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L’ipséité comme condition de possibilité de la rencontre éthique avec autrui : L’exemple de la sollicitude

L E DIALOGUE DE R ICŒUR AVEC L EVINAS

2. L’ipséité comme condition de possibilité de la rencontre éthique avec autrui : L’exemple de la sollicitude

2.1. La sollicitude

Pour Ricœur, en effet, c’est bien l’ipséité et non la mêmeté qui constitue le socle de la relation éthique à autrui. Et il est possible de voir à l’œuvre cette relation à autrui qui est le fait de l’ipse plutôt que de l’idem dans la dialectique entre l’estime de soi (pôle du soi) et la

242 Idem.

243 P. Ricœur, Temps et récit. Tome III. Le temps raconté, p. 419. 244 P. Ricœur, « La promesse d’avant la promesse », p. 27. 245 Idem.

sollicitude (pôle de l’autre)246 qui est une traduction, au plan phénoménologique, de la dialectique de l’ipséité et de l’altérité (qui, elle, se joue davantage au plan ontologique)247. Qu’est-ce que l’estime de soi ? Au regard d’une vie, l’estime de soi correspond au degré d’accomplissement des idéaux de chacun. C’est la mesure dans laquelle le parcours de vie de quelqu’un correspond à ce qu’il aurait souhaité qu’il soit sachant que cette « mesure » est médiatisée par l’interprétation que chacun en fait. En effet, l’estime de soi n’est pas donnée directement, elle résulte plutôt du travail d’interprétation par l’individu de ses actions, de ses idéaux, de ses réalisations. L’estime de soi, écrit ainsi Ricœur, est « le moment réflexif de la praxis »248. Moment réflexif car c’est par la reconnaissance du fait que ces actions sont bien les nôtres, c’est-à-dire que nous en sommes l’auteur, que l’estime de soi devient possible. Ces actions ne résultent pas de « simples forces de la nature », mais plutôt de notre capacité d’agir intentionnellement, c’est-à-dire de notre capacité d’agir pour des raisons ainsi que de notre capacité d’initiative, c’est-à-dire de notre capacité de commencer quelque chose de neuf dans le monde. Ce moment réflexif de la praxis est ainsi le regard – interprétatif, c’est-à-dire toujours médiatisé – que l’on pose sur les actions et les œuvres de notre vie. C’est par l’interprétation de nos actions que l’estime de soi devient possible. Et, plus précisément, l’estime de soi est un processus réflexif qui passe par l’évaluation de nos actions. C’est en interprétant nos actions à l’aune d’étalons d’excellence, c’est-à-dire de règles de comparaison données par la société, et au regard de nos plans de vie professionnels, familiaux, etc. que l’on en vient à se reconnaître comme un soi digne d’estime. Ainsi, écrit Ricœur, « c’est en évaluant nos actions que nous contribuons d’une façon remarquable à l’interprétation de nous-mêmes en termes d’éthique ». À partir de là, il « propose d’appeler estime de soi, l’interprétation de soi- même médiatisée par l’évaluation éthique de nos actions. L’estime de soi est en tant que telle un processus évaluatif appliqué indirectement à nous-mêmes en tant que soi »249.

246 Il semble pertinent de considérer plus particulièrement le soi dans sa capacité éthique puisque de l’aveu

même de Ricœur « [la dialectique] de l’ipséité et de l’altérité a régné plus complètement sur les trois dernières études », c’est-à-dire sur les trois études de Soi-même comme un autre qui composent la « petite éthique » de Ricœur (SA, p. 345).

