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2.2 Dispositif expérimental

2.2.1 Production de biomolécules en phase gazeuse

Les peptides étudiés sont des produits commerciaux. Ils ont été achetés chez GenScript Corporation puis utilisés sans purification ultérieure.

Dans les conditions standards de température et de pression, ces molécules sont sous forme solide et possèdent une pression de vapeur saturante extrêmement faible. Pour augmenter cette dernière et obtenir une pression suffisante de peptides neutres en phase gazeuse pour permettre leur détection il serait envisageable de les chauffer directement, mais les peptides étant des biomolécules relativement fragiles, ils se décomposent rapidement sous l’effet de la température. Pour limiter ce phénomène, le dispositif mis en œuvre au LFP repose sur une technique de vaporisation par désorption laser couplée à une détente supersonique [3]. Cette technique de vaporisation, développée dans les années 80-90, est assez proche de la technique MALDI classiquement utilisée en spectrométrie de masse pour porter des biomolécules chargées en phase gazeuse et qui a valu le prix de Nobel de Chimie à Tanaka en 2002. Elle a été depuis largement utilisée pour réaliser la spectroscopie de molécules neutres [4, 5, 6, 7, 8]. Son principe est d’utiliser une matrice capable d’absorber la lumière, dans notre cas le graphite excité à la longueur d’onde de 532 nm. L’échauffement de la matrice, contrôlé par un laser, conduit à sa vaporisation ainsi que celles des molécules qu’elle contient. Outre le faible taux de dégradation des peptides par rapport à la méthode par chauffage, la technique de désorption laser présente également l’avantage de ne requérir que de faibles quantités de produit (typiquement de l’ordre de 50 mg par échantillon).

En pratique, une pastille de 6 mm de diamètre et d’environ 2 mm d’épaisseur est obtenue en pressant un mélange de poudres de graphite et de peptide, respectivement en proportion molaire 4 : 1, dans une presse hydraulique, sous une pression d’environ 1,6 tonnes. Le faisceau d’un laser pulsé Continuum Minilite Nd : YAG doublé en fréquence (λ = 532 nm, 10 Hz, 0.5- 3 mJ par impulsion), guidé par une fibre optique, est envoyé sur la pastille où il est absorbé par la matrice de graphite, permettant alors la vaporisation de l’échantillon (Figure 2.4). Pour diminuer la vitesse d’altération de la surface de la pastille celle-ci est placée sur un chariot effectuant un mouvement de va-et-vient dans une direction perpendiculaire aux axes du faisceau laser de vaporisation et de la détente supersonique et assurant ainsi un balayage de toute la surface de l’échantillon par le laser. Régulièrement, lorsque la dégradation de cette surface devient trop importante celle-ci est régénérée par limage.

Le dispositif de vaporisation par désorption laser décrit ci-dessus a été adapté à la chambre d’expérience du CLUPS lors des mesures de durées de vie dans le régime picoseconde. Le dispositif utilisé au FOM, inspiré de celui développé par deVries à l’Université de Californie, Santa Barbara [9], repose sur le même principe, avec néanmoins quelques différences. Dans ce dernier, le mélange de poudres de graphite et de peptide n’est pas pressé : une fine couche en est déposée sur un support en graphite de 5 cm de long et 2 mm de large. A chaque tir, l’énergie de l’impulsion émise par un laser Nd : YAG à 1064 nm est suffisante pour vaporiser toute la poudre éclairée par le laser. Un mouvement de translation de va-et-vient n’est donc pas possible dans ce cas, un léger déplacement du support en graphite est effectué entre chaque tir laser et l’échantillon est renouvelé lorsque toute la poudre a été vaporisée.

Le protocole de préparation des pastilles a été adapté aux études de microsolvatation et de deutération des peptides. Les pastilles microsolvatées ont été préparées en ajoutant deux à trois gouttes de solvant au mélange de poudre juste avant de presser l’échantillon. Les molécules de solvant sont donc désorbées de la matrice de graphite en même temps que les peptides. La deutération des peptides a, en revanche, été réalisée avant l’expérience en dissolvant ceux-ci dans un solvant deutéré, contenant également la poudre de graphite, pendant 170 heures à 40 °C. Les pastilles ont ensuite été pressées après évaporation du solvant à pression atmosphérique. Afin de contrôler le degré de deutération, le solvant utilisé est constitué d’un mélange de méthanol deutéré (CH3OD) et d’éthanol (C2H5OH) dans des proportions respectives allant de 100 : 0 à 33 : 66.

Les peptides vaporisés suite à l’impulsion du laser de désorption sont relativement chauds et possèdent suffisamment d’énergie pour explorer différentes conformations. Il est nécessaire de les refroidir afin de créer des systèmes isolés, froids, conduisant à des signatures spectroscopiques sans élargissement spectral et par conséquent exploitables pour réaliser des attributions de structures secondaires. Les molécules chaudes vont pour cela croiser l’axe d’expansion d’un jet supersonique où, par collisions successives, leur énergie interne rovibrationnelle sera convertie en énergie de translation. Un jet supersonique est formé par détente adiabatique d’un gaz, dans notre cas, soit de l’argon, soit un mélange 70 % / 30 % en volume d’hélium et de néon à des pressions initiales respectives de 9 et 20 bars, à travers une vanne pulsée (General Valve, orifice de 300 ou 1000 µm, cadence de 10 Hz) dans une enceinte maintenue sous une pression de l’ordre de 10-5 mbar par une pompe turbomoléculaire de grand débit (1700 L/s). Les propriétés d’une détente supersonique seront évoquées plus en détail dans la partie 3.2.2 du chapitre 3. Les molécules entraînées par le jet supersonique sont ensuite dirigées vers la zone d’interaction avec les faisceaux lasers.