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MARQUEURS DE COHESION REFERENTIELLE R1 – Introduction de nouveaux référents

4.1 RESULTATS AUX EPREUVES EN LSF

4.1.1. Production discursive LSF-P1 (sous-test 3 du TELSF)

4.1.1.1. Performance des sujets

Le score moyen du groupe expérimental à cette épreuve est de 17.1 points (maximum pour cette épreuve: 48 points), avec un écart-type de 7.69. Tous les sujets ont pu effectuer la tâche demandée et ont raconté une histoire à partir du livre proposé. Toutefois, les productions varient dans leur longueur, leur précision et leur qualité, ce qui se traduit par des scores très différents, allant de 3 à 35 points, distribués selon une courbe quasi normale (voir Figure 4.1.1). La médiane, presque identique à la moyenne, est à 17 points.

LSFP1

Figure 4.1.1 : Résultats du groupe expérimental à l’épreuve LSF-P1 (en nombre de points)

4.1.1.2. Résultats par critères

Le total de points obtenus par l’ensemble du groupe expérimental pour chaque critère varie de 2 à 53 points alors que le maximum possible est de 78 points (2 points pour chacun des 39 sujets) (voir Tableau 4.1.1).

Sur le plan de la morphosyntaxe des narrations, on constate que les structures syntaxiques produites par le groupe sont majoritairement correctes (MS6 : 58% des points), bien que chez certains enfants on trouve des suites de signes non structurées et/ou des structures suivant l’ordre syntaxique du français, différent de la LSF. Par contre, on relève peu d’énoncés complexes (MS7 : 17%). De nombreux verbes sont modifiés (MS1 : 44%), notamment au moyen de classificateurs pour exprimer correctement les actions réalisées par le chien (le chien se déplace : [MARCHER (classificateur bimanuel B) + mouvements latéraux du buste + mouvement en direction de l’avant]), même si une majorité conserve la forme standard, incorrecte dans ce cas (le chien se déplace : [MARCHER (V inversé)]. Les expressions simultanées de deux actions (MS2), impliquant la combinaison complexe de classificateurs et/ou prises de rôle sont peu produites par le groupe (14%).

Sur le plan discursif, on constate que la macro-structure est relativement bien respectée : la situation initiale et l’enchaînement des événements sont généralement bien rendus (S1 : 49%; S2 : 51%), tandis que la clôture est un peu plus problématique, certains enfants mentionnant le retour de la mère sans plus (S3 : 36%). Un grand nombre d’inférences sont exprimées (I : 58%). Sur le plan temporel, on relève quelques marqueurs (TL1 : 36%) indiquant essentiellement la succession des actions ([APRES]). Au niveau spatial, si les différentes pièces de la maison dans lesquelles se déroulent les différents épisodes de l’histoire sont régulièrement mentionnées (TL2 : 47%), l’organisation spatiale des scènes des différents épisodes est peu développée (TL3 : 19%), alors qu’il s’agit d’une composante

importante généralement des narrations adultes en langue des signes. Enfin, sur le plan de la cohésion, l’introduction des référents est en grande partie correcte (R1 : 68%), alors que le maintien des référents n’est réalisé que dans une petite minorité de cas (R2 : 24%). De fait, les pointages (MS3), les prises de rôle et changements de rôle (R4 et R5), procédés fréquents de maintien sont encore rares (respectivement 23%, 37% et 6% des points).

Dans la section Généralités, on constate que le vocabulaire, la fluence et le développement de l’histoire sont satisfaisants pour le groupe (G1 : 51%, G2 : 49%, G3 : 50%), tandis que la Description des personnages et la Touche d’humour sont quasiment absentes des productions du groupe (G4 : 9%, G5 : 3%), alors qu’il s’agit de composantes importantes des narrations typiques des adultes.

Tableau 4.1.1 : Résultats par critères à l’épreuve LSF-P1 pour le groupe expérimental (Total de points et pourcentage de réussite) (N=39)

critère MS1 MS2 MS3 MS4 MS5 MS6 MS7 S1 S2 S3 I TL1

points 34 11 18 26 18 45 13 38 40 28 45 28

% 44% 14% 23% 33% 23% 58% 17% 49% 51% 36% 58% 36%

critère TL2 TL3 R1 R2 R3 R4 R5 G1 G2 G3 G4 G5

points 37 15 53 19 37 29 5 40 38 39 7 2

% 47% 19% 68% 24% 47% 37% 6% 51% 49% 50% 9% 3%

4.1.1.3.Validité interne

Le coefficient de validité alpha est de .90.

Cette épreuve paraît globalement satisfaisante puisqu’elle permet de susciter le type de production voulue (de type narratif) et discrimine bien la population étudiée, dont les performances se répartissent sur une échelle de points en formant une distribution presque

normale. Par ailleurs, le coefficient de validité alpha est très élevé (.90), indiquant une forte cohérence interne à l’épreuve.

Les performances du groupe dans cette tâche nous montrent que les sujets en tant que groupe ont clairement développé des compétences de production de narration en LSF (même si les résultats à l’intérieur du groupe sont extrêmement contrastés). Ainsi, les sujets du groupe sont globalement capables de restituer l’histoire dans une structure conforme aux narrations en utilisant un vocabulaire adapté et des structures morphosyntaxiques correctes, et en introduisant les lieux et les personnages de manière appropriée. Toutefois, les productions sont encore loin des standards adultes, et en particulier les procédés propres aux langues des signes, telles que les structures complexes impliquant plusieurs classificateurs, les prises et changements de rôle, et les descriptions (des personnages et des scènes) restent à développer.

Il faut rappeler que les travaux décrivant les capacités narratives des enfants sourds de parents Sourds relèvent que ces acquisitions sont tardives et se prolongent au cours de l’adolescence (voir Introduction, 1.2.1). Si l’on compare les résultats du groupe avec ceux des douze adultes Sourds ayant participé à la version pilote de ce test, nous constatons que les performances des enfants sont significativement inférieures, notamment pour les critères spécifiques aux narrations des langues des signes. Ainsi, les adultes obtiennent 70% des points concernant les verbes modulés, 60% des points pour les pointages linguistiques, 50%

pour les expressions simultanées, 80% pour les prises de rôle et 40% pour les changements de rôles (Mann-Whitney test tous significatifs à p<.01). Il semble donc clairement que le développement de ces capacités se prolonge au-delà de la tranche d’âge considérée dans cette étude.

De fait, les capacités démontrées par les sujets du groupe interrogé correspondent aux descriptions réalisées sur d’autres groupes d’enfants sourds de parents entendants, en particulier en ce qui concerne la production de verbes sans modulation, le peu de références spatiales, la production de classificateurs simples plutôt qu’insérés dans des structures complexes, le peu de prises et changements de rôles et le manque de cohésion (Anthony, 2002; Vercaingne-Ménard et al., 2001).