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Nécessité de la morale en raison de la possibilité humaine du mal

Nous voudrions analyser dans ce chapitre la forme que prend la mise à distance de l’autre dans la petite éthique ricœurienne. Pour Ricœur, cette mise à distance, qui se concrétise dans le passage par la norme, est rendue nécessaire du fait de la possibilité humaine du mal. Parce que dans sa visée de la vie bonne avec et pour autrui l’homme peut faillir, il doit recourir à la norme. Sa condition humaine lui ouvre certes les portes de l’éthique, mais elle peut également l’entraîner vers le mal. C’est pour cela que, pour Ricœur, l’éthique appelle la morale, ou, pour le dire autrement que l’éthique appelle un moment de distanciation. Ricœur fait plus que prendre acte des conflits possibles au sein des relations interpersonnelles. Il remonte à la racine même du mal, à la faillibilité humaine. Il nous permet ainsi de penser la zone d’ombre de la sollicitude. Il nous permet de comprendre son envers et donc la nécessité d’en appeler à la norme.

1.1. La possibilité humaine du mal

À l’instar de Levinas, Ricœur reconnaît que la sollicitude s’exerce au sein de relations profondément dissymétriques, dissymétrie dont nous avons vu qu’elle est nécessaire à la préservation de l’altérité d’autrui. Cependant, pour Ricœur, si la situation dissymétrique où l’autre est vulnérable ou souffrant est le lieu même où la spontanéité bienveillante qu’est la sollicitude peut s’exercer, elle est également le lieu d’une inégalité forte entre agent et patient de l’action ouvrant par là même la possibilité à toutes les dérives maléfiques. La dissymétrie est la porte par laquelle la violence peut pénétrer au sein de l’interaction. En effet, le pouvoir-agir qui actualise la spontanéité bienveillante en réponse au besoin d’autrui se trouve également à être pouvoir-sur autrui. Or, nous dit Ricœur, « le pouvoir-sur, greffé sur la dissymétrie initiale entre ce que l’un fait et ce qui est fait à l’autre – autrement dit ce que cet autre subit – peut être tenu pour l’occasion par excellence du mal de violence »493

492 G. Fiasse, « La phronèsis dans l’éthique de Paul Ricœur », p. 356. 493 SA, p. 256.

qui est la diminution ou la destruction du pouvoir-faire d’autrui494. Certes, la sollicitude se présente comme une réponse éthique à la souffrance – le mal subi –, mais elle peut également être le lieu du mal commis, détruisant d’autant plus la capacité d’agir, déjà affaiblie, de l’autre souffrant. L’homme capable, capable de se soucier d’autrui, est aussi homme faillible. « Que veut-on dire, demande Ricœur, quand on appelle l’homme faillible ? Essentiellement ceci : que la possibilité du mal moral est inscrite dans la constitution de l’homme »495. La faillibilité, pour Ricœur, est la « faiblesse constitutionnelle qui fait que le mal est possible »496.

Deux points sont ici à relever quant à la conception du mal que Ricœur nous donne à voir. Premièrement, pour lui, le mal est contingent, le bien étant originaire. Dire que le mal est contingent revient à dire qu’il est le mal d’un bien plus originaire. Il est une déchéance de quelque chose de plus originaire qui caractérise l’homme. Le mal commis est ainsi une dérive de la capacité d’agir du soi qui est, elle, originaire.

Deuxièmement, pour Ricœur, le mal est avant tout le fait de l’agir humain. C’est dans le champ de la pratique que réside le mal plutôt que dans celui de la théorie. Mais Ricœur n’ancre pas le mal dans la pratique, c’est-à-dire dans l’agir humain, de façon arbitraire. Il assume plutôt le fait que le mal représente une limite pour la raison humaine. Selon lui, on ne peut pas expliquer le mal. « Le mal est rencontré comme une donnée inexplicable, comme un fait brut. […] Il y a le mal. Mais je ne sais dire pourquoi »497. La question « pourquoi le mal ? » reste immanquablement sans réponse. Mais renoncer à cette question, renoncer à sonder l’origine du mal, c’est renoncer à faire du mal une catégorie de la théorie pour le faire relever plutôt de la pratique, c’est-à-dire de l’action. Le mal est ce contre quoi on lutte quand on a renoncé à l’expliquer. Pour Ricœur, si on ne peut rien dire de l’origine du mal, si son commencement absolu reste inaccessible à la raison, en revanche, on peut dire que c’est l’homme qui perpétue le mal. L’homme est ainsi en quelque sorte le relais du mal dans la mesure où il trouve le mal toujours déjà là et le perpétue. Par là, Ricœur ancre

