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conformation X. Une énergie d’environ 25 kJ 1 mol 1 est apporté par les liaisons hydrogène formées lors de la solvatation.

4.3 Modélisation des domaines hydrophobes des protéines

Le terme d’effet hydrophobe est un terme générique utilisé pour nommer la tendance de composés non polaires à s’agréger lorsqu’ils sont entourés de molécules d’eau [38]. Ce nom est dû à l’apparente répulsion entre l’eau et les molécules non polaires, mais l’origine des effets hydrophobes provient en réalité de deux interactions attractives : (i) les forces de dispersion de London entre molécules non polaires et (ii) les liaisons hydrogène entre molécules d’eau. En effet, dans l’eau liquide une molécule d’eau peut former des liaisons hydrogène avec toutes les molécules qui l’entourent, ce qui rend donc peu couteux en énergie le changement d’orientation des molécules, qui sont par conséquent très mobiles. En revanche, le fait que les molécules d’eau ne puissent pas former de liaisons hydrogène avec des molécules non polaires restreint leur mobilité car une orientation particulière devient préférentielle : l’orientation des liaisons

hydrogène tangentiellement à la surface de la molécule non polaire permet de maximiser le nombre de celles-ci. Chaque molécule non polaire est ainsi entourée d’une « cage » de molécules d’eau, partiellement structurée. L’agrégation de molécules non polaires est donc favorisée car, en diminuant la surface de contact de ces molécules avec l’eau, elle permet d’augmenter l’entropie du système et donc le nombre de liaisons hydrogène par molécules d’eau (Figure 4.15b).

Fig. 4.15 – Représentation de l’organisation des molécules d’eau (atomes bleus et blancs) à l’interface

avec des molécules non polaires (sphères rouges), tiré de la Réf. [39]. Pour une faible surface de contact (a), la situation des molécules d’eau est peu différente de celle en absence de molécule non polaire, chaque molécule d’eau peut former quatre liaisons hydrogène. A partir d’une certaine taille

d’agrégats de molécules non polaires (b) la situation à l’interface devient plus défavorable pour les molécules d’eau car elles ne peuvent former qu’un nombre réduit de liaisons hydrogène (typiquement

trois ou moins).

Plusieurs acides aminés, et en particulier les acides aminés aromatiques, possèdent des chaînes latérales non polaires. Il est donc attendu que, dans un milieu aqueux, ces acides aminés soient enfouis au cœur de la protéine, pour qu’ainsi la surface exposée au solvant contienne majoritairement des chaînes latérales polaires [39, 40]. Dans ce sens, la formation de domaines hydrophobes est un des moteurs du repliement des protéines, au même titre que la formation des liaisons hydrogène conduisant aux structures secondaires [41, 42]. Au début du repliement, pour des domaines hydrophobes de petites tailles, les liaisons hydrogène entre molécules d’eau sont peu perturbées (Figure 4.15a) [39] et l’effet hydrophobe est surtout dominé par les interactions dispersives entre chaînes latérales non polaires. Par ailleurs, à l’issue du repliement, les interactions dispersives entre chaînes latérales aromatiques sont également connues pour stabiliser la conformation de protéines [43, 44, 45, 46, 47], et pour intervenir dans des processus de reconnaissance moléculaire [48, 49].

L’approche de la spectroscopie en phase gazeuse pour étudier les domaines hydrophobes des protéines offre plusieurs avantages. Premièrement, la résolution de ces méthodes spectroscopiques permet de caractériser finement les structures adoptées par ces systèmes et donc d’obtenir une image précise des interactions qui les gouvernent. Ensuite, d’un point de vue électrostatique, l’environnement d’un système isolé en phase gazeuse n’est pas très éloigné des milieux biologiques à faible permittivité électrique, tels que les cœurs hydrophobes des protéines ou les bicouches lipidiques [50]. Les structures de la phase gazeuse peuvent donc être directement comparées à des structures déterminées en phase condensée (RX, RMN) et présenter de bons accords avec ces dernières [1]. Enfin, en éliminant la composante liée au solvant, la phase gazeuse nous donne l’opportunité d’étudier sélectivement le rôle structurel des interactions dispersives entre chaînes latérales aromatiques (ar-ar).

