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Les signatures électroniques et vibrationnelles des peptides protégés étudiés en phase gazeuse seront obtenues respectivement par la mise en œuvre des techniques d’ionisation résonante à deux photons à une couleur (IR2P-1C) et de double résonance IR-UV. Ces techniques présentent l’avantage d’apporter une sélectivité en masse et en conformation des systèmes présents dans la détente supersonique et une meilleure sensibilité que celle pouvant être obtenue par une spectroscopie classique d’absorption. La durée de vie du premier état excité ππ* de ces molécules sera sondée au moyen d’une méthode pompe-sonde par ionisation résonante à deux photons à deux couleurs (IR2P-2C) et de mesures de fluorescence.

2.1.1 Spectroscopie électronique : Ionisation résonante à deux photons à une couleur (IR2P-1C)

Lors du processus d’ionisation résonante à deux photons, le système est porté de son état fondamental S0 à un état excité intermédiaire S1, ici le premier état excité ππ*, par un premier photon, puis est ionisé par l’absorption d’un deuxième photon (Figure 2.1). On parle de processus d’ionisation résonante à deux photons à une couleur (IR2P-1C) lorsque les deux photons sont issus de la même impulsion laser et possèdent la même énergie. Un peptide ne peut être ionisé par ce processus que si l’énergie du premier photon correspond à celle d’une transition résonante de l’état fondamental vers un état électronique excité (vibrationnellement excité ou non). Deux conditions sont donc nécessaires pour pouvoir assimiler le spectre obtenu via la détection d’un signal d’ions au spectre d’absorption direct : (i) la durée de vie de l’état excité intermédiaire doit être suffisamment longue pour ne pas limiter l’absorption du second photon et (ii) la section efficace d’ionisation doit peu varier dans le domaine spectral considéré. Ces conditions sont généralement satisfaites, même si des contre-exemples fameux ont été mis en évidence [1, 2].

Fig. 2.1 – Schéma du principe d’ionisation résonante à deux photons à une couleur pour deux

conformations A et B d’un même peptide. L’énergie du photon UV est résonante avec la transition S15S0

du conformère A mais pas avec celle du conformère B. Pour des photons de cette énergie, seul le conformère A est ionisé et est donc finalement détecté sélectivement.

La formation d’ions et leur détection par un spectromètre de masse apporte un avantage majeur : celui de pouvoir distinguer les ions selon leur temps de vol, qui dépend de leur rapport masse/charge. Il est alors possible de réaliser de la spectroscopie résolue en masse, par exemple dans le but d’identifier la contribution de différents isotopologues au spectre électronique d’un mélange de peptides sous plusieurs états de deutération.

De plus, la signature électronique d’un chromophore traduit les perturbations induites par son environnement. Or, pour un même peptide, cet environnement varie d’une conformation à une autre et peut ainsi produire, dans certains cas, un déplacement assez grand entre les transitions S18S0 de chaque conformère ou induire des activités Franck-Condon suffisamment différentes pour permettre de les distinguer dans les spectres IR2P-1C.

2.1.2 Spectroscopie vibrationnelle : Double résonance IR-UV

Fig. 2.2 – Schéma du principe de la spectroscopie de double résonance IR-UV appliquée à un conformère

La spectroscopie de double résonance IR-UV est une technique qui permet de sonder les fréquences de vibration d’un système tout en tirant profit de la sélectivité en masse et en conformation apportée par l’IR2P-1C. C’est donc une méthode de type pompe-sonde, employant deux lasers. Le laser de pompe émet des photons infrarouges de longueur d’onde variable et balaie le domaine d’absorption des modes de vibration de la molécule. Une centaine de nanosecondes après l’impulsion du laser de pompe, le laser de sonde, dont l’énergie des photons est fixe et correspond à la transition S18S0 d’un des conformères dans l’UV, ionise sélectivement ce conformère par la méthode IR2P-1C. Le signal de sonde est proportionnel à la population du conformère sondé se trouvant dans le niveau vibrationnel fondamental (v = 0) de l’état S0. Lorsque les photons infrarouges émis par le laser de pompe sont en résonance avec une transition vibrationnelle de ce conformère, le niveau fondamental est dépeuplé, ce qui entraîne une diminution du signal sonde mesuré (Figure 2.2a). Tant que les photons infrarouges ne sont pas résonants avec une transition de ce conformère, même s’ils le sont avec des transitions d’autres conformères, la quantité d’ions formée restera constante (Figure 2.2b). Un des intérêts majeurs de cette technique laser menée en phase gazeuse est donc de pouvoir mesurer indépendamment les spectres IR de chacune des conformations.