494 Dans le même ordre d’idées, Fabienne Brugère, une des tenantes de l’éthique du care, écrit que « agir pour

l’autre à partir de la scène de la vulnérabilité suppose de la disponibilité et un fonds de bienveillance, un authentique souci des autres. En même temps, la dépendance implique une irrémédiable asymétrie qui met en avant un marquage du pouvoir. Finalement l’éthique de la sollicitude est une affaire de conduite à travers des relations déséquilibrées sur lesquelles plane toujours le spectre du pouvoir » (F. Brugère, Le sexe de la

sollicitude, p. 67).

495 P. Ricœur, Philosophie de la volonté. Tome II. Finitude et culpabilité, p. 149 (abrégé PV2). 496 PV2, p. 11.

le mal humain dans la liberté : l’homme fait et donc, paradoxalement, « commence » le mal en le perpétuant. Et si l’homme est le relais du mal, c’est parce qu’il est traversé par une faille dans laquelle le mal peut s’engouffrer. L’homme a une faiblesse qui lui fait perpétrer le mal. Cette capacité d’agir propre au soi n’est jamais totalement assurée. Elle reste toujours fragile.

1.2. La faillibilité humaine : disproportion entre transcendance et finitude

Afin de prendre la mesure de cette faillibilité humaine et comprendre pourquoi elle est le point d’insertion du mal, il faut nous tourner vers un des premiers travaux de Ricœur, à savoir Finitude et culpabilité qui représente la seconde partie de la Philosophie de la volonté. En effet, dans Soi-même comme un autre, Ricœur ne reprend pas en détails ce point qui est pourtant essentiel pour nos propos. Ce qui, de prime abord, peut s’apparenter à un détour va plutôt véritablement nous permettre de comprendre pourquoi le recours à la norme s’avère nécessaire. Il nous faut saisir quelle est cette condition humaine qui tout à la fois ouvre l’homme à l’éthique mais peut également l’entraîner sur la voie du mal, venant par là même justifier le deuxième moment de l’éthique ricœurienne.

Cette faille proprement humaine qui rend le mal possible réside pour Ricœur dans le fait que l’homme est un être de médiation qui a à composer avec deux dimensions antithétiques de son être : la finitude et l’infinitude. L’homme est pris entre son caractère fini et son accès, en même temps, à l’infini. L’homme est composé – Ricœur dira qu’il est mixte498 – de deux pôles qui ne peuvent coïncider. Et c’est entre ces deux pôles que l’homme devra faire médiation. Cette médiation que l’homme a à être entre ses deux pôles – finitude et infinitude – est à l’œuvre à trois niveaux : au niveau transcendantal, c’est-à- dire du penser ; au niveau pratique, c’est-à-dire de l’agir ; et finalement au niveau affectif, c’est-à-dire du sentir, sachant que c’est uniquement à ce dernier niveau, celui du sentiment, que la disproportion pourra être tenue pour irréductible. En effet, Ricœur montre, dans L’homme faillible, qu’aux deux premiers niveaux, la scission initiale peut finalement être réduite. C’est seulement au niveau du sentiment qu’aucune synthèse n’est possible. C’est ainsi à ce dernier niveau que le mal peut s’immiscer.

498 « L’homme n’est pas intermédiaire parce qu’il est entre l’ange et la bête; c’est en lui-même, de soi à soi

qu’il est intermédiaire; il est intermédiaire parce qu’il est mixte et il est mixte parce qu’il opère des médiations. Pour l’homme, être-intermédiaire, c’est faire médiation » (PV2, p. 23).