247 SA, p. 346 et 368 notamment.

248 P. Ricœur, « Éthique et morale », p. 259.

Cependant, la réflexivité propre à l’estime de soi, nous dit Ricœur, « semble porter en elle la menace d’un repli sur soi, d’une fermeture »250. Risque de voir le soi se muer en moi, en un ego coupé d’autrui. Or, ce qui va prévenir cette dérive égologique, c’est l’appel de l’autre. Appel qui va réveiller l’orientation vers l’autre que le soi porte toujours déjà en lui quand il a en vue le bien vivre au regard duquel il va s’estimer lui-même. Au niveau de l’estime de soi, l’altérité est en effet déjà bien présente sous la forme de sentiments spontanément dirigés vers autrui. Ainsi, si le soi ne se referme pas sur lui-même, si le moi ne prend pas sa place, c’est parce qu’il porte en lui une part d’altérité251 que l’appel de l’autre découvre. Le soi porte déjà en lui cette orientation vers autrui qui prend ici « le beau nom de “sollicitude” »252. La sollicitude agit ainsi toujours de l’intérieur même de l’estime de soi et l’empêche de se muer en une espèce d’amour de soi, d’égoïsme en lui rappelant qu’« une action ne pourrait être estimée bonne, si elle n’était faite en faveur d’autrui, par égard pour lui »253. C’est l’appel de l’autre qui vient contrer la prétention à la toute- puissance de l’ego. Mais si le soi peut entendre cet appel, c’est parce qu’il est fondamentalement toujours déjà pétri d’altérité et donc ouvert à l’autre. Ricœur peut ainsi écrire que « [c]e que la souffrance de l’autre, autant que l’injonction morale issue de l’autre, décèle dans le soi, ce sont des sentiments spontanément dirigés vers autrui »254. Pour Ricœur, l’appel de l’autre est essentiel, mais pour être reçu, il faut que le soi ne soit pas totalement fermé sur lui-même. Seul un soi potentiellement déjà ouvert à autrui peut réellement accueillir l’autre et lui répondre. Ici se fait jour un premier point de discorde entre Ricœur et Levinas. En effet, pour Levinas, c’est plutôt l’autre qui vient fracturer le monde clos du soi, le faisant par là-même entrer dans la sphère de l’éthique. Aucun soi ne se tient, au préalable, ouvert à lui, potentiellement prêt à l’accueillir255. Précisons.

250 SA, p. 212.

251 D’ailleurs, il convient de remarquer avec Ricœur que « [d]ire soi n’est pas dire moi. Soi implique l’autre

que soi, afin que l’on puisse dire de quelqu’un qu’il s’estime soi-même comme un autre » (P. Ricœur, « Éthique et morale », p. 260).

252 P. Ricœur, « Éthique et morale », p. 258. 253 SA, p. 222.

254 Ibid., p. 224, nous soulignons.

255 À cet égard, dans son analyse du film des frères Dardenne, Marlène Zarader nous semble parfois faire une

lecture plus levinassienne que ricœurienne. Elle insiste en particulier sur le fait que l’autre – qui prend d’ailleurs la figure de l’étranger – vient faire « effraction » – vocabulaire plus levinassien que ricœurien – dans la sphère du soi. Dans la lecture qu’elle en fait, il semble donc que ce soit l’étranger qui vienne ouvrir le soi à lui-même, alors que, pour Ricœur, le soi est déjà ouvert à l’autre et, pour cette raison même, est capable d’entendre son appel.

2.2. Figure(s) levinassienne(s) du sujet : de l’ego au moi.

De prime abord, il apparaît que, chez Levinas, le Moi n’est pas d’abord tourné vers l’autre, ouvert à l’autre. Au contraire, chez lui, dans son monde de jouissance, il n’est tourné que vers lui-même et, en ce sens, fermé à autrui. Le sujet qui prévaut à la rencontre avec autrui est un sujet caractérisé par l’égoïsme. On a affaire à un sujet qui cherche à affirmer son identité et qui le fait par la médiation du monde. Dans la possession du monde, dans la jouissance du monde, le Moi fait sien ce qui auparavant était extérieur. Assimilation de l’altérité du monde pour mieux coïncider avec lui-même. Dans la jouissance du monde par le Moi s’opère un revirement de l’altérité du monde en identification de soi. Identification du Même qui définit le concret de l’égoïsme. Égoïsme qui doit cependant, pour Levinas, être entendu dans un sens positif dans la mesure où il traduit l’indépendance du Moi, son autonomie. En effet, il faut un Moi pour rencontrer autrui. Ce Moi, même s’il n’est pas encore le moi au sens plein du terme chez Levinas256, c’est-à-dire le moi éthique, marque déjà une sortie du moment impersonnel, de l’être en général, au sein duquel aucune rencontre n’est possible. La jouissance rend le Moi définitivement indépendant. Cependant, cette jouissance, cette possession des choses qui permet au moi de se détacher du fond de la neutralité pour s’affirmer, nécessite qu’il se retire en sa demeure, demeure qui marque le recueillement, le repli sur soi et donc la séparation.