Cette approche a été utilisée dans plusieurs études sur des molécules polyaromatiques ou des dimères de molécules aromatiques et a permis de caractériser différent types d’interactions entre les cycles. Arunan et Gutowsky ont montré en 1993 que les deux molécules du dimère de benzène interagissaient via une structure en T [51]. Hobza et al. ont prédit par des calculs de chimie quantique (CCSD(T)) une seconde structure, quasiment isoénergétique à la structure en T, où les deux cycles aromatiques sont parallèles mais légèrement décalés l’un par rapport à l’autre [52]. Cette structure a plus tard été identifiée expérimentalement pour un dimère de benzène protoné [53]. Un troisième type d’interaction, en V, a également été identifiée pour le diphénylméthane [54, 55].

Dans cette partie nous nous intéresserons à l’influence des interactions dispersives ar-ar entre cycles aromatiques sur les structures adoptées par des peptides protégés en phase gazeuse. Pour cela, nous comparerons les géométries préférentiellement adoptées par trois systèmes : des dipeptides protégés possédant un seul cycle aromatique, où il n’y a pas d’interactions ar-ar, et les systèmes Ac-Phe-Phe-NH2 et Ac-Phe-Phe-Phe-NH2 possédant respectivement deux et trois phényles.

4.3.1 Structures adoptées en l’absence d’interactions ar-ar

Les conformères principaux des dipeptides protégés Ac-Xxx-Phe-NH2 et Ac-Phe-Xxx-NH2 (avec Xxx = Gly, Ala ou Val) ont été caractérisés durant la thèse de Wutharath Chin au sein du laboratoire [56, 57]. Trois familles de géométries ont été identifiées pour ces deux séries de dipeptides : des structures à un ou deux coudes γ et des coudes β.

4.3.1.a Géométries des dipeptides protégés Ac-Xxx-Phe-NH2 et Ac-Xxx-Phe-NHMe

Le spectre de Ac-Gly-Phe-NH2 est présenté dans la Figure4.16, les spectres des autres dipeptides protégés de la série Ac-Xxx-Phe-NH2 sont montrés dans l’annexe B.1.1. Chacun de ces spectres est constitué d’une large progression vibrationnelle et de bandes isolées, l’intensité relative entre ces bandes pouvant varier. Deux types de conformères avaient été identifiés par W. Chin pour chaque molécule : (i) des conformères possédant deux liaisons hydrogène C7 fortes (A), de structure γL-γL(g-), responsable de la progression vibrationnelle et (ii) des conformères avec des structures en coude β (B’ pour Ac-Gly-Phe-NH2 et B pour Ac-Ala-Phe-NH2 et Ac-Val-Phe-NH2) [56]. Parmi les coudes β, deux types (I et II’) possédaient un excellent accord avec les fréquences expérimentales des conformères B et B’. En effet, les fréquences calculées pour ces deux types de coudes β sont très proches car ces derniers ne diffèrent que par l’orientation du premier acide aminé (Tableau 1.1). Comme le groupement NH de cet acide aminé n’est impliqué dans aucune interaction intramoléculaire dans les deux géométries, sa fréquence de vibration d’élongation se situe toujours dans le domaine des NH libres, vers 3480 cm-1 (Tableau 4.5). Cependant, la gêne stérique entre les chaînes latérales des deux acides aminés est plus importante dans la conformation coude β type II’ que dans la conformation coude

β type I. La structure βII’(g+) de Ac-Ala-Phe-NH2 possède ainsi une enthalpie libre à 300 K plus

élevée d’environ 10 kJ 1 mol-1 par rapport à la structure βI(g+). Les coudes β type I étaient alors les candidats les plus probables pour les conformères B de Ac-Ala-Phe-NH2 et Ac-Val-Phe-NH2. Toutefois, la chaîne latérale de la glycine étant constitué d’un seul atome d’hydrogène, la différence de gêne stérique entre les coudes β I et II’ est beaucoup plus faible dans le cas de Ac-Gly-Phe-NH2 (1,5 kJ 1 mol-1 à 300 K). Il n’a donc pas été possible d’exclure un des deux types de coude sur un critère énergétique.

Durant cette thèse, deux conformères supplémentaires de Ac-Gly-Phe-NH2 (appelés A’ et