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Hypothèse de l’existence d’une relation entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite capacités en langue écrite

1.5. RELATIONS ENTRE CAPACITES DEVELOPPEES EN LANGUE DES SIGNES ET EN LANGUE ECRITE SIGNES ET EN LANGUE ECRITE

1.5.2. Relations entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite : hypothèses hypothèses

1.5.2.2. Hypothèse de l’existence d’une relation entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite capacités en langue écrite

Cette position est défendue par de nombreux chercheurs travaillant dans le domaine de l’acquisition des langues des signes (Hoffmeister, 2000; Strong & Prinz, 2000; Singleton et al., 1998). Théoriquement, on peut envisager une relation entre capacités langagières en langue des signes et en écrit sur les plans linguistique, métalinguistique et métacognitif, ces différents types de relations pouvant se combiner.

Le premier type de relation, qu’on peut définir comme un transfert direct (Müller, 1998;

Romaine, 1989), sur le plan structurel, de capacités spécifiques de certains niveaux linguistiques (phonologie, lexique, morphosyntaxe, discours) ou de certains procédés (cohésion verbale, anaphorique, etc.), peut être décrit dans le sens d’une influence positive ou négative de L1 sur L2 (transfert positif ou négatif). Ainsi Charrow (1974) fait l’hypothèse que l’anglais écrit des Sourds pourrait être la version écrite de l’anglais signé pidginisé. Cet auteur remarque des erreurs caractéristiques (réduction des marqueurs du nombre, des temps grammaticaux, utilisation variable des déterminants, etc.) qu’elle regroupe sous le terme de Deaf English, valorisé comme marque d’une culture spécifique. Toutefois ces erreurs peuvent être interprétées également comme la trace d’un transfert négatif de L1 sur L2, avec les réserves cependant émises par Rodda et al.(1993) ou Dubuisson et Daigle (1998) (voir ci-dessus). Maeder (1995) trouve des erreurs, au niveau de la compréhension en français écrit des marques exprimant des notions spatiales ou temporelles, dans des phrases dont l’ordre des mots ne correspond pas à celui-ci de l’énoncé équivalent en LSF. Elle conclut à des phénomènes d’interférences négatives, sans toutefois avoir vérifié si ces erreurs s’observent également chez des sujets sourds qui ne connaissent pas la LSF. De leur côté, Padden et Ramsey (1998) postulent l’existence d’une relation positive entre capacités en ASL et en anglais écrit, rendue possible par l’association d’éléments spécifiques de l’ASL et du système alphabétique écrit. Elles envisagent en particulier comme ponts entre les deux systèmes la dactylologie et les signes initialisés, candidats idéaux puisqu’il s’agit de représentations orthographiques partielles ou complètes en signes. Enfin, Wilbur (2000) suggère que les connaissances développées en ASL sur le plan discursif, en particulier concernant la grammaire de récit et la gestion des informations nouvelles et anciennes pourraient être transférées directement en anglais écrit.

Le deuxième type de relation envisagé entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite consiste en un transfert indirect, au travers de capacités métalinguistiques et métacognitives, qui ne sont pas généralement clairement distinguées par les auteurs (Swain, 2000; Cummins, 1989). Par exemple, Strong et Prinz (2000) font l’hypothèse de l’existence de compétences sous-jacentes communes à l’ASL et à l’anglais écrit, sans envisager de transfert direct dans les capacités en lecture et en écriture. L’augmentation de la flexibilité cognitive et des capacités métalinguistiques, due à la connaissance de deux langues, faciliterait ainsi l’acquisition de l’anglais écrit.

Globalement, les prises de position se répartissent sur un continuum allant de la reconnaissance minimale de l’ASL comme contribuant au développement cognitivo-conceptuel facilitant l’apprentissage d’une langue seconde (Mayer & Wells, 1996), à la position extrême inverse ramenant l’acquisition de l’anglais écrit pour les enfants sourds à la situation standard d’apprentissage d’une langue seconde, avec pour seule particularité que la deuxième langue est apprise sans jamais être entendue. Rodda et al. (1993) considèrent ainsi que l’ASL peut fonctionner comme intra-langage permettant l’acquisition d’une langue seconde comme l’anglais. Plus nuancées, Chamberlain et Mayberry (2000) décrivent les différentes fonctions des représentations mentales codées linguistiquement dans les processus de décodage de l’écrit et relèvent celles qu’un code issu d’une langue signée peut assumer ou pas. Les trois fonctions principales consistent en 1) une fonction pré-lexicale établissant un lien entre une suite de lettres composant un mot écrit et sa représentation orthographique, 2) une fonction post-lexicale créant un mémo conservant momentanément la signification du mot décodé et 3) prononcer et conserver en mémoire un mot inconnu rencontré à l’écrit. Selon

ces auteurs, une langue signée ne peut remplir que la fonction post-lexicale, tandis que la troisième fonction de traitement des mots nouveaux peut être efficacement assumée par la dactylologie. Ainsi, les capacités développées en langue des signes pourraient être utilisées pour une partie des processus de décodage.