Mais, pour Levinas, cette séparation est essentielle dans la mesure où elle est une condition de possibilité de la rencontre du visage. « Le Même et l’Autre à la fois se tiennent en rapport et s’absolvent de ce rapport, demeurant absolument séparés. L’idée de l’Infini demande cette séparation. La métaphysique s’efforcerait de supprimer la séparation, d’unir. Concevoir la séparation comme déchéance ou privation ou rupture provisoire de la totalité, c’est ne pas connaître d’autre séparation que celle dont témoigne le besoin »257. La rencontre d’autrui ne peut se faire qu’avec un moi indépendant, qu’entre deux êtres que rien

256 À propos du « moi » et de l’ambiguïté qu’il y a même à le dire, Levinas écrit : « Mais quel embarras du

langage ou quelle ambiguïté dans le moi ! Voilà que nous parlons du moi comme d’un concept alors que dans chaque moi la “première personne” est unicité et non pas individuation d’un genre. Le moi, si on peut dire, est

moi, non pas là où on parle de lui, mais là où il parle à la première personne : moi s’évadant du concept

malgré le pouvoir que le concept reprend sur lui dès qu’on parle de cette évasion, de cette unicité, de cette élection » (E. Levinas, « Diachronie et représentation », p. 175, note 1).

257 TI, p. 104. Et encore, toujours dans Totalité et infini : « Pour avoir l’idée de l’Infini, il faut exister comme

séparé. L’idée de l’Infini, c’est la transcendance même. Si la totalité ne peut se constituer, c’est que l’Infini ne se laisse pas intégrer. Ce n’est pas l’insuffisance du Moi qui empêche la totalisation, mais l’infini d’Autrui » (p. 78).

ne relie et qui ne peuvent donc pas être pensés à l’aune d’une totalité, qui échappent à la totalité. Dans l’ordre du Même, autant d’ailleurs, chez Levinas que chez Ricœur, le moi a besoin de l’autre, de l’autre du monde, de l’autre que le moi fait sien en se repliant toujours sur soi. Cependant, la rencontre d’autrui, du visage ne peut pas ressortir à une telle relation, c’est-à-dire d’une relation marquée par le besoin car une telle relation implique l’assimilation de l’autre au Même. Le moi et l’autre ne doivent plus être dans cette relation de besoin qui, immanquablement, entraîne une intégration de l’altérité annihilant en partie son caractère d’altérité. La séparation marque au contraire la non-dépendance à autrui, le fait que le moi pré-éthique n’est pas déjà en rapport avec lui. « La séparation radicale entre le Même et l’Autre, écrit Levinas, signifie précisément qu’il est impossible de se placer en dehors de la corrélation du Même et de l’Autre pour enregistrer la correspondance ou la non-correspondance de cet aller à ce retour. Sinon, le Même et l’Autre se trouveraient réunis sous un regard commun et la distance absolue qui les sépare serait comblée »258.

Cette exigence de séparation peut être mieux comprise en faisant référence à l’idée de l’infini, idée de l’infini qui est en quelque sorte le mode de la relation à autrui, mode inverse de celui de l’intentionnalité, ou même plutôt hors l’intentionnalité259. Idée de l’infini qui repose sur une rupture avec la totalité et donc sur la séparation. En effet, lors de la rencontre avec autrui, ce que le visage exprime, c’est l’infini, c’est-à-dire ce qui ne peut être englobé, ce qui ne peut être totalisé, ce qui ne peut être thématisé ou conceptualisé. L’absolument autre est ce qui déborde la pensée. Extériorité car en-dehors de toute totalité, car autrement que la totalité. Dès la préface de Totalité et Infini, Levinas écrit qu’« on peut remonter à partir de l’expérience de la totalité à une situation où la totalité se brise, alors que cette situation conditionne la totalité elle-même. Une telle situation est l’éclat de l’extériorité ou de la transcendance dans le visage d’autrui. Le concept de cette transcendance […] s’exprime par le terme d’infini. […]. [Et] dans l’idée de l’infini se pense

258 TI, p. 24. Et encore : « La séparation ne se réduisant pas à un simple pendant de la relation, la relation avec

Autrui n’a pas le même statut que les relations offertes à la pensée objectivante et où la distinction des termes en reflète aussi l’union. […] Les termes en demeurent absolus malgré la relation où ils se trouvent » (TI, p. 197).

