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Etudes complémentaires : spécificité du lien entre capacités en langue des signes et en langue écrite et études dans différents contextes linguistico-culturels

1.5. RELATIONS ENTRE CAPACITES DEVELOPPEES EN LANGUE DES SIGNES ET EN LANGUE ECRITE SIGNES ET EN LANGUE ECRITE

1.5.3. Relations entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite : études empiriques

1.5.3.2. Etudes complémentaires : spécificité du lien entre capacités en langue des signes et en langue écrite et études dans différents contextes linguistico-culturels

Actuellement, plusieurs groupes de recherche ont commencé à étudier le lien entre les capacités développées en langue des signes et en langue écrite pour d’autres populations.

Le TASL (Prinz et al., 1994) a été traduit et adapté en langue des signes catalane (Campo & Silvestre, 2000) et a été utilisé pour évaluer les capacités langagières de 47 sujets sourds de 7-17 ans provenant de trois écoles différentes (Silvestre, communication personnelle 2000). Une version suédoise est également en cours d’élaboration (Swartholm, communication personnelle 2000) et la version pilote a été testée sur 24 élèves de 11 et 12 ans de deux écoles différentes (Schönström et al., 2003).

Deux équipes d’universités différentes étudient à Montréal le lien entre les capacités développées en LSQ et en français. Si l’équipe dirigée par Mayberry à McGill en est encore à récolter et analyser les données (Mayberry, communication personnelle 2003), le groupe de recherche sur la LSQ de l’UQAM a publié quelques premiers résultats. Ainsi, Vercaingne-Ménard (Vercaingne-Vercaingne-Ménard, 2002), dans un rapport destiné au Ministère de l’Education du Québec sur l’approche bilingue LSQ-français testée à l’école Gadbois à Montréal, présente une étude réalisée en collaboration avec le groupe de recherche sur la LSQ de l’UQAM évaluant les capacités en lecture et en LSQ des élèves du programme. Quinze élèves de 1ère, 2ème et 3ème primaire (3 groupes-classe) ont été testés dans le cadre scolaire à deux reprises lors de la même année, en novembre et en mai. Le test en LSQ porte sur la maîtrise de l’espace topographique et morphosyntaxique, supposé représentatif du niveau de maîtrise de la langue en général, et consiste en une tâche de répétitions de 22 phrases, présentées en vidéo, comprenant une à six marques spatiales de différents types. L’épreuve de lecture, constituée de deux versions, une pour chaque session de novembre et mars, comporte un texte de degré de difficulté de 1ère primaire accompagné de quelques illustrations et une série de questions adaptées à chaque degré scolaire, faisant appel à des opérations mentales différentes (repérage, regroupement et sélection d’informations, inférence). Les résultats montrent un lien clair entre les capacités en LSQ et en lecture pour le groupe de 3ème primaire, alors que pour

les élèves plus jeunes, les résultats sont plus hétérogènes, avec de grandes différences notamment entre les enfants de parents Sourds et ceux de parents entendants.

Enfin, Biederman (2003), utilisant un design très différent (observation ethnographique), étudie le rôle de la langue des signes new-zélandaise (NZSL) dans le développement des capacités en anglais écrit. La collection d’exemples qu’elle rapporte de ses observations dans une classe de degré de première primaire constitue des informations sur les processus même mettant en lien les connaissances d’une langue signée et d’une langue écrite, tels qu’ils apparaissent dans les conduites des élèves ou de l’enseignant (voir aussi Niederberger (sous presse) pour des exemples concernant la LSF et le français).

D’autres travaux tentent de déterminer plus précisément la nature du lien entre les capacités développées en ASL et en anglais écrit. Les premiers indices peuvent être tirés de l’étude menée par Mayberry à McGill sur les enfants sourds anglophones, citée par Chamberlain et Mayberry (2000). En effet, les auteurs mentionnent des corrélations plus fortes avec les épreuves de lecture pour la tâche de compréhension de narration en ASL que pour la tâche de compréhension de phrases en ASL (voir ci-dessus). Prinz et collaborateurs, dans une publication ultérieure sur le TASL (Prinz, Strong et Kuntze, 2001) font une remarque similaire et relèvent que parmi les sous-tests du TASL, le sous-test Story Comprehension est celui qui prédit le mieux les performances au test d’anglais (corrélation de r=.676; p<.001 pour le score obtenu en anglais lors de la première année de l’étude et corrélation de r=.560;

p<001 pour le score obtenu lors de la troisième année de l’étude). Il semble donc que les capacités développées sur le plan de la compréhension en ASL au niveau discursif jouent un rôle particulièrement important dans le lien entre langue signée et langue écrite. Un autre sous-test corrèle de manière très significative, mais dans une moindre mesure, avec les

performances en anglais : le sous-test Sign Narrative (corrélation de r=.331; p<.001 lors de la première année de l’étude et corrélation de r=.454; p<001 lors de la troisième année de l’étude). Ainsi, les capacités discursives en langue des signes semblent particulièrement bien corréler avec les capacités développées en écrit.

Anthony (2002) part d’une autre hypothèse et postule que la maîtrise des classificateurs en ASL favoriserait le développement de la production discursive en anglais. En utilisant une partie des données récoltées par Prinz et Strong (Strong & Prinz, 1997, 2000), elle a comparé les narrations en ASL et en anglais écrit de 12 sujets sourds, cinq signeurs natifs et sept signeurs non-natifs, ayant un niveau faible ou fort en ASL, et interrogés à l’âge de 9-10 ans puis à 11-12 ans dans le cadre du projet TASL. Elle a étudié en particulier les différents types de classificateurs utilisés dans les narrations en ASL et a comparé la maîtrise de cet aspect de la langue des signes à trois critères en anglais : le nombre de référents introduits, le nombre de verbes utilisés et le nombre d’éléments de l’histoire mentionnés. Elle constate que les sujets sourds forts en ASL utilisent les mêmes types de classificateurs que les sujets faibles, mais d’une part, en plus grand nombre et d’autre part, dans des structures complexes combinant plusieurs classificateurs à la fois. Le nombre de ces structures complexes corrèle avec les indices choisis pour les narrations écrites. Toutefois, la corrélation est significative seulement lors de la deuxième session de tests, à 11-12 ans.

Ainsi, il apparaît que la plupart des corrélations réalisées entre les capacités développées en langue des signes et en langue écrite sont positives et significatives, quelles que soient les mesures choisies et le contexte linguistique et culturel étudié. Il semble donc clair qu’il existe un lien entre ces deux types de capacités langagières, toutefois il reste à

préciser la nature de cette relation et en particulier s’il y a des domaines langagiers davantage liés.

Après avoir exposé les principales positions théoriques concernant les liens possibles entre capacités développées en langue des signes et en écrit, ainsi que les travaux empiriques traitant cette question, nous allons présenter notre propre étude, qui porte sur les relations entre capacités plus particulièrement développées en LSF et en français écrit, chez une population d’enfants sourds bilingues de Suisse romande. Nous exposerons tout d’abord les objectifs de l’étude et les hypothèses sur lesquelles se base notre travail, puis nous décrirons en détails la méthode utilisée et les résultats obtenus, que nous comparerons ensuite avec les données qui ont été présentées dans ce chapitre, en relevant les éléments nouveaux qui peuvent contribuer à la compréhension du thème exposé.