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électronique d’un chromophore aromatique dans de courtes chaînes peptidiques

B. Un moyen pour cela est de remplacer l’atome d’hydrogène du groupement NH par un atome

5.1.2 A la recherche des mécanismes de relaxation non-radiatifs

Les mécanismes de relaxation non-radiatifs peuvent être classés en deux catégories principales, selon la multiplicité de spin des états électroniques mis en jeu : si les deux états électroniques ont la même multiplicité de spin, le mécanisme est appelé conversion interne ; s’ils ont une multiplicité de spin différente, il s’agit alors d’un processus de croisement intersystème. A priori, des transitions de l’état singulet 1πPhe πPhe* (S1) vers des états triplets se produisent dans les phénylalanines protégées et les croisements intersystèmes doivent donc être considérés parmi les mécanismes de relaxation possibles. En effet, ce sont ces transitions qui limitent principalement la durée de vie de l’état S1 du toluène (86,4 ns à l’origine [22] alors que la durée de vie radiative de cet état a été estimée à environ 290 ns [23, 26]). Le croisement intersystème intervient donc aussi sûrement ici dans la relaxation de l’état 1πPhe πPhe* mais plusieurs raisons nous ont amené à abandonner l’idée qu’elle puisse être responsable de l’effet conformationnel observé dans les phénylalanines protégées et en particulier de la dynamique rapide du conformère

B de Ac-Phe-NH2. Le processus de croisement intersystème dépend principalement de deux facteurs : la constante de couplage spin-orbite et le recouvrement des états vibrationnels de l’état singulet S1 et triplet T. Or il n’existe pas de relation évidente entre la conformation d’une molécule et la constante de couplage spin-orbite qui permettrait d’expliquer une variation aussi forte des durées de vie de l’état 1ππ*. Des variations des constantes de vitesse des transitions S-T ont déjà été observées sur des dérivées du benzène, en fonction de la nature de la molécule et de l’excès d’énergie vibrationnelle dans l’état électronique excité [31]. Elles restent cependant inférieures à un facteur ~ 2, une valeur bien inférieure au facteur ~ 45 observé dans Ac-Phe-NH2 entre les conformères A et B. Outre la variation du couplage spin-orbite, une dégénérescence accidentelle entre l’état S1 et un état T aurait également pu être invoquée. Un tel cas a déjà été observé pour le pérylène et conduisait à une variation d’un facteur ~ 5 de la durée de vie de l’état S1 [32], une valeur toujours très inférieure à celle observée pour Ac-Phe-NH2. De plus, une dégénérescence accidentelle ne se produisant que pour un des conformères de Ac-Phe-NH2 reste peu probable : l’état triplet du toluène est situé à environ 9000 cm-1 au-dessous de l’état S1 [26] et les phénylalanines protégées sont des molécules flexibles, possédant de nombreux modes de vibration de basses fréquences ; la densité d’états vibrationnels de l’état triplet est donc très importante au voisinage de l’état vibrationnel fondamental de l’état S1. De plus une coïncidence entre états devrait être fortement dépendante du niveau vibrationnel excité dans l’état S1, ce qui n’est pas compatible avec les observations expérimentales : la durée de vie de l’état S1 du conformère B de Ac-Phe-NH2 est aussi courte lorsqu’il est formé dans son état vibrationnel fondamental que lorsque la vibration 6b est excitée (Figure 5.1). Enfin, une étude récente [33] a permis de démontrer, grâce à des études de photodissociation de molécules possédant un chromophore toluène (dont l’acide aminé protégé Ac-Phe-OMe), que les processus de conversion interne pouvaient devenir des voies de relaxation plus importantes que le croisement intersystème lorsque que le chromophore aromatique était situé sur la chaîne latérale d’un acide aminé. C’est pourquoi, dans la suite, le mécanisme de relaxation rapide observé expérimentalement sera recherché uniquement parmi des mécanismes de conversion interne (la durée de vie de la nouvelle voie de relaxation rapide sera donc notée τCI au lieu de τnouveau mécanisme dans la suite).

Les mécanismes de relaxation rapide des états excités (durées de vie inférieures ou de l’ordre de la nanoseconde) correspondent le plus souvent à des transferts d’énergie entre deux états excités à travers une intersection conique, le retour direct à l’état fondamental (conversion interne S17S0) étant généralement beaucoup plus lent. Les mécanismes de conversion interne entre états excités peuvent être distingués en fonction du nombre d’électrons impliqués

(Figure 5.4) : les mécanismes par transfert de charge font intervenir le mouvement d’un seul électron entre orbitales moléculaires alors que les mécanismes de transfert d’excitation type Förster [34] ou Dexter [35] nécessitent l’échange de deux électrons. Il est à noter que, bien que les mécanismes type Förster et Dexter soient similaires en apparence, ils possèdent des caractéristiques très différentes :

Fig. 5.4 – Schéma des mécanismes de relaxation non-radiatifs par conversion interne : (a) mécanisme par

transfert de charge, (b) mécanisme de type Förster et (c) mécanisme de type Dexter.