259 « L’idée de l’infini n’est pas une intentionnalité dont l’Infini serait l’objet. […] [L]’intentionnalité qui est

l’ouverture de la pensée sur le thème, ne déborde pas ce thème. Elle ne consiste pas à penser plus que ce qui est pensé en elle. […] L’infini n’est donc pas le corrélatif de l’idée de l’infini comme si elle était une intentionnalité » (E. Levinas, « Transcendance et hauteur », p. 103).

ce qui reste toujours extérieur à la pensée »260. L’idée de l’Infini met en échec l’intentionnalité, c’est-à-dire le « mode » ou la « façon » de la connaissance. En effet, « [l]’idée de l’infini consiste précisément et paradoxalement à penser plus que ce qui est pensé en le conservant cependant dans sa démesure par rapport à la pensée. L’idée de l’infini consiste à saisir l’insaisissable en lui garantissant cependant son statut d’insaisissable »261. Ce qui est pensé (l’infini) ne rentre pas dans l’idée que l’on a de lui. Ce qui est pensé dépasse l’idée que l’on peut en avoir262. Or, pour être en mesure d’être mis en question par ce qui le dépasse, il faut que le moi soit séparé, fermé. Il faut que le moi soit séparé pour qu’autrui puisse, comme extériorité absolue, venir le mettre en question. Pour Levinas, seul un étranger, au sens fort du terme, c’est-à-dire quelqu’un qui ne partage rien avec moi, peut briser la conscience de soi centrée, tournée sur elle-même et l’ouvrir véritablement à elle-même, c’est-à-dire à son unicité. Cet étranger, c’est le visage. C’est autrui.

Autrui ébranle le sujet – conscience, conscience de…, conscience de soi – en l’interpelant, c’est-à-dire en lui enjoignant la responsabilité. Assignation à responsabilité qui est une injonction à répondre d’autrui, à être responsable d’autrui et ce, avant même d’avoir fait quelque chose. Nous aurons l’occasion de discuter en détails la teneur de cette responsabilité, mais on peut déjà dire que c’est une responsabilité qui est imposée de l’extérieur au sujet. Une responsabilité qui ne s’ancre pas dans la liberté du sujet mais la précède au sens où elle en est l’origine. C’est dire que cette responsabilité incombe au sujet alors qu’il ne l’a pas voulu, pas choisi, pas décidé. Responsabilité qui a alors l’apparence d’un fardeau. Pourtant il n’en est rien. « La subjectivité, en tant que responsable, écrit Levinas, est une subjectivité qui est d’emblée commandée; en quelque manière l’hétéronomie est ici plus forte que l’autonomie, sauf que cette hétéronomie n’est pas un esclavage, n’est pas un asservissement »263. En effet, la responsabilité, pour Levinas, est ce qui structure la subjectivité. C’est par la responsabilité pour autrui qui lui est imposée que le sujet advient à lui-même, qu’il s’individue comme « sujet » éthique. Que cet appel, ce

260 p. 9-10.