Lors des expériences de double résonance IR-UV, un prisme de renvoi du faisceau sonde UV situé à la sortie de la chambre d’expérience est utilisé pour former une deuxième zone d’interaction avec la détente supersonique et ainsi créer deux paquets d’ions, séparés spatialement, à chaque tir laser : un seul des paquets aura été éclairé par le laser pompe dans l’infrarouge, l’autre servira de référence. En normalisant le signal d’ions correspondant au paquet « IR » par celui correspondant au paquet « UV seul », on peut ainsi s’affranchir des fluctuations tir à tir et des variations à long terme des conditions de désorption. Dans la suite, les spectres de vibrations obtenus par la méthode de double résonance IR-UV seront présentés sous la forme de bandes d’absorption relatives (normalisées) et non de déplétion (absolues).

2.1.3 Mesures des durées de vie des états excités

Dans l’objectif de caractériser les durées de vie du premier état excité ππ* des systèmes étudiés, deux techniques expérimentales complémentaires ont été choisies : l’ionisation résonante à deux photons à deux couleurs (IR2P-2C) et des mesures de déclin de fluorescence.

Le processus d’IR2P-2C est comparable à l’IR2P-1C présenté précédemment, à la différence près que le photon servant à exciter le système de l’état S0 à l’état S1 (photon pompe)

et le photon utilisé pour ioniser à partir de l’état S1 (photon sonde) proviennent ici d’impulsions laser distinctes et de longueurs d’onde différentes (Figure 2.3a). Ce découplage accorde la possibilité de pouvoir varier l’intervalle de temps ∆t entre les phénomènes d’excitation et d’ionisation et donc de pouvoir suivre l’évolution de la population restante dans l’état S1 (le premier état excité ππ*) en fonction du temps. Les longueurs d’onde des deux photons sont fixes au cours de l’expérience d’IR2P-2C. Les photons de la première impulsion laser sont résonants avec une transition S18S0 d’un des conformères. Pour éviter l’absorption de deux photons successifs provenant de cette impulsion l’intensité de celle-ci est atténuée de manière à rendre négligeable le processus d’IR2P-1C. Dans la suite, le signal résiduel dû à ce processus sera toujours soustrait du signal total. L’énergie des photons de la seconde impulsion est choisie suffisamment faible pour que ceux-ci ne puissent pas interagir avec des molécules dans leur état fondamental. L’IR2P-2C est une technique qui rend possible la mesure de la durée de vie d’un état excité d’une molécule avec une sélectivité en masse et en conformation. Cependant, elle ne permet pas de s’assurer que l’état excité dont la durée de vie est mesurée est bien l’état ππ* originellement excité et qu’il n’y a pas eu de conversion rapide entre états électroniques pendant ∆t.

Fig 2.3 – Schéma du principe a) de l’ionisation résonante à deux photons à deux couleurs (IR2P-2C) et b)

Un moyen de pallier ce manque est de réaliser des mesures de déclin de fluorescence, c’est-à-dire de détecter, en fonction du temps, le nombre de photons émis par des molécules excitées lors de leur relaxation vers l’état fondamental (Figure 2.3b). De manière générale, les états électroniques vers lequel peut relaxer l’état excité ππ* n’étant pas fluorescents, ou bien très peu, la méthode par fluorescence est essentiellement sensible à l’état ππ*.