Ricœur commence son investigation de la disproportion caractérisant l’homme par celle qui est inhérente à son pouvoir de connaître. La finitude propre à notre pouvoir de connaître est à chercher dans la réceptivité. Si la perception est le signe de la finitude, c’est parce qu’elle est toujours point de vue ou perspective. L’objet nous apparaît toujours selon une certaine perspective. La perception est toujours un point de vue sur les choses. Elle est ouverture sur le monde certes, mais ouverture finie car elle ne nous donne jamais qu’une perspective sur le monde. Nous ne percevons jamais d’emblée toutes les facettes de l’objet. Notre ouverture perceptive sur le monde se heurte donc déjà à une limite. Elle ne nous donne pas accès à l’ensemble de l’objet. Ici se tient la finitude de notre pouvoir de connaître. À même l’ouverture réside une fermeture. Nous expérimentons d’abord l’ouverture, mais cette ouverture s’avère vite être confrontation à des limites, aux limites proprement humaines et ainsi nous expérimentons l’ouverture comme ouverture toujours déjà finie. Cependant, si « l’expérience de la finitude se présente d’emblée comme une expérience corrélative de limite », elle implique également le « dépassement de [cette] limite », écrit Ricœur499. Le dépassement réside ici dans la parole signifiante. « Dès que je parle, je parle des choses dans leurs faces non perçues et dans leur absence. […] et cette dicibilité du sens est un continuel dépassement, au moins en intention, de l’aspect perceptif du perçu ici et maintenant »500. La parole permet de dépasser la finitude de la perception en rendant, d’une certaine manière, « présent » ce que la perception ne peut nous donner à voir du fait du caractère perspectiviste qui est le sien.

« Cependant, comme l’analyse Sugimura, la disproportion du connaître n’est pas encore la “faillibilité” dans la mesure où elle se projette et s’oublie dans la synthèse de l’objet »501. En effet, si l’on suit Kant, dans l’ordre du connaître, l’imagination pure sert de terme médiateur entre l’entendement et la sensibilité. L’imagination permet d’unifier sensibilité et entendement dans une synthèse qui s’entend comme objectivité. Cependant, « ce troisième terme n’est pas donné en lui-même, mais seulement dans la chose. […] Autrement dit […], si l’on peut parler de conscience de synthèse ou de la synthèse comme conscience, cette conscience n’est pas encore conscience de soi, n’est pas encore

499 P. Ricœur, « Négativité et affirmation originaire », p. 379. 500 PV2, p. 45.

“homme” »502. On a donc affaire ici à une synthèse sur la chose. « L’objectivité de l’objet n’est pas du tout “dans” la conscience; elle est plutôt en face d’elle, comme cela à quoi elle se rapporte […]; aussi ne préjuge-t-elle aucunement de l’unité réelle de l’homme pour lui- même »503. « La “conscience” n’est pas encore l’unité d’une personne en soi et pour soi; elle n’est pas une personne une; elle n’est personne; le “Je” du je pense est seulement la forme d’un monde pour quiconque et pour tous; elle est conscience en général, c’est-à-dire simple et pur projet de l’objet »504. Ainsi, « [l]a place intermédiaire [de l’homme], c’est d’abord sa fonction de médiateur d’infini et de fini dans les choses »505.

La deuxième étape de l’anthropologie de la disproportion que Ricœur se donne pour tâche réside dans le passage du théorique au pratique. La dialectique finitude-infinitude se concrétise dans ce deuxième moment dans la dialectique entre le caractère et le bonheur. À la finitude du caractère répond l’infinitude du bonheur.