Se référant au modèle de lecture Simple View of Reading (Hoover & Gough, 1990), Chamberlain et Mayberry (2000) considèrent que la lecture consiste en la combinaison des processus de décodage et des processus cognitivo-linguistiques de compréhension développés généralement par les enfants lors de l’acquisition de leur première langue orale (L = DxC).

Pour les enfants sourds, ces capacités peuvent être développées en langue des signes et seraient facilement transposables à l’écrit, du fait qu’elles sont peu dépendantes de la structure de la langue à partir de laquelle elles sont dérivées. Ce serait donc le degré de sophistication de la compréhension langagière plus que la connaissance spécifique de telle ou telle structure en ASL qui jouerait un rôle déterminant dans l’apprentissage de la lecture. Etant donné que la composante C de l’équation L = DxC prend de plus en plus d’importance à mesure que la compétence en lecture augmente, la corrélation entre les capacités de compréhension en langue des signes et le niveau de lecture devrait augmenter en conséquence.

Hoffmeister (2000) ajoute que la connaissance d’une première langue (l’ASL) permet aux enfants sourds de concentrer leurs efforts en lecture sur la recherche de sens et de traiter des groupes de mots porteurs d’information plutôt que de tenter de décoder chaque séquence en cherchant avec peine à mettre en relation les unités de l’écrit et de l’oral d’une langue insuffisamment maîtrisée. Les capacités développées en langue des signes fourniraient ainsi les bases nécessaires sur les plans conceptuel et sémantique pour traiter ensuite les informations obtenues en lecture (Rodda et al. 1993). Les connaissances générales du monde

pourraient également être élaborées sans délai, transmises via une modalité accessible (Wilbur, 2000).

Sur le plan métacognitif, la connaissance d’une première langue constitue un outil puissant pour organiser ses connaissances linguistiques et développer des stratégies pour s’approprier une seconde langue et comprendre le fonctionnement d’un système écrit. Le développement de capacités métalinguistiques dans cette première langue permet également de prendre la langue écrite comme objet de réflexion et de la comparer aux connaissances développées en langue signée (Mayberry et al., 2002).

Ainsi, il semble que c’est avant tout le développement d’une compétence langagière, précédant l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, qui est essentiel, que cette compétence se fonde sur une langue orale ou plus préférablement signée, davantage accessible pour les enfants sourds (Mayberry et al., 2002; Vercaingne-Ménard, 2002). Cette compétence langagière contribue également à développer le pan social de l’apprentissage de l’écrit. En effet, les adultes, s’adaptant au niveau de langage des enfants, fourniront un input plus riche à mesure que les capacités langagières se développent, notamment en classe. De même, la bonne connaissance d’une première langue rend possible des interactions sociales complexes, en particulier dans le cadre des situations d’apprentissage. Dans un processus interactionnel, ces stimulations vont conduire en retour à l’amélioration de la compétence langagière (Kuntze, 1998; Nelson, 1998).

De nombreux auteurs ont souligné l’importance des interactions sociales, en particulier des activités langagières préparant la lecture/écriture. En effet, l’écrit a une fonction culturelle et sociale que les apprenants ne peuvent s’approprier que par la médiation portée par des personnes ayant commencé ou accompli cet apprentissage (Niederberger, 1997). Ainsi, un

énorme travail de préparation au passage au monde écrit doit être effectué en amont de l’étape d’apprentissage du décodage, consistant à développer les capacités langagières permettant la mise en place des processus de décontextualisation indispensables à toute communication médiatisée par l’écrit (Dolz, communication personnelle, 2000). En particulier, les élèves vont apprendre les variétés de langue, créer un langage commun au groupe-classe pour parler des apprentissages et découvrir de nouveaux genres de discours, peu développés dans le cadre familial. La connaissance précoce d’une langue signée permet ainsi d’aborder ces aspects subtils de la langue avec les enfants sourds dans les mêmes temps que pour les enfants entendants (Biederman, 2003; Hoffmeister, 2000).

On voit donc que peu d’auteurs considèrent que le modèle développé par Cummins pourrait être appliqué stricto sensu à la situation de bilinguisme bimodal rencontré par les enfants sourds. De fait, nombre des auteurs proposent d’envisager une version modifiée de ce modèle (Biederman, 2003; Prinz & Strong, 1998). Une des principales réserves portées à cette perspective est que pour les enfants sourds de parents entendants, qui représentent 90%

environ de la population concernée, la langue première, signée, n’est pas encore suffisamment développée lorsque ceux-ci doivent commencer à apprendre l’écrit, si leur premier contact avec celle-ci survient à l’entrée de l’école obligatoire à l’âge de 6 ans (Hoffmeister, 2000).

Une autre restriction, faite par Padden et Ramsey (1998) et Singleton et al. (1998) est que le transfert des connaissances de l’ASL vers l’anglais écrit, du fait du changement de modalité, ne se ferait pas de soi, mais nécessiterait un enseignement explicite et le recours à des techniques particulières telles que le chaining (Padden & Ramsey, 1998) ou le glossing (Singleton et al., 1998).

1.5.3. Relations entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite :