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4.1. Le lieu de l’herméneutique

Il ressort des analyses précédentes que l’énigme d’autrui se tient dans la tension entre le lointain et le proche. Trop proche, son altérité est annihilée. Trop lointain, il devient presque inaccessible. C’est ce que nous ont donné à voir les positions de Husserl et de

156 En témoigne, entre autres, son article « Sympathie et respect » (1954) (repris dans P. Ricœur, À l’école de

la phénoménologie, p. 333-359).

157 Même si, comme nous le verrons, paradoxalement, cette « distance » s’entend chez Levinas comme

proximité.

158 P. Ricœur, « Sympathie et respect », p. 340-341.

159 Ce qui vient encore renforcer l’idée que s’intéresser à l’énigme d’autrui nous conduit immanquablement à

croiser ce mystère qu’est le soi.

Levinas. Ainsi, dans la mesure où Husserl part du moi pour en faire dériver sa conception de l’autre, l’autre se trouve alors à une distance quasi-nulle. Tout ce que je peux connaître d’autrui, c’est ce en quoi il est même que moi. Proximité qui est cependant en même temps distance en ce que je le tiens au loin, comme un objet que je peux à loisir étudier. Chez Levinas, la relation entre moi et autrui est entendue sur le mode d’une éthique fondamentale, première. C’est l’autre qui permet au moi d’advenir à lui-même – moi éthique. Autrui est alors au plus proche : son dénuement en fait mon prochain, mon frère, mais en même temps, il se donne dans toute son extériorité : une extériorité absolue. Étranger. Autrui est l’étranger qui ne peut pas être ramené à l’espèce du Même, il est même hors toute espèce.

L’énigme d’autrui semble donc se tenir dans la façon de conjuguer proximité et distance. Quelle est la « bonne distance » entre soi et autrui ? Quelle est la bonne distance qui permet à la fois de préserver son altérité sans pour autant le rendre inaccessible ? Quelle est cette distance qui permet à la fois de reconnaître son altérité, c’est-à-dire d’y faire droit, tout en laissant ouverte la possibilité d’une réelle « re-lation », c’est-à-dire d’une relation qui ne s’entende pas de façon unilatérale ? Ce questionnement n’est pas sans rejoindre certains enjeux soulevés par Richard Kearney quand il écrit que « [c]onfrontés à la fois à la philosophie traditionnelle de la mêmeté et à la fixation postmoderne sur l’altérité, nous avons besoin de construire des ponts entre le monde de l’autos et celui de l’heteros. Il nous faut tracer une voie entre ces extrêmes que constituent la tautologie et l’hétérologie »161. Ainsi, pour lui, « le défi consiste désormais à reconnaître la différence entre le soi et l’autre sans pour autant les séparer de façon schismatique au point qu’il n’y ait plus aucune relation possible entre eux »162. Afin de trouver cette voie, il convient, croyons-nous, d’explorer ce lieu borné par le proche et le lointain. Mais nous ne partons pas en aveugle. En effet, ce lieu est habité, nous permettant de trouver là un guide pour dessiner le chemin à parcourir. Entre familiarité et étrangeté se situe, en effet, le lieu propre de l’herméneutique, tel le Dieu Hermès qui servait de messager entre l’humain et le divin. « Toute la difficulté, tout l’art de comprendre, écrit Jean Greisch, est de trouver le juste milieu entre un excès de familiarité qui exclut l’expérience de l’étranger, et l’excès d’étrangeté qui fait basculer

161 R. Kearney, « Entre soi-même et un autre : l’herméneutique diacritique de Ricœur », p. 205.

l’herméneutique dans l’hermétisme »163. C’est justement cet art de comprendre que Ricœur mais également Gadamer n’ont cessé d’explorer.

4.2. Deux conceptions de l’herméneutique : Paul Ricœur et Hans-Georg Gadamer 4.2.1. L’herméneutique de Paul Ricœur

Ricœur découvre pour nous en partie ce lieu entre le proche et le lointain dans le dépassement qu’il propose de l’opposition entre Husserl et Levinas. À cet effet, il soutient « qu’il n’y a nulle contradiction à tenir pour dialectiquement complémentaires le mouvement du Même vers l’Autre et celui de l’Autre vers le Même »164. Ricœur ne rejette donc pas ces deux positions. Chacune est certes, en elle-même, insuffisante à rendre compte de l’énigme d’autrui et par là même de la relation à autrui, mais elles n’en ont pas moins quelque chose à nous dire. Plutôt donc que de les balayer, il prétend que la réponse à l’énigme d’autrui réside dans la conjugaison de ces approches opposées et même plus précisément dans la façon de les conjuguer. Elles sont en effet pour lui « dialectiquement complémentaires ». Sa réponse est donc structurée selon un modèle dialectique, modèle dialectique qui représente le « style »165 même de l’herméneutique ricœurienne. En arrière- fond de la question posée par l’énigme d’autrui est donc en jeu le modèle de l’herméneutique ricœurienne. Si l’on trouve déjà des traces de ce modèle dialectique dans les premiers travaux de Ricœur166, c’est vraiment dans ses Essais d’herméneutique167 qu’il va pleinement le développer et cela sous la forme de la dialectique de l’appartenance et de la distanciation. Afin de saisir toute la portée de la réponse ricœurienne à l’énigme d’autrui, il convient donc d’en faire apparaître la structure sous-jacente qui s’avère être une structure dialectique. Mais encore faudra-t-il s’entendre sur la conception de la dialectique qui est celle de Ricœur.

163 J. Greisch, Le cogito herméneutique, p. 154, nous soulignons. 164 SA, p. 393, nous soulignons.

165 Nous empruntons ici l’expression à Daniel Frey. Voir à ce propos son article « Entre la méthode et le

style : usages de l’herméneutique chez Ricœur ».

166 On pourra consulter, entre autres, Le conflit des interprétations.

4.2.2. L’herméneutique de Hans-Georg Gadamer

Mais Ricœur ne se tient pas seul en ce lieu herméneutique qui cherche à conjuguer proximité et distance. Gadamer l’avait en effet déjà cartographié dans Vérité et méthode. La distanciation aliénante qui règne alors au sein des sciences humaines et qui en est comme le présupposé va être son point de départ et son cheval de bataille. L’obligation méthodologique de se mettre à distance et de nier l’appartenance à l’objet d’étude lui paraît intolérable. La nécessité d’objectivation qui est alors la norme est, pour lui, intenable. En effet, si on prend la sphère historique, par exemple168, Gadamer nous dit qu’avec l’histoire, avec la tradition, on a toujours une part de familiarité. On ne se tient pas devant la tradition comme devant un objet, comme devant quelque chose de totalement étranger à nous. Avec la tradition, nous avons un lien et afin de la comprendre nous n’avons pas à vouloir dénouer ce lien. Nous sommes des êtres historiques et en tant que tels sommes donc part à la tradition, ce qui implique ainsi un certain rapport de familiarité avec celle-ci. Notre appartenance à la chose à comprendre est une des conditions de possibilité même de notre compréhension. En effet, « une présupposition fondamentale est commune à la compréhension dans les sciences de l'esprit et à la survivance de la tradition : c'est que la tradition nous y adresse la parole »169. Prendre part à la tradition nous permet donc d'être interpelés par cette dernière. Cependant, ce que cette interpellation révèle également, c'est que la tradition ne revêt pas qu'un caractère de familiarité pour nous, mais aussi d'étrangeté. S'il y a appel, c'est que le familier a pris le visage de l'étranger. La tradition relève donc à la fois de la familiarité et de l'étrangeté. Elle revêt à la fois le caractère de l'appartenance et de la distance. Ni tout à fait nous-mêmes, ni tout à fait une autre mais plutôt à la fois l'un et l'autre, plutôt un entre-deux. « Cette position intermédiaire entre l’étrangeté et la familiarité qui caractérise pour nous la tradition, nous dit Gadamer, c’est l’entre-deux qui se situe entre l’objectivité distante du savoir historique et l’appartenance à une tradition. C’est dans cet entre-deux (Zwischen) que l’herméneutique a son véritable lieu »170.

168 Dans Vérité et méthode, Gadamer traite des sphères esthétique, historique et langagière. 169 H.-G. Gadamer, Vérité et Méthode, p. 303 (Désormais abrégé VM).

170 Ibid., p. 317. Et encore : « Le statut intermédiaire entre la familiarité et l’étrangeté qu’a pour nous la

tradition désigne donc l’entre-deux entre l’objectivation qui résulte de la mise à distance historique, d’une part, et l’appartenance à une tradition, d’autre part. C’est dans cet entre-deux que se trouve le lieu véritable de l’herméneutique » (H.-G. Gadamer, « Du cercle de la compréhension » dans La philosophie herméneutique, p. 81). Dans Le problème de la conscience historique, également, il écrit : « Nous fondons la tâche

Or, c’est également de façon dialectique que Gadamer va conjuguer familiarité et étrangeté ou, dit autrement, appartenance et distanciation. Cependant, si Ricœur s’attache à montrer que le moment d’appartenance lui-même appelle un moment d’objectivation171, il n’en va pas du tout ainsi pour Gadamer. Pour ce dernier, il ne sera nullement question d’une dialectique de la réflexion et de l’analyse comme chez Ricœur, mais plutôt d’une dialectique structurée sur le modèle du dialogue vivant, c’est-à-dire d’une dialectique dialogique.

Nous sommes ainsi face à deux « styles » herméneutiques, pour reprendre le terme de Daniel Frey, qui permettent chacun de composer avec la question de la proximité et de la distanciation. Nous avons affaire à deux « styles » qui renvoient à deux façons différentes de concevoir la dialectique : d’une part, une conception qui inclut un moment d’objectivation et, d’autre part, une conception qui le refuse et lui préfère le modèle du dialogue vivant, c’est-à-dire de la question et de la réponse. Ce sont ces deux modèles que nous voulons mettre à l’épreuve à travers la question de la relation à autrui. Sont-ils totalement irréconciliables ou au contraire peut-on dégager une conception herméneutique commune de la relation à autrui, conception qui se tiendrait entre, ou au-delà, des deux pôles que représentent les pensées husserlienne et levinassienne?

Mais avant de poser la question d’une conception herméneutique commune de la relation à autrui, on pourrait déjà nous objecter que, de prime abord, autrui n’est pas une figure d’altérité qui est au cœur des travaux de Gadamer. Son intérêt porte en effet plutôt sur l’art, mais aussi et surtout sur la tradition. C’est la compréhension de la tradition qui motive en premier lieu Gadamer et non la compréhension d’autrui. Autrui n’est ainsi effectivement pas au centre des réflexions de Gadamer. Une des raisons en est peut-être que, à l’inverse de Ricœur, il n’a jamais vraiment fait du « soi » son objet d’étude. En effet, si Ricœur ne prend pas d’abord le soi, mais plutôt le texte pour objet lorsqu’il développe sa dialectique de l’appartenance et de la distanciation – dans Du texte à l’action notamment –, il n’en reste pas moins que son travail va s’orienter ensuite explicitement sur la question du herméneutique précisément sur la tension qui existe entre la “familiarité” et le caractère “étranger” du message que nous transmet la tradition. […] En ce qui concerne le caractère à la fois “familier” et “étranger” des messages historiques, l’herméneutique réclame en quelque sorte une “position de médiateur”. L’interprète est tiraillé entre son appartenance à une tradition et sa distance par rapport aux objets qui sont le thème de ses recherches » (p. 85-86).

171 Il convient de préciser tout de suite que ce moment d’objectivation n’est cependant pas une fin en soi mais

soi, en témoigne Soi-même comme un autre172. Or, c’est dans ce cadre-là, dans le cadre d’un questionnement sur le soi, qu’autrui comme figure d’altérité va se poser comme objet d’étude. À l’inverse, bien que la compréhension de soi ne soit pas totalement absente de la pensée de Gadamer, elle n’en constitue néanmoins pas la trame centrale. Cependant, si Gadamer n’a pas traité explicitement de cette figure d’altérité qu’est autrui, cette dernière est-elle pour autant absente de son œuvre ?

