces détachées et les produits semi-finis « sont fabriqués dans un pays, puis exportés vers (importés par) d’autres pays où ils sont utilisés comme intrants lors des phases de production ultérieures ». 52 Selon Michalet (1980), une relation de sous-traitance existe lorsqu’une entreprise (l’acheteuse) passe une commande auprès d’une autre entreprise (la sous-traitante) pour la fabrication d’un produit final ou de composantes de produits destinés à être incorporés à un produit final.

36

grandes entreprises développent des modèles commerciaux basés sur la division internationale du travail, c’est-à-dire l’aménagement mondial des activités de production et de l’emploi en fonction des spécialités de chaque pays (Ietto-Gillies 2005). La division internationale du travail correspond à la manière dont les pays (et leur force de travail) s’insèrent dans l’économie mondiale, et fait en sorte que les exportations de chacun se concentrent dans certains secteurs (O’Brien & Williams 2010).53 Il existe un marché mondial de la main d’œuvre, une chaîne de valeur globale dans laquelle les pays et les travailleurs occupent des positions différentes (Berger 2006).54

La production manufacturière de souliers et de vêtements de sport se compose essentiellement de tâches à faible valeur ajoutée qui requièrent une grande quantité de main-d'œuvre non qualifiée, à bon marché et offrant peu de contraintes réglementaires. C’est ce qui explique que la totalité des souliers Nike, Adidas et Puma est fabriquée en Asie, en Europe de l’Est ou en Amérique du Sud. La majorité est fabriquée en Chine d’où provient plus de la moitié de la production mondiale de souliers.55

L’Asie de l’Est s’est constituée en un atelier mondial destiné à la fabrication et l’assemblage systématique de biens simples et uniformes. La division des tâches entre les entreprises y est très hiérarchisée (Petit & Inoue 2005). Il s’est développé des réseaux de production « triangulaires », avec les trois pôles suivants : 1) les entreprises occidentales achètent leurs produits finis auprès de 2) grands entrepreneurs exportateurs originaires des nouveaux pays développés (les « dragons asiatiques » Taïwan, Hong- Kong, la Corée du Sud et Singapour) qui 3) eux-mêmes sous-traitent la fabrication ou implantent leurs usines dans des pays en développement (Chine, Vietnam, Cambodge,

53 Selon la théorie de l’avantage comparatif des nations, les pays exportent les biens et les services pour lesquels ils disposent d’un avantage concurrentiel (matières premières, technologie, capital humain), ce qui permet au reste du monde d’en bénéficier au meilleur coût possible. L’objectif (théorique) est l’utilisation optimale des facteurs de production au niveau mondial (Guillochon 2009, CNUCED 2002).

54La place d’une personne dans la division internationale du travail détermine grandement sa qualité de vie, sa santé et son espérance de vie, rappellent O’Brien et Williams (2010).

37

Indonésie, Malaisie) afin de bénéficier d’une main d’œuvre moins dispendieuse et d’incitatifs fiscaux et douaniers (Gereffi 1999, Leong & al. 2010).

Dans ce système intégré d’échanges et de production globalisée, la Chine est souvent le point de sortie final des produits finis, ce que révèle l’étiquette Made in China. Mais la Chine ne maitrise pas toutes les étapes de la chaine de production et elle dépend de ses voisins asiatiques pour l’importation de matières et de pièces (Su 2006, 2009).56 La majorité des usines manufacturières chinoises sont des « preneuses d’ordres », c’est-à- dire qu’elles reçoivent les instructions beaucoup plus qu’elles innovent (Steinfeld 2004). Depuis trente ans, la société chinoise opère une transition entre une économie socialiste planifiée et une économie de marché. La participation aux échanges mondiaux représente un élément central des réformes de Deng Xiaoping à partir de 1978 et le déclencheur de la grande croissance de la Chine.57 Les entreprises à capitaux étrangers se sont vues offrir des conditions avantageuses pour s’installer dans les zones économiques

spéciales (ZEC) où elles pouvaient produire et exporter (Blackett 2001).58 Elles ont bénéficié d’exemptions de droits de douane sur l’importation de matériaux destinés à être assemblés et transformés en Chine pour ensuite être exportés (Lemoine 2006a). Ces mesures ont été de puissants incitatifs pour attirer les entreprises exportatrices qui cherchaient à réduire leurs coûts de production. Ces ZEC sont aussi connues pour leurs piètres conditions de travail et le peu de renforcement des normes du travail, laissant aux ouvriers très peu d’options pour défendre leurs droits (Blackett 2001).

56 Au milieu des années 2000, la part de la valeur ajoutée de la Chine (les « inputs » locaux) dans les produits exportés était d’à peine 35 %, mais elle augmente graduellement (Gaulier & al. 2006, Su 2009). 57 Le PIB chinois a décuplé en trente ans, grâce à une croissance annuelle moyenne de près de 10 % de 1979 à aujourd’hui. Les investissements étrangers ont d’abord été limités à des zones et à des secteurs spécifiques, puis se sont graduellement élargis à l’ensemble de la Chine et de ses industries. Su (2009) distingue quatre périodes dans l’ouverture économique de la Chine : 1) la période d’expérimentation (1978- 1991), marquée par le lancement de la « politique de porte ouverte », l’ouverture des régions côtières et le développement de la sous-traitance internationale; 2) la période d’approfondissement (1992-2001), caractérisée par l’ouverture de la plupart des régions et l’entrée massive de capitaux étrangers; 3) la période d’essor du Made in China (2002-2006) qui a suivi l’adhésion à l’OMC; 4) la période du rééquilibrage (depuis 2007), marquée par le programme de la « société harmonieuse » (qui vise une croissance de qualité et une montée en gamme) et la hausse de tensions sociales et des inégalités.

58 Il s’agit de zones industrielles bien délimitées destinées à attirer les entreprises étrangères exportatrices, à l’aide de mesures fiscales avantageuses et une liberté de commerce supérieure.

38