- Le transfert d’excitation de type Förster est une interaction dipôle-dipôle entre deux chromophores, la probabilité de ce transfert est proportionnelle à la force d’oscillateur des deux transitions électroniques mises en jeu et varie en 1/r6 avec la distance entre les deux chromophores. Il peut se produire pour des distances entre chromophores comprises entre 1 et 10 nm [36, 37].

- Le transfert d’excitation de type Dexter correspond à un double échange d’électrons entre des orbitales des deux chromophores [35]. Par conséquent, ce transfert nécessite

un recouvrement entre ces orbitales moléculaires, ce qui n’est possible qu’à très courtes distances (typiquement inférieures à ~ 1 nm). La probabilité de ce type de transfert décroît exponentiellement avec la distance entre les deux chromophores.

Une stratégie, détaillée dans la Partie 2.3.2 du Chapitre 2, a été adoptée dans le but de caractériser plus finement les mécanismes de relaxation par conversion interne des phénylalanines protégées. Cette stratégie, réalisée en collaboration avec le groupe de N. Došli2 à l’Institut Ru1er Boškovi2 de Zagreb, consiste dans un premier temps à identifier les coordonnées de réaction conduisant à des relaxations de l’état ππ* à partir de trajectoires de dynamique non adiabatique utilisant de la TDDFT (Figure 5.5).

Fig. 5.5 – Exemples de trajectoires de dynamique non adiabatique (TDDFT : PBE0/cc-pVDZ)

représentant l’évolution en fonction du temps des énergies de l’état électronique fondamental et des quatre premiers états excités du conformère B de Ac-Phe-NH2. L’état électronique occupé dans la

trajectoire est indiqué par des points rouges. Les encarts montrent la différence de densité électronique entre le premier état excité (S1) et l’état fondamental (S0) dans la géométrie de l’état S1. Les zones de

l’espace où la densité électronique est plus importante (plus faible) qu’à l’état fondamental sont représentées en bleu (rouge). (a) Illustration du mécanisme I (voir plus bas) : une transition est observée

à environ 150 fs, entre l’état ππ* et un état à transfert de charge (transfert d’électron depuis la chaine principale vers le cycle aromatique). (b) Illustration du mécanisme II : un transfert d’énergie se produit à

environ 60 fs, depuis le cycle aromatique vers la seconde liaison peptidique (transition entre un état πPheπPhe* et un état nbb πCO*).

Les énergies de l’état fondamental et des premiers états excités sont ensuite calculées le long de ces coordonnées de réaction. L’exploitation des trajectoires de dynamique non adiabatique a permis l’identification de plusieurs mécanismes de relaxation non-radiatifs. Ces mécanismes ont en commun de faire apparaître chacun deux intersections coniques : une première entre l’état excité ππ* et un état électronique excité intermédiaire et une deuxième entre

cet état intermédiaire et l’état fondamental (Figure 5.6). Ils diffèrent cependant entre eux par la nature de l’état excité intermédiaire et des coordonnées de réaction menant aux intersections coniques. Ces deux différences seront donc utilisées dans la suite pour nommer les mécanismes : la nature de l’état excité intermédiaire sera définie par un chiffre romain (I, II, III) et, pour un même état électronique intermédiaire, les différentes coordonnées seront indiquées par des lettres de a à f (Tableau 5.3). Les mécanismes étant similaires pour les différents conformères, seuls ceux du conformère B de Ac-Phe-NH2 seront représentés par la suite, les autres seront inclus dans l’Annexe C . Mécanismes 1 ere coord. de réaction Etat intermédiaire 2e coord. de réaction Conformères concernés I Elongation d’une liaison N-H

(nbb/πCO) πPhe* Transfert d’hydrogène vers

le cycle aromatique A, B, C II b Distorsion de la seconde liaison peptidique nbb πCO* (2e liaison peptidique)

Elongation de la liaison C-O

(2e liaison peptidique) A, B, C c d e f III a Distorsion de la première liaison peptidique nbb πCO* (1ere liaison peptidique) Transfert d’hydrogène le long d’une liaison C7

B, C

b Elongation de la liaison C-O (1ere liaison peptidique)

A, B, C

c

Tab. 5.3 – Résumé des coordonnées de réaction et des états excités impliqués dans les différents

mécanismes de relaxation. La nomenclature des orbitales est la suivante : nbb pour une orbitale non liante

localisée sur la chaîne principale (« backbone »), πPhe et πCO pour des orbitales π respectivement

localisées sur le cycle aromatique et sur une double liaison C=O. Les 1ere et 2e coordonnées de réactions sont les coordonnées de réaction conduisant respectivement à la 1ere et à la 2e intersection conique

Fig. 5.6 – Représentation schématique des mécanismes de relaxation non-radiatifs des phénylalanines

protégées, après excitation à l’origine de la première transition π1π*. Les intersections coniques (IC)

sont indiquées par des cercles noirs.