261 E. Levinas, « Transcendance et hauteur », p. 103.

262 Levinas s’est inspiré ici de la conception cartésienne de l’Infini. Voir, entre autres, « La philosophie et

l’idée de l’infini » dans En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, p. 238-239. Également, « Transcendance et hauteur », p. 104.

commandement à responsabilité ne soit pas un asservissement, Levinas s’en explique de la façon suivante : c’est « comme si certaines relations purement formelles, quand elles se remplissent de contenu, pouvaient avoir un contenu plus fort que la nécessité formelle qu’elles signifient. A commandant B est une formule de la non-liberté de B; mais si B est homme et A est Dieu, la subordination n’est pas servitude, au contraire, c’est un appel à l’homme »264. Commandement, certes, mais commandement d’amour265. « Aime ton prochain ». Ordre d’aimer. Levinas évoque ainsi « la relation à autrui qui, amour, charité, miséricorde portée sur la responsabilité, est soucieuse d’autrui et, ainsi, de l’autre dans son unicité – souci qui est la nouveauté même de l’humain dans l’économie de l’être […] »266. Ordre, commandement qui relève ainsi plus de l’« élection » – concept essentiel sur lequel il faudra nous arrêter – que de la subordination. Levinas précise ainsi que

[l]a conscience de responsabilité d’emblée obligée n’est certes pas au nominatif, elle est plutôt à l’accusatif. Elle est « ordonnée », et le mot « ordonner » est très bon en français : quand on devient prêtre, on est ordonné, mais en réalité on reçoit des pouvoirs. Le mot « ordonner » en français signifie à la fois avoir reçu l’ordre et être consacré. C’est dans ce sens-là que je peux dire que la conscience, la subjectivité n’a plus dans sa relation à l’autre la première place267.

L’autre, plutôt, a la première place. Inversion. C’est ce que traduit le fait que le « sujet » soit celui qui ait à répondre – à répondre d’autrui. En ce sens, le sujet ne s’entend plus au nominatif – comme « je » – mais à l’accusatif – comme celui qui répond « Me voici! » au commandement d’autrui. « Me voici! », deux mots qui individuent le « sujet » plus que tous

264 Et encore dans Autrement que savoir : « Je ne suis pas du tout effrayé par l’impératif. L’impératif peut être

déformé par les relations humaines, par l’autorité humaine, par le fait que ce n’est pas le bien qui vous commande. Ce qui vous commande n’est peut-être pas d’emblée ce devant quoi l’homme s’incline. Mais nous avons parlé aujourd’hui encore de la manière dont on peut s’incliner sans être humilié. Ou obéir sans être esclave. Je pense que, du point de vue formel, évidemment, lorsque A commande B, B est esclave de A, mais il s’agit de savoir qui est A. C’est-à-dire quel est le contenu de cette relation formelle. Elle ne résiste pas à certains contenus ! C’est à partir de la qualité de l’impératif que l’ordre peut être reconnu comme ordre du bien » (p. 82).

265 Même si, par ailleurs, Levinas évite d’avoir recours à ce mot, trop galvaudé selon lui. Ainsi, dans

Autrement que savoir, Levinas parle de « ce mot trop beau ou trop pieux ou trop vulgaire » (p. 75). Et, plus

loin, il dit : « L’une des raisons pour lesquelles j’hésite quand même beaucoup à parler de l’amour, c’est l’usage abusif ou séducteur de ce terme. C’est aussi son ambiguïté, et même son caractère d’“équivoque” » (p. 77).

266 Autrement que savoir, p. 62.

267 EN, p. 121. Et encore dans Autrement que savoir : « […] voici que le moi jusqu’alors intéressé peut

répondre de l’autre, comme s’il y était appelé et élu, et par là précisément moi et unique. N’a-t-il pas entendu la parole de Dieu ? Dieu vient là à l’idée. Il ordonne le moi comme moi, comme allégeance à autrui, dans cet ordre d’aimer que l’amour seul peut donner ; amour comme commandement d’aimer remettant en question l’antique opposition de l’amour et de l’ordre ! » (p. 81).

les nominatifs parce que le moi qui répond à l’autre, qui répond de l’autre, c’est moi et pas un autre. Ainsi, le moi se trouve ou se découvre véritablement comme subjectivité dans la relation éthique, relation éthique marquée par la responsabilité. Le moi est véritablement soi dans le pour l’autre. Personne ne peut répondre à ma place à l’appel qu’autrui me lance. Personne ne peut se substituer à moi. Responsabilité, unicité qui font du moi un sujet. « L’identité éthique, écrit Calin, identifie le moi parce qu’elle le réduit à soi, à ce qu’il est vraiment parce qu’il est le seul à l’être – c’est-à-dire un moi responsable d’autrui »268.