« Que signifie la finitude du caractère ? », demande Ricœur. « C’est l’ouverture finie de mon existence, prise comme un tout »506. La fermeture dans l’ouverture propre au caractère se comprend mieux si l’on prend de nouveau pour guide la conception perspectiviste. En tant qu’homme, mon existence est un ensemble de possibles. Mieux, elle est l’ensemble de tous les possibles. Ne dit-on pas que le champ des possibles est ouvert à l’enfant naissant ? En ce sens, l’ouverture du caractère, c’est mon humanité, humanité qui « fait de tout homme mon semblable »507. Ricœur écrit ainsi que « l’ouverture de mon champ de motivation c’est mon accessibilité de principe à toutes les valeurs de tous les hommes à travers toutes les cultures. Mon champ de motivation est ouvert à l’humain dans son ensemble »508. Mais si toutes les « vertus et les vices », toutes les « valeurs », toutes les « passions » sont accessibles à tous les hommes, chacun les teinte d’une couleur qui lui est propre. Mon caractère, « c’est cette humanité aperçue de quelque part », « c’est la manière inimitable dont j’exerce ma liberté d’homme »509. « Le caractère est l’étroitesse de cette

502 PV2, p. 55. 503 Ibid., p. 56. 504 Ibid., p. 63. 505 Idem. 506 Ibid., p. 75. 507 Ibid., p. 78. 508 Ibid., p. 77. 509 Ibid., p. 78.

“âme entière” dont l’humanité est l’ouverture. Ensemble mon caractère et mon humanité font de ma liberté une possibilité illimitée et une partialité constituée »510.

Qu’en est-il du bonheur maintenant ? « Le bonheur doit être à l’ensemble des visées humaines ce qu’est le monde à l’égard des visées de perception; de même que le monde est l’horizon de la chose, le bonheur est l’horizon à tous égards »511. Le bonheur est la direction qui me sert à orienter mes projets et même plus précisément mon projet existentiel dont mon caractère est le point de départ.

La disproportion entre la finitude du caractère et l’infinitude du bonheur trouve son troisième terme, son terme médiateur dans la personne. La synthèse du bonheur et du caractère, c’est la personne; la personne qui est « le Soi qui manquait à la conscience en général, réciproque de la synthèse de l’objet, au “Je” du Je pense kantien »512. Cependant, écrit Ricœur, « ce second pas ne peut être le dernier tant notre réflexion [est] restée formelle, n’ayant échappé à un formalisme transcendantal que pour entrer dans un formalisme pratique, le formalisme de l’idée de personne »513. En effet, tout comme le moment de fragilité de la conscience, le moment de fragilité de l’humanité n’est pas encore le moment de fragilité par excellence. Il n’est pas encore la disproportion originaire.

C’est plutôt dans le sentiment, le cœur, le thumos que la disproportion irréductible résiderait. Il s’agit, écrit Ricœur, de « comprendre la fragilité de l’homme tout entier par celle du sentiment »514. Dans le domaine du penser et de l’agir, le terme médiateur, le moment de fragilité (imagination transcendantale et respect) se dépassait toujours vers autre chose que lui-même (chose et représentation de la personne). Au contraire, le cœur, le sentiment représenterait la fragilité par excellence, c’est-à-dire une fragilité qui ne se dépasse pas en autre chose, mais est, au contraire, pour soi. L’affection originaire serait ainsi le lieu même de la faillibilité. Le sentiment « rend sensible la dualité de la raison et de la sensibilité qui trouvait dans l’objet un point de repos; il distend le moi entre deux visées affectives fondamentales, celle de la vie organique qui s’achève dans la perfection instantanée du plaisir, celle de la vie spirituelle qui aspire à la totalité, à la perfection du

510 Idem. 511 Ibid., p. 82. 512 Ibid., p. 86. 513 Ibid., p. 87. 514 Ibid., p. 108.

bonheur »515. La disproportion trouve, dans le sentiment, son paroxysme. Pour le cœur inquiet, point de repos. Point de synthèse « totale » possible. Ricœur qualifie encore l’âme du thumos de « désir du désir »516, « désir du désir [qui] est sans fin »517. « Une situation proprement humaine naît dès qu’un désir quelconque est traversé par ce désir du désir; alors la réussite, le succès, demeurent partiels, relatifs à des “tâches” qui se découpent sur un fond de désirabilité non saturée; nous avons du mouvement pour aller plus loin »518. Le désir de bonheur ferme à jamais au soi la porte du repos procuré par la totalité. Entre plaisir et bonheur, la scission est à jamais irréductible. « [C]’est dans cette poursuite indéfinie de la médiation que réside la manière d’exister proprement humaine, à savoir le “soi”, écrit Sugimura »519. Dès les débuts de son anthropologie philosophie, soit 40 ans avant Soi- même comme un autre, Ricœur avait déjà entrevu le caractère brisé du Cogito qui ne peut jamais être envisagé à l’aune d’une totalité520. La visée du bonheur qui est la sienne l’entraîne au contraire au sein d’une dynamique qui fait qu’il ne pourra jamais coïncider avec lui-même. Mais si là, comme nous l’avons vu, réside la possibilité de son ouverture à l’altérité, là réside également la possibilité du mal.