Remarquons tout d’abord que, dans un passage de Vérité et méthode dont nous montrerons l’importance au cours de la thèse, Gadamer n’hésite pas à comparer l’expérience herméneutique avec l’expérience du toi173. Gadamer y évoque « le troisième mode, le plus élevé, de l’expérience herméneutique : l’ouverture à la tradition qui est propre à la conscience de l’action de l’histoire ». Or, nous dit-il, « [c]ette ouverture, elle aussi, correspond véritablement à l’expérience du toi. Dans la relation humaine […] il importe de rencontrer vraiment le toi comme un toi, c’est-à-dire de ne pas être sourd à son exigence mais de se laisser dire quelque chose par lui »174. Gadamer fait donc lui-même explicitement le lien entre l’expérience herméneutique et la relation à autrui.

Par ailleurs, en ce qui concerne la relation à autrui, nous ne sommes tout de même pas sans ressources. En effet, nous disposons des nombreuses réflexions de Gadamer sur l’éthique. Si le maître ouvrage de Gadamer ne traite pas d’éthique, le philosophe y a néanmoins consacré nombre d’autres textes. Il n’a certes jamais développé une éthique, à l’instar de Ricœur, mais il s’est longuement arrêté en particulier sur l’éthique aristotélicienne ainsi que sur la question du Bien chez Platon. Certains de ses écrits, également, portent sur le thème de l’amitié. Or la question de la relation à autrui est là bien présente.

Ainsi, si nous pouvons nous appuyer sur les figures de l’altérité que sont l’art ou la tradition pour dégager, d’une façon générale, la conception gadamérienne de l’altérité, ses réflexions sur l’éthique peuvent, elles, nous permettre de préciser ce qu’il en est de l’altérité d’autrui.

172 Si la compréhension de soi est certes le fil directeur de l’ensemble de son œuvre, il n’en fait vraiment son

objet d’étude que dans l’ouvrage de 1990.

173 Cf. VM, p. 381-385. 174 VM, p. 384.

4.3. Une conception commune de l’herméneutique ? 4.3.1. Ricœur et Gadamer

Mais en visant à dégager la réponse de l’herméneutique à cette énigme qu’est autrui, nous nous trouvons cependant rapidement face à une seconde question, celle d’« une conception commune de l’herméneutique »175. À partir des herméneutiques de Gadamer et de Ricœur, peut-on dégager une telle conception commune ? Dans une analyse approfondie de cette question, Jean Grondin en vient à la conclusion qu’« [e]n dépit des thématiques (la compréhension, l’histoire, le langage) et des références (Dilthey, Bultmann, Heidegger) parfois communes, il apparaît imprudent de l’affirmer tout de go. Si l’on tient compte de leurs points de départ et de leurs ennemis différents, des ponts entre les deux herméneutes ne peuvent être jetés qu’à travers un patient labeur de réflexion. Mais c’est justement ce qui rend le dialogue, à venir, entre les deux penseurs si féconds »176. Visant à dégager la réponse que Gadamer et Ricœur apportent à l’énigme d’autrui, notre thèse s’inscrit ainsi dans la veine des travaux qui les mettent en dialogue177.

Au-delà de leurs différences, émergent déjà certains points communs entre ces deux herméneutiques, points communs qui viennent selon nous justifier que l’herméneutique philosophique puisse nous permettre de penser autrement l’énigme d’autrui. Premièrement, ainsi que nous l’avons déjà dit, elles font travailler ensemble appartenance et distanciation. Il s’agira pour nous de montrer justement comment cette dialectique de l’appartenance et de la distanciation se déploie à la fois chez Gadamer et chez Ricœur et comment elle peut nous permettre de dénouer les fils de l’énigme d’autrui.