Cependant la possibilité du mal n’est pas encore son effectivité. Le passage de l’une à l’autre se fait par le biais de la faute. La faute qui nous rappelle que « le mal […] s’inscrit en profondeur dans la liberté humaine »521. En effet, c’est par le biais de la liberté que l’on passe de l’anthropologie de l’homme faillible à l’éthique. « Affirmer la liberté, écrit Ricœur, c’est prendre sur soi l’origine du mal »522. Le mal se fait alors « mal-faire-par- moi »523. Mais la faute, le mal-agir n’est pas encore affirmation de liberté. Non seulement, il faut la faute, mais aussi l’aveu de la faute. C’est en reconnaissant être l’auteur de l’acte mauvais que je m’impute cet acte. Par le biais de l’aveu du mal, je me pose comme l’auteur de l’acte et je prends donc conscience de ma liberté. Ainsi, « si la liberté qualifie le mal comme “faire”, le mal est révélateur de la liberté »524. Par le négatif, on retrouve ici ce que,

515 Ibid., p. 148. 516 Ibid., p. 146. 517 Ibid., p. 143. 518 Ibid., p. 143.

519 Y. Sugimura, « L’homme, médiation imparfaite », p. 206.

520 Cela vient encore soutenir le point selon lequel la pensée ricœurienne n’est pas une pensée de la totalité. 521 M. Fœssel, « Le mal comme évènement », p. 40.

522 P. Ricœur, Le conflit des interprétations, p. 422. 523 Idem.

dans le chapitre précédent, nous avions identifié comme le fondement de l’éthique dans la pensée ricœurienne, à savoir la liberté. Si sa liberté permet au sujet de répondre à autrui et d’autrui, elle est aussi la source du mal-commis. Rappelons, à cet égard, ces mots de Ricœur :

Ce qui est absolument premier, c’est ce désir d’être dans un désir de faire qui serait comme l’expression, la marque et la signature de ce pouvoir faire. Le négatif intervient, et certes très primitivement, essentiellement à cause de l’inadéquation ressentie entre le désir d’être et toute œuvre. Par conséquent, c’est le négatif d’un désir, le négatif d’un manque. […] [L]e propre des sentiments, c’est qu’ils expriment dès le départ l’écart entre le désir d’être et toute effectuation. C’est un écart constitutif – je cite Jean Nabert – de la conscience empirique réelle : le « je suis », dit-il, n’est pas un être donné mais identiquement l’acte d’être et celui de valoir et l’acte de ne point être et de ne point valoir. Le sentiment de la faute […] est inhérent à la conscience œuvrante dans son sentiment d’inégalité à sa propre position de liberté. En commençant ainsi, j’ai voulu insister sur l’affirmation originaire525.

1.3. La disproportion entre transcendance et finitude au sein de la relation intersubjective Comment cette disproportion entre transcendance et finitude se traduit-elle au niveau de la relation intersubjective ? Ainsi que Ricœur l’écrit dans « Fondements de l’éthique », il ne s’agit plus de

l’inadéquation de moi-même à moi-même, mais [de] l’opposition d’une liberté à l’autre, l’affrontement dans la sphère de l’action. C’est sans doute ce que Hegel voulait dire lorsqu’il affirmait, dans la dialectique du maître et de l’esclave, que le premier désir, qui est le désir du désir d’une autre conscience, passe par une histoire spécifique, celle de l’esclavage, de l’inégalité, de la