Deuxièmement, l’herméneutique philosophique – que ce soit celle de Ricœur ou celle de Gadamer – met en question le primat de la conscience certaine de soi. Cette mise en question est certes moins radicale que chez Levinas pour qui c’est l’autre qui individue le soi. Mais n’est-elle pas, cependant, ce qui permet de jeter ce pont entre soi et autrui qu’évoquait Kearney ? En effet, les herméneutiques de Ricœur et de Gadamer nous

175 Nous faisons ici référence au titre d’un article de Jean Grondin : « De Gadamer à Ricœur. Peut-on parler

d’une conception commune de l’herméneutique ? ».

176 Ibid., p. 62.

177 Nous pensons entre autres à l’article de Jean Grondin précédemment cité, de même qu’à ceux de Francisco

J. Gonzalez « Dialectique et dialogue dans l’herméneutique de Paul Ricœur et de H.-G. Gadamer » et de Marc-Antoine Vallée « La conception herméneutique du langage chez Gadamer et Ricœur » ainsi qu’à l’ouvrage de Daniel Frey, L’interprétation et la lecture chez Ricœur et Gadamer.

permettent de penser le soi dans cet entre-deux : elles nous montrent que le soi est fondamentalement marqué par une ouverture, une ouverture à l’autre.

Troisièmement, ainsi que nous avons commencé à le dégager, se dessine en arrière- fond de ce problème posé par l’énigme d’autrui un enjeu majeur qui est celui de la mise en question du primat de l’ontologie par l’éthique. Or, nous croyons que l’herméneutique philosophique nous permet de penser l’être non plus comme enfermement, anonymat ou intériorité, non plus comme la guerre178, mais plutôt comme étant marqué, là encore, par une ouverture fondamentale. Dès lors, se pose la question de savoir si demeure la nécessité de sortir de l’être pour penser l’éthique.

4.3.2. La place de Levinas

Dans le problème de la relation à autrui est également en jeu la dimension éthique de l’herméneutique. À cet égard, même si, suivant en cela la façon dont Ricœur a posé le problème, nous partons de l’opposition entre Husserl et Levinas, c’est-à-dire entre la position épistémologique et la position éthique, c’est surtout avec la conception levinassienne – conception éthique par excellence – que nous ferons dialoguer les herméneutiques de Ricœur et de Gadamer. C’est notamment en les mettant en contraste avec la position extrême que représente l’éthique levinassienne que nous pourrons en faire ressortir les ressources éthiques.

4.4. La voie vers une réponse à l’énigme d’autrui 4.4.1. Structure

L’intention de cette thèse est donc triple, sachant que ces trois intentions ont comme dénominateur commun l’énigme d’autrui, énigme d’autrui qui constitue véritablement le fil d’Ariane de cette thèse. La première intention est de dégager les réponses ricœurienne et gadamérienne à l’énigme d’autrui. Qui est autrui ? De quel ordre relève d’abord la relation entre soi et autrui : épistémologique (Husserl), ontologique (Heidegger), éthique

178 F.-D. Sebbah écrit à ce propos que « [l]a radicalité du “pessimisme” ontologique de Levinas est

inentamable : l’être, c’est la guerre; “être”, c’est participer, même “malgré soi” mais comme un Moi, à la guerre comme telle impitoyable. On peut bien approcher la question par tous les biais que l’on voudra, nul moyen probe d’atténuer ce “pessimisme” ontologique : la pensée lévinassienne n’est pas, n’est surtout pas, une pensée de l’atténuation » (« C’est la guerre », p. 47).

(Levinas) ? Nous verrons que c’est principalement cette dernière dimension de la relation à autrui – la dimension éthique – qui est en jeu. Et c’est par le biais d’un dialogue avec Levinas que nous chercherons à faire ressortir la dimension éthique de l’herméneutique. Là est la deuxième intention de cette thèse. Évoquer la dimension éthique de l’herméneutique nous conduit finalement à la troisième intention de cette étude : dégager les points sur lesquels les pensées de nos deux auteurs se rejoignent et ceux à propos desquels ils se différencient et voir si des ponts peuvent alors être construits.

Concrètement, nous avons opté pour une analyse en deux parties, la première étant consacrée à Ricœur et la seconde à Gadamer et ce afin de pouvoir élaborer clairement leurs réponses respectives à l’énigme d’autrui. De ce fait, nous nous retrouvons à accorder une